7 vies - Valentin Lefebvre - E-Book

7 vies E-Book

Valentin Lefebvre

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Beschreibung

Nina est une jeune femme différente et en avance sur son temps. Elle découvrira qu’elle est une sorcière. Cela l’entraînera à vivre de nombreuses aventures, à explorer ce qu’elle est capable de faire et à se questionner sur qui elle est. Le pouvoir la changera-t-il positivement ou négativement, ou éveillera-t-il juste la dame qu’elle est supposée être ? Dans cette reconnaissance, elle va aussi expérimenter l’amour et tout ce que cela peut impliquer.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Valentin Lefebvre trouve dans l’écriture une échappatoire. Cette capacité à créer un monde, des personnages, des émotions, des combats intérieurs lui permet de s’évader. Il met du sien au fil des pages et plus il rédige, plus il s’attache aux personnages et à l’histoire.

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Seitenzahl: 500

Veröffentlichungsjahr: 2023

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© Lys Bleu Éditions – Valentin Lefebvre

ISBN : 979-10-377-8123-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Prologue

Le jour de mon dixième anniversaire, mon père m’offrit un ballon de basket-ball. Je partis jouer avec. Nous avions un terrain en face de la maison. C’est alors qu’un chauffard, ivre, ne me vit pas traverser. Il prit la fuite sans se retourner.

Les médecins avaient fait ce qu’ils pouvaient. Je n’étais pas morte, mais je n’étais plus tout à fait vivante. Je me trouvais quelque part entre les deux. On aurait pu dire que j’étais dans le coma, mais ce n’était pas vraiment cela. Je ne saurais vraiment l’expliquer. Je me sentais dans une sorte de transe. J’étais plongée dans des réminiscences. Je rêvais de mes anciennes vies. Je savais que cela était réel, que cela m’était arrivé. Je pouvais le sentir au plus profond de mon être. J’avais vécu dans plusieurs lieux, à plusieurs époques. Tant de visages que j’avais croisés, tant de personnes qui m’avaient aidée, et parmi tous, il était là. Il l’avait toujours été. Je me réveillai des années plus tard, avec une douleur aiguë dans le ventre. Cette douleur provenait de ma dernière vie, et de la façon dont j’étais morte.

Aujourd’hui, j’ai besoin de me confier après tout ce que j’ai vécu. J’ai tout sacrifié par amour. Pourquoi ? Pour un amour qui traversa des millénaires et qui engendra tant de malheur, de souffrance et de trahison. Cela en valait-il vraiment la peine ? Aujourd’hui, je ne sais plus… Je me suis réveillée en me souvenant de tout. Du goût de ses lèvres, de son toucher électrique, de sa peau si douce, de son regard brûlant et tant d’autres sensations non vécues, mais si familières. Ces sensations me faisaient croire que mes actions en valaient la peine. Mais ma famille, mes amis méritaient-ils vraiment ce sort ? Je ne pense pas. C’est pour cela qu’aujourd’hui, j’ai décidé de raconter mon histoire pour ne pas oublier et rendre hommage aux disparus… Je vous dirai tout, en étant parfaitement honnête. Je me dois de remonter aux origines de mon histoire, même si elle a commencé il y a fort longtemps.

Mais avant cela, je dois vous prévenir que j’ai changé les prénoms. Je ne l’ai pas fait dans l’intention de vous tromper, bien au contraire. Ce que je souhaite, c’est que mon histoire soit intemporelle, et que vous puissiez vous identifier aux personnes que j’ai rencontrées tout au long de mes différentes vies. Les anciens prénoms de nos jours n’ont plus d’écho dans notre cœur et quand nous nous trouvons confrontés à eux, nous prenons de la distance envers eux et leurs histoires. Certainement, car des décennies sont passées entre-temps. Mais si j’use d’un nom qui peut trouver écho en vous, soit parce que vous aimez ce prénom, soit, car il vous fait penser à votre famille, à vos amis, à vos voisins ou, au moins, à votre époque, alors vous vous identifiez plus facilement. J’essaie d’enlever toutes les barrières qui pourraient nous séparer. Et j’espère que par cette action vous ne vous sentirez pas dupés, mais proches de moi, de ce que j’ai vécu. Et je vous jure que c’est la seule liberté que j’ai prise vis-à-vis de mon histoire, et que tout le reste est véridique. Maintenant, je vais tout vous avouer, et j’espère que vous me pardonnerez, et si ce n’est pas le cas j’espère que vous pourrez me comprendre…

Chapitre 1

Les fiançailles

Mon histoire commença il y a fort longtemps. Bien avant le monde que nous connaissons tous, celui que malgré moi j’ai façonné. J’ai vécu tellement de vie, à travers tellement d’époques différentes que je ne sais plus vraiment qui je suis. Je ne sais pas ce qui m’attend dans cette vie-là. La seule certitude que j’ai est que c’est ma dernière chance. Mais ceci est une autre histoire, et pour que vous puissiez me comprendre, peut-être même me pardonner, je dois reprendre depuis le commencement.

Je vivais dans une petite île grecque. Enfin, c’était ce que j’imaginais, car je n’en étais jamais sortie. Elle s’appelait Corcyre. Mon village se trouvait entre forêt et mer. La mer était bordée par des falaises. Quand j’étais plus jeune, nous y allions de temps en temps. Le sable et l’eau étaient d’une telle clarté qu’une essence de pureté s’en dégageait. Cet endroit me semblait parfait. Mais cela faisait quelques années qu’on n’y était pas retourné. Plus nous grandissons, et moins nous prêtons attention à ce qui nous entoure. Nous partagions notre temps entre le village et notre demeure. Si le choix ne tenait qu’à moi, je préférerais être dans la forêt, ou à la mer, loin de tous ces gens qui ne me ressemblaient pas.

J’étais une jeune femme libre et rêveuse. Les villageois ne m’aimaient guère, pour diverses raisons. La première était que, selon eux, je n’appartenais pas à leur monde, car je refusais de me soumettre à leurs règles. La seconde était que j’avais acquis une certaine culture par le biais de mes lectures. Dans les contrées reculées, les femmes ne pouvaient se permettre d’être savantes. L’homme possédait tous les droits, contrairement à la femme qui n’en avait qu’un seul : celui de devenir l’objet de son mari. Cela m’était impossible. Jamais on ne pourrait me façonner ni me forcer à abandonner ce que je suis. Ils voulaient me voir en parfaite ménagère. Une ombre parmi les autres. Quand je marchais dans la rue, on me dévisageait, on riait, ou l’on m’évitait comme la peste. Malgré les railleries, je devais tenir bon. Il me serait facile de me fondre dans la masse, d’errer comme une âme en peine. Mais la facilité ne faisait pas partie de mes valeurs. Je voulais juste être moi, même si cela engendrait un rejet constant.

Quand c’était trop dur, je me raccrochais à mes rêves. J’aspirais à de grandes choses. Peut-être trop grandes, pour moi… Même si ma vie n’était qu’un songe bercé d’illusions, je ne pourrais me résoudre à être comme eux. Malgré les moqueries, j’avais beaucoup de prétendants. Mais aucun d’eux ne m’intéressait, je les trouvais tous fades et futiles. D’ailleurs, les seules raisons qui les poussaient à vouloir me posséder étaient pour la gloire du trophée, pour la beauté de l’objet. Personnellement, je ne me trouvais pas très belle. Pour une femme, j’étais plutôt grande, maigre, mais pas trop, mes yeux étaient marron et mes cheveux étaient longs et plus noirs qu’un plumage de corbeau. J’avais une petite veine sur le front qui ressortait quand j’étais sous l’emprise de mes émotions. J’étais une femme banale, sans rien de particulier. Mon seul signe distinctif se trouvait sur mon omoplate droite, j’avais une marque assez étrange : un pentagramme. Je ne savais pas encore d’où elle me venait. Mon père m’avait dit que je l’avais depuis ma naissance. Cette marque était pour moi, une bénédiction autant qu’une malédiction. À cause d’elle, je n’avais jamais pu m’intégrer, mais elle me rappelait que je ne ressemblais pas à tous ces gens. À toutes ces personnes qui ne savent pas accepter la différence des autres. À tous ces êtres qui se complaisent dans l’artifice. J’aimais croire qu’un grand destin m’attendait. C’était la seule chose qui me permettait de tenir encore debout, de ne pas tomber. J’avais raison, mais je ne le savais pas encore et mon insolence allait me coûter très cher.

« Nina ! Nina ! Réveille-toi, ton frère est là ! » Ces quelques mots prononcés par ma belle-mère m’extirpèrent de mon sommeil. Enfin, il était là. Mon frère était parti sur les champs de bataille. Chaque jour, j’avais la peur au ventre pour lui. Après son départ, je n’avais plus mangé pendant plusieurs jours. L’inquiétude nouait mon estomac. J’étais devenue tellement maigre, et faible, que je me fis peur. Je dus me faire violence pour m’alimenter à nouveau. Nous étions très proches. C’était mon frère, mon ami, mon confident et tant d’autres choses encore. Il me considérait de la même façon, malgré son petit côté secret, qui parfois m’agaçait fortement. Mais, je ne pouvais pas le changer alors je l’acceptais comme il était. Je ne savais que trop bien le sentiment que l’on éprouvait lorsque tout le monde nous rejetait.

La dernière fois qu’on s’était quitté, ce n’était pas en très bons termes. Quotidiennement, je regrettais les paroles que j’avais eues durant notre dispute. Je ne pouvais me résoudre à le laisser partir, car cela voulait dire qu’il risquait de ne jamais revenir. Et si jamais je le perdais, je n’aurai pas la force de continuer. J’enfilai la première chose que je trouvai et descendis aussi rapidement que possible. Il se tenait assis dans la cuisine et mangeait son petit-déjeuner. C’était un grand brun aux beaux yeux marron, à la peau claire. Il avait les cheveux assez courts, contrairement à la coutume. Il me ressemblait sur ce point, nous étions deux marginaux. Il était plaisant et avait un grand succès auprès de la gent féminine, pourtant il n’avait jamais eu le coup de foudre pour une seule d’entre elles. À croire qu’être difficile en amour était une tare familiale. Il me dit : « Bonjour, petite sœur. » Sous le poids de l’émotion, je fondis en larmes et m’écroulai dans ses bras. Je regrettais d’avoir eu ce comportement. J’étais trop émotive, trop faible. Je m’en voulais tellement. Chaque jour depuis son départ je me reprochais mes dires, et à le revoir, la peur que j’avais eue pour lui, la culpabilité, tout remontait à la surface. Ces émotions, combinées à la joie qu’il soit là, sain et sauf, avaient créé une confusion que je ne pus contenir. Elles’échappa en larmes. Je me repris avec difficultés. Il m’était enfin revenu, je ne voulais pas gâcher ce moment et je ferai tout pour que nous ne nous disputions plus jamais.

Plus tard dans la journée, nous rangions le foin de la grange. Nous devions le monter à la mezzanine. L’étage était l’endroit où l’on disposait la paille, et en bas il y avait quelques tables en bois. Mon frère se tenait en haut, et réceptionnait les bottes de foin que je lui envoyais. Un silence pesant s’était installé entre nous. J’avais peur qu’il dure, si je ne faisais pas le premier pas. Dans les relations humaines, il y avait parfois un point de non-retour. Ma plus grande crainte était qu’on atteigne ce point. Cette angoisse empoisonnait mon âme. Si jamais, je perdais mon frère, je perdais tout ce que je possédais. Alors, je pris mon courage à deux mains, et je lui dis ce que j’avais sur le cœur.

« Tu m’as manqué. » Je gardais un petit silence avant de risquer « Et, tu sais à propos de notre dernière conversation… je… je voulais m’excuser. Te dire à quel point je suis dé…

— Pas la peine, me coupa-t-il. Tu sais, dans la vie, il faut apprendre à pardonner, car on ne sait pas combien de temps il nous reste, et si je meurs demain, je ne voudrais pas que ton dernier souvenir de moi soit une dispute. » Je fus surprise de cette réponse si sage. La guerre l’avait fait mûrir. C’était comme si je me tenais face à un nouvel homme.

— Qu’avez-vous fait de mon frère, bel inconnu ? lui dis-je d’un ton plaisantin.

— Tu sais, j’ai vu tellement d’atrocités, de cruautés, que je me suis rendu compte que la vie était précieuse, qu’on en avait qu’une et qu’il ne fallait pas la gaspiller, me répondit-il. En somme, j’ai tout simplement grandi, railla-t-il.

— Alors papy, je suppose que tu es devenu trop vieux pour te prendre une raclée par une fille ? rétorquai-je défiante.

— Défi accepté, je vais essayer de ne pas trop te faire mal, me lança-t-il.

À ces quelques mots, je ne pus m’empêcher de laisser sortir un petit rire moqueur. Il sauta de la mezzanine, et vint écraser son poing sur le sol. Cette pirouette n’avait que pour but de m’impressionner. Certes, je l’étais, mais pas assez pour renoncer. Il saisit deux bâtons et m’en envoya un pour que le combat commence. Il débuta par un coup vers le haut que je parai avec aisance. Il pivota sur lui-même pour m’en donner un autre sur le côté droit que je contrai de justesse. Il reproduit l’action pour venir frapper à gauche. Je savais que si j’arrêtais son coup, il recommencerait, encore et encore, pour tenter de m’avoir par épuisement. Alors, pour esquiver et finir ce cercle sans fin, je fis un salto arrière et atterris sur la table. En me réceptionnant, je fis tomber quelques objets, qui se cassèrent dans leurs chutes. Mais je n’avais pas le temps de constater les dégâts. Je fis une nouvelle pirouette pour revenir à terre. Pendant ce saut périlleux, j’étais parvenue à renverser la table sur lui, ce qui le retarda un peu, me laissant reprendre mes esprits. Il poussa le meuble qui s’interposait entre nous. Ce dernier s’entrechoqua contre un autre faisant tomber ce qui était dessus. C’était un lion, il avait appris de nouvelles techniques qu’il mettait à profit pour se donner un certain avantage. À force d’être sur les champs de bataille, Arès et Athéna lui avaient conféré de nouvelles capacités, ce qui faisait de lui un adversaire plus que redoutable. Malgré cela, je ne me décourageai pas pour autant. Je fis une feinte qu’il réussit à parer et il m’envoya contre une étagère. Celle-ci sous le choc céda et me tomba dessus. N’importe quelle personne normale aurait été assommée. Mais ce n’était pas la première fois que cela m’arrivait, et sûrement pas la dernière, alors j’avais développé une résistance accrue aux coups. Je me relevais, plantais mon bâton dans le sol, pour m’élever dans les airs et lui porter mon pied à son visage. Il tomba dans le foin. Il se releva, cracha un peu de salive ensanglantée, puis dans les cris nous reprîmes le combat. S’il était un lion, pour ma part j’étais une lionne. Nos armes continuèrent à s’entrechoquer. On essayait de trouver le point faible de l’autre ; sans résultat. Dès que l’un de nous prenait l’avantage, l’autre arrivait à le repousser. Le combat aurait pu continuer une éternité, sans qu’aucun de nous puisse l’emporter.

Mais un élément extérieur vint nous interrompre. C’était ma belle-mère qui venait voir ce qu’était ce raffut. Elle avait une sorte de chiffon attaché à ses cheveux blonds et ses mèches grises. Son visage était ridé et fatigué. Elle portait une robe délavée qui ne la mettait pas en valeur. Elle n’avait pas eu le temps d’apercevoir nos bâtons, car nous les avions déjà cachés derrière nous. Nous avions pris cette habitude, étant petits. Sauf que normalement on ne cassait rien. Toutefois, même si nous avions dissimulé les armes du crime, l’état de la grange nous trahissait. C’était la première fois que nous avions créé un tel chaos. On aurait pu croire qu’une tempête était passée par là. Pris dans l’emportement de notre affrontement, nous n’avions même pas fait attention à ce qui nous entourait. Stupéfaite et en colère elle dit :

« Mon Dieu, qu’est-ce que vous avez encore fait ?! On croirait qu’Éole a déchaîné son courroux ! Il y a intérêt que tout soit rangé avant demain, compris ?! Et quant à vous, ma chère Nina, croyez-vous vraiment que ceci est le comportement d’une jeune femme ? Déjà, que Cameron, à son âge, joue encore à ses jeux stupides et dangereux est difficilement acceptable… Mais vous, Nina, femme que vous êtes, vous ne devriez pas faire ce genre de choses-là ! C’est indécent ! Vous devriez plutôt vous concentrer à apprendre les bonnes manières et à vous trouver un époux. À vrai dire, vous êtes la honte de la famille ! disait-elle en me fixant droit dans les yeux.

— Désolée, dis-je à contrecœur, n’osant maintenir le regard de peur d’envenimer les événements.

— Vous n’êtes qu’une petite fille trop gâtée. Il serait peut-être temps de grandir ! » Elle se tut un instant pour faire retomber sa colère, et reprit froidement. « Et d’ailleurs, pour cela, j’ai ma petite idée, me dit-elle.

— Tout ce que vous voudrez, répondis-je naïvement espérant calmer la situation.

— Ceci est la seule réponse acceptable. Donc puisque vous êtes enfin résignée à m’écouter, demain nous fêterons vos fiançailles avec Alec.

— Quoi ? Non ! répondis-je, indignée, et en colère. Cet homme a un ego surdimensionné, pour lui les femmes sont des objets, de vulgaires trophées de chasse ! Je mérite mieux ! … Je vous en prie ! J’aspire à une romance digne des histoires que je lis, où mon homme me considère comme sa moitié et non comme sa soumise. Je vous en supplie mère.

— Ça suffit vos jérémiades ! Une promesse est une promesse, n’avez-vous pas de paroles ? J’avais pourtant bien dit à votre père que toutes ces histoires d’amour vous remplissaient le crâne d’idioties. Sa réaction fut de me rire au nez. Malgré ces moqueries, j’avais raison… De plus, vous connaissez notre situation financière… Et c’est le seul prétendant qui a bien voulu payer… » Elle reprit, énervée. « Puis de toute manière, vous n’avez de vue sur personne, alors où est le problème ? Maintenant, redescendez sur terre, et demain que ça vous plaise ou non, vous vous fiancerez avec Alec !

— Bien ! l’assaillis-je le plus violemment possible. »

Ma belle-mère partit. Après la colère vint la tristesse. Je m’écroule en larmes. Comment pouvait-elle me faire ça ? Ma mère était morte à mon accouchement. Mon père refusait de me parler d’elle, c’était donc mon frère qui l’avait fait. Il m’avait dit qu’elle était d’une douceur et d’une gentillesse rare, et que selon ses souvenirs, je lui ressemblais beaucoup. Mon père mit cinq ans pour faire son deuil. Pendant ces cinq ans, il fut dévasté. Mais sa peine se réduisit au fil du temps, jusqu’à ce qu’il se sente prêt à passer à autre chose. Puis il trouva Marla. Je ne l’avais jamais vraiment aimée et ne lui avais jamais vraiment donné de chance. Je n’avais que sept ans au moment des faits, je ne comprenais pas comment mon père pouvait remplacer ma mère. Ma réaction était égoïste, je le sais. J’étais trop jeune pour comprendre qu’à un moment ou l’autre l’être humain a besoin de quelqu’un pour continuer sa route. Nous ne sommes pas faits pour errer en solitaire. Dix années étaient passées depuis l’arrivée de Marla. J’avais grandi et j’avais fini par l’accepter.

Une part en moi était en colère, car je trouvais qu’elle était allée trop loin, et l’autre part la comprenait. Parfois, j’avais l’impression qu’elle ne m’aimait pas, car j’étais le portrait de ma véritable mère, et que même si mon père était avec Marla à présent, son grand amour avait été et serait toujours ma mère. Mon frère me prit dans ses bras et me chuchota à l’oreille : « Ne t’en fais pas, tout ira bien. » Mais comment ça pourrait aller ? Comment pouvait-il dire ce genre de chose ? Demain, mon pire cauchemar se réalisera. Je deviendrai une parfaite ménagère au service d’un goujat.

Pendant le dîner, je ne décrochais pas un mot. Après, je me retirai dans ma chambre. Avant d’aller rejoindre mon lit, je regardai les étoiles. Je fus éblouie par la beauté de ce spectacle. Elles brillaient de mille feux. Je me sentais apaisée, prête à affronter ma destinée.

— Nina, réveille-toi. C’était mon frère, il me regarda avec compassion et tristesse. Il s’assit à côté de moi. « Tu as dormi dehors. Je vois que les vieilles habitudes sont tenaces.

— Que veux-tu, je ne changerai plus maintenant ! Même si je me marie dans une semaine… Je resterai la même, soupirai-je.

— Donc… Tu as décidé de l’épouser ?

— Je n’ai pas d’autre choix, dis-je avec une certaine résolution et tristesse que je ne me connaissais pas.

— Tu pourrais t’enfuir ? me proposa-t-il.

— Ça, c’est ta devise, partir au combat pour éviter le mariage. C’est ce que tu as fait la dernière fois, non ? Ils voulaient te marier et tu t’es engagé. » Je me rendis compte que j’avais été agressive et injuste envers lui, alors j’essayais de lui faire comprendre que j’étais coincée, et je changeai de ton : « Je suis désolée, vraiment… Mais, moi je ne suis qu’une femme et une femme qui part au combat, pour l’instant, c’est du jamais vu. J’espère qu’un jour les mentalités changeront. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas… Et puis de toute manière où veux-tu que j’aille, m’emportais-je à nouveau ?

— Tu pourrais être tellement plus si tu le voulais, si seulement tu avais un peu confiance en toi, tu ferais de grandes choses… J’étais seulement venu pour t’aider. Tu t’en prends à la mauvaise personne. Je crois que je ferais mieux de partir.

— Excuse-moi, dis-je essayant de le retenir.

— D’accord, me répondit-il sans se retourner. Je vais voir s’ils ont besoin d’un coup de main en bas. »

Il partit de ma chambre. Je sentais bien que je l’avais vexé, et je m’en voulais pour ça. Quand on est morose, on n’est pas toujours juste, et je savais que je m’étais défoulé sur mon frère, alors que lui venait avec les meilleures intentions du monde. Je me sentais tellement sotte. Mes yeux s’embrumèrent encore. J’étais en colère contre le monde entier, et à présent même contre moi. Au fond, peut-être avait-il raison, peut-être ferais-je mieux de partir sans me retourner ? Tout le monde s’en porterait bien mieux.

Une autre personne entra, et m’extirpa de mes pensées. C’était ma belle-mère. Je lui dis de partir, car pour l’instant je ne voulais voir personne. J’étais tellement en colère et de mauvaise humeur, que je préférais rester seule. J’avais peur de ce que je pourrais dire. La colère était toujours une mauvaise conseillère. Je finis de me préparer. J’avais un chiton blanc, et un châle orange, la couleur du mariage. Je trouvais toutes ces coutumes dépassées, mais je vivais dans une société archaïque. Je tentai de me calmer et descendis rejoindre la fête. Il y avait beaucoup de monde, dont la plupart étaient des inconnus. On me saluait, on me félicitait et parfois même on se raillait de moi. Je faisais l’impasse. Alec, mon futur époux, s’avança vers moi l’air triomphant et victorieux. Il entama le dialogue : « Quel effet cela vous fait-il d’être fiancée à un homme de mon envergure ?

— De votre envergure… ? Désolé de vous dire ça, mais quand on vous voit ce n’est certainement pas à ça qu’on pense. Et, sachez une chose, c’est que même si je deviens votre femme, jamais je ne vous aimerai, et rien que le fait d’être à vos côtés me dégoûte au plus haut point. Utiliser les faiblesses des autres pour obtenir ce que l’on veut est lâche ! Tout votre être me révulse ! Et jamais au grand jamais je ne serai à vous, peu importe l’anneau, peu importe la violence, peu importe tout ce que vous pourrez me faire, vous ne me posséderez jamais. Vous n’aurez jamais rien d’autre que mon mépris. Vous pourrez en croire autrement, mais ça ne sera qu’une illusion.

— À mon tour de vous dire ce que je pense, pour gagner une guerre tous les moyens sont bons. Et après la lune de miel que je vous ferai passer, vous ne direz plus la même chose. Croyez-moi, j’en ai déjà vaincu des plus coriaces que vous.

— Vous n’avez pas encore gagné la guerre, pour reprendre vos mots, juste une bataille. Et, vous pouvez être sûr que je suis une adversaire bien plus coriace qu’il n’y paraît. Si vous croyez pouvoir me dompter si facilement, ça se voit que vous ne me connaissez pas. Même à mon dernier souffle, vous ne pourrez avoir l’ascendant sur moi.

— C’est ce qu’on verra.

— En effet, c’est ce qu’on verra ! »

Il partit saluer des personnes me laissant seule. J’avais envie de tuer ce porc. Enfin, c’était une manière de penser, mais il était tout ce que je détestais. Et même la mort m’était une idée plus douce que de devenir sa femme. Maintenant qu’il était loin, l’atmosphère était de nouveau respirable. Comment pourrais-je supporter un homme comme lui ? Je pris une grande inspiration pour retrouver mon courage et je partis saluer des invités.

Tout le monde me félicitait, me disait que je devais être la femme la plus heureuse et chanceuse du monde. J’acquiesçais en pensant que j’aimerais bien les voir à ma place. Plus j’allais au contact des invités, plus je me sentais oppressée, noyée dans cette foule de gens plus hypocrites les uns que les autres. Ils étaient venus, car ils appréciaient mes parents et mon futur mari. Mon sort n’intéressait personne. J’étais seule face au monde entier. Je ne savais plus distinguer mes alliés de mes ennemis. J’avais l’impression que le paysage tournait tout autour de moi, les visages se déformaient, s’étiraient, se rétrécissaient. J’avais le sentiment que tous les regards se posaient sur moi, une vague de chaleur suivie de sueurs froides me traversa de toute part. J’étais perdue dans cette confusion. J’avais l’impression de virer folle. J’étouffais. Je partis en courant, pour éviter de faire un malaise. Je me mis dans un coin de la grange, où l’on pouvait encore apercevoir les dégâts de la bataille d’hier. Je me repliai sur moi-même et fondis en larmes. Je m’en voulais d’être aussi faible. Je m’étais juré d’être forte, mais n’avais pas réussi à tenir cette promesse. Je n’étais qu’une créature frêle et fragile, à la merci du sort cruel des dieux. Mon frère arriva vers moi. Je me levai et allai dans ses bras. Il me serra fort. Sa présence me réconfortait et me redonnait du courage. Il me dit que je devais retourner au repas sinon je les laissais gagner. Je savais qu’il avait raison, et je ne voulais pas leur donner cette satisfaction. Je luttais en moi-même, pour reprendre le contrôle de mon esprit et de mon corps. Je le remerciais et nous retournions à la fête. On sortit de la grange, bras dessus, bras dessous. On se dirigea vers la foule. Mon frère dit aux invités que c’était l’émotion. Après tout, ce n’était pas un mensonge, c’était vraiment à cause de mes émotions que j’avais dû m’absenter. On mangeait en plein air. J’étais à côté de mon futur mari. Rien qu’à cette pensée, j’étais prise de nausées. Je n’avais pas vraiment d’appétit, donc je mangeais peu. Ce que nos invitées ne purent s’empêcher de me faire remarquer. J’entendais leurs moqueries, leurs messes basses. Les personnes introverties comme moi étaient la risée de la société. Dans ma tête fusaient des milliers d’insultes, mais je me retenais, car j’étais une fille bien élevée. Je leur souriais, attendant que cela passe. Quand mon calvaire fût fini, je partis dormir dans ma demeure sachant que demain rien ne serait plus pareil.

La lumière du jour vint caresser mon visage et me réveilla. J’avais un goût amer dans la bouche. Je saluai ma famille, pris mon petit-déjeuner et partis chez le bibliothécaire voir s’il avait de nouveaux parchemins que je pourrais emprunter. Il y avait une petite route de campagne qui menait au village. Elle était encerclée par une forêt. Cela donnait un côté obscur et ténébreux à ce chemin. Parfois, on entendait des pas, on surprenait des regards avec la lueur du mal à l’intérieur. Mais on ne voyait que des yeux. J’aimais penser que ce n’était qu’un vulgaire animal. J’avais entendu dire que certaines filles avaient emprunté ce chemin et n’en étaient jamais revenues. Avec mon imagination débordante et tout ce que je lisais, je m’étais inventé mille et une histoires d’horreurs. Au point que ce chemin me faisait peur à présent. Je me dépêchais de le traverser et fus contente pour la première fois de retrouver la civilisation. Je saluai mon bibliothécaire préféré, lui emprunta trois nouveaux parchemins, lui fit une bise sur la joue et repartie en lisant. Le papyrus que j’étais en train de lire racontait l’histoire d’une femme qui partait vivre sa vie, conquérir sa liberté. Je trouvais cette héroïne courageuse. Bien plus courageuse que moi. J’aurais tant aimé lui ressembler.

Je trébuchai sur quelque chose, et tombai. Les ouvrages étaient dans une flaque d’eau. Ils étaient détruits. Je me levai avec allégresse. J’étais comme une furie sortant des enfers. J’étais prête à tuer. Tuer était peut-être exagéré, mais ceux qui m’avaient fait cela allaient passer un sale quart d’heure. Je ne fus pas étonnée de voir que c’était le trio infernal. Il était composé d’une fille qui me ressemblait un peu, du nom de Charlène, c’était la meneuse. Il y avait aussi Marina, une rousse bien en chair, qui était la suiveuse. Et pour finir, il y avait Emmanuelle, une grande et plate blonde, elle, c’était la fille dénuée d’intelligence. Charlène me dit en rigolant que je devais faire attention. Je lui demandai de passer son chemin, si elle ne voulait pas de représailles. Elle m’insulta de fille facile et commença à me pousser. Je lui dis que ce n’était pas une bonne idée, mais elle recommença. Mon sang ne fit qu’un tour et je lui donnai un coup de tête. Je lui avais cassé le nez. Elle partit ensanglantée et pleurante. Ces amies la suivirent, telles que de gentils petits moutons. Je ne pus m’empêcher de les insulter de putains. Je retournai à la bibliothèque, racontai l’histoire à Mr Loven. Il me regarda avec tant de compassion, ce qui augmenta encore plus mon sentiment de culpabilité. Il avait de petits yeux verts, ses cheveux étaient gris avec une calvitie naissante, et son visage était comblé de rides. Mais c’était un homme bienfaisant et il possédait toutes les qualités d’un sage. Je dus lui forcer la main pour qu’il accepte mon argent. Je m’en voulais tellement, et même après l’avoir remboursé, je me sentais toujours aussi coupable.

Je repris le chemin de la campagne pour rentrer à la maison. J’entendis le bruit d’une charrette. La route était trop étroite pour que nous passions en même temps. Elle était juste derrière moi, et ne comptait pas s’arrêter ou ralentir. Je sautais dans la forêt pour ne pas me faire écraser. Le sol était en pente. Je dévalais en tournoyant sur moi-même. Un arbre m’arrêta. Je me l’étais pris de plein fouet. J’avais très mal, ainsi que des difficultés à respirer. Je devais probablement avoir une ou deux côtes cassées. Normalement, cette route était interdite aux véhicules, mais les étrangers ne connaissaient pas cette règle et l’empruntaient souvent. J’étais à demi consciente à cause de la violence de la collision. Tout d’un coup, je sentis de l’air frais sur moi, comme si une bête me respirait dessus. Incapable d’ouvrir les yeux, je cherchais quel animal ça pouvait être en tâtant avec mes mains. Je sentis des poils, énormément. Ce qui me donna la force d’ouvrir les yeux, ce fut la bave qui tomba sur mon visage. Une image d’horreur me stupéfia. Une peur comme jamais éprouvée auparavant me gagna. Au-dessus de moi se tenait un hybride, mi-homme, mi-loup. Il me regardait avec des yeux rouges. Je vis la même expression du mal que je surprenais parfois dans les buissons. La peur me quitta, pour laisser place à une nouvelle force. Je pensais que j’aurais été incapable de bouger, mais mon instinct de survie était plus grand que ce que j’avais imaginé. Je me relevai, et pris un bâton qui traînait, puis je me dressai droite devant lui, prête à l’affronter. Il me donna un coup de patte et m’envoya valser contre un autre arbre. Il hurla. Il appelait ses compagnons. En peu de temps, une meute de loups-garous se tenait derrière lui. Je compris que je n’avais aucune chance. Mon courage m’abandonna, ou peut-être que c’était la raison qui me parlait, mais je compris que je n’avais qu’une chose à faire : fuir. Je commençai à courir. Ils me poursuivaient. Un d’entre eux me rattrapa et me plaqua au sol. Il se tenait sur moi. Je pouvais sentir son haleine et deviner qu’il avait mangé, il n’y a pas très longtemps. J’avais très peur, je sentis que ma fin approchait. Je ne pouvais m’y résoudre, je ne voulais pas que tout se termine ici. Une force de vie me posséda, comme jamais auparavant. Je ne savais comment, mais une boule d’énergie, couleur or, se forma dans ma main. Je l’envoyai sur le loup au-dessus de moi. Il explosa en mille morceaux. Certains s’accrochèrent à mes cheveux, et du sang me gicla sur le visage. Il venait juste d’imploser. Un petit cri d’horreur m’échappa. Je ne comprenais pas bien ce qui arrivait. Mais tout cela me faisait peur. Je n’avais pas le temps de trop réfléchir, les autres arrivaient. Je me relevais et me remis à courir, sans prendre le temps d’enlever la chair de mes cheveux, ou d’essuyer le sang sur mon visage. Comme par mécanisme, d’autres sphères se formèrent dans les paumes de mes mains. Je les envoyais sur les loups qui me chassaient. J’essayais de viser, mais ce n’était pas si simple. J’en tuai beaucoup, mais malencontreusement, je détruisis quelques arbres au passage. Je devenais confuse, je peinais à comprendre ce qui se passait vraiment, c’était comme si je faisais un mauvais rêve. Rien de tout cela ne me semblait réel. Mais l’envie de vivre m’empêchait de m’arrêter pour savoir si tout ça existait véritablement.

Je courais depuis longtemps, sauf que je n’étais pas une grande sportive, alors je commençais à m’essouffler. Je voyais la fin de la forêt. Tout cela serait bientôt fini. Malheureusement, elle débouchait sur une falaise. Deux choix s’offraient à moi : soit, je mourais en faisant le saut de l’ange ou soit je mourais déchiquetée par cette bande de lycans affamés. Je me disais que la mort la moins douloureuse devrait encore d’être écrasée par la pression de l’eau que d’être démembrée. Je respirai un grand coup, je fermai les yeux et sans réfléchir, je sautai. Je m’étais vidé la tête pour pouvoir agir, sinon je savais que je n’aurais pas trouvé la force de le faire. Je ne vis pas ma vie défiler comme j’avais entendu le dire. La seule chose à laquelle je pensais, ou en réalité la seule personne, c’était mon frère. J’espérais qu’il ne s’en voudrait pas, qu’il ne penserait pas que je m’étais suicidée à cause de mon mariage. Je ne voulais pas qu’il fasse une bêtise sous le poids de la culpabilité. Je ne voulais pas être un poids pour lui. J’avais peur de gâcher sa vie. Qu’il ne s’en remette jamais. Si j’avais un souhait à faire, une dernière prière avant de passer de l’autre côté, c’était qu’il continue de vivre sans moi, et qu’il soit heureux.

Soudain, j’entendis une sorte de battement d’ailes. Plus puissant que n’importe quel volatile que j’avais déjà pu croiser. Deux mains se posèrent sur mon ventre et m’élevèrent dans les airs. Ce toucher m’électrifiait, mais sans pourtant être désagréable, au contraire même. Sa peau était si douce et si familière. C’était comme si je la reconnaissais. Je me sentais si bien. Mon corps frissonnait. Mon âme vibrait. Malgré le froid de l’atmosphère, j’avais l’impression de m’embraser. Je ne savais qui était cette personne, cet être, mais je ressentais une connexion. Jamais je n’aurais voulu redescendre sur terre. Si ce n’était qu’un rêve, jamais, au grand jamais, je ne voudrais en sortir.

Mon frère vint me réveiller et me demanda comment je me sentais après les fiançailles d’hier. Je ne comprenais pas ce qu’il me disait. Je me trouvais dans un état second dont je peinais à m’extirper. J’avais un goût sec dans la bouche. Cameron me répéta plusieurs fois sa question, avant que je ne la comprenne vraiment. Paniquée et désorientée, je lui dis que mes fiançailles étaient avant-hier. Il me contredit. Inquiète et incompréhensive, je le poussai. Il tomba par terre. Je m’excusai, puis partis dans la forêt près d’un petit ruisseau. Je me passai de l’eau sur le visage. Je dus faire face à mon reflet. Je me sentais tellement bête. Finalement, ce n’était qu’un stupide rêve, qu’est-ce que je pouvais être sotte ! Les monstres n’existaient pas, ils ne provenaient que de l’imagination. J’avais tout imaginé. Pourtant, tout cela me semblait tellement réel… J’étais partagée, noyée dans une totale incompréhension. Un détail dans mon reflet vint attirer mon attention, et m’aida à trancher sur la véracité de mes souvenirs. Je remarquais une griffure, qui provenait de mon cou et qui allait en dessous de mes vêtements. Je descendis ma manche et aperçus une autre griffure. Elle ne ressemblait pas à celle d’un animal normal. Comme pour être sûre de ne pas rêver, je la touchai. Elle était bien là. Elle était bien réelle. Finalement, tout ceci n’était pas qu’un songe. Mais comment m’étais-je retrouvée dans mon lit ? Qui était la personne qui m’avait sauvé la vie ? Et pourquoi personne ne se souvenait-il de la journée d’hier à part moi ?

Chapitre 2

Le grimoire

Toujours devant le passage d’eau, malgré mon incompréhension, les souvenirs, les sensations éprouvées au contact de mon mystérieux sauveur, remontaient à la surface. Si tout ceci était bien réel, il devrait l’être aussi. Un seul toucher avait suffi à me rendre dépendante de cet inconnu. J’étais comme en manque. J’avais besoin de lui. C’était comme s’il était ma moitié, et sans lui, je n’étais plus tout à fait complète. Pour me rafraîchir les idées, je me déshabillai et plongeai dans la rivière. Je voulais me submerger, pour oublier tout ce qui trottait dans ma tête. J’avais besoin de faire une pause, pour ne pas devenir folle. Je faisais quelques longueurs, alternant l’immersion et la submersion. Mes problèmes disparaissaient peu à peu. L’effort me permettait de faire l’impasse du reste, ou au moins de l’éclaircir. Je me sentais comme un poisson dans l’eau. Des rayons de soleil passaient à travers les arbres. Une brise légère caressait ma peau. Le doux chant de l’herbe frétillante, et des grillons rendait l’endroit apaisant. Je me sentais bien, sereine. Loin de toutes les complications de la vie. C’était comme si j’étais dans un autre monde, loin de mes problèmes, hors du temps.

Tout était si calme, jusqu’au moment où j’entendis des bruits de pas. J’eus juste le temps de me coller contre le rebord de la rivière, pour que mon corps dénudé soit à l’abri des regards indiscrets.Je vis le visage d’un homme. Je le trouvais magnifique. Il avait les cheveux courts, noirs, de beaux yeux marron. Son visage était harmonieux. Sa peau était légèrement pigmentée. Il était vêtu d’un chiton ionique qui lui arrivait au niveau de ses pieds. Il avait aussi une écharpe de couleur pourpre. À sa naissance, Apollon lui avait offert comme présent une part de sa grâce. L’homme, me voyant, se retourna et dit : « Excusez-moi, je venais pour me détendre un peu. Je ne voulais pas vous interrompre. » Il était confus, et je le sentais honnête. Je sortis de l’eau et me revêtis avec mon chiton. Je prenais mes cheveux dans mes mains et les serrais fort pour les essorer. Je lui demandai si ça lui arrivait souvent de surprendre de jeunes femmes dans leurs intimités. Gêné, il m’assura que non et me demanda s’il pouvait se retourner. Je trouvai sa maladresse touchante. De plus, sa présence n’était pas dérangeante pour moi. Je ne sentais aucun danger. J’acquiesçai. Mon instinct ne me trompait presque jamais, alors je savais que je pourrais lui faire confiance. Quand nos regards se croisèrent, un frisson parcourut mon corps. Son sourire charmeur me séduisait. Mon cœur s’emballait. Si je ne me sentais pas aussi bien, j’aurais pensé que j’étais malade. Jamais je n’avais éprouvé ce genre de chose. Je ne savais ce que cela voulait dire. Je me sentis rougir, et détournai les yeux pour qu’il ne s’aperçoive pas de mes réactions. Puis j’eus encore envie de recroiser son regard. Je ne sus résister à cette attraction. À ce moment-là, un désir animal ou une sorte de besoin primaire commença à posséder mon corps. Je me retenais pour ne pas lui sauter dessus. Une force inconnue m’attirait vers lui. Des pensées inavouables me traversèrent l’esprit. Je ne comprenais pas ce qui se passait, habituellement j’étais une fille réservée, qui n’avait pas l’audace d’avoir ce genre de pensée. Il s’approcha de moi. Plus il était près, plus mon cœur s’accélérait. Mon souffle se ralentissait. La chaleur de mon corps augmenta comme un brasier. Il était arrivé à ma hauteur. Il glissa ses doigts dans mes cheveux encore humides et les tira vers l’arrière. Je ressentis le même frisson électrique que pendant ma chute. Je me noyais dans ses yeux. Le paysage tournait autour de moi. Tout disparaissait, il n’y avait plus que lui et moi. Puis du bout de ses lèvres, il effleura mon cou. Le désir brûlait mon être. Inconsciemment, je m’offris à lui.

« Nina ». C’était la voix de mon frère. Je me retournai et le vis arriver. Il me demanda si je parlais toute seule. J’allais lui présenter mon bel inconnu, mais il avait disparu. Cameron vit mon étonnement. D’instinct, je voulus toucher mon ancienne blessure, mais ne la sentis plus. Je ressentais juste la chaleur de son baiser. Il s’inquiéta pour moi, et me demanda si j’allais bien. Je lui mentis en disant que j’étais juste fatiguée. Sur le chemin du retour et pendant toute la soirée, je ne pus décrocher un mot. Trop de questions tournaient dans ma tête. J’attendis de m’allonger pour essayer de les éclaircir. Étais-je en train de devenir folle ? Cette folie venait-elle de moi, ou d’une chose que j’avais ingérée ou inhalée ? Avais-je seulement vécu une illusion ou était-ce réel ? Des heures, et des heures passèrent avant que Morphée vienne me chercher. Puis le Soleil, en caressant ma peau, m’extirpa de ses bras. Je me levai, je m’habillai et je maudis Apollon pour avoir repris sa course trop tôt. Ensuite, je descendis prendre mon petit-déjeuner. La vision d’Alec, mangeant à son aise, me coupa l’appétit. Et voir ma belle-mère faire des courbettes comme si c’était un invité d’honneur me révulsait. Mon sang ne fit qu’un tour. Je me dirigeai vers lui, l’empoignai par le col de ses habits et le poussa vers la sortie. Il me repoussa, m’en décolla une, ce qui m’entraîna à terre. Ma belle-mère se jeta par terre pour me prendre dans ses bras. On était à ses pieds, à sa merci, comme deux petites choses délicates. Sauf que ce rôle ne me convenait pas. Je me relevai et lui criai : « Vas-y, frappe-moi encore, j’ai toute la journée ! On verra qui se lassera en premier ! » Il commença à lever sa main pour prendre de l’élan. Je n’avais pas peur, j’étais parée. Quand mon frère le vit, il lui attrapa le bras avant de le retourner. Alec était à la merci de Cameron. Mon frère expulsa le malotru dehors. Puis il assigna Alec de plusieurs coups de poing, jusqu’à ce que celui-ci tombe par terre. Je crus qu’il allait le tuer. Mais au lieu d’aller les séparer, je préférais m’accroupir et prendre dans mes bras ma belle-mère, qui était en sanglot. Cette scène lui rappelait son enfance. J’avais entendu dire que son père avait eu un comportement violent envers sa mère et elle. Sanglotante, elle m’adressa la parole : « Je suis désolée de vous contraindre à épouser ce genre d’homme. »

Je pris ses mains dans les miennes.

« Pourquoi est-il si important que je l’épouse ?

— Croyez-moi, si j’avais le choix… dit-elle en baissant les yeux et posant une main sur son ventre. Si l’on ne trouve pas d’argent, nous ne pourrons pas subvenir aux besoins de l’enfant qui va naître. »

Mon frère entra et vit mon visage stupéfait. Il me demanda si ça allait en posant sa main sur mon épaule. Je l’enlevai et quittai la maison.

Je marchais, les yeux rivés sur mes pieds. Je savais qu’il fallait que je me marie. Si je n’acceptais pas ce fardeau, ce serait à elle de le porter toute sa vie. À elle et le bébé. Après tout, j’avais déjà bien vécu. J’avais pu grandir avec la liberté d’être qui je voulais. Cette chance n’était pas donnée à tout le monde. Alors je pouvais bien me sacrifier pour cet enfant qui allait bientôt naître.Je savais ce que je devais faire. Cette décision me consumerait lentement. Je m’arrêtai pour faire une pause. J’avais besoin de respirer. Un frisson me parcourut quand je vis où j’étais. Je me trouvais dans le chemin qui traverse la forêt maudite. Un désir d’en finir avec toutes ces questions me poussa à y retourner. Si je disparaissais de l’équation, tout deviendrait plus facile. Ce qui me ramena à la raison fut la voix d’une vieille femme. Elle avait la couleur du soleil. Elle me déconseilla d’y entrer, car de sombres créatures y habitaient. Je remarquai que la femme avait déjà bien vécu. Le temps l’avait courbée, ridée, avait teint ses cheveux en gris. Elle s’était coiffée avec un chignon. Elle m’esquissa un sourire. À ce moment-là, je pus constater qu’il lui manquait quelques dents. Elle s’avança vers moi, avec beaucoup de difficulté. Chaque pas qu’elle faisait semblait lui faire endurer les pires calvaires. Pour se maintenir debout, elle s’aidait d’une canne. Dès qu’elle s’avançait, le bois résonnait contre le sol. Puis, elle s’immobilisa à quelques mètres de moi. Elle continua à me parler.

« Que fait donc une jeune femme, seule à cet endroit ?

— J’ai… J’étais perdue dans mes pensées.

— Sans vouloir être trop indiscrète, quelles pensées peuvent torturer l’âme d’une si belle jeune femme ?

— Torturer ? Vous ne mâchez pas vos mots ! De plus, vous ne me connaissez pas.

— Il est vrai, et pourtant j’en sais plus sur vous que vous-même ! Certaines images tourmentent votre esprit. Tout devient confus. Vous vous demandez ce qui est réel. Vous n’arrivez plus à distinguer le vrai du faux. Alors vous revenez sur vos pas quitte à vous mettre en danger… Sachez que le passé ne peut que vous emprisonner, pour aller de l’avant il faut se libérer de ces chaînes et avancer sans se retourner… Je vais vous donner un conseil : ne jamais tenter le diable sauf si vous avez de quoi marchander.

— Je… Euh… Excusez-moi, mais il faut que je parte.

— Si vous voulez ! Je ne voudrais pas vous importuner plus longtemps. Mais si vous vous réveillez couverte de sueur froide, ou que vous ne pouvez pas trouver le repos, car trop de questions fusent dans votre tête vous pourrez toujours venir nous voir. Nous habitons, juste à la limite de la ville… À bientôt ! »

Je commençais à m’éloigner quand elle me cria « Ce qui a eu lieu dans ce bois n’était pas un songe ! » J’accélérai le pas. Devais-je prendre en considération les allusions d’une personne âgée ? Ma déraison avait-elle raison ? Cette rencontre m’avait troublé à un point que je n’aurais cru possible. Si j’étais déjà confuse, maintenant j’étais perdue…

Des cris au loin se firent entendre et m’extirpèrent de mes pensées. Je courus vers l’origine du son. Je vis un groupe de personnes entourant quelque chose. Je me frayai difficilement un passage dans la foule. Certaines personnes mettaient leurs mains devant leurs bouches horrifiées par le spectacle. D’autres serraient leurs conjoints ou restaient juste stupéfiés. Je regardai le sol. Une vision d’effroi me transperça. Il y avait le corps d’une jeune femme allongé sur la terre. Elle avait été séparée en deux. Le seul lien qui existait entre le haut et le bas de son corps était ses intestins. Une auréole de sang l’entourait. Son visage était déchiré en lambeau. Ses bras avaient de nombreuses griffures. Une jambe manquait à l’appel et l’autre avait une marque de morsure. Du sang avait giclé sur les murs extérieurs. Son chiton blanc ne couvrait plus que ses parties intimes. C’en était trop ! Cette pauvre femme avait énormément souffert. Je ne pouvais plus rester. Je ne pouvais plus supporter cette vision. Je poussai les personnes pour me frayer un chemin. Je décidai de m’exiler, de m’en aller le plus loin possible. Seule dans la rue, je respirai une grande bouffée d’air. Si dans mes cauchemars, j’avais appris ce qu’était l’effroi, aujourd’hui j’avais appris ce qu’était l’horreur. Je ne pus m’empêcher de penser que ça aurait pu être moi à sa place. Du moins si mon rêve était la réalité, et que je n’avais pas survécu, j’aurais été à sa place.

J’aperçus une vieille femme, qui s’approcha de moi. C’était le portrait craché de la dame qui m’avait adressé la parole plus tôt dans la journée. Sauf que maintenant elle avait la peau couleur de la nuit. Une telle ressemblance me paraissait étrange. Comment était-ce possible ? « Le surnaturel commence à se mélanger avec la réalité, non ? » Elle remarqua que je n’arrêtais pas de la fixer. « Je sais, on me dit souvent que je ressemble à mes sœurs… Alors êtes-vous prête à ouvrir vos yeux sur ce nouveau monde ? Ou préférez-vous continuer à vous fourvoyer ?

— Je suis désolée, mais je dois rejoindre ma famille avant qu’elle ne se fasse du mauvais sang pour moi, ai-je répondu d’un ton déconcerté.

— Si je vous dis que le meurtre résulte de votre petite escapade dans les bois… Qu’il n’est que le premier d’une longue série... Et le seul moyen d’arrêter cette tuerie, c’est d’accepter ce que vous êtes !

— Qui suis-je ? Excusez-moi, mais je n’ai pas envie d’entrer dans votre petit jeu.

— Croyez-vous que je joue, ou que je mens ? Finalement, vous n’êtes peut-être pas encore prête. Mais croyez-vous aux coïncidences ? Parce que, sinon, comment expliquez-vous que votre vie a changé du tout au tout, depuis ce jour-là ? Et n’est-il pas étrange la ressemblance frappante entre la jeune femme morte et vous ? C’était vous qui étiez visée. Et tant que votre sang n’aura pas coulé, ils continueront. Ils vous veulent à cause de votre potentiel !

— De mon potentiel ? De quoi parlez-vous ? En fait, je ne veux pas savoir. Vous devez me confondre ! Vous croyez savoir qui je suis, mais vous faites erreur ! Je suis juste une femme, fille d’un paysan qui a perdu sa mère trop jeune. Je vis dans la société et pourtant j’y suis comme une étrangère, car je ne partage pas les mêmes valeurs. Voilà ma seule différence. Je n’ai rien d’exceptionnel. Je suis désolée, mais vous devez vous tromper de personne.

— C’est ce que nous verrons… Quand vous n’en pourrez plus d’avoir tant de mystères dans votre vie ou d’avoir des morts sur votre conscience, venez nous voir. Notre porte vous sera toujours ouverte. »

Elle disparut. Un courant d’air souleva mes cheveux et emporta mes dernières certitudes. Je n’arrivais plus à distinguer la vérité. Trop de zones d’ombre dominaient ma vie à présent. Avaient-elles raison ?

La nuit commençait à tomber. Je n’avais pas le temps de rendre visite à ces dames. Je rentrai chez moi, et parti me coucher. Cette nuit-là, j’avais rêvé du bel inconnu. On était dans une forêt. Il s’avançait vers moi. Puis, il passait sa main dans mes cheveux et m’embrassait. J’avais l’impression de brûler. Je me réveillai pleine de sueur et toute chaude. Pourtant la nuit était glaciale, mais son toucher m’emmenait vers une fièvre dangereuse. Un sentiment que j’avais envie de goûter, d’expérimenter. Après je ne pus retrouver le sommeil. Les sensations, son souffle, son visage, tout venait me narguer m’empêchant de trouver le repos. Alors en plein milieu de la nuit je pris une cape pour me cacher des regards indiscrets et partis voir les vieilles femmes. Je voulais me sortir cet homme de ma tête, en me donnant autre chose à penser.

Vingt minutes plus tard, je me tenais devant leurs portes. J’allais frapper quand une voix dans ma tête me déconseilla de le faire. Alors je repartis. Ma curiosité me piqua alors j’y retournai. Pour finir par décider de partir, je préférais garder un semblant de raison et je me sentais tellement sotte. La porte s’ouvrit en grand, mais personne n’était derrière. Un frisson galopa dans ma colonne vertébrale. L’excitation de l’inconnu coulait dans mon sang. Toute personne normale aurait rebroussé chemin, aurait couru et tout fait pour continuer à vivre ordinairement. Mais pas moi, je ne faisais pas partie de ces gens-là. Je faisais partie des gens qui mourraient tôt, car ils n’avaient pas peur du danger, et qui aimaient l’action pour la dose d’adrénaline que ça produisait en eux.

À peine, avais-je franchi le seuil de la maison que je sus que ma vie changerait pour toujours. Mais j’étais prête, enfin. Quelques ombres étaient chassées par les vaines lueurs des bougies. J’en saisis une, et continuai d’avancer. Les ténèbres de la nuit donnaient un côté mystique et dangereux à la maison. Malheureusement, ce goût du risque se transforma en inquiétude. J’avais l’impression d’être suivie. Je me retournai. Personne. Cette sensation d’être épiée fut à mainte reprise. À un moment, je crus voir une silhouette blanche. Puis plus rien. Je continuai à avancer. J’ouvris une porte, et découvris une salle étrange. Sur des armoires étaient posés des flacons contenant des liquides de différentes couleurs. Au centre, sur un meuble en bois était disposé un grimoire. Je me sentais attirée par lui. Je succombai à la tentation. Je posai la bougie à côté pour pouvoir le saisir. Quand il fut dans mes mains, le sigle sur la couverture s’illumina d’une lumière dorée. C’était un pentagramme semblable à ma marque. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Parlait-il de ce que je suis, de ma mère, de mes origines ? Ce grimoire m’appartenait-il ? Qui en était l’auteur ?

Une voix me dit qu’il ne fallait pas se gêner. Je lâchai le grimoire qui s’éteignit et récupérai la bougie. Je présentai mes excuses avant de commencer à partir. Je me sentais tellement ridicule, comme un enfant qui se faisait prendre par ses parents alors qu’il faisait une bêtise. À sa hauteur, elle m’agrippa le bras et me dit que j’avais oublié de prendre le grimoire. Elle ressemblait à ses sœurs, mais cette fois-ci, elle était de la couleur de la neige. Je lui répondis que ce n’était pas la peine et dégageai mon bras pour partir. Ce qui s’était passé m’avait fait peur. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Pourquoi cette chose, s’était-elle illuminée à mon contact ? Était-ce de la magie ?

Une fois dans ma chambre, je jetai ma cape par terre. Je m’écroulai sur mon lit, mais je me cognai contre quelque chose. Le choc me fit mal. Je soulevai mes draps et fus étonnée de voir un caillou. Dessus, il était gravé « Le grimoire devait revenir à sa créatrice, il suffit de poser une question et il saura y répondre. Vous le trouverez sous votre cape. » La pierre se dissipa en sable et s’envola pour s’échapper par la fenêtre. Je me levai pour aller soulever la cape. Le livre se trouvait bien en dessous. Je le saisis. La couleur vira à nouveau à l’or lumineux. La première image qui me traversa l’esprit était celle du loup-garou. Le grimoire s’ouvrit et les pages tournèrent d’elles-mêmes. Puis, elles s’arrêtèrent sur une double page. D’un côté, il y avait une illustration des monstres que j’avais vus. De l’autre, une zone de texte. C’était écrit dans une langue étrangère. Le premier mot était : « ИԄʄɫҨѠЖŦƴѪѲ ». Je ne sais comment, mais je sus exactement ce que ça voulait dire. Mon esprit traduisait cette langue. Je commençai la lecture.

« Lycanthrope :

Lycaon, Roi d’Arcadie, étaient réputés pour son mépris des dieux. Zeus, pour le mettre à l’épreuve, se présenta à lui sous les traits d’un mendiant. Lycaon le reçut à sa table et lui fit servir de la chair humaine. Indigné, Zeus foudroya ses cinquante fils et changea Lycaon en loup. Ainsi, Lycaon devint une bête incontrôlable. Par sa morsure, il peut transmettre sa malédiction. Avec sa meute, il attaqua La Marquée, mais perdit le combat. Lui et sa meute furent enfermés dans une forêt. Son seul moyen de s’échapper de ce bois est d’être libéré par La Marquée. »

Je venais juste de comprendre pourquoi elle m’avait accusée. Et en repensant à la jeune femme morte, je me sentis coupable. Les pages recommencèrent à tourner. Elles s’arrêtèrent. Sur la page de droite, il avait un croquis de trois femmes. Sur la page de gauche, il y avait un petit texte toujours dans la même langue. Je le lus.

«Les sorcières du chaos,

Ces trois femmes semaient la destruction tout autour d’elles. Elles réduisaient les hommes en esclavage, semaient le chaos. Un jour, la Marquée défia ces trois sorcières maléfiques. Lors du combat, elle constata que les sœurs avaient perdu leurs âmes. Alors elle leur lança un sort de sommeil. Elle trouva où leurs âmes étaient retenues en enfer et elle put les leur redonner. Puis elle protégea leurs âmes pour que Lucifer ne leur vole plus jamais. Ces trois femmes, par la suite, empruntèrent la voix de la rédemption en essayant de faire le bien autour d’elle. Elles jurèrent de toujours protéger les Marquées. »

C’était la deuxième fois que je lisais le terme « Marqué » et ma curiosité en avait été piquée. Les pages recommencèrent à tourner. Jusqu’à mon symbole. Il était écrit :

« Les Marqués :

Ceci est un terme générique représentant tout être surnaturel possédant une marque. Ils sont des êtres puissants dont on ignore leur potentiel maximum. Ils sont pourtant bien différents selon la marque qu’ils possèdent. Leurs pouvoirs se transmettent de génération en génération. Cet héritage, s’il se passe dans de mauvaises conditions, peut se faire dans le sang. Pour chaque Marqué, il existe un élément naturel qui permet de le tuer. »

Cette lecture n’engendra que plus de questions dans mon esprit. Cela parlait de moi, mais aussi d’autres créatures que je ne connaissais pas. Et que voulait dire par « mauvaise condition » ? Un accouchement en était-il un ? Et si oui cela voulait-il dire que j’avais tué ma mère ? Elle était morte, car ma naissance avait été un trop lourd fardeau. Ma vie lui avait tout coûté. Je me sentais tellement coupable. Je jetai le grimoire à travers la pièce et me blottis dans mon lit. Cette marque que, jadis, j’avais tant aimée était devenue le fruit de ma haine.