Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Il s'agit d'un recueil de cinq nouvelles, science-fiction; vies de chiens; aventure maritime; thriller; fiction... La première évoque des installations humaines sur la Lune en 2025 avec la vie tumultueuse des sélénautes : amours, jalousie, violence... Vient en second un sujet récréatif sur nos animaux de compagnie. Les chiens parlent et vivent leur vie. La troisième relate la vie ordinaire de familles mexicaines sur les hauts plateaux. Deux aviateurs connaissent un drame en mer. Le bateau B2M Bougainville de la marine nationale, reliant Papeete à l'île française de Clipperton dans l'Océan Pacifique, parviendra-t-il à leur porter secours? La quatrième nouvelle est un thriller : lorsque rien ne va plus dans le couple... La cinquième est une pure et étonnante fiction.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 235
Veröffentlichungsjahr: 2019
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Du même auteur:
Le Lis et le chardon, recueil de poésie, éditions Elzévir, année 2008;
Le Cerbot –la transplantation cérébrale, thriller, fantastique, éd. Edilivre, année 2011;
La Mante religieuse, thriller, éd. Edilivre, année 2013;
Le Journal d’Hélène Cailloux, biographie, éd. Edilivre, année 2014;
VISIT – East America 1981, carnet de voyage, éd. Edilivre, année 2014;
Le temps fera son oeuvre, nouvelles, éd. Edilivre, année 2016.
Je remercie tous mes amis et j’embrasse leurs épouses (je n’en dis rien à mes amis) pour leur soutien sans faille dans mon existence. Ils coulent des jours heureux en Provence, dans le Sud-Ouest, en Auvergne, à Bayonne, en région parisienne et même en Belgique. J’en oublie…
J’embrasse tendrement ma Renée. Elle se reconnaîtra, je n’ai qu’elle.
Grosses bises à mon fils Thierry. Il peut compter sur mon affection indéfectible.
J’ai une pensée particulière pour mes frères et leurs épouses qui vivent à Avignon, Istres et Decazeville. Je n’oublie pas notre pauvre sœur trop vite disparue.
Enfin, merci à mes fidèles lecteurs.
Le symposium
Les umeins et moi
L’île de Clipperton
Le gouffre
Voyage vers le présent
En février de l’an 2015, des scientifiques de tous horizons se réunirent à Kalouga, ville située à 160 kilomètres de Moscou, où vécut dans sa prime jeunesse Tsiolkovski, 1857- 1935, père de la cosmonautique russe et maître à penser de l’URSS en matière de physique spatiale. Tsiolkovski ébaucha certaines lois de l’astronautique qui perdurent aujourd’hui encore tel que le déplacement à réaction des corps dans l’espace… Kalouga fut choisi en l’honneur de ce savant mais surtout pour la discrétion du site, car il ne fait un secret pour personne qu’en Russie, le secret en toutes choses est institution d’Etat. Cette réunion prit le nom de Symposium.
Les travaux du Symposium portaient sur la relance de la conquête de l’espace. Les nations déjà engagées dans divers projets, Etats-Unis, Russie, Europe dont la France au premier chef, Chine et Japon, avaient peine à les concrétiser et avançaient sans but clairement élaboré. Des satellites avaient pourtant été lancés, sur la Lune où l’homme avait déjà posé le pied, sur les planètes de notre système solaire, voire au-delà, à des centaines de millions de kilomètres pour élargir nos connaissances sur les objets peuplant le vide sidéral, analyser leur densité, leur atmosphère, l’existence de la vie, la présence d’eau…
Mais où donc était la place de l’Humain dans tout cela ? Quid de la recherche sur notre proche satellite pour enfin y installer durablement des pionniers chargés de le rendre habitable ? L’ISS (International Spatial Station) tournant à haute altitude autour de notre planète suffirait-elle au bonheur des hommes ? On s’était bien amusé en France et en Arizona en créant dans des sites inhospitaliers des camps de base censés reproduire au plus près de la réalité la vie sur Mars : confinement, solitude des mois durant avec vidéos rendues techniquement aléatoires, sorties en combinaisons supposées reproduire celles des spationautes, menus travaux de recherches, cultures de végétaux à l’intérieur de l’habitat, études des roches de proximité. Les cobayes entraient en contact avec la base Terre mais leurs échanges se heurtaient à des temps de réponse simulant la distance séparant Mars de notre planète.
Cependant, les choses commençaient à bouger…
Des Américains avaient mis au point en 2008 un appareil capable de produire pendant un an l’oxygène nécessaire aux astronautes campés sur la Lune. ROxygen, tel est son nom, est un réacteur qui produit avec l’énergie solaire de l’eau par électrolyse, source de toute vie grâce à laquelle nous nous désaltérons et respirons.
Une autre invention fut l’imprimante 3D. Oublions la reproduction et la fabrication des vieilles tasses à café de nos Mamies. S’appuyant sur cette découverte, des Italiens avaient imaginé un robot 3D de grande dimension capable d’ériger des constructions en dur. Ce robot, réalisé selon la conception italienne, fut mis en œuvre à Nantes le 21 mars 2018, une première mondiale puisqu’une maison de quatre-vingt-quinze mètres carrés fut bâtie par deux opérateurs français en cinquante-quatre heures. Bien avant ces innovations, un chercheur anglais, Roger Shawyer, mit au point en 1999 un moteur de conception toute nouvelle faisant abstraction des lois fondamentales de l’univers sur le mouvement. Ces lois ébauchées par le savant russe Tsiolkovski font qu’un corps se déplaçant dans une direction exerce une puissance d’éjection de force égale, explication approximative mais nécessaire à la compréhension du sujet.
Que venait donc faire Shawyer dans tout cela ? Il créa un moteur à propulsion électromagnétique, l’EM Drive, qui se nourrit de l’énergie solaire et convertit celle-ci en micro-ondes. Un véhicule équipé de ce moteur dans lequel nous n’entrerons pas en détail serait susceptible de parcourir plus de sept cent millions de kilomètres en une heure. Ce physicien fut raillé par le monde scientifique mais il s’avéra que la NASA, qui s’astreint à n’écarter jamais aucune innovation sans l’expérimenter, s’était penchée sur son invention, avait certifié la validité des recherches et cloué le bec aux scientifiques.
Cependant en 2025 ce seront les ingénieurs français de la société toulousaine ProtoStellair, très impliquée dans l’étude et la construction d’engins spatiaux, qui parviendront à mettre au point et mettront sur le marché un moteur aux performances moins spectaculaires que celles de l’EM Driver mais dont la vitesse obtenue atteignait néanmoins cent mille kilomètres à l’heure. Ainsi la conquête spatiale prit un tour nouveau, car la Lune n’était plus qu’à quelques heures de nous et Mars à moins de deux semaines seulement. Rien plus n’empêchait les agences spatiales et les entreprises privées de s’élancer dans la course en vue de déposer des hommes sur la Lune dans un premier temps, puis, la conquête du satellite acquise, viser Mars, l’explorer et réitérer la même opération.
Et voici de retour le Symposium. Il entreprit des actions de lobbysme auprès des nations technologiquement avancées pour les inciter à donner un coup de booster et à s’engager dans la conquête de la Lune, en vue d’accueillir sur son sol des Terriens dans des conditions de vie et de sécurité absolues.
Considérant le bienfondé des démarches de cet institut, lesdites nations déléguèrent leurs directeurs d’agences pour élaborer et ratifier un traité de mise en commun des moyens humains et technologiques de chaque Etat car le coût engendré par une telle aventure allait effectivement nécessiter les efforts de tous.
Grâce à l’opiniâtreté de ses membres bardés de sciences ethnologiques et sociologiques, le Symposium fut désigné pour gérer les candidatures.
L’émulation ne se fit pas attendre. Une noria de fusées équipées du fameux moteur à énergie électromagnétique EM Driver revisité par ProtoStellair s’élança pour déposer au pôle sud de la Lune, sur un plateau éloigné de plusieurs centaines de kilomètres de la mer du Nectar, les colons, les imprimantes 3D en kit et les robots chargés du gros œuvre.
Revêtus de leurs combinaisons pressurisées, les éléments précurseurs commencèrent par monter les imprimantes, à la suite de quoi les 3D réalisèrent l’habitat. Les ingénieurs, relayés au besoin, veillèrent à l’étanchéité de la réalisation dès la mise en place du sas et la pose des hublots. Cette opération était vitale, car lorsque la température serait de 21°C dans la station, à l’extérieur, elle atteindrait 125°C au soleil et chuterait jusqu’à moins 175°C à l’ombre. Dans l’une de ces circonstances, on mourrait de chaud, de froid ou de dépressurisation.
On installa en priorité dans le local technique les appareils ROxygen destinés à insuffler l’oxygène dans le corps d’habitation (car jusque-là, les ingénieurs se réfugiaient dans la navette incommode déposée par l’homme). On mit en œuvre une sonde permettant de traverser la croûte de la surface lunaire pour accéder aux nappes de glace phréatiques. Des canalisations procureraient l’eau aux futurs locataires du satellite en complément de la production d’oxygène. Tout le nécessaire à la vie quotidienne apporté par les multiples navettes fut installé, raccordé, entreposé pour le confort et la survie dans la station enfin pressurisée.
Il fallut néanmoins plus de quatre mois pour que tout soit finalisé. Les équipements radio, vidéos et informatiques équipant la base étaient opérationnels. Les lieux de vie en commun, les cabines individuelles, en somme les différents espaces du centre étaient à présent bons pour le service.
La décision devait maintenant être arrêtée quant au choix des individus destinés à s’installer durablement sur notre satellite. Pour Mars, on verrait plus tard.
Chaque nation avait son mot à dire. Il n’était pas question de prépondérance russe ou américaine, sachant que, comme évoqué ci-dessus, le coût exorbitant des opérations nécessiterait l’effort de tous.
La fameuse décision prendrait en compte les éléments suivants :
- les aptitudes physiques ;
- les besoins scientifiques, mais pas uniquement si l’on voulait constituer une société homogène et acceptable ;
- la composition sociologique : des hommes seuls ou avec des femmes, en couples ou non, leur sociabilité ;
- les nationalités représentées.
Il reste à préciser que lorsqu’un groupe d’individus ayant candidaté pour intégrer la prestigieuse caste des astronautes aurait effacé avec bonheur le premier obstacle (un examen médical sévère dont le résultat est sans appel), il laisserait ensuite des plumes lors des tests d’endurance et de résistance, notamment le plus redouté de tous, la centrifugeuse d’où l’on sort qualifié ou sur une civière. Les survivants ayant franchi avec succès tous les obstacles furent retenus et entrainés dans leur préparation en vue d’un hypothétique départ. Il y aurait les élus et les autres en réserve.
La détermination des aptitudes physiques ne posait aucun problème aux préparateurs, car elle est toujours appliquée lors des sélections pour les expéditions vers le satellite international SS, mais le choix devenait cornélien lorsqu’on se penche sur le genre humain.
C’est alors qu’entrèrent en jeu les membres du Symposium. Il fut décidé que des représentants des quatre continents seraient désignés pour jeter les bases de cette société sélénite.
On enverrait donc sur la Lune des individus des deux sexes mais sans aucune intention de la peupler. On respecterait la parité numérique entre les femmes et les hommes. La sélection devrait répondre aux besoins scientifiques comme à la vie quotidienne de l’installation. La liberté des individus ne serait pas encadrée mais un code de bonne conduite mis en avant et promu. Pour parer à toute éventualité, des médecins seraient du voyage. Un juriste serait lui-même admis dans le cénacle.
De la même façon, un représentant du ministère de la justice serait affecté dans la station. Il pourrait être amené à constater la commission des crimes et des délits et à en interpeller les auteurs.
Allons, les ethnologues avaient bien une petite idée en tête : qu’adviendrait-il au retour sur Terre des idylles qui se seraient nouées ? Quid des enfants qui verraient le jour ? Qu’en serait-il précisément ?
D’où les réflexions dans lesquelles s’était aussi penché cet aréopage réuni dans le plus grand secret à Kalouga au mois de février 2015. Nos savants salivaient déjà quant aux réponses à ces inconnues qui ne manqueraient pas d’être définies avec le temps et le confinement.
L’avenir seul y répondrait...
Quarante hommes et femmes furent donc durement entrainés aux efforts d’adaptation en apesanteur. Dès lors douze individus, Américains, Français, Chinois, Russes, Japonais et Soudanais furent désignés pour le départ. Il existait parmi eux une diversité sociale et scientifique : une juriste, des pilotes, un magistrat issu de la gendarmerie, deux représentants du corps médical, des techniciens, des ingénieurs…
Henri Bazin, le Français, fut reçu par la commission du Symposium.
- Vous êtes âgé de 51 ans. Vous avez servi vingt ans en gendarmerie puis dix ans en tant que magistrat au ministère de la justice, c’est bien cela ?
- Absolument, répondit l’officier. Gendarme, je fus assermenté par le tribunal de grande Instance de Melun en Seine-et-Marne. Je passai ensuite l’examen d’officier de police judiciaire et rejoignis la section de recherches de Bordeaux. J’accédai pendant cette période sur concours au corps des officiers. Après vingt années de service dans l’Arme, j’ai pu rejoindre le ministère de la justice par le biais de la passerelle offerte aux officiers. J’ai été nommé juge d’instruction à Toulouse.
- C’est alors que vous avez postulé et rejoint l’Agence spatiale française, n’est-ce-pas ?
- Parfaitement.
- Nous envisageons d’installer un juge au sein de la communauté sélénite. Il veillera au respect des lois et sera chargé de la police judiciaire. Compte tenu de vos compétences professionnelles, accepteriez-vous de briguer ce poste ?
- Je l’accepte.
- Parfait. Je vais adresser une requête au président du tribunal de grande instance de la Cour de justice de La Haye afin que vous soyez assermenté.
- Je vous remercie.
C’est ainsi que deux semaines plus tard, Henri Bazin était convoqué par le substitut du procureur du T.G.I. rattaché à la Cour de justice internationale.
- Monsieur Bazin, la commission du Symposium gérant l’installation humaine sur la Lune m’a adressé votre curriculum vitae et souhaite recevoir un agrément juridique à votre nomination. Nous avons examiné votre candidature et arrêté une décision favorable. Etes-vous toujours candidat à cette fonction ?
- Je le suis.
- Veuillez prêter serment : « Je jure d’exercer avec justice, humanité et en toutes circonstances les prérogatives de police judiciaire qui me sont dévolues par la juridiction internationale et de ne faire usage de la force que pour l’accomplissement de la loi. »
-Je le jure !
-Très bien. Le titre et les fonctions de juge d’instruction vous sont conférés. Dès votre installation dans la station, vous veillerez à l’ordre public et au respect des lois telles que définies par le droit pénal international. Vous répondrez de vos actes devant la Cour de justice internationale.
- Je m’efforcerai d’en être digne. Merci, Monsieur le Président.
Cette affaire étant réglée, le Symposium se pencha sur la vie en communauté dans le camp de base de la Lune. Faisant table rase des tâches quotidiennes, on en vint à la question primordiale, à savoir l’étude des mœurs qui ne manqueraient pas d’avoir un effet sur le déroulement des missions opérationnelles en milieu clos. Un président serait élu par ses pairs. La juriste pourrait encadrer les actes de la communauté.
- La communication entre colons nécessitera une langue commune, dit le président. Elle n’aura pas force de loi mais sera appliquée par défaut. En considérant que le chinois, le soudanais, le français, le russe et le japonais ne sont malheureusement pas des vocables universellement pratiqués, il nous reste l’anglais ; chaque candidat engagé dans l’aventure use de ce langage couramment. Des questions ?
- Ne serait-il pas souhaitable, demanda un membre de l’aréopage, que des moyens contraceptifs soient mis à la disposition de nos concitoyens pour parer à des fécondations non consenties ?
- La moralité des membres de la communauté ne nous appartient pas, répondit le président. A charge à chacun de se prémunir. Vous vous souvenez que la durée de séjour des premiers colons sur la Lune est fixée à douze mois. Si malheureusement des grossesses survenaient pendant cette période, les naissances seraient traitées tout à fait normalement par les services obstétricaux terrestres.
Une ethnologue prit la parole.
- Je ne crois pas que l’on ait à intervenir dans les relations intimes qui se noueraient au sein de cette communauté. En revanche, le cas échéant, les naissances constitueraient un bilan riche d’enseignements à analyser le moment venu.
- Je suis entièrement d’accord avec notre honorable intervenante, reprit le président. Nous aurons affaire à des personnes fort averties du confinement et de la promiscuité dans leur biosphère. Il n’y a pas lieu de s’immiscer au sein des couples qui viendraient à se nouer.
* * *
A Toulouse, flanqué sur son balcon, Henri Bazin admirait la pleine lune qui éclairait la rue. Il songeait aux premiers astronautes qui avaient pris tous les risques à l’ère spatiale balbutiante pour conquérir ce satellite. C’est sur leurs traces qu’ils allaient à leur tour défricher le chemin et écrire une page nouvelle à l’aventure spatiale.
Il se remémora les narrations de son père qui fut réveillé au moment précis où Armstrong allait poser le pied sur la Lune. C’était le 21 juillet 1969. Son père n’avait que deux ans mais il avait assisté à cet événement planétaire.
Combien de temps s’était écoulé depuis ! En 1969, son père avait vingt-neuf ans, lui cinquante-et-un aujourd’hui…
Un premier véhicule spatial s’élança de la base de Kourou. C’était une fusée russe Soyouz pour laquelle la géolocalisation de la Lune avait été programmée avant le départ. Quatre colons, deux hommes et deux femmes étaient du voyage. Ils avaient revêtu leurs combinaisons pressurisées.
Ils subirent la force puissante des réacteurs qui les arracha à l’attraction terrestre. Peu après, la capsule se détachait du module de service et atteignait la banlieue sélénite. Elle se posa en douceur sur le sol en s’appuyant sur l’éjection des gaz.
Par les hublots, on pouvait observer le relief du satellite criblé de profonds cratères aux dimensions variées. On distinguait au milieu de nulle part le camp de base, grisâtre comme la poussière du sol. Ce site plat, un lac selon l’appellation scientifique, distant de plusieurs centaines de kilomètres de la mer du Nectar, avait été choisi car les images adressées par les satellites et les analyses de prélèvements réalisés par les sondes avaient démontré que de l’eau sous forme de glace était présente dans ce que l’on pourrait définir comme des nappes phréatiques.
L’édifice, de forme circulaire et d’une superficie de sept cents mètres carrés, n’arborait pas une architecture éminemment admirable. Son toit, trois coupoles aveugles s’élevant à près de cinq mètres de haut, se détachait de manière saugrenue dans cet univers désolé. Les murs étaient percés de hublots sur tout son périmètre. Au nord, un local technique jouxtait le bâtiment.
Le bâti était solide, confectionné à partir de roches puisées au sol et unies entre elles par un liant acheminé depuis la Terre. L’immeuble était encore surmonté par les longs bras des imprimantes 3D qui lui avaient donné naissance.
Les colons sautillèrent en direction de ce qui allait devenir leur habitat, Moon Station. Ils tournaient la tête en tous sens pour observer ce milieu étrange qui les avait fait rêver dans une autre vie. A proximité, on distinguait la silhouette d’un petit cratère.
L’intérieur du sas était accessible en actionnant un commutateur électrique ou en cas de panne, en manœuvrant difficilement le verrou d’acier.
Un colon commanda l’ouverture de la lourde porte donnant accès à l’intérieur du compartiment et prit soin de la verrouiller derrière le quatuor. La jeune Chinoise actionna la pressurisation. Dans le sas encore sous vide, il fallut attendre le niveau de pression atmosphérique requise pour franchir le seuil. La porte s’ouvrit alors automatiquement et le petit groupe pénétra dans Moon Station. La porte se referma. Les spationautes ôtèrent enfin leurs combinaisons.
* * *
On s’observa avec curiosité, car dépouillés de leur encombrante tenue, les colons ne s’étaient pas revus depuis des semaines, lors de la sélection et de l’entrainement. Il y avait le magistrat Henri Bazin, divorcé sans enfant, la cinquantaine, haute stature, cheveux grisonnants ondulés et Miss Amelia Cartridge, 23 ans, une plantureuse et joviale Américaine, spécialiste en pétrographie c’est-à-dire de l’étude des roches, la Chinoise Li Sushang, médecin, 27 ans, petite brune toute délicate qui attirait les regards. Comme le lotus, elle était d’une grande beauté. Enfin le dernier spationaute du convoi était un Soudanais, Soulam ben Salma, chef cuisinier de son état, 32 ans, tout sourire, taillé comme une sculpture de Botero.
Les colons partirent à la découverte de ce qui allait devenir leur chez-soi. Chaque compartiment, chaque cabine, étaient clos d’une porte étanche. Le mobilier était spartiate : une tablette, une chaise, un lit de 80, un placard, notamment destiné à entreposer la combinaison à revêtir en cas d’urgence…Tout était prêt pour accueillir les autres sélénautes.
Au centre de l’habitat étaient regroupées la salle à manger, la cuisine et ses placards pleins de conserves, la salle de séjour et ses fauteuils de relaxation, ses pistes de footing et de musculation. Une armoire frigorifique à proximité de la cuisine renfermait des vivres. Un amoncellement de pommes de terre se dressait dans un local rafraîchi et des fruits de longue conservation s’étalaient sur des étagères. A l’est, un compartiment affecté aux recherches était équipé d’appareils électroniques dévolus aux analyses spectrales biologiques et chimiques. A l’aile gauche, une infirmerie regorgeait d’instruments nécessaires au traitement des situations d’urgence avec dans un coin de la pièce la présence d’une armoire contenant les médicaments. A l’extrémité nord était aménagée une serre dont le sol était recouvert d’humus et de bonne terre. Des semis attendaient la main de l’homme.
L’eau serait distribuée avec parcimonie et chauffée par les panneaux solaires qui recouvraient le toit. Dans le même esprit, l’eau des lavabos et les urines des WC seraient recyclées pour l’arrosage de la serre.
Partout, les équipements audio et télévisuels étaient opérationnels…
- Eh bien, soyez les bienvenus dans ce modeste manoir ! déclara Bazin dans la langue de Shakespeare.
Tous se congratulèrent.
- Je crois que les concepteurs de la mission ont pensé à tout, dit le cuisinier Soulam ben Salma. Mais si quelque chose faisait défaut, nous ne manquerons pas de le constater rapidement.
- J’en suis persuadé. En tout cas, merci pour eux.
- Mes amis, intervint le Soudanais, il est 13 heures, heure de Greenwich. Que diriez-vous si je préparais un en-cas ?
- Cher Soulam, assura Bazin, il ne fait aucun doute que vous allez nous concocter un repas digne de votre savoir-faire et pour le plus grand plaisir de nos papilles.
L’homme décocha un large sourire et gagna la cuisine en sautillant eu égard à la faible gravité du satellite.
Après le repas, les colons firent en commun la vaisselle. Ce serait la règle. Les femmes ne seraient pas vouées seules aux tâches ménagères. On n’allait pas reproduire les errements terriens ! La société nouvelle instaurée dans la station appliquerait l’égalité entre les sexes.
- On se sent tellement léger ici ! s’exclama Miss Cartridge. Bonjour les exercices physiques rébarbatifs…
Personne ne lui donna la réplique.
A l’est, on pouvait apercevoir par les hublots l’intensité du clair de Terre parée de sa robe bleue. Imperceptiblement, la Lune accomplissait avec indifférence son mouvement perpétuel.
Les deux jours suivants, les colons en place furent rejoints par huit autres spationautes, soit le reste de la colonie formée de scientifiques, de techniciens et d’une cuisinière. Deux Jeep seraient prochainement du voyage. Ce fut comme un bourdonnement de ruche avec cet afflux de voyageurs qui allaient en reconnaissance dans la base prendre leurs marques.
* * *
La station était en liaison permanente avec les centres opérationnels coordonnés de Cap Kennedy, Baïkonour, Kourou et Xichang qui visionneraient les colons dans leur quotidien et fixeraient conjointement des missions déterminées.
- Moon Station ! Retentit justement un message vocal de Kourou, pourriez-vous faire procéder à une reconnaissance du cratère situé au nord de la station en direction de Catherine et nous faire son relevé topographique ?
- O.K., nous envoyons du monde sur place.
A pied trois astronautes atteignirent, harassés, les lieux distants d’une dizaine de kilomètres. Il s’agissait d’un petit cratère dû à l’impact d’un astéroïde. Leurs pas, plutôt leurs bonds étaient légers mais peu maîtrisés. Il fallait prêter beaucoup d’attention au sol piégé par la rocaille affleurant la poussière. En effet, ils n’étaient pas à l’abri d’une chute.
- Nous sommes sur les lieux, Moon Station. On procède au recueil d’échantillons de roches.
- Bien reçu, Alfa. Ayez un œil sur la montre. Gardez à l’esprit votre autonomie respiratoire.
La pétrologue Amelia Cartridge sélectionna quelques spécimens de pierres et une poignée de poussière qu’elle versa dans le sachet accroché à sa ceinture. Ses compagnons tournèrent une vidéo du cratère. On ne se risqua pas à escalader la pente du cône haute de plusieurs dizaines de mètres, le temps manquait et les équipements aussi. On réalisa la topographie de la zone.
A onze heures, l’équipée regagna sa base.
- Mission accomplie, Kourou.
- OK, Station Moon, adressez-nous au plus tôt vos observations.
Les espaces communs de la station étaient équipés d’appareils phoniques et de caméras thermiques pour suivre en temps réel le déplacement des colons et pouvoir communiquer avec eux. Les cabines n’en étaient pas pourvues afin de respecter l’intimité des occupants. Des commutateurs à portée de main seraient destinés à donner l’alarme en cas de problème survenant quelque part. L’alerte pourrait être générée automatiquement si une défaillance apparaissait dans la pressurisation. Dans ces circonstances, il fallait revêtir au plus vite sa combinaison tandis qu’un colon interviendrait en urgence dans le local technique pour remettre en service le ou les ROxygen disjonctés. Chacun devait en connaître le fonctionnement, il en allait de la sécurité de tous.
Une semaine s’était écoulée. L’Américaine se rendit dans la serre à l’extrémité de la station. A ce jour, personne n’y avait mis les pieds. Elle trouva des outils dans un placard et prépara la terre. Elle avait toujours adoré le jardinage. Elle prit les sachets de semences et versa dans les sillons qu’elle venait de tracer les graines de salade, de carottes, enfin diverses cultures maraîchères et planta des pommes de terre. Elle arrosa le jardin. On observerait son développement ultérieurement …
A midi, Soulam ben Salma et la cuisinière japonaise Yoko Kinado servirent le repas et s’installèrent à table. Les conversations tournaient comme à l’accoutumée sur la vie du groupe, les messages parvenus de Terre, les conditions de vie dans l’espace restreint. Les colons se dévisageaient, leurs regards se croisaient, pas toujours empreints d’indifférence.
Ainsi, l’ingénieur chinois Nao Shing, 34 ans, l’un des ultimes arrivants, avait des vues sur Miss Amelia Cartridge. Il lui adressa un regard significatif qui ne rencontra aucune opposition. Le soir venu, il s’arma de courage et gratta à la porte de la jeune femme convoitée. Elle le fit entrer et répondit à ses avances.
Sans avoir cherché à identifier les tourtereaux ni être en mesure de le faire, le centre opérationnel de la Terre enregistra ce déplacement nocturne dans le couloir.
Mais bientôt les rencontres prirent de l’ampleur. Les soupirants se croisèrent dans le corridor, et pas toujours pour rejoindre fidèlement leurs nids d’amour à la stupeur des observateurs du Symposium qui ne manqueraient pas de matière pour leurs travaux sociologiques. De la sorte, les conversations trouvèrent de nouveaux centres d’intérêt.
- Qu’en est-il aujourd’hui de nos pensionnaires ? demanda un jour le président du Symposium à l’un de ses hommes penché sur son pupitre.
- Je peux d’ores et déjà affirmer que la station la nuit devient un véritable lupanar !
- Mince alors ! s’exclama le président qui demanda plus de précisions.
- Alea jacta est… conclut-il en soupirant.
De son côté, Henri Bazin n’avait pas gardé ses deux pieds dans le même sabot. Il avait noué une relation avec la charmante quadragénaire russe Ludmilla Erzegova, une blonde plantureuse dotée de tout ce qu’il faut pour le plaisir des mains et du reste.
* * *
Deux colons s’activaient sur les tapis roulants.
- Hier, j’ai reçu des images vidéo de ma famille. Manda tenait ma petite Souna dans les bras et me relatait les potins du quartier.
- Où habites-tu ?
- Tu ne connais pas. Krasnoïarsk, une petite ville de Sibérie. Elle se trouve à une centaine de kilomètres à l’ouest du lac Baïkal et au-dessus de la Mongolie. Et toi, tu vis où ?
- Ma famille exploite une ferme près de Tulsa, c’est en Oklahoma. Personnellement, je suis chercheur en physique nucléaire et j’enseigne à Tulsa. Nom d’un chien, je ne voudrais pas habiter dans cette agglomération de neuf cent mille habitants. Je préfère la tranquillité de ma campagne.
- En Russie, dit Moulgaïa, je suis professeur de physique-chimie. C’est marrant, nous avons pratiquement le même cursus scientifique. C’est pour ça vraisemblablement que l’on nous a sélectionnés.
- Mais notamment parce qu’installé dans la centrifugeuse, on n’a pas projeté en tournoyant ses vomissures partout ! dit Merrick en riant.
- Parfois, reprit Moulgaïa, j’ai le bourdon d’être ici. Heureusement qu’on peut recevoir sa famille à l’écran. Elle ne te manque pas ?
- Pour le moment, ce qui ne me manque absolument pas, ce sont mes exercices physiques quotidiens sur les engins. C’est d’un monotone…
- Tu peux le dire.
Pendant ce temps, Bazin s’activait jusqu’à épuisement sur l’une des pistes de training puis il accomplirait une toilette très sommaire à l’aide d’un gant, faute de douche. Après ces efforts, il s’endormait généralement plus vite... lorsqu’il était seul.
Une altercation éclata dans le corridor. Le magistrat interrompit sa course en solitaire et passa la tête par l’entrebâillement de la porte étanche. On se crêpait le chignon pour une femme. Selon ce qu’il percevait des invectives, il s’agissait d’une rivalité entre le Russe Ivan Ivanovitch et le Japonais Sako Kamata au sujet de la Soudanaise Lili Yasmina.