À contretemps - Emmanuel Claude Petiteau - E-Book

À contretemps E-Book

Emmanuel Claude Petiteau

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Beschreibung

"À contretemps" est une plongée dans les territoires fragiles de l’amour et de la mémoire. Dans une lettre nocturne adressée à son fils nouveau-né, un père tente de transmettre, à cœur ouvert, ses pensées sur la vie, tout en révélant ses fêlures les plus intimes. En écho, l’auteur explore les secousses intimes de la rupture, là où l’amour se délite, où le Moi, le Toi et le Nous vacillent, se confondent, se brisent. Entre colère et tendresse, entre nostalgie et lucidité, ces deux récits se tissent en une œuvre incandescente. "À contretemps" est une ode à la fragilité humaine, un chant intime sur l’absence, la transmission et le sens que l’on cherche à donner à nos liens.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Acteur, metteur en scène et directeur de compagnie, Emmanuel Claude Petiteau a toujours eu la langue et l’écriture au cœur de ses recherches. Après une enfance marquée par le silence et des années passées hors d’Europe, il a exploré divers métiers, découvrant ainsi les codes et vocabulaires de multiples univers. Tout au long de ce parcours, il a écrit pour lui-même, son entourage et des projets artistiques. Aujourd’hui, il franchit le pas et se lance dans l’édition.

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Seitenzahl: 73

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Emmanuel Claude Petiteau

À contretemps

© Lys Bleu Éditions – Emmanuel Claude Petiteau

ISBN : 979-10-422-7025-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À l’intention de M. Couzi

Directeur littéraire

De la Maison d’Édition Le Lys Bleu

Il y a dix ans, j’ai acheté une petite maison de campagne dans la commune de Jayac, en Dordogne, non loin du Périgord noir et de ses grandes forêts. Cette maison était restée à l’abandon depuis près de vingt ans, car, à ce que je sus plus tard, elle avait été l’objet de discordes familiales incessantes, suite à la mort du dernier propriétaire, un vieillard veuf, qui avait paisiblement fini sa vie là, loin de tous. Aucun descendant n’avait osé s’en occuper ni encore moins l’habiter. Après un certain temps, la vente était apparue à toute la famille comme la meilleure solution, mais, bien qu’il y eût quelques visites les premières années, personne n’en devint l’acquéreur – on la disait hantée –. Le temps passant, son état s’empira inexorablement pour ne devenir guère plus qu’une ruine et j’en devins finalement l’heureux propriétaire pour une bouchée de pain. Je l’avais achetée sur un coup de tête, pour en faire notre résidence secondaire, à ma famille et à moi. Je me disais aussi que nous pourrions nous y installer définitivement plus tard, si le cœur nous en disait, ma femme et moi, sur nos vieux jours, quand nous aurions atteint l’âge de la retraite et que nos enfants seraient devenus adultes – nous habitions à l’époque encore à Paris. S’en est suivie une longue période où je m’y rendais seul, quand je le pouvais, quelques semaines ou week-ends par an, pour effectuer les premiers travaux et rendre cette maison à nouveau habitable. Pour vous donner une idée de l’ampleur de la tâche qui m’attendait, j’ai mis plusieurs semaines à seulement couper, tailler, élaguer et déraciner les immenses buissons de ronces et de lierres qui emplissaient de toutes parts la propriété et rendaient impossible l’accès à la maison proprement dite. Ensuite, j’ai commencé la rénovation de cette vieille bâtisse, calmement, pas à pas. Une fois que les pièces principales – la cuisine, le salon, les trois chambres et les deux salles de bain – furent remises à peu près en état, ma femme et mes deux enfants m’accompagnèrent pour y passer nos vacances, tout en continuant ensemble les travaux, accordant la pénibilité des différentes missions qu’il nous fallait accomplir, selon l’âge, l’humeur et les compétences de chacun. Quelques années s’écoulèrent pour parvenir à terminer entièrement notre chantier. Puis, quelques années s’écoulèrent encore, durant lesquelles nous passions des moments plus qu’agréables dans cette maison, sans n’avoir rien à y faire, si ce n’est nous y reposer et y passer du bon temps. Il y a peu, je ne sais pourquoi, je me mis en tête de ranger le cagibi qui se trouve sous l’escalier – c’est une maison à étage. Il n’y avait ni raison ni urgence, ce cagibi étant ce type de pièce dont je n’avais pas vraiment l’utilité et dont j’avais toujours remis à plus tard le nettoyage, ouvrant nonchalamment la porte de temps en temps et la refermant aussitôt, déjà exténué par la contemplation d’un capharnaüm qu’il me faudrait pourtant un jour affronter, malgré ma paresse. Bref, ce jour-là, je pris mon courage à deux mains, m’y enfermais résolu à tout nettoyer et à y passer plusieurs jours s’il le fallait. Bien que la pièce ne soit pas grande, je ne pus compter, à travers les abondantes toiles d’araignée et la poussière, le nombre d’objets hétéroclites que je trouvais, tant il y en avait : vêtements, photos, outils, cadres, lampes, coussins, magazines, jouets, caisses, meubles, valises, bibelots, etc. J’avais l’impression d’être devenu un voyageur dans le temps, un vieil enquêteur – pour ne pas dire un voyeur –, lorsque je manipulais avec circonspection tous ces objets, car j’essayais de reconstituer les vies qui les avaient accompagnés, en tentant de comprendre comment, par bien des circonvolutions et des hasards j’imagine, ils avaient pu finir là, entre mes mains. J’y passais une semaine complète, éprouvant une excitation et un plaisir enfantins. Tout au fond de la pièce, sous une malle métallique, je trouvais par terre une lettre qui avait étrangement survécu à cette longue période de négligence et d’abandon. Par curiosité, je m’assis et commença à la lire – elle était jaunie et tâchée, mais l’encre était encore bien visible – et ne releva plus la tête avant que de la terminer…

C’est une lettre d’un père à son fils. Je ne sais si elle a une quelconque valeur d’un point de vue littéraire, mais elle me toucha. Elle a un je ne sais quoi de poétique et d’universel, peut-être même de prophétique, malgré ses apparences étranges et quelque peu pompeuses parfois. Je ne sais pas non plus qui l’a écrite, ni même si elle a été envoyée ou lue – j’ai eu beau chercher, je n’ai trouvé aux alentours ni cachet postal ni enveloppe. Impossible non plus d’en deviner l’origine par une étude calligraphique, puisqu’elle a été tapée à la machine. L’ancien propriétaire en est peut-être l’auteur. Peut-être en est-il le destinataire. Ou peut-être est-ce une tout autre personne, habitant cette maison avant lui, qui l’aurait entreposée ici, dans cette pièce, soit avant d’avoir envoyé cette lettre soit après l’avoir reçue. Je me dis aussi que, puisque la maison fut inhabitée pendant plusieurs décennies, son auteur pourrait être une personne qui n’aurait, à proprement parler, rien à voir avec ces murs. Un quelconque vagabond ou un simple curieux qui, durant un temps, aurait passé ses jours ou ses nuits sous ce toit, trimballant avec lui cette lettre, qu’il aurait fini par jeter dans ce cagibi. Je n’en sais rien. Je vous la transmets aujourd’hui et la soumets à votre appréciation, en espérant que vous y verrez, vous aussi, quelque chose d’importance.

Cordialement,

E. C. Petiteau

Lettre écornée retrouvée sous une cage d’escalier

Le 24 mars

Mon fils,

Sache que je lis dans les astres, les cartes, les cœurs et le marc de café. C’est pourquoi, aujourd’hui, je t’écris, à toi, mon bien aimé. Je t’offre ces quelques lignes, où tu pourras déchiffrer tes aurores, tes horreurs, tes volutes, tes plaintes, tes pentes, tes voluptés. Pas encore advenues. Qu’il te sera pourtant donné demain de recevoir et de prodiguer. Toi, encore poupon, à mes côtés, paisiblement tu dors. Et semble, sans trouble, rêver. Mon cher, mon tendre, mon doux, sache donc que :

Tu verras que les hommes radotent, répètent sans fin la même histoire, mélangent leurs linges sales, leurs joies, les tumeurs, leurs baisers, les bougies, leurs ivresses, leurs amours, l’argent et le pouvoir, tout en se croyant original, beau ou inédit, toujours, tous, en somme, réduits à se penser comme une exception, qui se voudrait règle, fou, as, roi. Et loi. Ne t’inquiète pas, toi aussi, tu seras de la partie, auras ta part de tragédies et de bonbons. Tu assisteras à la naissance de nouvelles machines, d’innovantes technologies et d’aberrantes idées, mais tu ne pourras encore rien déceler à l’horizon qui fasse d’un homme un être humain. Les hommes, d’ailleurs, tu les verras s’étreindre, se déchirer, puis s’éprendre, s’embrasser, se reprendre à nouveau, puis finalement s’éteindre doucement, accidentellement partir, mourir. Alors, un tant soit peu blasés, parfois tu préféreras t’en aller au loin, au coin, observer un arbre, contempler une fleur pousser, jouissant de l’immobilité des plantes et du silence du ciel, qui, après tout, vaudront mieux que les paroles et les gesticulations incessantes de ceux qui deviendront tes contemporains. Ne sous-estime jamais leur besoin de rituel, de croyance et d’appartenance. Comme moi, tu les verras opiner sur tout, sur tous, bien qu’ils n’aient d’idée réelle sur rien. Ni personne. Ils établiront leurs jugements sur des rumeurs, des faits rapportés, des faux-semblants et des on-dit. Et comme les chats n’accouchent pas des chiens, tu rejetteras tout ce qui constitue leurs rêves : travailler, bâtir, enfanter, acheter, juger, vendre… Ces communs verbiages seront pour toi autant de rimes pauvres et de creux au-delà. Oui, « Gagner sa vie », comme on dit, sera, somme toute, pour toi, la perdre. Et un tant soit peu l’oublier.