Les Trophées - José Maria de Heredia - E-Book

Les Trophées E-Book

José-Maria (de) Heredia

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Beschreibung

Plongez dans l'univers poétique et exaltant des "Trophées" de José Maria de Heredia, un recueil de poèmes qui célèbre les héros, les grands moments de l'histoire et la beauté de la nature. À travers son écriture riche et évocatrice, Heredia nous transporte dans des époques lointaines et des lieux mythiques, de l'Antiquité à la Renaissance. Il rend hommage aux conquérants, aux guerriers, aux artistes et aux explorateurs qui ont marqué l'histoire de leur empreinte indélébile. Chaque poème est une œuvre d'art en soi, mêlant habilement descriptions visuelles et émotions profondes. Les mots de Heredia créent des images vivantes qui transportent le lecteur à travers les siècles, lui permettant de revivre les grands moments de l'humanité. Les "Trophées" sont un hymne à la grandeur de l'humanité et à la puissance de l'art. Ce recueil est un témoignage de la beauté de la langue française et de la capacité de la poésie à captiver les sens et l'imagination. Plongez dans ce voyage poétique épique et laissez-vous envoûter par la virtuosité et la passion de José Maria de Heredia.
Les "Trophées" sont une lecture incontournable pour tous les amoureux de la poésie et les passionnés d'histoire, offrant une exploration fascinante de la grandeur humaine à travers les âges.


À PROPOS DE L'AUTEUR


José Maria de Heredia (1842-1905) était un poète français d'origine cubaine. Il est considéré comme l'un des plus grands poètes parnassiens, un mouvement littéraire qui prônait la précision et l'objectivité dans l'art. Heredia était admiré pour son style raffiné, sa virtuosité poétique et ses descriptions exquises. Son recueil de poésie le plus célèbre est "Les Trophées" (1893), qui explore des thèmes historiques, mythologiques et exotiques. Heredia a également été un fervent défenseur du classicisme et de la beauté formelle dans la poésie. Son travail a influencé de nombreux poètes ultérieurs et il est reconnu comme l'un des grands noms de la poésie française du XIXe siècle.

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Les Trophées

José Maria de Heredia

– 1883 –

L'amour sans plus du verd Laurier m'agrée.

 

Pierre de Ronsard

 

* * * * *

 

Manibuscarissimæetamantissimæmatrisfilius memor

 

J. M. H.

 

* * * * *

ÉPÎTRE LIMINAIRE

À Leconte de L’Isle

 

C'est à vous, cher et illustre ami, que j'aurais dédié ces Trophées, si le respect d'une mémoire sacrée qui, je le sais, vous est chère aussi, ne m'eût interdit d'inscrire un nom, si glorieux soit-il, au frontispice de ce livre.

 

Un à un, vous les avez vus naître, ces poèmes. Ils sont comme des chaînons qui nous rattachent au temps déjà lointain où vous enseigniez aux jeunes poètes, avec les règles et les subtils secrets de notre art, l'amour de la poésie pure et du pur langage français. Je vous suis plus redevable que tout autre : vous m'avez jugé digne de l'honneur de votre amitié. J'ai pu, au cours d'une longue intimité, comprendre mieux l'excellence de vos préceptes et de vos conseils, toute la beauté de votre exemple. Et mon titre le plus sûr à quelque gloire sera d'avoir été votre élève bien aimé.

 

C'est pour vous complaire que je recueille mes vers épars. Vous m'avez assuré que ce livre, bien qu'en partie inachevé, garderait néanmoins aux yeux du lecteur indulgent quelque chose de la noble ordonnance que j'avais rêvée. Tel qu'il est, je vous l'offre, non sans regret de n'avoir pu mieux faire, mais avec la conscience d'avoir fait de mon mieux.

 

Recevez-le, cher et illustre ami, en témoignage de mon affectueuse gratitude, et comme il serait malséant de clore sans le vœu traditionnel une épître liminaire, quelque brève qu'elle soit, permettez que je vous souhaite, à vous et à tous ceux qui feuilletteront ces pages, de prendre à lire mes poèmes autant de plaisir que j'eus à les composer.

 

José-Maria de Heredia

LA GRÈCE ET LA SICILE

L'Oubli

Le temple est en ruine au haut du promontoire.Et la Mort a mêlé, dans ce fauve terrain,Les Déesses de marbre et les Héros d'airainDont l'herbe solitaire ensevelit la gloire.

 

Seul, parfois, un bouvier menant ses buffles boire,De sa conque où soupire un antique refrainEmplissant le ciel calme et l'horizon marin,Sur l'azur infini dresse sa forme noire.

 

La Terre maternelle et douce aux anciens DieuxFait à chaque printemps, vainement éloquente,Au chapiteau brisé verdir un autre acanthe ;

 

Mais l'Homme indifférent au rêve des aïeuxÉcoute sans frémir, du fond des nuits sereines,La Mer qui se lamente en pleurant les Sirènes.

 

HERCULE ET LES CENTAURES

Némée

Depuis que le Dompteur entra dans la forêtEn suivant sur le sol la formidable empreinte,Seul, un rugissement a trahi leur étreinte.Tout s'est tu. Le soleil s'abîme et disparaît.

 

À travers le hallier, la ronce et le guéret,Le pâtre épouvanté qui s'enfuit vers TiryntheSe tourne, et voit d'un œil élargi par la crainteSurgir au bord des bois le grand fauve en arrêt.

 

Il s'écrie. Il a vu la terreur de NéméeQui sur le ciel sanglant ouvre sa gueule armée,Et la crinière éparse et les sinistres crocs ;

 

Car l'ombre grandissante avec le crépusculeFait, sous l'horrible peau qui flotte autour d'Hercule,Mêlant l'homme à la bête, un monstrueux héros.

 

Stymphale

Et partout devant lui, par milliers, les oiseaux,De la berge fangeuse où le Héros dévale,S'envolèrent, ainsi qu'une brusque rafale,Sur le lugubre lac dont clapotaient les eaux.

 

D'autres, d'un vol plus bas croisant leurs noirs réseaux,Frôlaient le front baisé par les lèvres d'Omphale,Quand, ajustant au nerf la flèche triomphale,L'Archer superbe fit un pas dans les roseaux.

 

Et dès lors, du nuage effarouché qu'il crible,Avec des cris stridents plut une pluie horribleQue l'éclair meurtrier rayait de traits de feu.

 

Enfin, le Soleil vit, à travers ces nuéesOù son arc avait fait d'éclatantes trouées,Hercule tout sanglant sourire au grand ciel bleu.

 

Nessus

Du temps que je vivais à mes frères pareilEt comme eux ignorant d'un sort meilleur ou pire,Les monts Thessaliens étaient mon vague empireEt leurs torrents glacés lavaient mon poil vermeil.

 

Tel j'ai grandi, beau libre, heureux, sous le soleil ;Seule, éparse dans l'air que ma narine aspire,La chaleureuse odeur des cavales d'ÉpireInquiétait parfois ma course ou mon sommeil.

 

Mais depuis que j'ai vu l'Épouse triomphaleSourire entre les bras de l'Archer de Stymphale,Le désir me harcèle et hérisse mes crins ;

 

Car un Dieu, maudit soit le nom dont il se nomme !A mêlé dans le sang enfiévré de mes reinsAu rut de l'étalon l'amour qui dompte l'homme.

 

La Centauresse

Jadis, à travers bois, rocs, torrents et vallons,Errait le fier troupeau des Centaures sans nombre ;Sous leurs flancs le soleil se jouait avec l'ombre ;Ils mêlaient leurs crins noirs parmi nos cheveux blonds.

 

L'été fleurit en vain l'herbe. Nous la foulonsSeules. L'antre est désert que la broussaille encombre ;Et parfois je me prends, dans la nuit chaude et sombre,À frémir à l'appel lointain des étalons.

 

Car la race de jour en jour diminuéeDes fils prodigieux qu'engendra la Nuée,Nous délaisse et poursuit la Femme éperdument.

 

C'est que leur amour même aux brutes nous ravale ;Le cri qu'il nous arrache est un hennissement,Et leur désir en nous n'étreint que la cavale.

 

Centaures et Lapithes

La foule nuptiale au festin s'est ruée,Centaures et guerriers ivres, hardis et beaux ;Et la chair héroïque, au reflet des flambeaux,Se mêle au poil ardent des fils de la Nuée.

 

Rires, tumulte… Un cri !… L'Épouse polluéeQue presse un noir poitrail, sous la pourpre en lambeauxSe débat, et l'airain sonne au choc des sabotsEt la table s'écroule à travers la huée.

 

Alors celui pour qui le plus grand est un nain,Se lève. Sur son crâne, un mufle léoninSe fronce, hérissé de crins d'or. C'est Hercule.

 

Et d'un bout de la salle immense à l'autre bout,Dompté par l'œil terrible où la colère bout,Le troupeau monstrueux en renâclant recule.

 

Fuite de Centaures

Ils fuient, ivres de meurtre et de rébellion,Vers le mont escarpé qui garde leur retraite ;La peur les précipite, ils sentent la mort prêteEt flairent dans la nuit une odeur de lion.

 

Ils franchissent, foulant l'hydre et le stellion,Ravins, torrents, halliers, sans que rien les arrête ;Et déjà, sur le ciel, se dresse au loin la crêteDe l'Ossa, de l'Olympe ou du noir Pélion.

 

Parfois, l'un des fuyards de la farouche hardeSe cabre brusquement, se retourne, regarde,Et rejoint d'un seul bond le fraternel bétail ;

 

Car il a vu la lune éblouissante et pleineAllonger derrière eux, suprême épouvantail,La gigantesque horreur de l'ombre Herculéenne.

 

La Naissance d'Aphrodité

Avant tout, le Chaos enveloppait les mondesOù roulaient sans mesure et l'Espace et le Temps ;Puis Gaia, favorable à ses fils les Titans,Leur prêta son grand sein aux mamelles fécondes.

 

Ils tombèrent. Le Styx les couvrit de ses ondes.Et jamais, sans l'éther foudroyé, le PrintempsN'avait fait resplendir les soleils éclatants,Ni l'Été généreux mûri les moissons blondes.

 

Farouches, ignorants des rires et des jeux,Les Immortels siégeaient sur l'Olympe neigeux.Mais le ciel fit pleuvoir la virile rosée ;

 

L'Océan s'entr'ouvrit, et dans sa nuditéRadieuse, émergeant de l'écume embrasée,Dans le sang d'Ouranos fleurit Aphrodité.

 

Jason et Médée

À Gustave Moreau

 

En un calme enchanté, sous l'ample frondaisonDe la forêt, berceau des antiques alarmes,Une aube merveilleuse avivait de ses larmes,Autour d'eux, une étrange et riche floraison.

 

Par l'air magique où flotte un parfum de poison,Sa parole semait la puissance des charmes ;Le Héros la suivait et sur ses belles armesSecouait les éclairs de l'illustre Toison.

 

Illuminant les bois d'un vol de pierreries,De grands oiseaux passaient sous les voûtes fleuries,Et dans les lacs d'argent pleuvait l'azur des cieux.

 

L'Amour leur souriait, mais la fatale ÉpouseEmportait avec elle et sa fureur jalouseEt les philtres d'Asie et son père et les Dieux.

 

ARTÉMIS ET LES NYMPHES

Artémis

L'âcre senteur des bois montant de toutes parts,Chasseresse, a gonflé ta narine élargie,Et, dans ta virginale et virile énergie,Rejetant tes cheveux en arrière, tu pars !

 

Et du rugissement des rauques léopardsJusqu'à la nuit tu fais retentir Ortygie,Et bondis à travers la haletante orgieDes grands chiens éventrés sur l'herbe rouge épars.

 

Et, bien plus, il te plaît, Déesse, que la ronceTe morde et que la dent ou la griffe s'enfonceDans tes bras glorieux que le fer a vengés ;

 

Car ton cœur veut goûter cette douceur cruelleDe mêler, en tes jeux, une pourpre immortelleAu sang horrible et noir des monstres égorgés.

 

La Chasse

Le quadrige, au galop de ses étalons blancs,Monte au faîte du ciel, et les chaudes haleinesOnt fait onduler l'or bariolé des plaines.La Terre sent la flamme immense ardre ses flancs.

 

La forêt masse en vain ses feuillages plus lents ;Le Soleil, à travers les cimes incertainesEt l'ombre où rit le timbre argentin des fontaines,Se glisse, darde et luit en jeux étincelants.

 

C'est l'heure flamboyante où, par la ronce et l'herbe,Bondissant au milieu des molosses, superbe,Dans les clameurs de mort, le sang et les abois,

 

Faisant voler les traits de la corde tendue,Les cheveux dénoués, haletante, éperdue,Invincible, Artémis épouvante les bois.

 

Nymphée

Le quadrige céleste à l'horizon descend,Et, voyant fuir sous lui l'occidentale arène,Le Dieu retient en vain de la quadruple rêneSes étalons cabrés dans l'or incandescent.

 

Le char plonge. La mer, de son soupir puissant,Emplit le ciel sonore où la pourpre se traîne,Tandis qu'à l'Est d'où vient la grande nuit sereineSilencieusement s'argente le Croissant.

 

Voici l'heure où la Nymphe, au bord des sources fraîches,Jette l'arc détendu près du carquois sans flèches.Tout se tait. Seul, un cerf brame au loin vers les eaux.

 

La lune tiède luit sur la nocturne danse,Et Pan, ralentissant ou pressant la cadence,Rit de voir son haleine animer les roseaux.

 

Pan

À travers les halliers, par les chemins secretsQui se perdent au fond des vertes avenues,Le Chèvre-pied, divin chasseur de Nymphes nues,Se glisse, l'œil ardent, sous les hautes forêts.

 

Il est doux d'écouter les soupirs, les bruits fraisQui montent à midi des sources inconnuesQuand le Soleil, vainqueur étincelant des nues,Dans la mouvante nuit darde l'or de ses traits.

 

Une Nymphe s'égare et s'arrête. Elle écouteLes larmes du matin qui pleuvent goutte à goutteSur la mousse. L'ivresse emplit son jeune cœur.

 

Mais d'un seul bond, le Dieu du noir taillis s'élance,La saisit, frappe l'air de son rire moqueur,Disparaît… Et les bois retombent au silence.

 

Le Bain des Nymphes

C'est un vallon sauvage abrité de l'Euxin ;Au-dessus de la source un noir laurier se penche,Et la Nymphe, riant, suspendue à la branche,Frôle d'un pied craintif l'eau froide du bassin.

 

Ses compagnes, d'un bond, à l'appel du buccin,Dans l'onde jaillissante où s'ébat leur chair blanchePlongent, et de l'écume émergent une hanche,De clairs cheveux, un torse ou la rose d'un sein.

 

Une gaîté divine emplit le grand bois sombre.Mais deux yeux, brusquement, ont illuminé l'ombre.Le Satyre !… Son rire épouvante leurs jeux ;

 

Elles s'élancent. Tel, lorsqu'un corbeau sinistreCroasse, sur le fleuve éperdument neigeuxS'effarouche le vol des cygnes du Caÿstre.

 

Le Vase

L'ivoire est ciselé d'une main fine et telleQue l'on voit les forêts de Colchide et JasonEt Médée aux grands yeux magiques. La ToisonRepose, étincelante, au sommet d'une stèle.

 

Auprès d'eux est couché le Nil, source immortelleDes fleuves, et, plus loin, ivres du doux poison,Les Bacchantes, d'un pampre à l'ample frondaison,Enguirlandent le joug des taureaux qu'on dételle.

 

Au-dessous, c'est un choc hurlant de cavaliers ;Puis les héros rentrant morts sur leurs boucliersEt les vieillards plaintifs et les larmes des mères.

 

Enfin, en forme d'anse arrondissant leurs flancsEt posant aux deux bords leurs seins fermes et blancs,Dans le vase sans fond s'abreuvent des Chimères.

 

Ariane

Au choc clair et vibrant des cymbales d'airain,

Nue, allongée au dos d'un grand tigre, la Reine

Regarde, avec l'Orgie immense qu'il entraîne,

Iacchos s'avancer sur le sable marin.

 

Et le monstre royal, ployant son large rein,

Sous le poids adoré foule la blonde arène,

Et, frôlé par la main d'où pend l'errante rêne,

En rugissant d'amour mord les fleurs de son frein.

 

Laissant sa chevelure à son flanc qui se cambre

Parmi les noirs raisins rouler ses grappes d'ambre,

L'Épouse n'entend pas le sourd rugissement ;