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À l’aube de ses 50 ans, Juliette s’est résignée à accepter une existence morne et dépourvue de surprises. L’espoir pour elle n’est plus qu’un simple souvenir de jeunesse. Cependant, de nouveaux rebondissements viennent secouer son existence. Un message inattendu du passé sera l’étincelle qui fera exploser sa vie, bouleversant son monde. Saura-t-elle le reconstruire ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Marie-Noëlle Bon écrit ce livre par un jour de « ras le bol ». D’un coup, elle prend conscience de qui elle est, sa transformation intérieure s’amorce et sa vie change. Elle devient cette guérisseuse « messagère de l’âme » qui aide, accompagne de très nombreuses personnes à se révéler à elles-mêmes.
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Seitenzahl: 200
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Marie-Noëlle Bon
50 ans !
Et alors ?
Roman
© Lys Bleu Éditions – Marie-Noëlle Bon
ISBN : 979-10-422-1112-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
— Au revoir, Madame Roussel.
Je refermai vivement la porte, en laissant échapper un soupir de soulagement. Journée terminée ! Enfin pas tout à fait ! Encore quelques comptes rendus à rédiger, puis direction mon havre de paix !
Je m’installais donc à mon bureau en attrapant le dernier dossier de la pile, et tout en reprenant mes notes, je commençais ce travail pénible, mais indispensable qu’était la rédaction des rapports de séance. À peine une phrase tapée, qu’une pensée vint freiner ma détermination à terminer cette laborieuse et ingrate tâche. Rapidement je la chassais, mais cette indésirable avait décidé de s’incruster !
— Va au parc maintenant ! m’ordonnait-elle !
— Non pas maintenant, tout à l’heure, là je dois achever…
— Non ! maintenant !
Me voilà, assise, à me prendre la tête avec moi-même. Je n’avais plus aucun contrôle sur mon cerveau ! Il venait de prendre les commandes et je savais pertinemment que malgré ma volonté de récupérer mon pouvoir, je finirais par lui obéir. Je connaissais ce genre de pensées, d’ailleurs sont-elles réellement des pensées, ou bien sont-elles des appels de l’univers, des messages qu’il nous appartient ou pas, d’entendre, d’écouter ?
Nous avons toujours notre libre arbitre, nous exécuter ou bien enfouir cette petite voix au tréfonds de notre marasme mental. Depuis longtemps maintenant, j’avais accepté ces visiteuses. Je reconnais volontiers qu’elles ne m’ont apporté que des bienfaits, d’heureux évènements, des solutions inespérées, des rencontres inoubliables. Mais là, j’avais vraiment pris du retard sur ma gestion administrative. Je m’étais promis de rattraper ce soir une partie de cette montagne de dossiers.
— Promis, je termine ces dossiers et j’y vais ! « Un non maintenant » vint effacer ma détermination. Il est vrai que je me sentais épuisée, vidée ; qu’un bol d’air ne pouvait m’être que bénéfique.
Nous avons tous besoin d’une échappatoire, certains font du jogging, d’autres se mettent à la terrasse d’un bar pour boire un petit verre.
Moi, mon truc ? Me précipiter dans ce petit parc, à la porte de mon travail, m’asseoir simplement sur un banc, laisser dans mon esprit saturé, des confidences de mes clients, se dérouler la journée passée, de l’analyser, de définir les plans d’action pour le lendemain, d’archiver, de nettoyer toutes ces données cérébrales. Ces actions étaient devenues obligatoires, pour augmenter les performances de mon disque dur appelé plus couramment « cerveau ».
Je me dépêchai d’enfermer tous ces précieux dossiers à double tour dans l’armoire, m’assurai que toutes les lumières étaient éteintes. Enfin je pouvais d’un coup de clé dans la serrure mettre un terme à cette journée.
Je descendis à toute allure les marches de l’escalier, me retrouvai dans la rue, marchant d’un pas déterminé, vers mon petit havre de paix. J’atteignis le portillon à 18 h précise, je fis une pause, fermai mes yeux, pris une profonde inspiration, suivie d’une expiration accompagnée d’un grand ouffff ! Me voilà prête à arpenter ces allées envahies d’une végétation hétéroclite qui bordaient un étang, où des canards, tranquillement, restaient à l’affût des promeneurs, dans l’espoir d’engloutir des morceaux de pain.
Je marchai ainsi sans but précis, juste pour ressentir mes pas sur ce sol caillouteux, respirer à plein poumon cet air vif de fin de journée, observer mes pensées se diffuser sans aucune logique. C’était un vrai méli-mélo ! Des anecdotes racontées au cours des différentes séances, des projections de mes futurs rendez-vous, de quoi mon estomac allait se rassasier au repas du soir, cette nouvelle petite robe qui allait amputer mon budget, mon week-end dans ma famille… C’était un flux incessant, que je n’essayai même pas de maîtriser.
Alors que je commençai enfin, à calmer cette tempête mentale, à apprécier ces instants de calme, mon attention fut attirée par une femme. Elle était là, assise, seule, le regard perdu. Ces yeux étaient rougis par les larmes qui ruisselaient encore sur son visage. Image banale me direz-vous ? Dans tous les jardins publics, une femme est assise et pleure.
Mais cette femme avait quelque chose de différent, un petit je ne sais quoi, qui ramenait sans cesse mon regard vers elle. Je continuai d’avancer, mais trop tard ! Mon moulin d’analyse émotionnelle s’activa ! J’ai bien essayé de le raisonner : « Stop ! Là, je me repose ! C’est mon break ! Oh ! J’ai bien le droit ! Mais rien à faire, quand cette machine se met en route, une seule solution, connaître l’histoire.
Je fis donc demi-tour, acceptai l’offre d’un banc situé face à elle. Enfin pas tout à fait, un peu décalé sur sa droite, meilleure stratégie pour mon observation.
Posée comme une statue sur un socle, elle offrait à la brise de ce soir de fin d’été, un visage empreint d’une grande tristesse. Non pas une simple tristesse, plutôt un tourment, une torture viscérale qui l’habillait d’un voile de noblesse et de dignité.
Je restai là à l’épier. Elle était figée dans son carcan de détresse. Même mon voyeurisme ne semblait pas l’atteindre. Aucun mouvement ne l’animait, la seule étincelle de vie qui me confirmait qu’elle était bien une réalité était ses larmes qui coulaient en silence.
De nombreux scénarios de vie prirent forme dans ma tête, je commençai à chercher quel rôle pouvait lui correspondre. Mais malgré mon imagination et ma créativité, il m’était réellement impossible de la mettre en scène. Mais qui était donc cette femme ? Quel était donc ce secret qui la minait au point que je me retrouvai dans l’impuissance totale de reprendre ma balade, de rentrer chez moi ?
Vite ! Vite ! Il fallait que j’entre en contact sous peine de subir l’implosion de mes neurones !
Alors je me suis levée, j’ai avancé en silence vers elle. À quelques pas de cette nouvelle rencontre qui allait chambouler totalement ma vie, je l’ai interpellée :
— Vous permettez que je m’asseye près de vous ?
Sans même daigner me regarder, elle a simplement murmuré :
— Pourquoi pas…
J’ai donc pris place près d’elle. Étrange, étrange… Elle avait accepté ma demande. J’étais donc là, tout près d’elle. Je pouvais sentir son parfum, entendre sa respiration, ses reniflements, pourtant, j’avais cette sensation désagréable qu’elle n’en avait rien à faire, que je n’existais pas.
Le silence enveloppait notre échange. Mais comment faire pour l’intéresser ? J’aurais pu lui dire : « Eho ! Je suis là. » Elle m’avait dit oui. J’aurais pu la secouer en lui disant « mais qu’est-ce qui vous arrive ? » Alors même, que mon esprit essayait de trouver une approche acceptable, elle se tourna vers moi et de sa voix vide me demanda :
— Comment me trouvez-vous ?
Tout d’abord, cette première question me fit redescendre rapidement sur terre, et la déception ! Encore une femme qui venait de se faire larguer par son mec, histoire banale ! Les femmes ont cette fâcheuse tendance à remettre en question leur pouvoir de séduction, leur beauté dès que l’amour s’éloigne d’elle.
Je me voyais déjà bloquée sur ce banc à écouter les malheurs de la pauvre inconnue, de cet ingrat, ce salaud, qui avait osé la plaquer ! Après tout ce qu’elle avait fait pour lui ! Tous ses sacrifices… Blablabla… Et les enfants… Et la famille… Les amis… Que vont-ils dire ? Enfin tous ces trucs habituels, routiniers que je me coltine chaque jour. « Waouh, cette fois Sophie t’es tombée à côté de la plaque ». Je me voyais déjà face à une histoire incroyable ! Extraordinaire ! Fascinante ! Non une rupture ! Une simple rupture, évènement devenu dans notre société, courant et banal.
Je m’apprêtai à remettre mes deux jambes en route vers la tranquillité, quand elle m’a regardé. Mes yeux ont été absorbés, par la profondeur de son regard. J’ai compris que cette question n’était pas de la simple coquetterie, mais d’une importance vitale. Que je n’avais pas le droit à l’erreur, qu’il me fallait faire preuve de finesse, de franchise.
Je pris un temps de réflexion en pesant chaque mot que j’allais prononcer. Mon côté professionnel revint rapidement à mon secours. C’est donc tout naturellement que ma réponse se solda par une question :
— Quand vous me demandez : Comment me trouvez-vous ? Quel aspect de votre personne cela concerne-t-il ?
— Physiquement… me lâcha-t-elle.
Mais qui était donc cette femme ? Qui par de simples interrogations, d’une banalité extraordinaire, mettait le charivari dans mon esprit d’analyste, bousculant toutes mes années d’étude sur le fonctionnement complexe du cerveau humain. Cette fois, je laissai ma spontanéité la décrire :
— Je vous trouve… Euh… Attirante… Votre charme… Ne doit pas laisser indifférents les hommes… Ni les femmes d’ailleurs ! Vous êtes… Je peux vous le dire une belle femme…
Étant moi-même, une femme, je me sentais plutôt mal à l’aise. Me voilà assise sur un banc dans un jardin public, en train de dire à une autre femme qu’elle était belle ! N’allez pas vous imaginer quoi que ce soit ! Allez ! Effacez vite de l’écran de votre tête, le film qui commence : une histoire d’amour entre deux femmes, car là, vous vous trompez.
Laissez-moi plutôt vous la décrire. Environ 1 m 65, blonde aux yeux marron perçants accentués par un maquillage brun. Une bouche bien dessinée et sensuelle en forme de cœur, recouverte d’un rouge à lèvres rose naturel, plutôt coquette. Elle portait une jolie robe noir style cache-cœur, dévoilant un corps mince, une taille fine, des hanches bien dessinées. Son décolleté révélait une jolie petite poitrine ferme.
Cette description peut encore porter à confusion. Moi-même, d’ailleurs, je m’étonne de parler ainsi d’une autre femme, avec des termes si proches de ceux que pourrait utiliser un homme. Mais elle avait ce petit quelque chose, qui attire autant le regard des hommes que celui des femmes. On ne peut pas dire que sa beauté était celle que l’on voit afficher dans tous les magazines. Non ! C’était bien plus profond, plus envoûtant.
Là, j’avoue que je ne comprenais pas vraiment pourquoi elle avait besoin d’être rassurée. Cette femme, la quarantaine, avait dû à maintes reprises au cours de sa vie déchaîner des passions et des drames.
— Si vous étiez un homme ? Est-ce que vous m’aborderiez ?
Là je me trouvais plutôt dans l’impasse. Comment répondre à une telle question ? Et ce, sans l’affliger davantage, et la voir se fermer à tout dialogue.
Alors j’appelais à la rescousse toutes mes différentes expériences de coach. En vitesse accélérée, je repassais en revue tous les hommes que j’avais accompagnés, avec leur discours sur la femme parfaite. La réponse qui me vint fut :
— Oui certainement…
Alors là pour une réponse recherchée, j’avais fait fort ! Deux petits mots, juste deux petits mots, et stupides mots !
Mais ils devaient avoir un pouvoir magique caché, car ils déclenchèrent chez ma mystérieuse inconnue un flot ininterrompu de paroles, de colère, de haine, de douleur, de désespoir, d’indignation. Je restais là, à l’écouter sans oser l’interrompre. Je compris que ce n’était pas un homme qui l’avait blessée, mais les hommes de la vie.
Après cette salve vocale, elle se calma. Surprise, mal à l’aise face à sa réaction, elle me présenta ses excuses et voulut prendre congé.
Ah ! Non ! s’écria ma part de curiosité intérieure. Elle ne pouvait pas partir comme ça, et me laisser, ainsi assoiffée par la découverte de son histoire. Moi Sophie, la grande coach, reconnue par ses pairs, me priver d’une occasion de percer un mystère. Prise au dépourvu, j’ai alors posé ma main sur son bras tout en la suppliant :
— Attendez ! Ne partez pas !
Elle se retourna vers moi, d’un regard incrédule. Avant que mon inconnue ne quitte définitivement mon champ d’intérêt, j’enchaînais :
— Vous savez ce n’est pas mon habitude d’accoster ainsi des inconnus. Mais ce soir quand je vous ai vu, je me suis sentie comme attirée par vous. Je ne sais pas si vous croyez au hasard. Pour moi, le hasard n’existe pas, notre destinée nous offre des rencontres inopinées, tout en nous laissant notre libre arbitre. Depuis plusieurs années, j’ai appris à me laisser guider par mes intuitions. Ce soir, alors que j’étais assise à mon bureau, une petite voix m’a dit « Va au parc, maintenant ! ». Sans même essayer de la combattre, j’ai fermé mon bureau, je l’ai suivie. J’ai commencé ma balade journalière, je vous ai vu. Je me sentis immédiatement happée par votre présence. Je suis convaincue que cette rencontre a été provoquée. Je ne sais pas dans quel but, mais est-ce réellement important de le savoir ? Vous allez peut-être me prendre pour une dingue ?
Elle laissa un timide sourire se dessiner sur ses lèvres :
— Non, pas du tout, je ne vous prends pas pour une folle. Je crois au destin. Cela fait 20 ans que j’ai commencé un long chemin de développement personnel. Grâce à ce travail de découverte intérieure, j’ai traversé l’épreuve de la maladie par une guérison dite miraculeuse. J’ai survécu à un tueur en série. J’ai appris à pardonner à ma famille, à renouer avec elle des liens affectifs. Je me suis stabilisée au niveau professionnel et financier. J’ai même réussi à avoir une relation amoureuse stable pendant 10 ans ! Et pourtant, malgré ce long parcours initiatique, tout vient de s’écrouler ! Toute ma vie vient de voler en éclats ! Mon passé vient de ressurgir tel un ouragan. Il a dévasté ces 20 ans de reconstruction ! Il m’a mis face à mon présent. J’ai découvert que tout ce qui semblait être ma vie n’était qu’une illusion, qu’une suite de mensonges. Je suis totalement démunie, sans ressources. J’ai oublié tous les grands principes de vie, je me sens épuisée, vidée, proche de l’abandon. Je regarde tous ces morceaux. Je ne sais plus si je dois les recoller ou bien les jeter !
Des questions se bousculaient dans ma tête. Elles réclamaient à cor et à cri des réponses, mais je restais simplement dans une position d’écoute.
— Tout à l’heure, quand vous m’avez décrite. Vous avez dit que j’étais une femme attirante. Vous avez mis exactement votre doigt sur le fléau qui me ronge. Depuis que mon corps d’enfant s’est transformé en celui de femme, je suis la femme que les hommes désirent… Mais… Je ne suis la femme d’aucun homme.
Elle se tut et replongea dans un état figé.
Je compris à ces derniers mots que je venais de rencontrer la femme d’aujourd’hui construite par notre société. Celle qui a pris naissance suite aux longs combats des groupes de féministes, une femme complète. C’est-à-dire une belle femme, attirante, séduisante, intelligente, indépendante, mais terriblement seule.
Après ces quelques réflexions personnelles, il fallait impérativement que je relance le dialogue sous peine de la voir m’échapper :
— Dans mon bureau, chaque jour, je vois des hommes, des femmes détruits par des quiproquos, des malentendus engendrés par la différence des deux sexes. Au fil de mes années d’écoute, j’ai pris conscience que l’homme et la femme ne sont pas aussi différents l’un de l’autre, malgré ce que veulent bien nous laisser croire toutes les grandes théories. Je dirais même qu’ils sont identiques sur deux points : le besoin d’être aimé et la peur d’aimer.
La résonance de mes paroles me l’a ramenée, d’une voix dubitative elle a susurré :
— Le besoin d’être aimé… La peur d’aimer…
Puis elle s’est levée sans même me regarder, et a pris congé :
— Bonsoir Sophie…
Mais comment connaissait-elle mon prénom ?
— Comment savez-vous comment je m’appelle ?
C’est l’homme qui vous accompagne qui me l’a dit, me répondit-elle.
— Mais quel homme ? J’ai regardé autour de moi. Je ne voyais aucun homme !
Je l’ai vu s’éloigner en espérant la revoir. À cet instant j’étais bien loin de la réalité. Je n’avais pas compris que cette rencontre était la rencontre qui allait bouleverser ma vie.
— Il s’appelle Julien. La tristesse que vous cachez derrière votre empressement à aider les autres le retient à vos côtés.
Ces mots venaient me gifler sans que je puisse réagir. Le silence que ma bouche prononçait était la seule possibilité que ces révélations m’imposaient.
Pendant plusieurs jours j’étais revenue dans ce parc avec l’espoir de la retrouver, mais son absence ne faisait qu’amplifier ma curiosité. L’impatience commençait vraiment à me gagner, surtout je doutais chaque jour de la revoir.
Ce soir-là, sans même me dire « Bonjour » elle me déballe d’un ton neutre ces foutaises ! Là j’ai vraiment ressenti la colère qui montait. Mais qui lui avait dit pour Julien ? C’est donc tout naturellement la question que je lui ai posée.
— Lui me répondit-elle !
Alors là trop c’est trop !
— Vous êtes quoi ? Un genre de médium ?
— Non je suis maudite me répondit-elle en se levant et en disparaissant à nouveau.
Un vrai fantôme, cette femme !
Plusieurs semaines se sont écoulées, sans que je revisse Juliette. J’en arrivais à me demander si elle existait vraiment ou si c’était mon imagination un peu trop productive qui l’avait créée.
Puis un soir, alors que je ne l’attendais plus, elle est apparue un peu comme par magie.
Elle s’est installée près de moi. Elle a commencé à me raconter. J’avais vraiment l’impression de ne pas exister. Pas même un simple bonjour, juste des mots qui défilaient, qui mettaient en scène sa vie. J’ai donc simplement écouté sans l’interrompre, car j’avais bien trop peur qu’elle ne disparaisse à nouveau.
Voici son histoire…
Juliette va avoir 50 ans dans quelques mois. Elle a trois enfants et une charmante petite fille de 8 mois.
Sa vie a été chaotique pendant les 40 premières années. Elle a été ponctuée par la perte d’êtres chers, la maladie, la pauvreté, la déchéance et la solitude, résultat de toutes ces épreuves.
Son métier l’oblige chaque semaine à être sur les routes, à dormir dans les hôtels. Ce travail, qu’elle fait depuis maintenant un an et demi a été la bouée qui lui a permis à l’époque de surmonter une épreuve terrible. La perte précipitée et rapprochée de ses parents. Ce travail lui avait enfin donné une stabilité professionnelle et financière. Elle adorait ce qu’elle faisait. Elle s’y adonnait avec passion.
Elle avait un compagnon, Philippe, non pas un homme qui vivait avec elle, simplement un homme qui disait l’aimer, mais qui tenait à son chacun chez soi et surtout à sa femme !
Ils s’étaient rencontrés dix ans plus tôt, il était marié, mais lui avait dit « Je suis en instance de divorce ». Un charmeur qui avait su faire oublier à Juliette ce faux célibat. Madame, sa chère et tendre n’avait jamais voulu quitter le foyer. Monsieur ne voulait pas lui laisser ce bien précieux, son manoir. Une entente s’était installée, Monsieur passait la semaine chez l’une et certains week-ends chez l’autre.
La procédure de divorce fut oubliée.
Juliette avait accepté cette situation, convaincue que son amour pour elle le ramènerait vers elle à plein temps. Mais Philippe trouvait toujours de bonnes excuses, les enfants. Il en avait deux, sa femme qui était malade. Juliette avait voulu le quitter de nombreuses fois. Elle avait découvert que cet homme était un collectionneur. Quand il dénichait une nouvelle pièce, elle devenait sa propriété exclusive, et se refusait de la lâcher.
Harcèlement, menaces, surveillance, filature étaient les armes redoutables qu’il utilisait pour la garder. Il avait réussi à l’isoler, elle avait vu tous ses amis s’éloigner d’elle, petit à petit, sans même s’en rendre compte.
Elle était bien consciente de la tristesse de sa vie, même son fils le plus jeune lui avait dit un jour : « Maman tu as changé, tu n’es plus comme avant… Tu ne ris plus. » Ce jour-là ces paroles avaient glissé dans une partie inconsciente de Juliette. Ce que son fils ignorait, c’est qu’il venait de semer une petite graine qui allait germer, grandir et devenir un vrai détonateur.
Elle s’était résignée à accepter cette vie de routine, tout comme sa mère l’avait fait avant elle, tout comme sa grand-mère. Comme si une malédiction s’était abattue sur les femmes de cette famille !
Les samedis et dimanches Philippe venait. Enfin, quand il ne punissait pas Juliette par son absence, suite à une dispute violente, concernant soit ses enfants, ou sa femme. Ces scènes étaient de plus en plus fréquentes. Juliette se surprenait à les accepter comme une aubaine, en prenant plaisir à les provoquer !
Quand il était là, c’étaient toujours les mêmes rengaines. Elle devait s’habiller sexy, car Monsieur aimait que les hommes se retournent sur leur passage. Ensemble ils allaient faire les courses, puis après un dîner triste et monotone, Monsieur se scotchait à son ordi ou à son téléphone. Alors Juliette montait dans sa chambre, seule. Lui, passait la soirée sur le Net jusqu’à une heure avancée de la nuit. Tous les dimanches matin, Juliette avait droit au petit rituel mis en place par son cher et tendre. Elle lui apportait le café au lit. Ensuite elle se soumettait à cet acte qui aurait dû, accompli dans l’amour, être un pur moment de bonheur, mais qui était devenue une simple tâche hebdomadaire pour Juliette.
Il est vrai que de temps en temps, ces week-ends routiniers étaient ponctués par des invitations d’amis, de la famille de Philippe. Eh ! Oui ! Même la famille de Philippe acceptait cette situation ! Ils allaient une fois chez l’une, une fois chez l’autre, sans être choqués !
Leur fils, ce Dieu n’était que perfection à leurs yeux. Philippe refusait d’accueillir la famille de Juliette. Ce qui provoquait entre eux des scènes terribles. Parfois, il l’autorisait à inviter ses enfants, mais préférant tout de même qu’elle le fasse lors de ses absences.
Juliette remarquait que même leur présence, l’amour qu’elle leur portait ne suffisait plus à ressentir la vie dans son corps. Elle s’affairait en cuisine. Lorsqu’elle s’asseyait à table, elle les entendait parler, sans vraiment les entendre. Elle attendait avec impatience le moment, où tout le monde partirait pour pouvoir enfin se retrouver seule. Car elle préférait encore être seule chez elle, que seule au milieu de ceux qu’elle aimait.
Au fil des années, cette vie prévisible, triste, la tuait à petit feu, parfois elle se surprenait à espérer mourir jeune. Par peur des dernières années, où la vieillesse viendrait lui rappeler tout ce qu’elle n’avait pas vécu.
Mais Juliette avait totalement oublié qu’un simple battement d’aile de papillon pouvait entraîner une tornade à l’autre bout du monde ! Tout comme, un simple évènement, aussi anodin que la réception d’un message électronique, peut à tout jamais bousculer totalement une vie.
Un vendredi, le 20 septembre, comme à son habitude, Juliette rentrait de sa semaine d’itinérante. Ce soir-là elle stationna sa voiture, descendit sa valise, sa sacoche et entra se réfugier dans sa petite maison, la maison de poupée comme l’appelaient ses enfants. Sur la route Philippe lui avait téléphoné, il ne viendrait pas ce week-end. Juliette s’était sentie soulagée ! Elle avait donc projeté un plateau télé, affalée dans son canapé devant des séries américaines, lui paralysant toute réflexion, lui servant de somnifère. Soirée d’extase en perspective !
Mais une fois rentrée chez elle, elle se prépara un sandwich, s’installa à son ordinateur, et consulta sa page Facebook. Cette page lui permettait de croire qu’elle avait encore un semblant de vie sociale.