133 rue du château - Edouard Lafond - E-Book

133 rue du château E-Book

Edouard Lafond

0,0

Beschreibung

Un meurtre en pleine rue, tout près de chez lui. Pour Jacques Duflont, détective privé et ancien flic, difficile de rester simple spectateur. Très vite, un détail le trouble, puis un autre. Ce crime aurait-il un lien avec d’autres, passés inaperçus ou non élucidés ? À mesure qu’il remonte les fils de cette énigme, Duflont découvre une série de meurtres aussi froidement exécutés que soigneusement mis en scène. Un chiffre, une date, des lieux choisis… tout semble obéir à une logique glaçante. Et si derrière cette succession d’assassinats se cachait bien plus qu’un tueur méthodique ? Une vengeance longuement mûrie, née dans l’ombre d’une psyché en dérive…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Edouard Lafond a consacré sa carrière aux sports équestres militaires, mêlant discipline, rigueur et passion du cheval. Aujourd’hui retraité, il partage son temps entre de longues promenades dans la garrigue en compagnie de ses chiens et la lecture, avec une prédilection pour les romans historiques et les intrigues policières. Il vit aux portes de la Provence, dans un cadre paisible qui nourrit son imaginaire.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 226

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Couverture

Titre

Edouard Lafond

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

133 rue du château

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Edouard Lafond

ISBN : 979-10-422-7599-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

133 rue du château

 

 

 

 

 

Le 1er novembre

 

Nous sommes le premier novembre, comme tous les jours, je prends un petit café noir au bar de ma rue. Je me trouve rue Raymond Losserand, au bar chez Les Tontons, près de mon nouveau domicile, rue du château. Je dois vous expliquer qu’après l’affaire Durant, nous nous sommes vraiment rapprochés avec Florence. D’ailleurs, depuis plusieurs mois, nous vivons ensemble. Nos appartements respectifs ne nous permettaient pas de le faire, alors après de multiples recherches, nous avons trouvé dans cette rue, le domicile idéal au 133. Nous sommes devenus propriétaires au rez-de-chaussée d’une assez grande surface qui nous permet d’avoir le bureau côté rue et l’appartement derrière. Avec la publicité dont a bénéficié notre agence après l’affaire Durant, nous sommes plus à l’aise maintenant, on peut voir venir et souffler un peu. À ce sujet, les affaires sont devenues de plus en plus nombreuses, et j’ai dû recruter un collaborateur. Et depuis un an, nous nous sommes associés. Il s’appelle Jean Peltier. Je peux vous dire que nous nous complétons assez bien. Toujours plein d’entrain, il est prêt à accepter toutes les contraintes du métier. Bien que débutant dans le métier de détective, il analyse très vite et très bien une situation parfois embarrassante ou grave, avec beaucoup d’à-propos. Je dois dire qu’on s’entend bien, l’humour fait partie de notre vie à tous les deux. Et cerise sur le gâteau, il me fait entièrement confiance quant à ma manière de gérer nos affaires. C’est-à-dire que depuis longtemps, même à la Crim’, les délits mineurs m’intéressaient peu, alors que lui, il aime tout ce travail souvent fastidieux où l’on passe des heures en planque à attendre d’avoir la preuve d’un adultère, où ce temps passé, très souvent perdu, tente de rassurer une personne en lui expliquant que son mari ou sa femme qui vient de se faire la malle, l’aimait quand même. Ces recherches-là ne m’amusent plus guère. Je n’éprouve pas ce petit frisson qui dans la seconde me transporte dans un autre monde à la recherche d’une piste pour démarrer une enquête. Chacun a son travail et le mien me laisse pas mal de temps, c’est la raison pour laquelle, tous les matins, je me rends au café Les Tontons rue Raymond Losserand. Depuis le temps je connais le patron et tout son personnel. Je ne commande rien, mais juste après mon arrivée, assis toujours à la même table si possible, un employé m’apporte ma tasse et bien sûr le journal Le Parisien. C’est devenu un rituel entre nous. L’heure est souvent la même à quelque chose près, lorsque vers huit heures trente, la rue se calme, la majorité des gens étant au travail, il ne reste plus que les retraités et les écoliers en retard qui courent après leurs bus. Et là assis confortablement je peux suivre mes dossiers et si la lecture est bonne il m’arrive d’enchaîner sur un deuxième café. Mais ce matin-là, le premier novembre, tout fut très différent. J’étais à peine rentré dans le bar que je sentis une atmosphère différente, au lieu du calme habituel, un brouhaha emplissait la pièce et je ne comprenais rien à ce tumulte verbal. Je dus même commander mon breuvage ! J’étais intrigué et je suis allé au bar pour voir et demander au patron, Gilles, la raison de tout ce remue-ménage.

— Mais tu n’es pas au courant ?

— Non, au courant de quoi ?

— Ils ont retrouvé un mec mort dans ta rue.

— Rue du château, ce n’est pas possible ?

— Enfin presque, vers la petite place Moro Giafferi, juste en face du resto italien Giulia. Tu aurais vu tout ce barnum, j’y suis allé jeter un coup d’œil, mais maintenant tout est bouclé, on ne peut plus approcher. Tu devrais aller voir, on ne sait jamais, ils peuvent avoir besoin de toi.

— Je ne le crois pas, s’ils ont une bonne raison pour nous parler, ils viendront directement à l’agence, mais je ne pense pas qu’ils veuillent partager leurs informations avec nous. De toute façon, vous allez tous être interrogés dans le quartier.

— Tu rigoles, on n’a rien vu nous autres.

— Je le sais, mais cela fait partie de l’enquête de voisinage, ils vont essayer de trouver le plus petit indice, tout ce qui peut avoir de l’importance, tout ce qui peut leur servir. Souvent sans le savoir, on peut être le témoin d’un fait que l’on ignore. Dans les bars et les restaurants, patron et personnel sont aux premières loges, avec tout le monde que vous côtoyez, sans y prendre garde, vous entendez de nombreux témoignages et commentaires qui, il faut bien le reconnaître, n’ont aucune valeur pour la police, le plus souvent. Mais c’est sa marque de fabrique de prospecter des informations de cette manière. Bon allez, serre-moi mon café maintenant, tu as le Parisien ?

— Tiens, Georges te l’amène, va t’asseoir.

— OK merci.

— Je veux voir aussitôt si le journal a eu le temps d’imprimer quelque chose. Rien en première page, je cherche dans les faits divers. Je ne trouve rien. La mort a dû se situer tôt ce matin pour qu’ils n’aient pas eu le temps de rajouter cet incident, on verra demain. Je continue ma lecture, ce qui me prend comme tous les jours une bonne demi-heure et puis je rentre au bureau. Florence et Jean m’attendent excités, pensant que j’étais déjà allé voir de plus près les lieux des évènements de la nuit. Mon mutisme leur a fait comprendre qu’il n’en était rien et que ce n’était pas la peine de m’assaillir de questions auxquelles je ne pourrais pas leur apporter de réponses. Bien sûr on en a parlé un peu, mais très vite la vie de l’agence a repris le dessus, et nous mettons au point les différentes parties de notre emploi du temps pour la journée.

— Jean, tu dois te rendre chez Madame Leclerc pour lui remettre les photos qu’elle attend. Explique-lui que je n’ai rien trouvé sur son mari. Que vu le temps qu’il passe à son travail et avec ses copains, il n’a pas vraiment la liberté de vivre une double vie. Le problème vient plutôt d’elle, il n’a pas envie de rentrer à la maison, vu tout ce qu’elle semble lui imposer par jalousie. Tu vois ce que je sous-entends ?

— Bien sûr, je suis arrivé à la même constatation que toi lorsque c’était mon tour de les observer la semaine dernière.

— Annonce-lui tout ça gentiment, mais pas avant que le chèque se trouve dans tes poches.

— Bien sûr, Monsieur, c’est pratique quand c’est les autres qui font la plus mauvaise part du travail.

— Je rigole, fais pour le mieux, comme d’habitude.

— Je me rends chez elle immédiatement, son mari est au boulot.

— Et toi Florence as-tu pu t’occuper des Barbier ? Ils n’ont pas encore réglé leur facture.

— Si, si, je l’ai reçu au courrier d’hier, mais j’ai oublié de te le dire.

— Bien tout roule, alors je vais faire un tour, rien de spécial ?

— Tu vas voir sur place ?

— Peut-être. Même si, de toute façon, je ne crois pas qu’à cette heure il y ait encore beaucoup de flics sur place. À tout à l’heure.

— Tu devrais essayer de joindre Philippe.

— Bonne idée, mais pour l’instant je crains qu’il ne soit encore un peu tôt, laissons-les effectuer leur travail. Non je vais me promener, je trouverai peut-être un de ces petits incidents de vie qui mettent un peu de piment dans mon travail. Je regarde ma montre, il est déjà dix heures. Pour ce qui s’est passé, je ne peux m’empêcher de penser qu’il s’agit certainement d’une mort accidentelle due à un problème de santé, peut-être un infarctus. Le quartier est plutôt tranquille. J’arrête d’y penser, j’en saurais plus demain chez Les Tontons.

— Ma balade fut très agréable, je fus témoin de deux accidents de la route, pour lesquels ma condition de témoin privilégié ne fut pas réclamée. Les Parisiens au volant c’est quelque chose, toujours pressés. Ces deux-là s’en rappelleront maintenant et prendront à coup sûr plus de temps à l’avenir. Je flâne dans les rues proches, je regarde les passants vivre, c’est très instructif et souvent drôle. Dire que nous sommes, sans le savoir comme eux, c’est affligeant. Cet après-midi je ne dois pas oublier d’apporter ma voiture au contrôle technique pour la pollution. Il me faut m’acquitter de la vignette en plus, j’espère avoir encore le droit de rouler dans Paris avec elle, je ne me suis pas encore penché sur ce problème, qu’est-ce qu’ils peuvent nous emm… Pour le peu de temps que je passe au volant, on voit bien que tous ces écolos de dernière minute ne sont pas au fait de nos moyens financiers. Ils n’ont pas les mêmes préoccupations que nous, je vous parle de ceux qui n’ont rien fait durant toutes ces années et qui pensent tout sauver avec ces quelques dernières mesures. Je ne suis pas contre l’écologie, mais elle ne doit pas nous enfermer grâce à des lois trop punitives. Je sais bien que ma voiture est vieille, mais je crois, non je suis sûr que j’abîme moins la planète, que tous ces politiques qui n’arrêtent pas de prendre l’avion ou leurs voitures avec chauffeur en plus, pour parcourir le monde, à une époque où ils pourraient tous se parler en visioconférence. Mais je m’égare, revenons-en à nos moutons. Ah oui, je dois aussi passer chez Monsieur et Madame Dubois. Je sonne, arrivé devant chez eux dans le quinzième arrondissement.

— Bonjour, Monsieur Dubois, comment allez-vous ?

— Très bien.

— Et Madame ?

— Elle vient juste de sortir pour acheter du pain, elle ne devrait pas tarder.

— Ce n’est pas grave, je n’ai pas beaucoup de temps. Voilà, je peux vous assurer que votre fils ne risque rien. Sa petite amie n’est pas avec lui pour lui vider son compte en banque. Je les ai suivis de nombreuses fois et souvent au restaurant c’est à chacun leur tour de régler l’addition. Vous voyez que l’épargne de votre garçon ne risque rien. D’ailleurs les parents de cette jeune fille disposent de gros moyens financiers et j’espère qu’ils ne vont pas comme vous engager un détective privé pour savoir si votre enfant est plus intéressé par leur fortune que par leur fille. Enfin, trêve de plaisanterie, vous n’avez pas de mauvais sang à vous faire. Il n’y a rien à craindre pour le plan épargne de votre progéniture.

— Merci, Monsieur Duflont, cela nous rassure, car dans l’époque où l’on vit, il se passe de drôles de choses, vous savez. Encore merci et pour le règlement de vos honoraires ?

— C’est ma secrétaire qui vous contactera.

— Pas de problème, je vais pouvoir rassurer ma femme. Elle en faisait toute une histoire, encore merci.

— Je vous laisse, bonne fin de journée.

— En rentrant à l’agence, je repensais à ces braves personnes, c’était un peu con, mais touchant de voir leur réaction, protéger leur fils unique devait être le seul but de leur vie. Mais dépenser autant pour pas grand-chose quelle bêtise. Comme s’il n’était pas capable par lui-même de se rendre compte des sentiments qu’éprouvait sa petite amie. Le manque de confiance n’apporte que des ennuis. Eh bien, voilà encore une journée sans grand intérêt. Heureusement que j’ai maintenant Florence à mes côtés, il y a de quoi déprimer.

— Alors as-tu plus de renseignements sur le mort de ce matin ?

— Et non, je ne m’en suis pas occupé. Au fait je suis passé chez les Dubois, tu peux leur envoyer la note.

— Très bien. Et si ce soir nous sortions ? Nous pourrions aller au cinéma.

— Oh, mais c’est une bonne idée. Je propose que nous allions également au restaurant, qu’en penses-tu ?

— Allez, c’est parti, je préviens Jean, il fermera les locaux. Avec tout cet argent qui rentre, on peut bien s’amuser un peu.

— Je suis de votre avis Madame, une veste, un chapeau et je vous suis. Où allons-nous ?

— D’abord le resto, on verra plus tard pour le cinéma. Que dirais-tu de l’Italien en bas de la rue ?

— Chez Giulia ? Très bien, il y a longtemps que l’on n’est pas allé chez lui, leurs pizzas sont délicieuses. Et puis c’est juste à côté. Depuis pas mal de temps, tu voulais toujours découvrir de la nouvelle et grande gastronomie, je commençais à en avoir marre. On ne peut pas se laisser aller, il faut toujours faire attention à ce qu’on dit, ce que l’on fait, donner son avis sur tous les plats servis, sur les vins et puis les serveurs tout autour en permanence, cela commence à m’ennuyer, tu ne trouves pas ?

— J’aime bien être servi avec intérêt, c’est agréable de se sentir choyé, non ?

— Bof je préfère plus de simplicité, allez vient.

— Le garçon de salle vient à notre rencontre et nous le suivons dans la salle vers l’une des dernières tables vides.

— Vous prendrez un apéritif ?

— Qu’est-ce qui te ferait plaisir ?

— Ce soir, je prendrais bien un whisky comme toi, je le suppose.

— Eh bien deux whiskys, s’il vous plaît.

— C’est parti. Je vous apporte la carte.

— Laisse-moi deviner, je parie que tu vas prendre comme d’habitude une Regina ?

— Bien vu et toi ?

— Je crois que je vais me laisser tenter par une campagnarde, avec la crème, je craque, c’est si bon. Demain nous sommes dimanche, j’irai courir, je ne te demande pas si tu viens avec moi ?

— Si tu le sais, pourquoi me le demander. J’adore courir, mais pas en ville, je préfère aller dans un des bois parisiens, ce n’est pas ce qui manque.

— Dis-moi, que penses-tu de ce meurtre ? J’ai vu sur internet qu’il avait été tué par une flèche d’arbalète. Qu’en penses-tu ? C’est original, non ?

— D’abord on ne dit pas une flèche, mais un carreau. Et si on ne peut pas en rire, je me demande quoi en penser. Les faits sont là. J’attends de savoir demain sur quelle piste les flics vont se lancer. Et auront-ils quelque chose à se mettre sous la dent ? Je n’ai pas appelé Philippe, c’est trop tôt. Tout ceci ne me dit rien de bon, je crois bien avoir déjà lu un crime presque semblable.

— Tu penses à quoi ?

— Je ne sais pas si tu te rappelles, mais il y a quelques mois, nous avons connu un meurtre qui s’est déroulé dans les mêmes circonstances. Enfin, peut-être que je vois des choses qui n’existent pas. On devrait vite le savoir.

— Tu te réfères à quoi ?

— Ce n’est pas encore bien net dans ma tête, mais je trouve des similitudes dans ces deux cas, même si je ne peux pas encore te l’expliquer.

— Essaie ?

— Il faut que je me replonge dans l’histoire du premier meurtre, il me semble bien qu’un témoin a découvert le corps au petit matin. Un cadavre dont rien ne laissait supposer qu’il put être mêlé à des affaires louches. La police n’a rien trouvé, aucune piste, rien qui ne puisse expliquer ces faits. Je me rappelle également que cela s’est déroulé vers le métro aérien au début de la rue Lecourbe dans le quinzième arrondissement. La victime avait été étranglée à l’aide d’une cordelette. Autrement dit cela fait deux assassinats pas très loin l’un de l’autre et sans que la police ne puisse trouver le moindre indice. Deux coïncidences pour moi, ça n’existe pas, il s’agit forcément de faits avérés. Je dois me rendre dès demain consulter les archives du journal le Parisien.

— Tout ce que tu me décris là me paraît bien mince. Mais depuis que je te connais, je ne prendrais pas le pari que tu te trompes. Il est vrai que pour ma part je ne vois pas ce qui rapproche ces deux affaires, je te fais confiance. Et puis, je me doute bien que tu dois être aux anges pour quelque temps, d’avoir une raison de déserter ton travail quotidien. Je ne me trompe pas là ? De toute façon Jean s’occupera des affaires courantes.

— Ne m’en veux pas, tu as raison, je le reconnais. Mais avoue quand même que je ne me goure pas souvent.

— Oui, je te l’ai dit, bien que je ne comprenne pas, peut-être que dans quelques jours je serai bien obligé d’admettre que tu avais vu juste.

— Allez, on rentre, tu as toujours envie du cinéma ?

— Non, en fait il aurait fallu y aller avant, surtout que ce soir il fait froid.

— Je suis tout à fait d’accord. Un petit bisou quand même ?

— Oh, je sens que la soirée n’est pas finie, rentrons vite.

— Ah bon, tu penses aussi la même chose que moi ?

— Devine. Ce n’est pas pour cela que tu dois marcher si vite…

 

 

Le 9 novembre

 

Quelques jours se sont écoulés et ce matin il ne fait pas très beau, ciel couvert, encore une journée froide et grise, je déteste tous ces mois de l’automne, Paris sent comme une affreuse odeur d’humidité, vivement les fêtes de fin d’année, c’est la durée que je me donne pour résoudre ce mystère. Oui, à Noël j’espère que tout sera fini.

— Bonjour Gilles, quoi de neuf ?

— J’arrive, Monsieur Duflont.

— Et vous ne croyez pas qu’il serait temps que l’on se tutoie ?

— Bien sûr vous avez raison, je n’osais pas. Je me lance, je t’apporte ton café de suite.

— Je prends le journal.

— Et voilà le café. Depuis la découverte du corps, nous n’en savons pas plus. Il y a bien eu un flic qui est venu, mais il n’était pas causant, et dès qu’il a su que nous étions fermés à l’heure du crime, il a mis les voiles comme s’il y avait le feu dans le bar.

— C’est bien l’impression que je ressens, on dirait qu’il ne s’est rien passé ici, c’est comme tous les jours et c’est peut-être pour cela que nous aimons tant vos petits zincs, c’est réconfortant.

— Bon, je te laisse lire ton journal tranquille.

Je me plonge immédiatement dans sa lecture, je le décortique littéralement page après page, article après article. En première page, je suis immédiatement dans le vif du sujet avec tous les titres des différents sujets traités. Je vois que pour ce qui me préoccupe, la police est affirmative, il s’agit maintenant bien pour elle d’un meurtre. Plus d’une semaine pour en arriver à cette conclusion, bravo, les gars. Je saute les pages politique et économique, pour avoir un peu plus de détails sur mon affaire. Je ne suis pas déçu, je lis : « tué par un carreau d’arbalète, ce qui n’est pas courant, un jeune homme de vingt-deux ans, Sébastien Feuillant a été retrouvé mort place Moro Giafferi dans le quatorzième arrondissement. Son corps fut découvert vers quatre heures trente par Monsieur Raquin Paul qui revenait de voyage à de Roissy Charles de Gaulle. Jusqu’à ce jour nous ne disposons que de faibles renseignements, c’est pourquoi nous prions quiconque pense avoir entendu ou vu un signe qui pourrait aider la police, à prendre contact avec elle. » Je ne peux m’empêcher de penser aux familles, je n’aimerais pas être à leur place. Le choix de l’arme ne semble pas faire partie de la panoplie du tueur appartenant au grand banditisme. Bon, on en sera plus demain, bien que j’en doute. Je continue ma lecture, j’arrive à la rubrique des courses. Je vois que Marc Durant a encore gagné hier à Auteuil. J’aimerais bien savoir comment lui et les de Laroche ont pu sortir de leur drame. Quelle histoire ! je pense souvent à ce gamin, que devient-il ? Enfin, j’arrive aux pages sur le sport. Rien de terrible, c’est toujours pareil, Paris est champion d’automne, faut dire qu’ils ne connaissent aucune concurrence. Ah, voici l’astrologie. Je ne suis pas débile et pourtant je ne peux m’empêcher de lire ces balivernes. Je jette un coup d’œil à la météo, et comme je le craignais, la journée sera maussade, en bon Parisien j’oserai même dire pourrie. Je demande au patron le téléphone et j’appelle Pierre Rolland, le directeur du Parisien. Heureusement que j’ai gardé toutes mes relations en quittant la police, j’ai toujours été en bon terme avec tous ceux qui pouvaient me rendre service. Et aujourd’hui c’était le cas.

— Allo, Monsieur Rolland ? Jacques Duflont.

— Comment allez-vous ? J’ai appris que vous aviez quitté la police, cela me fait plaisir de vous entendre. Que me vaut le plaisir de cet appel ?

— Je me porte bien et cependant j’ai besoin de vous. Il faudrait que je puisse consulter vos archives.

— Il n’y a aucun problème, vous venez quand vous voulez, je préviens la réception de suite, car je suppose que cela est pressé, n’est-ce pas ? Puis-je vous demander ce que vous cherchez ?

— J’aimerais vérifier ce que vous avez écrit sur un meurtre qui a eu lieu il y a quelques mois, la mémoire me fait défaut.

— Ne me dites pas que ceci aurait à voir avec le crime de la place Moro Giafferi.

— On ne peut rien vous cacher, mais je n’ai pas encore trouvé le lien entre ces deux affaires. Pour l’instant je vous demanderais de n’en parler à personne. Je vous promets que si je ne me trompe pas, je vous mettrai au parfum, vous serez largement gagnant, je ne vous oublierai pas, c’est promis.

— Je sais que je peux compter sur vous.

— Vous pouvez. Merci et à bientôt.

— Je repose ma tasse sur le comptoir, je rends le téléphone à Gilles et je file aux locaux du journal. Quel bordel dans Paris, on ne peut vraiment plus circuler avec tous ces travaux, j’en ai marre, oui je ne suis pas le seul, mais comment font les autres pour rester calme. Et voilà, une demi-heure de perdue, ça aurait pu être pire.

— Bonjour, Jacques Duflont, je viens consulter vos archives, il me semble que Monsieur Rolland vous a mis au courant.

— Edgard Boiron, enchanté, je vous attendais. Je vais vous guider, car il n’est pas facile de s’y retrouver dans ces sous-sols pour tomber sur la bonne pièce, suivez-moi.

Je lui emboîte le pas immédiatement, ne voulant pas perdre une minute. Nous arrivons dans la salle des archives, sur les tables trônent plusieurs ordinateurs, pas un bruit malgré la présence de plusieurs personnes, on comprend vite que nous nous trouvons dans le saint des saints pour nos recherches. C’est là que sont stockés tous les évènements qui ont marqué nos vies depuis que ce journal existe.

— Eh oui Monsieur Duflont il n’y a pas très longtemps que nous avons fini d’informatiser toute notre histoire, c’est rassurant n’est-ce pas ?

— Je vous le confirme. Au début et il n’y a pas si longtemps, nous étions obligés de consulter les journaux un par un, cela nous prenait un temps ! On vivait vraiment dans un autre monde, maintenant on gagne des heures, on peut découvrir plus vite ce que nous voulons trouver, et pourtant je me rends compte que ce n’est pas toujours le cas, la preuve, je suis là aujourd’hui. Je dois trouver ce que les autres n’ont pas cherché.

— Je vous le souhaite et je vous laisse. Je suis à l’accueil, si vous avez besoin de quoi que ce soit, appelez-moi au poste un.

— Merci, j’attaque tout de suite, je n’ai pas toute la journée devant moi.