5 heures : La Rue du Croissant - Henry Fèvre - E-Book

5 heures : La Rue du Croissant E-Book

Henry Fèvre

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Beschreibung

Extrait : "Vers cinq heures le passant, étranger au quartier, qui se trouve par hasard, à travers le flot humain dont le double courant va et vient des Halles aux grands boulevards, remonter la populeuse, la fourmillante rue Montmartre, n'est pas sans éprouver quelque surprise. Au milieu de l'animation laborieuse de ces voies encombrées, dans le plein étourdissement où vous jette ce mouvement d'eau qu'a le cours incessant de la foule avec son bruit grondant de piétons."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Vers cinq heures le passant, étranger au quartier, qui se trouve par hasard, à travers le flot humain dont le double courant va et vient des Halles aux grands boulevards, remonter la populeuse, la fourmillante rue Montmartre, n’est pas sans éprouver quelque surprise. Au milieu de l’animation laborieuse de ces voies encombrées, dans le plein étourdissement où vous jette ce mouvement d’eau qu’a le cours incessant de la foule avec son bruit grondant de piétons et de voitures, il ne peut s’empêcher, tout à coup saisi, de faire halte, avec un regard un peu effaré devant l’étrange spectacle qui l’attend, se révèle brusquement à lui, au coin de la rue du Croissant.

Qu’est-ce qu’il y a donc ? Qu’est-ce qui se passe ici ? Pourquoi tout ce monde ? Et quel monde ! Est-ce le feu, un accident, une révolution, une émeute ?

Pas très rassuré, notre passant regarde et observe. Spectacle étrange en effet, de physionomie plutôt inquiétante et difficile à définir tout d’abord. Devant lui, dans la rue exiguë, étranglée entre ses hautes maisons noircies, une des plus étroites et des plus laides de celles qui avoisinent les boulevards, et dont l’aspect évoque de préférence des idées confuses de mauvais lieux, de crimes et de coupe-gorge, grouille mystérieusement une foule patibulaire. Ce ne sont, pressées d’un bout à l’autre de la rue, que figures sinistres, figures cyniques et gouailleuses, têtes de voyous, êtres de misère, aux vêtements de rebut et aux casquettes sordides, toute une humanité de bas-fonds, assez pareille à un pullulement de rats d’égouts et qui semble être sortie là, des bouches ouvertes sous le trottoir, comme une génération spontanée ; comme à la campagne, par certaines soirées d’été, le sol uni d’une route se recouvre tout à coup de l’éclosion de milliards de crapauds minuscules ; comme, au moment des fourmis ailées, venues on ne sait d’où, des nuages inopinés de ces bestioles s’abattent en essaim sur un mur…

Tel, vers cinq heures, le premier aspect de la rue du Croissant, avec l’éclosion subite de ces hommes, qui ressemblent à des bêtes de nuit, prennent en leurs loques des airs haillonneux de chauves-souris, des couleurs louches et ternes d’êtres crépusculaires et dont la foule triviale emplit la chaussée, bouche la rue. Êtres bizarres, peu sympathiques d’allures, vaguement inquiétants, effrayants même… Le premier mouvement est de hâter le pas.

L’inquiétude apparaît d’autant plus justifiée, l’impression se dégage encore plus gênante devant l’air de guet, d’affût, d’attente patiente et embusquée que prend ce peuple amassé et immobile, pas autrement bruyant, ni tapageur, ni en émoi ; ce qui expliquerait les choses, le feu possible, l’accident supposé, l’émeute hypothétique… Mais non, morne est l’attroupement et ces gens restent plutôt silencieux comme s’ils se reposaient même de parler. Alors quoi ? Qu’est-ce qu’ils font là ? Qu’est-ce qu’ils attendent ? Entrée, sortie d’atelier ? Allons donc, ce n’est pas l’heure et puis il n’y a qu’à les regarder. Des ouvriers ? Ce n’est pas là le salissement méritoire et comme glorieux du travailleur manuel dont le labeur a noirci le bourgeron bleu, le veston, les mains calleuses, et qui, ainsi que le soldat sur son uniforme la poudre des batailles, garde la crasse des houilles, la graisse des machines, la poussière des bâtisses, la limaille des fabriques. Et puis des ouvriers, dans leurs vêtements populaires, restent cousus, ont des pièces à leur culotte, à leurs chaussures, mais pas de trous… Ceux-ci en ont, dans leurs nippes.

Et quelles nippes ! Oh ! les piteuses, pittoresques défroques de misère et de bohème, chapeaux, casquettes ramassés sur le tas, informes, pourris, comme des détritus, des épluchures ; et quelles étoffes, pisseuses, éraillées, à « crémaillères », quel bas de pantalons, en dents de scie, spécialement rongés, en loques – ils marchent donc beaucoup ces gens-là ? – quels ripatons surtout, inénarrables, bâillant, riant, gouaillant eux-mêmes, ouverts comme des gueules, et si difformes qu’ils en apparaissent orthopédiques.

Des ouvriers qui se respectent, de braves et bourgeois ouvriers n’ont pas de ripatons pareils. Ils ont aussi des mines plus soignées, se taillent la barbe, se rasent, sont corrects. Tandis que ceux-là, avec leurs physionomies hâves, maigres, ravagées par le besoin, le vice peut-être, le crime, qui sait ? avec leur nez rouge d’ivrognes – ou de buveurs d’eau à la Wallace – avec leurs faces pâles, sous le hâle, où les yeux parfois semblent avoir des taies, malades probablement de trop de courants d’air, aux coins des rues ou sous les ponts, et de trop de « belle étoile » sans doute ! Ceux-là enfin, avec leurs barbes de brigand ou de saint, dont le hallier pousse à même le roc des os, avec leurs cheveux trop longs qui pendent à quelques-uns comme des herbes autour des oreilles ? Des ouvriers ? Jamais, ou des ouvriers d’une besogne bien hétéroclite, ainsi que semblerait l’indiquer leur mine équivoque et, accentuant encore leur apparence patibulaire, ce je ne sais quoi de particulier qu’ils ont tous, qui tiraille leur figure, tord leur bouche, leur donne sans exception cet air ricanant et gouailleur qui est sur leur face, sur leurs lèvres comme la grimace immobilisée et le stigmate d’un cri, le cri spécial de la corporation, quelque peu discordant et rauque, mais si parisien :

– Demandez !…

Ce cri, son cri, féroce, familier, inviteur, l’un d’eux, sorti de la foule, vient de le pousser à l’improviste, sous le nez même de notre passant ahuri, tout en se sauvant comme un voleur, une liasse de journaux sous le bras. – Demandez… la Patrie… les Droits de l’Homme !… le Petit Bleu !…