Le Cinéma d'animation - Encyclopaedia Universalis - E-Book

Le Cinéma d'animation E-Book

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Un dossier de référence sur le cinéma d'animation

À partir de quarante articles tirés de l’Encyclopaedia Universalis, ce dossier Universalis propose l’exploration d’un domaine d’une grande richesse, le cinéma d’animation. L’expression évoque aussitôt la star planétaire Mickey Mouse et son génial inventeur, Walt Disney.
Mais le cinéma d’animation, c’est aussi un formidable lieu d’expérimentation, un laboratoire de formes qui, en Europe centrale, au Japon et en France, notamment, a su tirer profit des innovations techniques et du numérique. Plus que jamais présent à travers les créations du studio Aardman ( Chicken Run) ou de Miyazaki ( Princesse Mononoké, Le vent se lève), il reste un art vivant et d’une formidable inventivité.

Un ouvrage conçu par des spécialistes du domaine pour tout savoir sur le sujet !

A PROPOS DES DOSSIERS D’UNIVERSALIS

L’Encyclopaedia Universalis propose des dossiers complets sur des thématiques spécifiques pour développer et approfondir ses connaissances. Grâce à un index détaillé qui analyse avec précision le contenu des articles et multiplie les accès aux sujets traités, le lecteur peut effectuer aisément une recherche ciblée et naviguer à travers ces dossiers de référence.

A PROPOS DE L’ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS

Reconnue mondialement pour la qualité et la fiabilité incomparable de ses publications, Encyclopaedia Universalis met la connaissance à la portée de tous. Écrite par plus de 7 400 auteurs spécialistes et riche de près de 30 000 médias (vidéos, photos, cartes, dessins…), l’Encyclopaedia Universalis est la plus fiable collection de référence disponible en français. Elle aborde tous les domaines du savoir.

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Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

ISBN : 9782341007313

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

Photo de couverture : © Ponsulak/Shutterstock

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Bienvenue dans ce dossier, consacré au Cinéma d'animation, publié par Encyclopædia Universalis.

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Le cinéma d’animation

Introduction

La représentation symbolisée, suggérée ou réalisée du mouvement apparaît comme une tentation constante des arts plastiques. Des siècles de simulacre magique (comme les peintures rupestres datant de la préhistoire et représentant des animaux à huit pattes, comme saisis en pleine course), de théâtre d’ombres ou de spectacle de projection confirment la persistance du vieux rêve humain de donner le mouvement à des images.

Mais la détermination des principes originaux de l’animation est plus spécialement liée aux recherches consacrées à la décomposition et à la synthèse visuelle du mouvement.

Le terme d’animation définit toute composition de mouvement visuel procédant d’une succession de phases calculées, réalisées et enregistrées image par image, quel que soit le système de représentation choisi (dessin animé, sur cellulo, marionnette articulée, dessin sur pellicule, animation d’éléments découpés), quel que soit le moyen de reproduction employé (lithographie, photochimie, enregistrement magnétique, traduction en information numérique pour ordinateur), quel que soit enfin le procédé de restitution du mouvement (feuilletoscope, couronne de prismes du Praxinoscope, projecteur cinématographique, magnétoscope, console graphique d’ordinateur).

Liés au développement de l’imagerie de reproduction cinématographique et de l’illustration caricaturale des journaux quotidiens (cartoons éditoriaux, dessins humoristiques, bandes dessinées), les premiers grands débuts de l’animation vont confirmer le triomphe de la caricature que la diffusion de l’estampe par le journal avait inauguré au XIXe siècle.

De 1917 à 1935, les progrès des techniques de réalisation puis de reproduction (le son en 1927, la couleur en 1932) renforcent l’association du dessin animé et des formes du dessin caricatural imprimé en les adaptant aux exigences de la technique du dessin animé sur cellulo qui autorisait le développement d’une production rationnellement organisée et la recherche d’un public de masse. En fait, la quasi-totalité du monde a, pendant des décennies, compris et apprécié les animated cartoons américains.

Le caractère populaire de cette imagerie prolonge jusqu’au milieu du XXe siècle l’étonnement provoqué par les débuts de l’imagerie chromo-lithographique de la fin du XIXe siècle.

Après la Seconde Guerre mondiale, les canons caricaturaux du dessin animé américain cessent d’être dominants.

En 1956, le bouleversement des conditions de production et de diffusion, dû au développement de la télévision va inciter les nouveaux venus à accentuer consciemment toutes les occasions de rupture avec les standards formels, thématiques et dynamiques de l’animation. Dans les domaines de l’affiche, de la caricature, de l’illustration de magazine ou de livre, et de la peinture, l’accélération des communications graphiques a développé les formes virulentes d’imagerie compétitive qui, au début des années soixante, vont s’installer dans le champ de l’animation. Dans ce nouveau jeu placé sur un terrain nouveau également, c’est par vagues successives que les principes novateurs (animation sur fonds unis ou blancs, animation de « collages », réduction linéaire des personnages, animation de textures picturales, etc.) sont repris et amplifiés. Avec cette recherche volontaire de la singularité instrumentale, thématique et formelle, , le cinéma d’animation se trouve pris dans un mouvement de formalisation croissante, défini par des cycles de mode, qui aboutit à une usure accélérée des modèles, des styles et des procédés.

Cependant, le développement des moyens électroniques dans les années soixante-dix, en préparant l’apparition de méthodes nouvelles de composition et de production artistique qui entraînent des formes de curiosité et de sensibilité différentes, a modifié cet état de choses. Il a notamment conduit à la création de nouveaux studios (Ghibli au Japon, Aardman en Grande-Bretagne), et à une réduction de l’écart entre production industrielle et création d’auteur. En témoigne le succès rencontré par Miyazaki Hayao (Princesse Mononoké, 1997 ; Le Voyage de Chihiro, 2001) ou par Nick Park (ChickenRun, 2000). L’avènement de l’image de synthèse, lui, ouvre la voie à des œuvres d’une grande originalité (Toy Story, de John Lasseter, 1996), tout en favorisant la rencontre entre images réelles et images électroniques (The Mask, de Charles Russell, 1995). La fin des années 1990 est ainsi marquée par une transformation profonde du marché du cinéma image par image. Alors qu’elle regroupait quelques milliers de professionnels dans les années 1950, l’industrie mondiale de l’animation en compte plus de 50 000 au début du troisième millénaire.

1. Histoire et tendances

Les observations et les expériences du physicien Joseph Plateau (1801-1883) sur la persistance rétinienne ont préparé les techniques d’analyse et de reconstitution d’un mouvement visuel à partir d’une succession d’images fixes. La photographie n’étant pas encore capable de fournir les instantanés successifs qui ont permis la mise au point du cinéma, c’est d’abord l’idée d’une analyse et d’une synthèse graphique du mouvement qui va se développer. Des appareils à lecture directe du mouvement vont porter le nombre des phases utilisées de seize (Phénakistiscope de Plateau, 1832) à vingt-six et même cinquante (Zootrope de Horner, 1834). Émile Reynaud, pour son Théâtre optique (1888), allonge indéfiniment la bande porteuse d’images, traçant et coloriant lui-même jusqu’à sept cents poses successives pour réaliser les premières projections d’animation de l’histoire des arts visuels. Entre 1892 (c’est-à-dire trois ans avant la naissance du cinéma !) et 1900, il sera le propre projectionniste de ses créations (Un bon bock ; Autour d’une cabine ; Pauvre Pierrot), lié par un contrat draconien au musée Grévin de Paris.

• Naissance du cinéma d’animation

Dès 1905, Segundo de Chomon utilise le film et une caméra à manivelle (qui ne permet pas encore d’isoler des images uniques) en animant des lettres et des motifs dessinés par groupes de trois à huit images. L’art de l’animation ne naîtra qu’à partir du moment où l’on pourra filmer image par image, en un seul tour de manivelle (le fameux « one turn, one picture» américain).

Ce sont les progrès de l’imagerie de reproduction industrielle américaine qui vont permettre à l’animation de se développer en tant qu’art et technique particulière. En 1895, les débuts du cinéma coïncident avec ceux de l’illustration dans les journaux quotidiens (suppléments illustrés, bandes dessinées). Le cinéma d’animation et plus spécialement le dessin animé vont réunir dans un même procédé les conquêtes graphiques du dessin imprimé et les promesses du cinématographe. Les premiers cinéastes d’animation sont tous des caricaturistes de presse : James Stuart Blackton aux États-Unis, qui, dès 1906, trace sur un tableau noir deux portraits qui semblent s’animer (Humorous phases of funny faces), Émile Cohl en France, le premier à dessiner une suite de dessins qui forment un film de deux minutes (Fantasmagorie, 1908), Anson Dyer en Grande-Bretagne ou Victor Bergdhal en Suède. Windsor McCay, cartoonist new-yorkais glorieux, qui voyait dans l’animation un art original, pousse le contrôle du mouvement et du dessin à un point qui n’a pas été dépassé (Little Nemo,1911;Gertie le dinosaure,1914, a Trained Dinosaur, 1909).

• Débuts de l’animation industrielle

Après 1913, Raoul Barré, John Randolph Bray fondent les premiers grands studios organisés où les méthodes de production se précisèrent. L’invention des barres à tenon permettant l’animation sur papier, l’utilisation du cellulo transparent, brevetée par Bray et Hurd en 1915 et qui permet de séparer le décor des personnages, vont faciliter une division du travail et une concentration des talents qui se traduisent d’abord par une augmentation quantitative de la production. Les premières séries apparaissent, centrées sur des personnages originaux : Colonel HeezaLiar, BobyBumps (1914) de Bray, ou sur des héros de bandes dessinées : Mutt and Jeff (1916) de Charles Bower et Raoul Barré, Jerry on the Job (1916), Katzenjammer Kids, The Crazy Cat (1917).

Les progrès des moyens de tournage et de l’animation, en favorisant le dynamisme proprement graphique et visuel des films, vont aider l’animation à se développer suivant des voies qui lui sont propres, aboutissant à la vitalité exemplaire du Koko the Clown (1915) de Dave et Max Fleischer, comme à l’énergie picaresque et chorégraphique des Farmer Al Falfa (1919) et des Æsop’s Fables (1921) de Paul Terry. En 1919, Pat Sullivan et Otto Mesmer lancent un personnage qui deviendra, en 1921, Félix le chat : premier personnage dessiné universellement apprécié, c’est l’archétype de tous les personnages animés jusqu’en 1940 (de Crazy Cat à Mickey Mouse) et il oriente les animateurs vers de nouveaux types de héros personnalisés et des formes inédites de fantaisie idéographique.

• L’âge classique de l’animated cartoon

Avec Walt Disney, la rude imagerie caricaturale, chorégraphique et animalière des prédécesseurs se plie à des formes plus élaborées de cocasserie et de gentillesse pastorale qui caractérisent les séries Mickey Mouse (qui naît en 1928 dans Steamboat Willie, premier cartoon sonore) et Silly Symphonies (1929). L’apparition du son entraîne une priorité euphorique du tempo musical (sous l’influence de Ub Iwerks qui prolongera cette tendance dans sa série Flip the Frog, 1930). L’entrée de la couleur en 1932 enrichira encore la vitalité dynamique et symbolique de l’univers disneyen en soulignant le goût campagnard qui le détermine.

Grâce à une technique et à une organisation rigoureuse, les ateliers de Disney pourront lancer une galerie de personnages très populaires : Mickey (1928), Pluto (1930), Goofy (1935), Donald Duck (1936), et tirer du cinéma dessiné toute sa puissance spectaculaire. Assumées par une pléiade de réalisateurs, d’animateurs et de décorateurs de premier ordre, les productions de Disney ont imposé au dessin animé un éclat homogène et des modèles graphiques, mimiques et rythmiques qui, pendant vingt années, serviront de modèles aux animateurs du monde entier. Après 1936, les ateliers de Disney, devenus des usines modèles, parviendront à produire ce que l’on croyait jusqu’ici impossible : des longs-métrages rentables en dessin animé (Blanche-Neige et les Sept Nains, 1937 ; Pinocchio, 1940 ; Bambi, 1942, etc.).

À partir de 1928, les dessins animés sont devenus un élément indispensable du spectacle cinématographique. Les grandes compagnies de production ouvrent à Hollywood leur propre département d’animation. Hugh Harman et Rudolph Ising parviennent seuls à égaler occasionnellement la fantaisie et la musicalité maîtrisée des œuvres disneyennes avec leurs séries Looney Tunes (1930) et MerrieMelodies (1931), produites pour la Warner, ou les Happy Harmonies, réalisées aux nouveaux studios de la M.G.M. fondés en 1934.

• Recherche du paroxysme

La grande dépression économique des années trente puis la Seconde Guerre mondiale vont conduire les animateurs américains à accentuer la force burlesque aux dépens des formes de fantaisie hiéroglyphique venues de la première époque en noir et blanc, aux dépens de l’allégresse tempérée caractérisant la tradition disneyenne. Avec des personnages comme Betty Boop (1930) ou Popeye (1933) animés par Dave et Max Fleischer ; sous l’influence de Ben Hardaway, Frank Tashlin, Isadore Freleng, Fred (Tex) Avery, Charles Jones et Robert Clampett, à la Warner ; avec des personnages comme Porky Pig et Beans (1936), Daffy Duck (1937) ou Bugs Bunny (1940) dans les séries MerrieMelodies et Looney Tunes... s’accroissent le degré de folie métaphorique, pantomimique et vocale des personnages comme la violence du traitement visuel. Pour la Universal, Walter Lantz (et Ben Hardaway, Alex Lovy, Shamus Culhane) lancent un pivert « survolté » et bavard, Woody Woodpecker (1940), et une série de Swing Symphonies (1941) qui doteront la folie contagieuse de l’animated cartoon de la force rythmique qui lui manquait encore. À la M.G.M., à partir de 1942, Tex Avery va pouvoir déployer son goût pour les traitements « explosifs », tournant en dérision les stéréotypes de la vie américaine, du cinéma et même du dessin animé, avec un sens des trouvailles énormes soutenu par une remarquable rigueur de développement.

Dans leur série Tom and Jerry (1940), réalisée pour la M.G.M., William Hanna et Joe Barbera résument toutes les tendances modérées ou corrosives de l’animated cartoon, donnant au système « poursuite chien-chat-souris » son aspect définitif. Après la Seconde Guerre mondiale, l’équilibre financier de l’industrie du dessin animé, comme celui du cinéma, a été modifié par l’état nouveau des communications. À la Universal, Tex Avery et Alex Lovy parviennent encore à maintenir la force agressive de la série Chilly Willie à force de hiératisme et d’économie superbement contrôlée. Dernier représentant magistral du cartoon caricatural classique, Charles (Chuck) Jones tire quelques éclats inédits de la forme usée des poursuites animales (Bip Bip et le coyote, 1956 ; Sam and Ralph, 1954). De nouveaux styles et de nouveaux genres se développent tandis que le cartoon classique disparaît lentement – plus lentement cependant qu’on aurait pu le croire.

• Tendances européennes

Pendant que quelques ateliers européens essaient vainement d’égaler la perfection technique et humoristique de l’animation américaine, des créateurs isolés, persuadés qu’en matière de dessin animé caricatural l’Europe ne fera rien de mieux que les animateurs d’Hollywood, tentent de trouver autre chose en introduisant dans le cinéma d’animation leur exigence de peintre, de graveur ou d’illustrateur. En 1930, Berthold Bartosch anime dans l’Idée, à l’aide de transparences brumeuses, les formes puissantes et tragiques de Franz Masereel. Sur un instrument original, l’écran d’épingles, Alexandre Alexeieff et Claire Parker parviennent à animer les qualités de la gravure dans Une nuit sur le mont Chauve (1933). Les fonds crayonnés et les personnages longilignes de La Joie de vivre de Hector Hoppin et Anthony Gross ouvrent, dès 1935, les voies d’un graphisme personnel appliqué à la technique du dessin animé sur cellulo. En U.R.S.S., de jeunes peintres et dessinateurs abordent l’animation sans abandonner ni leurs recherches graphiques originales, ni les savoureux excès du dessin populaire (Tsekhanovski : La Poste, 1930 ; Khodatayev : Organchik, 1932 ; Ivanov Vano : Conte du petit tsar Dourandaï, 1934).

La Première Guerre mondiale avait consacré le quasi-monopole américain du cinéma d’animation, la seconde va l’abolir en favorisant la multiplication des centres de production d’abord européens puis mondiaux, en suscitant une diversification décisive des styles. John Halas et Joy Bachelor en Grande-Bretagne, Paul Grimault en France (Le Voleur de paratonnerre, 1945 ; Le Petit Soldat, 1947 ; La Bergère et le Ramoneur, 1953) échappent les premiers à la tyrannie des canons caricaturaux et rythmiques du dessin animé américain. En prenant la tête des studios d’animation de Prague, le peintre et illustrateur Jiří Trnka pousse la simplification graphique et la justesse caricaturale à un degré insolent d’économie et de nouveauté : Le Cadeau (Darek), 1946. Tous les progrès de l’école tchèque tiennent à une conjugaison originale du talent des réalisateurs (Eduard Hoffman, Jiří Brdecka, Josef Kabrt, Zdenek Miler) et de celui des créateurs plastiques (Lhotac, Freiwilig, Seydl ou encore Zdenek Miler).

Jiri Trnka. Rares sont les cinéastes dont le nom est synonyme d'un genre qu'ils semblent incarner. Comme pour Walt Disney ou Mack Sennett, il en est ainsi pour Jiri Trnka qui, depuis la disparition de Ladislas Starevitch, évoque à lui seul, ou presque, le film de marionnettes. Héritier d'une tradition familiale (sa grand-mère fabriquait des figurines), initié dès l'enfance au théâtre de marionnettes, il est ensuite décorateur de scène avant de trouver sa voie au cinéma. L'Année tchèque, Le Rossignol de l'empereur de Chine, Le Prince Bayaya, Le Songe d'une nuit d'été, etc., sont autant de chefs-d'œuvre d'un art raffiné et minutieux pour lequel Trnka n'a pas eu de véritable successeur. (Erich Lessing/ AKG)

Dès 1944, le groupe américain de la United Production of America, sous l’impulsion de John Hubley, introduit dans le dessin animé caricatural les enrichissements de la peinture et de l’illustration (Flat Hatting, 1946 ; Rag Time Bear ; RootyTooToot, 1952). Avec Pete Burness (Mr. Magoo), William Hurtz (The Unicorn in the Garden, 1952), Ted Parmelee et Robert Cannon (Gerald Mac BoingBoing, 1950 ; Fudget’s Budget, 1954) la science hollywoodienne de l’animation se trouve rénovée par un recours à la couleur pure et au dessin fortement stylisé.

Les écoles nationales ne vont plus cesser de se multiplier en accélérant la diversification plastique du dessin animé : à partir de 1952 au Canada, autour de Norman McLaren (Colin Low, Wolf Kœnig, Grant Munro, Robert Verrall) ; vers 1956 en Yougoslavie (Vatroslav Mimica : Un solitaire, 1957 ; Dušan Vukotić : Concerto pour mitraillette, 1958, Vlado Kristl : Don Quichotte) ; en Pologne, en Hongrie, en France, en Italie, en Argentine, à Cuba...

En U.R.S.S., la réorganisation des arts soviétiques et leur bureaucratisation en 1932 avait entraîné la centralisation des studios et leur orientation obligatoire vers les auditoires enfantins, emprisonnant pendant vingt ans l’animation soviétique dans les limites étroites d’une fantaisie vertueuse et appliquée. Il faut attendre 1953 pour que les réalisateurs osent quelques schématisations et montrent une allégresse moins scolaire (Diojkine et Pastchenko : Le Petit Chat désobéissant, 1953 ; Le Match extraordinaire, 1955 ; Alexandre Ivanov : La Merveille, 1957), et tentent un renouveau graphique (Romane Davidov, Fedor Hitrouk). Contrariant la priorité absolue du dessin animé industrialisé (Anatole Karanovitch), ils aboutissent à une brillante et composite adaptation des Bains de Maïakovski (1961) par Youtkevitch et Karanovitch.

• Le film de marionnettes

Dès le début du cinéma image par image, les principes de l’animation ne furent pas seulement appliqués au dessin mais également aux objets (Stuart Blackton, de Chomon, Cohl). En 1909, le Russe d’origine polonaise Ladislas Starevitch commence à tirer une animation excellente d’insectes séchés, puis de marionnettes articulées. À partir du Nouveau Gulliver (1934) d’Alexandre Ptouchko, on ne peut plus douter de la possibilité de remodeler image par image des figurines de glaise ou de plastiline. George Pal (avec ses célèbres Puppetoons) et plus tard Bettiol et Lonatti parviendront même à donner à leurs personnages une vivacité comparable à celle des personnages de dessin animé.

La Tchécoslovaquie, en combinant une science traditionnelle de la marionnette et les libéralités d’un cinéma d’État, va porter cette forme de cinéma d’animation à la perfection (Hermina Tyrlova, Karel Zeman et surtout Jiří Trnka). Ce dernier et ses animateurs atteindront un degré de force plastique et d’ampleur lyrique inimitable : Le Prince Bayaya, 1950 ; Les Vieilles Légendes tchèques (S’tarèpovestičeske, 1953) que Bretislav Pojar parviendra seul à retrouver (Un verre de trop, 1954 ; Le Lion et la Chanson, 1958), obligeant le film de marionnettes à sortir, en Pologne, en Bulgarie ou en Allemagne de l’Est, du domaine restreint de l’imagerie enfantine. En 1965, quatre ans avant sa mort, Trnka signera un ultime chef-d’œuvre (La Main) courageux plaidoyer pour la liberté de création, à trois ans de l’entrée des chars soviétiques dans Prague.

Le réalisme matériel de l’animation tridimensionnelle permet aux animateurs de renforcer le pouvoir d’illusion et de visualisation des truquages classiques, notamment dans le cinéma fantastique ou de science-fiction, qu’il s’agisse de The Lost World (1924), des effets spéciaux de Fischinger pour La Femme dans la lune (Frau in Mond, 1928) de Lang, des marionnettes de Marcel Delgado (animées par Willis O’Brien pour King Kong, 1933), des animations de George Pal pour Destination Lune, Choc des mondes.

En combinant des éléments dessinés et des marionnettes avec des décors et des personnages réels, Karel Zeman parvient à nous faire entrer avec naturel dans l’imagerie gravée des romans de Jules Verne : L’Invention diabolique (VynalezZkàzy, 1957) ou des illustrations de Gustave Doré : Le Baron de Crac (Baron Prasil, 1962).

• L’abstraction individuelle

Les préoccupations rythmiques et les recherches d’écriture qui, au début du XXe siècle, animaient la peinture, aux dépens de la représentation des objets, devaient forcément inciter quelques peintres à passer de la cimaise à l’écran et à se servir du film pour donner le mouvement à des formes abstraites (Léopold Survage dès 1912 ; le Suédois Viking Eggelink : Diagonal Symphonie, 1921 ; en Allemagne Hans Richter : Rythmus 21 ; Oskar Fischinger et Walter Ruttman).

L’avènement du son oriente ces recherches de pure rythmique visuelle vers des essais d’illustration musicale abstraite. C’est avec la technique classique du dessin animé sur cellulo que Fishinger créera des équivalents imagés de pièces de Liszt, Mozart ou Wagner (Studie V., 1929) qui lui vaudront quelques contrats américains et l’occasion de lancer aux États-Unis cette tendance du cinéma abstrait et individuel qu’imposeront Len Lye, Norman McLaren, Mary Ellen Bute, John et James Whitney.

C’est en tirant les conclusions extrêmes de la logique séparatrice des images successives du film que certains créateurs d’œuvres non figuratives pourront donner à ce genre des bases propres au cinéma image par image. En se passant de caméra, Len Lye (A Color Box, 1935 ; Free Radicals, 1957) et Norman McLaren (Love on the Wing, 1937 ; Fiddle De Dee, 1947) parviennent à contrôler le mouvement visuel à même son système de construction, en dessinant les motifs qui le détermineront directement sur le ruban de la pellicule. Avec les séries d’images perdues dans le néant d’une pellicule noire (BlinkityBlank, 1955) ou les points en quinconce de Mosaïque (1965), McLaren dépasse les recherches cinéplastiques pour mettre en question notre perception et nos capacités à identifier les objets et les formes. À partir de 1954, Robert Breer réalise des films par avalanche d’images uniques laissant à notre œil le soin de regrouper les images et de lire certains motifs (JamestownsBaloos, 1957 ; Blazes, 1961). Avec des séries calculées et discontinues de signaux plastiques simples, Pierre Hébert s’adresse directement à notre rétine (Op Hop, 1967).

D’autres recherches poursuivent essentiellement les « valeurs de signes » et la provocation des mécanismes de compréhension ; telles ces œuvres de McLaren, composées de minuscules pictogrammes successifs tracés sur l’espace exigu de la pellicule (Dollar Dance, 1943 ; Rythmetic, 1956), ou la simplification calligraphique des personnages de certains films de John Hubley (Tender Game, 1958), ou encore les manipulations de symboles condensés dans les génériques animés par Saul Bass (larmes de Bonjour tristesse, 1957 ; défilé des objets typiques du Tour du monde en quatre-vingts jours, 1956).

Avec la manipulation des signes et des formes significatives commence la volonté de transmettre un savoir : ce que cherchent la rigueur fonctionnelle des films de Ray et Charles Eames, les leçons de géométrie de John Fletcher ou les ballets géométriques de René Jodoin.

• Développement des techniques expéditives

Dès 1943, au département d’animation de l’Office national du film canadien, Norman McLaren entraîne de jeunes réalisateurs à des techniques d’animation plus économiques que celles du dessin animé sur cellulo ou de la marionnette. McLaren semble même inventer un nouveau cinéma, passant de l’animation d’éléments découpés (Le Merle, 1958) à la modification image par image d’un dessin au pastel (La Poulette grise, 1947) animant même des personnages vivants comme des marionnettes de cinéma selon une technique qu’on baptisera la pixilation (Voisins, 1952).

Après 1953, une diversité croissante des styles et des procédés expéditifs va caractériser le développement du cinéma d’animation. Des créateurs indépendants vont pouvoir s’exprimer image par image, avec des moyens limités, par un travail solitaire qui leur permet de préserver la personnalité de leur style et de leur projet : en Grande-Bretagne, Péter Földess (Animated Genesis, 1952) ; en France, Henry Gruel (Martin et Gaston, 1953) ou Jacques Colombat (Marcel, ta mère t’appelle, 1963) ; en Italie, Maselli et Luzzati (Histoire des paladins de France, 1962).

Une production massive et interchangeable s’emploie, à partir de 1958, à répondre aux besoins démesurés de la télévision, aux États-Unis et au Japon d’abord, puis en Europe, en créant des foules de personnages nouveaux.

L’exploitation de la stylisation spirituelle pratiquée par la United Production of America (U.P.A.) s’étant révélée encore trop dispendieuse, de nouveaux réalisateurs américains et européens vont battre des records d’humour ascétique et de hiératisme bouffon (Al Kousel : The Juggler of Our Lady, 1957 ; Ernest Pintoff : Flebus, 1959 ; Dick Williams : The Little Island, 1958 ; Ion Popesco Gopo : Courte Histoire, 1957 ; George Dunning : Wardrobe, 1959).

• Cinéma d’art et d’essai

À partir de 1956, les progrès des imageries de reproduction et des moyens de diffusion vont confiner le film d’animation dans les circuits restreints du film d’art et d’essai. De nouvelles formes d’aide bureaucratisée, une critique de soutien, des manifestations de promotion spécialisées (à partir des Journées internationales du cinéma d’animation à Cannes en 1956) et même une Association internationale des cinéastes d’animation (A.S.I.F.A.) vont encourager la singularité thématique ou plastique plus que les qualités du mouvement ou de la composition. En s’accommodant de dynamisme élémentaire, voire d’images fixes, beaucoup d’œuvres finissent par représenter l’animation comme un cas quelconque de l’accélération des communications graphiques, et de la consommation de styles et de méthodes de présentation. Les normes réductrices de la U.P.A. sont remplacées par l’exploitation laconique et sarcastique de personnages linéaires lancés sur des fonds vides (Vystrcil : Une place au soleil ; Lehky : Trois Hommes, 1961 ; Bruno Bozzeto, Todor Dinov, etc.).

Un nouvel esprit, dominé par une volonté de rupture avec les anciennes lois du genre, favorise les recherches de stylisation intense, de caricature inquiète et d’humour destructeur, nourries par tout un folklore d’angoisses et de perversions stéréotypées. Dans les imageries obsessionnelles de Yoji Kuri comme dans les élégantes animations en papier découpé de Jean-François Laguionie (L’Arche de Noé, 1966 ; La Traversée de l’Atlantique à la rame, 1979), ce n’est plus à l’animation qu’il s’agit de donner du caractère, mais à la sobriété avec laquelle l’utilisent ces créateurs solitaires.

Un des maîtres de cette animation évacuée demeure Walerian Borowczyk qui, après avoir animé des phases photographiques avec une remarquable avarice sérielle (L’École, 1958 ; Les Astronautes, 1959) combine une rigueur de composition et de manipulation magistrale avec des formes de maladresse calculée, de laideur voulue et des mouvements rares et imperceptibles, pour aboutir à la froideur infernale de Renaissance (1963) ou du Jeu des anges (1964), dans lequel il évoque l’univers concentrationnaire.

Il appartient cependant à quelques réalisateurs de conjuguer encore des recherches heureuses de liberté picturale avec une connaissance du métier de l’animation : John et Faith Hubley (Adventure of an Asterisk, 1957 ; Tender Game, 1958 ; Moon Bird, 1959) ; George Dunning (The Flying Man, 1962) ; Murakami et Wolf (The Breath, 1967) ou Robert Lapoujade (dans ses animations de surfaces poudreuses de Foule, 1959, ou de motifs peints à l’huile pour Trois Portraits d’un oiseau qui n’existe pas, 1963).

Avec une force récapitulative indéniable, le dessin animé de long-métrage de George Dunning, The YellowSubmarine, suite de clips multicolores mettant en scène les Beatles (1968), résume vingt ans d’évolution technique et plastique des imageries de reproduction, et propose aux cinéastes d’animation, un folklore graphique éblouissant.

2. Les techniques de l’animation

Les cinéastes de prise de vues réelles et les cinéastes d’animation utilisent un même système d’analyse et de reconstitution image par image du mouvement visuel, supposant pour le cinéma standard cinquante-deux images par mètre de film et un défilé de vingt-quatre images par seconde. Mais le mouvement que crée l’animateur n’a jamais préexisté dans la nature. Chaque image devient pour lui une occasion de décision et d’invention. À la composition de ce que contient l’image vient s’ajouter la détermination de la série des intervalles, des écarts morphologiques séparant chaque image et qui, à la projection, recomposeront le mouvement visuel.

• Technique classique du dessin animé

Dans cette technique les phases successives du motif en mouvement sont tracées sur des calques superposables placés sur une table transparente. Une règle à ergots correspondant à des perforations imposées à tous les documents filmables (calques, cellulos ou décors) assure la parfaite superposition des phases de mouvement au moment de leur report sur les calques successifs comme lors du tournage des cellulos sur un banc de prise de vues image par image.

À partir de 1914, l’introduction du cellulo transparent qui remplace le papier translucide va rendre possible le traçage en noir ou en couleur du contour du personnage sur une face et le remplissage de la silhouette obtenue avec une gouache opaque sur l’autre. Chaque phase du personnage en mouvement peut être posée sur un fond décoré (que le cellulo transparent laisse apparaître autour de la silhouette colorée du personnage), puis ciné-photographiée sur une ou plusieurs images, et enfin remplacée par la phase suivante du mouvement qui sera tournée à son tour. Favorisant la division du travail, l’accroissement de la quantité comme la précision de l’animation, le dessin animé sur cellulo a permis le développement industriel du dessin animé et celui de l’animation comme métier et art original du mouvement graphique.

• Le film de marionnettes et d’objets

Le principe du tournage image par image peut également s’appliquer à des objets tridimensionnels, qui, à une échelle réduite, posent des problèmes d’espace scénographique et d’éclairage comparables à ceux de la prise de vues réelles. La position ou la forme d’objets familiers peuvent être légèrement déplacées pour chaque image tournée, en fonction d’une trajectoire ou d’une transformation prévue (Stuart Blackton, Walerian Borowczyk et de nombreux films publicitaires).

On peut également déterminer les phases d’une animation à partir de marionnettes articulées placées dans des positions successives qui seront enregistrées image par image (Ladislas Starevitch, George Pal, Jiří Trnka, Karel Zeman, Bretislav Pojar). Contrairement à l’animation dessinée, l’animation de marionnettes exclut la possibilité de vérifier continuellement les séries de phases, chaque nouvelle position de personnage détruisant la précédente. C’est avec une sorte de conscience manuelle de l’animation que les animateurs déploient le mouvement de leur personnage à l’aide de cette technique qui se prête aussi bien aux mouvements caricaturaux qu’aux larges développements pantomimiques.

• Les techniques expéditives

Après la Seconde Guerre mondiale, la multiplication des instruments cinématographiques, le développement des nouvelles écoles nationales vont amener à l’animation un grand nombre de nouveaux créateurs décidés à éviter les techniques lourdes et collectives du dessin animé sur cellulo et de la marionnette en mettant en œuvre des techniques économiques et expéditives. Ces procédés qui rappellent ceux des pionniers solitaires des débuts de l’animation (Blackton, Percy Smith, Cohl) permettent à des créateurs indépendants de réaliser des films aussi librement qu’un peintre réalise son tableau, ou un musicien sa partition.

Dessin sur pellicule

Dès 1934, Len Lye et McLaren réalisent des films d’animation sans caméra, en dessinant directement sur la pellicule. S’ils peuvent se passer de caméra, c’est que, pour eux, la succession des images qui caractérise le film constitue le principe implicite et fondamental de la création du mouvement. Les séries de motifs minuscules tracés sur l’étroit ruban du film, les lignes continues et les semis de taches apparemment désordonnés sont appliqués en fonction d’images comptées qui, à l’écran, retrouveront une vie colorée et rythmée.

Animation par déplacement

Cette forme d’animation épargne la création d’une phase différente pour chaque image. Le mouvement est obtenu par un léger déplacement image après image d’une constellation d’éléments découpés disposés sur un plan horizontal et constituant le personnage : petits objets, pièces plates (carton, métal) ou en relief, séparées ou articulées (Émile Cohl, Colin Low, George Dunning, Jiří Trnka, Bretislav Pojar, Henry Gruel, Borowczyk, Lenica). Utilisée par transparence, cette technique se rapproche des images de théâtre d’ombres (Lotte Reiniger, Dimitri Babitchenko, Bruno Böttge). Elle peut également utiliser des transparences colorées (Noburo Ofuji), se nuancer d’opacité et de textures contrôlées (comme dans L’Idée, de Berthold Bartosch).

Animation par états successifs

Les phases successives d’une animation peuvent également être obtenues en modifiant l’état morphologique d’un objet. Ptouchko, René Bertrand, Lou Bunin, Art Clokey transforment image par image les postures ou la forme de silhouettes de glaise ou de plastiline. Il est possible de contrôler la modification des états successifs d’un tableau en exploitant la friabilité d’un dessin au pastel (Philip Stapp, McLaren), de compléter ou de corriger par surcharge des motifs peints à l’huile (Carmen d’Avino, Lapoujade), de modifier l’état ou la position des motifs sur le velours métallique modelable de l’écran d’épingles d’Alexeieff, de découper au couteau dans une surface poudreuse les positions successives de personnages schématiques (Lapoujade) ou de contrôler l’évolution de formes et de lignes par une distribution rigoureuse de poudres colorées (Piotr Kamler).

Tournage image par image de personnages vivants

La technique d’animation de marionnettes articulées peut s’appliquer à des personnages humains qui s’immobilisent dans des séries d’attitudes successives enregistrées sur des images distinctes (Voisins, de Norman McLaren). On peut également constituer des séries de phases d’animation à partir d’instantanés photographiques immobilisant les personnages dans des attitudes successives (Wallace A. Carlson, John Randolph Bray, Henry Gruel, Walerian Borowczyk).

Animation automatisée

De nombreux appareils mécaniques ou électromécaniques ont déjà tenté, avec des bonheurs variés, de réduire la lourdeur de l’animation. Alexandre Alexeieff avec son écran d’épingles (sans doute le premier système de création mécanisée de phases d’animation) comme avec ses animations de formes obtenues avec des pendules composés dont on modifie l’équilibre pour chaque image (Fumée, 1952 ; Sève de la terre, 1955), John et James Whitney créant image par image des formes en mouvement à partir du contrôle photocinématique (glissement, rotation, agrandissement, etc.) de données élémentaires (points, traits, cercles, etc.) ont accompli les premiers pas vers une animation sinon automatisée, du moins mécanisée et électromécanisée.

Après 1951, le développement du traitement de l’information digitale ou analogique permet d’envisager la manipulation dans un ordinateur des structures et mouvements d’une image dans des conditions de rapidité et d’économie enviables. Ces possibilités ont d’abord été appliquées à des manipulations d’images schématiques (évolution dynamique de modèles mathématiques, physiques, chimiques, architecturaux, mécaniques ou statistiques), à des fins de simulation, d’étude technique ou de présentation pédagogique.

Depuis 1962, les progrès considérables des moyens de communication visuelle et graphique grâce aux ordinateurs (crayon électronique, sortie sur tube cathodique, enregistrement sur microfilm, plotter) et, depuis 1965, le développement de langages de programmation plus symboliques que numériques facilitant la désignation d’un nombre accru d’ordres et de sous-programmes augmentent encore les possibilités de manipulation. Avec le langage Belfix autorisant huit nuances différentes dans une mosaïque de surfaces rectangulaires, Stanley Vanderbeek et K. Knowltron ont réalisé le luxuriant réseau des images de Collide-Oscope (1966).

Les progrès des techniques de génération de courbe permettent également de produire des dessins animés avec des méthodes de traitement analogique. On contrôle toutes les fonctions de mouvement (expansion, déplacement, contraction, etc.) d’une image traduite en équations mathématiques, ou bien on fournit à l’ordinateur des phases extrêmes de mouvement tracées par un animateur et on laisse à la machine le soin de jouer le rôle d’« intervalliste » créant les phases intermédiaires (essai Oba-Q de la Hitachi Electronics au Japon en 1967 ; La Faim, de Peter Foldes en 1974).

Les progrès des mémoires, l’usage de la micro-informatique et de logiciels graphiques permettent un développement important de ces nouvelles méthodes d’animation. Après soixante ans d’animation manuelle et d’analyse photocinématographique, le cinéma image par image entrait dans le domaine de l’animation calculée et automatisée, en obligeant ses réalisateurs à mieux distinguer les opérations véritablement créatrices des activités purement machinales.

3. Élargissements multiples

Depuis les origines du cinéma, deux voies se sont présentées aux créateurs d’images mouvantes utilisant les procédés d’enregistrement et de synthèse photomécaniques :

– la prise de vues réelle, qui consiste à enregistrer cinématographiquement, à des cadences de défilement différentes, des moments de réalité qui seront ensuite montés en séquences concertées ;

– le tournage image par image procédant d’une succession de compositions et d’enregistrements d’images distinctes, quelle que soit la méthode de réalisation de chacune de ces phases d’animation : création plastique et graphique de chaque image, déplacement d’éléments découpés, remodelage de chaque étape de mouvement d’un personnage en relief, pliage mécanique des articulations d’une figurine...

Pendant un siècle, le succès mondial du photojournalisme et du cinéma, soutenu par les techniques de diffusion et de reproduction de la télévision, a assuré une priorité presque absolue aux images mouvantes naturelles, reléguant au second plan les images de création graphique et assurant la domination d’une esthétique de la reproduction.