Le Jeu de l’amour et du hasard - Marivaux - E-Book

Le Jeu de l’amour et du hasard E-Book

Marivaux

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Beschreibung

Le Jeu de l’amour et du hasard est une comédie en trois actes et en prose de Marivaux, représentée pour la première fois le 23 janvier 1730. C’est la pièce de Marivaux la plus célèbre et la plus représentée, tant en France qu’à l’étranger. Marivaux, dans cette comédie aux dialogues étincelants, questionne l’ordre établi et les préjugés sociaux en inversant les rapports maîtres-valets. Le double jeu de masques engendre complications et quiproquos, et ce sont finalement les femmes qui s’en sortent le mieux. En obtenant du jeune homme qu’il lui propose de l’épouser alors qu’il la prend pour une domestique, elle « agit en femme moderne qui veut assumer ses responsabilités et prendre part à son destin ».
Présentation
| Le père de Silvia (M. Orgon) souhaite que sa fille épouse le fils d’un de ses vieux amis. Mais Silvia, peu disposée à se marier, obtient de son brave homme de père l’autorisation d’observer, sous le déguisement de sa servante (Lisette), le jeune homme à qui sa famille la destine (Dorante), ignorant que ce dernier a eu la même idée qu’elle. Aussi, l’aventure, divertissante au début, tourne-t-elle au cauchemar pour elle lorsqu’elle se rend compte qu’elle est attirée par le valet, qui lui fait une cour discrète, alors que le comportement de celui qui se présente comme son promis lui fait horreur, d’autant plus que M. Orgon, qui s’amuse de la situation, refuse d’interrompre le jeu…|
|Wikipédia|

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SOMMMAIRE

PERSONNAGES

ACTE PREMIER

ACTE II

ACTE III

Notes

MARIVAUX

LE JEU DE L'AMOUR

ET DU HASARD

COMÉDIE EN 3 ACTES

Texte établi par Émile Faguet, Nelson.

Raanan Éditeur

Livre 447 | édition 2

Représentée pour la première fois par les comédiens italiens, le 23 janvier 1730.

PERSONNAGES

 

MONSIEUR ORGON, vieux gentilhomme.

MARIO, fils de M. Orgon.

SILVIA, sa fille.

DORANTE, amant de Silvia.

LISETTE, femme de chambre de Silvia.

ARLEQUIN, valet de Dorante[1 ]. 

Un laquais.

 

La scène est à Paris, dans la maison de M. Orgon.

 

 

ACTE PREMIER

Scène première

SILVIA, LISETTE

 

 

SILVIA 

Mais, encore une fois, de quoi vous mêlez-vous ? Pourquoi répondre de mes sentiments ?

 

LISETTE

C’est que j’ai cru que, dans cette occasion-ci, vos sentiments ressembleraient à ceux de tout le monde. Monsieur votre père me demande si vous êtes bien aise qu’il vous marie, si vous en avez quelque joie : moi, je lui réponds que oui ; cela va tout de suite ; et il n’y a peut-être que vous de fille au monde, pour qui ce oui-là ne soit pas vrai ; le non n’est pas naturel.

 

SILVIA 

Le non n’est pas naturel ! quelle sotte naïveté ! Le mariage aurait donc de grands charmes pour vous ?

 

LISETTE

Eh bien, c’est encore oui, par exemple.

 

SILVIA 

Taisez-vous ; allez répondre vos impertinences ailleurs, et sachez que ce n’est pas à vous à juger de mon cœur par le vôtre.  

 

LISETTE

Mon cœur est fait comme celui de tout le monde. De quoi le vôtre s’avise-t-il de n’être fait comme celui de personne ?

 

SILVIA 

Je vous dis que, si elle osait, elle m’appellerait une originale.

 

LISETTE

Si j’étais votre égale, nous verrions.

 

SILVIA 

Vous travaillez à me fâcher, Lisette.

 

LISETTE

Ce n’est pas mon dessein. Mais dans le fond, voyons, quel mal ai-je fait de dire à monsieur Orgon que vous étiez bien aise d’être mariée ?

 

SILVIA 

Premièrement, c’est que tu n’as pas dit vrai ; je ne m’ennuie pas d’être fille.

 

LISETTE

Cela est encore tout neuf.

 

SILVIA 

C’est qu’il n’est pas nécessaire que mon père croie me faire tant de plaisir en me mariant, parce que cela le fait agir avec une confiance qui ne servira peut-être de rien.

 

LISETTE

Quoi ! vous n’épouserez pas celui qu’il vous destine ?

 

SILVIA 

Que sais-je ? peut-être ne me conviendra-t-il point, et cela m’inquiète.  

 

LISETTE

On dit que votre futur est un des plus honnêtes hommes du monde ; qu’il est bien fait, aimable, de bonne mine ; qu’on ne peut pas avoir plus d’esprit, qu’on ne saurait être d’un meilleur caractère ; que voulez-vous de plus ? Peut-on se figurer de mariage plus doux, d’union plus délicieuse ?

 

SILVIA 

Délicieuse ! que tu es folle avec tes expressions !

 

LISETTE

Ma foi, madame, c’est qu’il est heureux qu’un amant de cette espèce-là veuille se marier dans les formes ; il n’y a presque point de fille, s’il lui faisait la cour, qui ne fût en danger de l’épouser sans cérémonie. Aimable, bien fait, voilà de quoi vivre pour l’amour ; sociable et spirituel, voilà pour l’entretien de la société. Pardi ! tout en sera bon, dans cet homme-là ; l’utile et l’agréable, tout s’y trouve.

 

SILVIA 

Oui dans le portrait que tu en fais, et on dit qu’il y ressemble, mais c’est un on dit, et je pourrais bien n’être pas de ce sentiment-là, moi. Il est bel homme, dit-on, et c’est presque tant pis.

 

LISETTE

Tant pis ! tant pis ! mais voilà une pensée bien hétéroclite !

 

SILVIA 

C’est une pensée de très bon sens. Volontiers un bel homme est fat ; je l’ai remarqué.

 

LISETTE

Oh ! il a tort d’être fat ; mais il a raison d’être beau.  

 

SILVIA 

On ajoute qu’il est bien fait ; passe !

 

LISETTE

Oui-da ; cela est pardonnable.

 

SILVIA 

De beauté et de bonne mine je l’en dispense ; ce sont là des agréments superflus.

 

LISETTE

Vertuchoux ! si je me marie jamais, ce superflu-là sera mon nécessaire.

 

SILVIA 

Tu ne sais ce que tu dis. Dans le mariage, on a plus souvent affaire à l’homme raisonnable qu’à l’aimable homme ; en un mot, je ne lui demande qu’un bon caractère, et cela est plus difficile à trouver qu’on ne pense. On loue beaucoup le sien ; mais qui est-ce qui a vécu avec lui ? Les hommes ne se contrefont-ils pas, surtout quand ils ont de l’esprit ? N’en ai-je pas vu moi, qui paraissaient avec leurs amis les meilleures gens du monde ? C’est la douceur, la raison, l’enjouement même, il n’y a pas jusqu’à leur physionomie qui ne soit garante de toutes les bonnes qualités qu’on leur trouve. « Monsieur un tel a l’air d’un galant homme, d’un homme bien raisonnable, disait-on tous les jours d’Ergaste. — Aussi l’est-il, répondait-on ; je l’ai répondu moi-même ; sa physionomie ne vous ment pas d’un mot. » Oui, fiez-vous-y à cette physionomie si douce, si prévenante, qui disparaît un quart d’heure après pour faire place à un visage sombre, brutal, farouche qui devient l’effroi de toute une maison ! Ergaste s’est marié ; sa femme, ses enfants, son domestique ne lui connaissent encore que ce visage-là, pendant qu’il promène partout ailleurs cette physionomie si aimable que nous lui voyons, et qui n’est qu’un masque qu’il prend au sortir de chez lui.

 

LISETTE

Quel fantasque avec ces deux visages !

 

SILVIA 

N’est-on pas content de Léandre quand on le voit ? Eh bien, chez lui, c’est un homme qui ne dit mot, qui ne rit ni qui ne gronde ; c’est une âme glacée, solitaire, inaccessible. Sa femme ne la connaît point, n’a point de commerce avec elle ; elle n’est mariée qu’avec une figure qui sort d’un cabinet, qui vient à table et qui fait expirer de langueur, de froid et d’ennui tout ce qui l’environne. N’est-ce pas là un mari bien amusant ?

 

LISETTE

Je gèle au récit que vous m’en faites ; mais Tersandre, par exemple ?

 

SILVIA 

Oui, Tersandre ! Il venait l’autre jour de s’emporter contre sa femme ; j’arrive, on m’annonce, je vois un homme qui vient à moi les bras ouverts, d’un air serein, dégagé ; vous auriez dit qu’il sortait de la conversation la plus badine ; sa bouche et ses yeux riaient encore. Le fourbe ! Voilà ce que c’est que les hommes. Qui est-ce qui croit que sa femme est à plaindre avec lui ? Je la trouvai tout abattue, le teint plombé, avec des yeux qui venaient de pleurer ; je la trouvai comme je serai peut-être ; voilà mon portrait à venir ; je vais du moins risquer d’en être une copie. Elle me fit pitié, Lisette ; si j’allais te faire pitié aussi ! Cela est terrible ! qu’en dis-tu ? Songe à ce que c’est qu’un mari.  

 

LISETTE

Un mari, c’est un mari ; vous ne deviez pas finir par ce mot-là ; il me raccommode avec tout le reste.

 

 

Scène II

MONSIEUR ORGON, SILVIA, LISETTE.

 

 

MONSIEUR ORGON

Eh ! bonjour, ma fille ; la nouvelle que je viens d’annoncer te fera-t-elle plaisir ? Ton prétendu est arrivé aujourd’hui ; son père me l’apprend par cette lettre-ci. Tu ne me réponds rien ; tu me parais triste. Lisette de son côté baisse les yeux ; qu’est-ce que cela signifie ? Parle donc toi ; de quoi s’agit-il ?

 

LISETTE

Monsieur, un visage qui fait trembler, un autre qui fait mourir de froid, une âme gelée qui se tient à l’écart, et puis le portrait d’une femme qui a le visage abattu, un teint plombé, des yeux bouffis, et qui viennent de pleurer ; voilà, monsieur, tout ce que nous considérons avec tant de recueillement.

 

MONSIEUR ORGON

Que veut dire ce galimatias ? Une âme ! un portrait ! Explique-toi donc ; Je n’y entends rien.

 

SILVIA,

C’est que j’entretenais Lisette du malheur d’une femme maltraitée par son mari ; je lui citais celle de Tersandre, que je trouvai l’autre jour fort abattue, parce que son mari venait de la quereller, et je faisais là-dessus mes réflexions.  

 

LISETTE

Oui, nous parlions d’une physionomie qui va et qui vient ; nous disions qu’un mari porte un masque avec le monde, et une grimace avec sa femme.

 

MONSIEUR ORGON

De tout cela, ma fille, je comprends que le mariage t’alarme, d’autant plus que tu ne connais point Dorante.

 

LISETTE

Premièrement, il est beau ; et c’est presque tant pis.

 

MONSIEUR ORGON

Tant pis ! rêves-tu avec ton tant pis ?

 

LISETTE

Moi, je dis ce qu’on m’apprend ; c’est la doctrine de madame ; j’étudie sous elle.

 

MONSIEUR ORGON