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Exit le caractère nocturne du crime aux couvertures défendues ! « Pourquoi pas un temps qui se recoupe pour briser la pointe de l’aiguillage ? » Non ! Il s’agit ici du rapprochement entre la manipulation télépathique diurne que tente de cerner un neuropsychiatre éminent et un enjeu onirique qui doit mener tous les acolytes de la révolution spirituelle en cours vers un conflit final, et cela jusqu’à la croisée des temps où devrait s’accomplir l’ultime rédemption. Accrochez-vous, ici commence une aventure comme on n'en a jamais assez vécu...
À PROPOS DE L'AMOUR
Armand De Lesquivir affectionne la possibilité qu’a la littérature de joindre les limites de la culture à celles de l’imaginaire. De ce fait, dans ses écrits, il met en avant la part mystérieuse de ce que la réalité peut cacher.
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Seitenzahl: 394
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Armand De Lesquivir
À la croisée des temps
Roman
© Lys Bleu Éditions – Armand De Lesquivir
ISBN : 979-10-377-5322-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
En toute chose, le plaisir croît
En raison du péril qui devrait
Nous en écarter.
Sénèque, De beneficiis, VIII, 9
Après avoir assouvi le bon plaisir de leur âme avide,
Ils ne redoutent plus l’effet de leurs paroles,
Ils n’ont plus cure de leurs parjures.
Catulle ; LXIV, 147
« Quel est le programme d’aujourd’hui, Myriam ? » demanda Hervé qui était en train de manger un plat de spaghettis bolognaise.
Hervé était ce genre d’homme assez athlétique mais dont la maigreur se durcissait sur son visage émacié.
— Il y a Inception ! Tu connais ce film ?
— Bien sûr que je connais, mais je l’ai déjà trop vu !
— Oui ! Mais que veux-tu regarder, il n’y a rien d’autre !
— On n’a qu’à jouer à la PlayStation !
Et c’est à ce moment-là qu’ils entendirent un dérapage strident venant de leur avenue principale appartenant à leur petite ville de Montigny-le-Bretonneux et qui n’était autre qu’une Mercedes rouge qui s’était encastrée dans leur grillage. Toutefois, qu’en était-il des éventuels survivants alors que tout semblait aller pour le mieux pour le couple des Rotulien qui veillait alors au bon grain des formalités ? C’est pourquoi ils appelèrent de suite les secours qui ne tardèrent pas à venir alors que ces derniers extirpèrent les corps, qui, en toute vraisemblance, étaient morts. Puis la police prit soin de relever l’identité de chacune des victimes qui à elles deux formaient un couple qui paraissait pourtant très jeune.
C’est pourquoi Hervé demanda encore stoïque : « Mais qui sont ces jeunes gens, Monsieur le Commissaire ?
— Ce sont Madame et Monsieur Reverdi qui viennent de se marier il y a de cela seulement trois jours. Et dire qu’ils avaient tous deux environ la vingtaine. Que la vie est terrible, tout de même ! » Le commissaire n’avait certes pas l’âge de ses prétendants mais il montrait un sérieux qui n’en cachait pas moins sa nervosité.
Cependant, Myriam qui était à la mesure de sa beauté gracile et qui était juste derrière les deux hommes ironisa : « Mais vous ne voyez pas que de ce mercredi 4 avril, l’année 2012 est d’un cycle si clément que la bonne humeur ne cherche plus qu’à partager ce qui est bon pour elle mais aussi ce qui est une bonne retraite pour la propriété à ce qui fait le bon ressort à l’aliénation à ce qui de droit ! »
Hervé se mit à feindre la superstition et dit : « Mais que cherches-tu encore à conjurer ?
— Je ne conjure rien, je ne fais qu’encourager cette année qui ne sera pas fertile !
— Je ne te savais pas medecine-woman ! Et je ne suis que neuropsychiatre…
— Oui mais ton remède contre les addictions et tes thèses… »
C’est pourquoi le commissaire s’impatienta et leur dit : « Mais vous n’avez pas peur pour les réparations ? »
Hervé toujours positif et même énigmatique ajouta : « Vous savez avec nos ressources cela sera fait dans la semaine et si le destin le veut bien il y aura d’autres secrets à lever d’ici là ?
— Et qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
— Dans mon métier de neuropsychiatre, on m’a avant tout appris à ne pas faire de confusion entre compétence et performance, ce qui est le confluent à tout conflit.
— Oui ! c’est bien, vous planifier les choses mais prévenir est autre chose…
— Oui ! Mais ce que vous ne savez pas, c’est que les plans sont tout tracés et qu’il ne suffira peut-être pas que de les obtempérer.
— Je vois : vous êtes l’expert de la culture de masse, mais moi je m’en tiens aux véritables signes avant-coureurs.
— Heureux de l’entendre dire. À bientôt, Monsieur le Commissaire.
— À très bientôt. »
Et ainsi Hervé dit : « Bon, entrons et laissons la police s’occuper de cela. »
Et de suite les Rotulien entrèrent chez eux et jouèrent à la console du jeu vidéo en s’attendant à ce qu’il y eût quelque événement plus insolite qui n’intervint dans leur vie. Et Hervé de reprendre : « Et parce qu’il n’est pas question de se lamenter sur ce qui n’aura qu’une incidence matérielle, ne nous laissons pas envahir par des tensions qui ne sont pas encore personnelles.
— Oui ! Je comprends chéri : ne nous envahissons pas d’une émotion qui n’a pas encore fait totalement parler d’elle !
— Mais il y a plus important à cela car la vie est faite de beaucoup d’évitements qui ne peuvent pas que nous rendre impartiaux. Certes, ce n’est pas le plus important car il y a aussi l’expression à ce qui se rend le plus inexprimable.
— Mais que veux-tu encore dire ?
— Qu’il n’y a pas mieux que le respect mutuel après une telle déconvenue.
— Alors, allons nous coucher avant de nous perdre dans un nouvel écart.
— Et c’est déjà le cas, chérie.
— Alors, n’en parlons plus. »
Et que lui dit à rebours cet accident si ce n’est que même l’amour pouvait peiner jusqu’à se désolidariser dès les premiers instants de ce flux continuel qu’on appelle l’attirance. Car en lui tournoyait un trouble qui lui disait : « Mais comment est-ce possible un tel accident quand vous êtes dans un état où tout vous fait tourner la tête et que vous savez que vous êtes deux amoureux et que vous savez donc que vous êtes dans cet élan de partage où vous savez que tout peut vous arriver ? » Et là, une étincelle surgit dans la tête d’Hervé qui se dit : « Mais bien sûr : ils ne pouvaient qu’en savoir trop pour ne plus avoir cette capacité à en tout réaliser le risque à encourir ». Au même moment et dès qu’Hervé s’agita et bondit en trouvant la solution à cet accident qui semblait préorchestré, Myriam se tourna vers lui et dit : « Tu n’en as pas marre de ruminer sur des sentiments qui ne sont plus les tiens ? »
Et Hervé se mit à rire et presque à l’étouffée dit : « Si tu savais à quel point un accident est parfois ce qu’il y a de moins grotesque, peut-être que tu saisirais ce qu’il a de plus pragmatique, parfois ? » Alors Myriam surprise dit : « Et tu t’évertues à faire de la recherche criminologique, maintenant ? »
Et Hervé un peu fier de lui ajouta : « Eh bien, oui ! Le hasard a fait que leur voiture ait rencontré la barrière d’un chercheur qui sait vite comprendre où avoir à jeter son dévolu pour authentifier la réalité ».
Alors Myriam demanda : « Et il en advient quoi de cette réalité ?
— Ah ! Tu veux savoir ? Mais je n’en saurais davantage que quand la nuit m’aura apporté conseil… Alors veux-tu, Myriam, dormons ! »
Mais la nuit aussi fut mortifère, comme les rêves qui traversèrent le sommeil d’Hervé, de part en part, n’étaient pas de bon augure pour le reste de la journée. Mais quels étaient-ils ? Hervé à son éveil n’avait plus qu’une seule image : celle d’un soldat enfermé vivant dans sa tombe. Évidemment, il n’eut pu que se dire : « Si j’ai bien compris c’est la mort dans la mort, car comment peut-on imaginer mort plus terrible que celle qui vous enferme d’elle-même ». Donc derrière tout cela, il y avait une très forte symbolique, ce qui ne voulait pas forcément dire que cela allait avoir lieu dans le contexte de sa vie.
***
Comme d’habitude, Hervé se leva à 7 h du matin ; il prit son petit déjeuner ; puis il prit les transports en commun sur les coups de 7 h 40 avant de se rendre à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où il faisait de la recherche en neuropsychiatrie. C’est pourquoi la psychologie lui échappait si peu. Mais quelque chose de plus sérieux le travaillait comme il devait faire face à des patients dans un cadre plus collectiviste qu’urbaniste bien qu’encore très familier car pour lui son véritable travail commençait quand il devait se mettre à étudier des problèmes relevant de ce qui ressortait vulgairement de la « psychologie sociale ». En outre, s’il était praticien neuropsychiatre, c’est en tant que psychiatre qu’il occupait la plupart de son temps. Or une nouvelle question et un nouveau tracas vinrent à se poser en ce début d’après-midi du jeudi 5 avril de l’année 2012 comme si cette mise en situation sur l’agenda de ce jour était une facétie du destin. Et c’est pourquoi comme Hervé venait de se poser la question : « suis-je à la fois superstitieux et mythomane pour en arriver à me poser cette question qui pourrait pourtant paraître fondamentale et qui est : “Peut-on rentrer en contact avec un cerveau étranger au nôtre en utilisant ses propres neurotransmetteurs et qui serviraient d’ondes télépathiques au point d’en arriver à le manipuler ?” ».
Et évidemment, la question regorgeait de l’étrangeté concernant l’accident qui avait eu lieu la veille, juste à cet endroit d’où tout allait peut-être s’en résoudre.
Alors Hervé se dit avec ironie : « Pourquoi aller chercher les événements, s’ils viennent à vous ? »
Et à peine se remit-il de cet état d’enthousiasme, qu’il entendit crier de la porte de son bureau donnant sur l’escalier du dessous : « Mais laissez-moi ! Vous ne voyez pas que je n’ai rien demandé ! » Et Hervé qui n’était que le professeur Rotulien sortit rapidement de son bureau et jeta un œil par-dessus la rambarde, alors qu’en fait il vit un homme se débattre entre deux aides-soignants. Cependant, cet homme avait l’air moins d’un rustre que d’un révolté mais, par contre, il avait dans son regard toute la sécheresse d’une perte d’innocence. Par contre, Hervé descendit vivement les marches et dès qu’il arriva à hauteur des trois hommes il dit : « Emmenez-moi cet homme dans mon bureau, que j’évalue une capacité chez ce patient ! » Ainsi les deux aides-soignants attrapèrent l’homme et le conduisirent au bureau du professeur qui était aussi son laboratoire. Ils le couchèrent et l’attachèrent, comme il était de coutume pour les patients que le professeur analysait plus particulièrement, et s’en allèrent, laissant le professeur à son examen.
Alors Hervé, craignant d’être trop direct, dit : « C’est la première fois qu’on se voit ! Comment vous appelez-vous ?
— Mais je l’ai déjà dit à vos larbins, je n’ai rien à faire ici !
— Alors pourquoi vous a-t-on amené ici ?
— C’est simple : je me baladais dans un centre commercial et une femme m’est rentrée dedans, alors je l’ai repoussée et le service des vigiles m’a attrapé et ils m’ont envoyé ici.
— D’accord ! Je vous crois ! Mais pour partir d’ici, il va falloir être coopératif…
— C’est d’accord ! Je m’appelle Marcel Dumontier et j’ai 24 ans…
— Et moi je suis le professeur Rotulien et si vous me faites confiance, tout se passera bien !
— Très bien professeur ! Je suis prêt à vous écouter…
— Il va en effet d’abord falloir m’écouter mais surtout et d’autant plus vous concentrer sur le signal sonore que je vais progressivement augmenter.
— Taisez-vous et laissez-vous envahir par ce qui vous passe par la tête ! »
Puis Hervé fit monter le niveau hertzien d’un message sonore qui n’était pas audible à « l’oreille nue » comme il s’amusait à le dire lui-même. Cependant, Marcel se concentrait de plus en plus profondément sur ce signal qui, en fait, était bien plus qu’un signal. C’était un message subliminal dissimulé sur quelques fractions de seconde et qui disait : « Le bonheur est à la portée de ce qui caresse l’oreille ».
Mais d’un seul coup Hervé éteignit le « signal » et soudainement Marcel se tendit de stupeur et s’écria soudainement : « Non ! N’arrêtez pas ça ! C’est tellement bon ! » Et il se mit à maugréer : « Vous êtes comme les autres ! Vous ne savez que manipuler ! »
Et malgré tout, Hervé dit : « Ce n’est pas vrai ! Je n’ai fait que de la suggestion sur votre subconscient, la réaction seule ne dépendait que de vous. Mais il est vrai que l’on pourrait passer à l’étape suivante comme vous le dites si bien et aller jusqu’à toucher l’inconscient ; ce qui pourrait faire de vous un véritable automate ».
Alors Marcel presque paniqué ajouta : « Et bien sûr, vous allez le faire ? »
Mais Hervé soupira : « Pour le moment, j’ai d’autres étapes à franchir. Je n’irai toucher l’inconscient que quand j’en aurai évalué certaines possibilités que je trouve encore transitoires. »
Puis Marcel peu confiant demanda : « Et tous ces essais, vous allez les faire sur moi ? »
Mais Hervé sûr de lui surenchérit : « Non ! Je vais faire un autre travail sur quelqu’un de suffisamment décompensé pour en tirer des conclusions sinon novatrices, au mieux plus profondes. Pour ce qui est de votre cas, vous êtes sujet à la paranoïa mais ce n’est que de manière superficielle comme vous venez tout juste de rentrer ici. En fait, je vais vous prescrire un traitement et vous viendrez me voir tous les quinze jours au début et avec le temps vous recouvrerez une santé normale quoique quelque peu susceptible.
— C’est vrai ? Je peux donc sortir ?
— Oui ! Et surtout, essayez de n’apprendre que de vous-même ! Car vous aurez peut-être l’impression d’être manipulé par moments mais sachez que les pires imbéciles sont ceux qui croient qu’ils ont plus à gagner des autres que d’eux-mêmes.
— En fait ceux qui manipulent sont ceux qui veulent toucher les autres pour se retrouver en eux-mêmes. Ce ne sont que des imposteurs qui sont mal dans leur peau.
— C’est presque cela bien que la complexité du manipulateur faisant sa fausseté soit presque toujours importune… Mais attendez que je vous détache et que j’appelle les surveillants. De cette manière, on va faire vos papiers et vous allez rentrer tranquillement chez vous… »
Le professeur détacha le patient et quand ce dernier se sentit libre, il se plut à dire : « Vous savez ! Aujourd’hui, j’en ai plus appris que pendant toute ma vie et c’est en cela que je vous remercie…
— Oui ! Mais n’oubliez pas que chaque expérience est une étape dans votre vie et que celle de ce jour est d’une sensibilité telle qu’elle a titillé votre subconscient et cela a été pour vous un vécu de si peu de temps et d’une telle intensité qu’on pourrait presque la manipuler à vif, mais je n’irai pas jusque-là, vous savez ? »
Alors Marcel se renfrogna et dit : « C’est bien ce que je me disais, vous êtes tous des manipulateurs ! »
C’est pourquoi Hervé le reprit, disant : « Vous voyez ! C’est à ce genre de mimétisme auquel vous devriez apprendre à sortir la tête de l’eau. Et surtout et au temps voulu, apprenez à prendre sur vous. En fait, essayez de clarifier les choses entre ce qui vient réellement de vous et ce qui n’est qu’une invention de votre potentiel objectif.
— Je vois assez distinctement où vous voulez en venir mais je sens que j’ai encore beaucoup de réponses à me procurer…
— Il y a peut-être plus profond à tout cela mais l’objectivité doit être une leçon de conduite pour vous si vous ne voulez pas tout prendre en vous et ne finir que par devenir comme une éponge ! C’est assez clair, là ?
— Oui, ça va ! J’ai à peu près compris mais ça va aller… »
Enfin, Hervé dit alors que les deux aides-soignants rentrèrent dans son bureau : « Surtout, évitez ce genre d’approximation concernant votre forme morale. L’aliénation n’est pas le plus mauvais des tours ! » Et Marcel eut à peine le temps de serrer la main de Hervé et dit : « Merci, professeur pour vos précieux conseils… » alors que les deux hommes de main le prirent par les bras et l’emmenèrent dans sa chambre alors qu’Hervé leur dit : « Prenez soin de lui et laissez-le partir après le goûter de 16 h ! Par contre, prenez cette ordonnance et préparez-lui un pilulier pour qu’il prenne ses médicaments chez lui… »
***
Puis le professeur Rotulien s’assit à son bureau et se mit à réfléchir sur les formalités de l’expérience qu’il venait de vivre et se dit spontanément : « L’aliénation n’est pas le plus mauvais tour ? C’est si éloquent mais tellement inappropriable à la raison ! Mais qui commande ? La raison, bien sûr ! Et c’est pour cela que l’esprit nous semble une prison… Alors, par quelle visée commencer si ce n’est par le fil de mes pensées qui cheminent en travers de ce qui fait mes passions ? Mais si l’esprit est comme une prison, c’est qu’il vit en vase clos pour ne plus préformer qu’un cycle qui doit sortir de sa détermination pour trouver la liberté. Or pour ce faire, il faut apprendre à rendre à l’aliénation ce qui déconstruit ses choix en en dépouillant la trivialité pour aller à la liberté. Voilà qui me fait dire que l’aliénation n’est pas le plus mauvais des tours. »
Et c’est sur ces belles paroles qu’Hervé dévala toutes les marches de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour déboucher jusqu’à la rame de métro Chevaleret pour prendre les transports en commun et rentrer chez lui. Mais il n’était pas seul à se rendre à cet endroit où les franciliens se réunissaient pour se remonter dans les mêmes apparences et, a priori, pour arriver à la seule et unique résultante qu’on appelle la destitution du bien commun. Car comment ne pouvaient-ils se retrouver dans le même axe de départage de la cité où la communauté n’était, pour eux, rien de plus qu’un faire-valoir ? Et à partir de là s’égrenait une crise touchant à la consommation de l’individu dans son identité comme simulacre à ce qui n’en voulait qu’à l’objet. En effet, c’était là tout l’impact de la chosification de l’individu que l’on ne pouvait que retrouver dans l’état d’esprit ergonomique de son commerce. En fait, c’était là toute l’analyse performative de l’inconscient collectif dont se targuait Hervé d’en mesurer la dimension à la fois statique et stérile, cet inconscient collectif qu’il pouvait percevoir à partir de ses formes idéologiques, en ce que cela représentait de décadence. C’est pourquoi Hervé se mit de la musique dans son smartphone afin d’avoir une impression de dynamisme et de créativité qui semblait échapper à cette foule plongée dans l’avidité nocturne qui l’appelait à une soirée de confort et de répit pour un repos mille fois immérité comme elle jouissait d’un mépris de l’interdit. Cela aurait pu paraître une surimpression de la réalité mais cela en était bien plus profond puisque c’était avant tout l’examen d’une existence qui se conformait à son appartenance. Or pour rentrer dans un langage peut-être plus psychologique, on aurait pu dire qu’il s’agissait d’une tendance où se mettait en relief une pathologie, allant à son expérience pour mieux s’en démunir. Et pour paraphraser un auteur qui n’est pas encore tombé dans l’ennui : « Paraître ou disparaître, telle est la révision ! » Se dit Hervé qui commençait à se railler tant l’environnement était hostile à la vérité intérieure du moment.
Et enfin arrivé chez lui à 18 h 20 alors qu’il était parti à 17 h 30 de son bureau, il se plaça devant son écran de télévision et se mit à jouer à la PlayStation afin de se lâcher un peu et surtout de retrouver un plaisir que ses pensées de la journée n’avaient pas encore étayé. Mis à part cela, sa femme ne devait plus tarder à rentrer de son travail où elle tenait une place d’infirmière dans un cabinet de laborantines. Et c’est pourquoi il voulait toujours s’assurer qu’elle allât bien comme elle n’était enceinte d’une petite fille que depuis quatre mois. Hervé était encore assez jeune comme il devait aller sur ses 34 ans alors que sa femme n’avait que 27 ans.
Et comme il se sentit dans un moment interminable, il se dit : « N’allons pas aux faits s’il n’y a rien de sensible derrière. La logique n’y est pas toujours plus rationnelle ! »
À peine venait-il de quitter sa console et ses mièvres réflexions que sa femme rentra dans l’appartement qui n’était qu’un trois pièces mais qui bénéficiait aussi de deux chambres à l’étage ainsi que d’un garage et d’une place de parking comme seule sa femme utilisait la voiture pour se rendre à son travail.
C’est pourquoi à cette idée de l’appartement bien constitué et donc prêt pour accueillir une vie de famille, Hervé ne put s’empêcher de songer à ce couple qui s’était tué contre la barrière de leur propriété, il n’y a qu’une journée encore, ce qui lui fit penser : « Et dire que notre mariage date de l’année dernière seulement et nous voilà avec deux morts sur les bras ! Il doit y avoir un défi à relever derrière ce qui me paraît être un méticuleux engrenage ? En fait, pourquoi pilonner ce qui ne requiert que de l’innocence, sinon une conscience maléfique, et mon intuition m’oriente vers la parapsychologie sans en connaître ni les méandres ni l’ésotérisme… »
Et Myriam voyant son mari plongé dans sa rêverie ne put que lui demander : « Mais à quoi penses-tu ? À l’accident d’hier ? Je te connais : quand tu es dans un de ces états, c’est que tu es sur le point de trouver quelque chose… Comme ce traitement pour l’addiction que tu as développé et mis sur le marché, la même année où je t’ai rencontrée, il y a de cela 3ans… Alors, dis-moi ce qui te travaille à ce point-là ? »
— Je n’ai qu’un projet en tête pour le moment mais qui pourrait bien prendre les devants d’une méthode à échéance…
— Là, je ne vois rien de décelable ! Tu as une théorie, au moins ?
— Disons que ma méthode se fera selon une spéculation à partir d’une pseudo parapsychologie empirique à ce qui se fera de droit dans le meilleur des cas…
— De la parapsychologie ! Et pourquoi pas du paranormal ?
— Je n’aime pas ce genre de boutade ! Car et tu le sais très bien, je ne suis on ne peut plus rationnel. Mais là, l’ésotérisme est la réponse subsidiaire, si cela peut t’enchanter ?
— Toi le savant ! Se résoudre à ce genre d’approximation ?
— Non ! Moi je suis l’agnostique qui se targue de savoir où est le préjudice dans toute subjectivité analogique…
— La subjectivité, une erreur ? Et la vérité comment la construisons-nous ? Dans l’objectivité de ce qui nous fait illusion ?
— Je vois que l’ésotérisme ne t’est pas étranger. Mais il faut bien plus que de l’illusion et de l’apparence pour aller au-delà de la manipulation…
— En effet, il faut les combiner pour les déréaliser.
— Car ce ne sont pas des imprécisions de langage qu’il faut prétendre profondes.
— Justement, je n’y comprendrais jamais rien à tes imprécisions de langage…
— Mais tu ne vois donc pas que ton lapsus, celui que tu viens de prononcer, est toute la coloration de ce qu’en Allemagne ils appellent cela aussi sous le terme de promesse et c’est pourquoi ces imprécisions ne peuvent pas être plus précises qu’en leur occultation ! Merci, chérie, pour cette parfaite synthèse de ce qui ne provient que de la négation dont a besoin l’esprit de contradiction.
— Et d’où vient cette occultation si ce n’est de ta passion à te rendre ésotérique ainsi que le fantasme s’y rejoint et s’y ajuste d’une certaine forme de promesse ?
— C’est dire que c’est d’une évidence si captivante que sa vocation se dégrade de la valeur intime des choses jusqu’à les ramener à leurs sujets.
— Et crois-tu que l’on connaît la coloration des choses jusqu’à pouvoir les revêtir ?
— Mais connais-tu cela : « C’est dire que dès qu’il s’agit de comprendre, il faut unir la simplicité et la complexité puisque, par exemple, l’ordre, notion simple, et le désordre, autre notion simple, se combinent de manière complexe ».
— Et c’est de qui ?
— C’est d’Edgar Morin.
— Et tu n’as pas une méthode plus futuriste ?
— Une méthode plus empirique, certainement !
— Et de quoi s’agit-il ?
— Mais bien sûr : la volonté s’attache au prédicat comme la justesse s’attache au concept et c’est de leur association que naît l’anticipation d’où vient s’arracher la performance de la compétence, comme le mérite est une victoire sur le talent.
— Effectivement, c’est pertinent et tellement dans la confidence de ce qui fait que ton engagement est dans le devenir de ce qui fera ton ésotérisme.
— Qu’entends-tu par ésotérisme alors que, pour l’instant, nous ne sommes devant presque rien ?
— Oui, mais ton état d’esprit, ces dernières 24 heures, laisse présager quelque facétie. Mais n’oublions pas qu’on se complète : tu es le génie et je suis l’égérie.
— Je te savais intellectuelle mais de là à te voir dans une telle nature de l’esprit !
— En fait, c’est surtout ce partage de l’inspiration que j’aime à travers toi et qui parfois bouleverse notre amour ! Mais nous avons encore à faire, tu ne crois pas ?
— Il y a tellement de moments où j’aimerais te voir venir encore !
— En effet, et si on préparait à manger ! Il est déjà 19 h 15. Car on discute, on tue le temps, il est vrai, mais on ne ménage rien de notre vie de couple !
Le couple passa du salon à la cuisine ainsi que Myriam prépara le roast-beef et qu’Hervé éplucha des oignons et des carottes. Et à peine eurent-ils fini leur tâche qu’ils enfournèrent le tout ainsi que des pommes de terre rissolées. Puis ils retournèrent au salon, le temps que le tout cuise, et ils se mirent devant la télévision pour regarder le journal télévisé. Or dès les premiers titres une nouvelle glaça Hervé qui n’en revint pas : en effet depuis le début de ce mois de mars et cela principalement dans les Yvelines, il y avait eu autant de morts sur les routes que pour toute l’année précédente, c’est-à-dire l’année 2011.
Alors Hervé se tourna vers sa femme et lui dit : « Mais c’est stupéfiant cette envolée des accidents de la route et en plus cela semble se rapprocher de nous, ce qui rend la proportion encore plus aberrante. Je suis sûr qu’il y a une raison à tout cela, et je ne vais pas tarder à la découvrir ! »
— Et dire que tu disais presque la même chose de l’accident d’hier !
— Parce que c’est trop répétitif pour ne pas y penser.
— Oui, mais cette solution ? Comment la trouver ?
— J’ai en tête un programme qui s’appelle POOR PATHOS et où en fait chaque lettre a une fonction et l’ensemble se lit : Programme sur l’Orientation des Ondes Réfractaires de la Psyché Attractive et Télépathique Hédonique de l’Orientation Synergique. Ce qui ne peut que vouloir dire : « la pauvreté du pathétique » où je prétends qu’effectivement la manipulation encourue est de l’ordre d’une fixation sur une entité psychique qui possède à la fois la richesse de l’obsession et la pauvreté de la délibération de par l’importante susceptibilité de sa désorganisation.
— En effet, ça ne manque pas de rigueur ! Mais quelle applicabilité à tout cela ?
— En effet, ça a l’air très théorique mais n’oublions pas que l’obsession y est si facilement mise à nue qu’on pourrait très bien contester son environnement !
— En fait, j’ai l’impression que tu es en train de devenir une réponse à ce qui pourrait être une révolution ?
— Moi en tout cas je ne vais rien révolutionner mais par contre je pense endiguer une violence qui risque de devenir aveugle à jamais.
— Mais que connais-tu de sa pathologie ?
— Rien encore mais peut-être que certains de mes patients vont y suppléer…
— Mais tu as bien des techniques en vues, vu le vaste panorama de tes schémas cliniques ?
Alors Hervé dit alors que Myriam se dirigeait vers la cuisine, tout en l’écoutant : « Sur la suggestion inconsciente des procédés dits subliminaux pour commencer et jusqu’à aboutir à la télépathie objectale pour clore la recherche, si elle aboutit, bien entendu ! » Alors Myriam sortit les plats du four et après les avoir déposés sur la table, elle dit : « Oui mais le risque est grand de la confusion du premier par le second, et inversement ! » Or Hervé qui se demandait alors si l’obsession n’était pas trop quantifiée pour être idéalement qualifiée, reprit Myriam lui disant alors : « Tu ne sais donc pas que la crainte n’a pas pitié de la profession de foi qui l’assujettit ».
— Il y a deux écoles ! Il y a celle de la persuasion et il y a celle de la conviction ! Mais dans les deux cas, le dogmatisme l’emporte le plus souvent sur l’empirisme.
— Alors, apprends que je ne suis ni un sophiste ni un démagogue !
— C’est bien ce que j’avais évalué : tu ne m’as pas compris ! Je ne parlais pas directement de dogmatisme mais de ce qui tend à encourir à sa fausseté…
— Pourquoi ? Tu cherches à me prévaloir de ce genre de comportement ?
— Non ! Mais souvent une négation de l’être peut advenir une abnégation du paraître…
— Et c’est contre cela que tu m’intentes ?
— Si c’est ainsi que tu l’entends, alors pourquoi pas !
— Ou pour venir à un tour d’esprit, disons qu’il n’y a pas meilleure négation que la contradiction…
— Et si on mangeait, car cet appétit-là vient lui aussi en mangeant.
— Bonne idée ! Car il ne fallait pas que ça refroidisse. Mis à part ça, connais-tu ce mot d’esprit : « L’apparence, comme la fraîcheur, est une passion. Il y a une obsession de la vérité, mais une passion de l’apparence ».
Enfin Myriam qui s’assit de l’autre côté de la table de la salle à manger, n’eut qu’un mot à dire pour ne pas s’assigner : « Tiens ! Mange ça ! Avant que sa consistance ne se désorganise ! » Et c’est pourquoi Hervé, presque résigné, tendit la main et alla s’asseoir en face de sa compagne.
Et dès lors assis il ajouta : « Ah, ça ! La pointe d’humour qui désensibilise tout, il n’y a plus que ça de nos jours pour que le cynisme ne nous dévore pas ».
Or avant de manger le menu principal que nous avons vu précédemment s’agrémenter, ils s’entendirent sur un reste de soupe qui était aussi là pour entamer une soirée à la découverte d’un bon film en streaming qu’ils transférèrent de l’ordinateur vers la télévision. Et ce soir-là, ils choisirent en toute priorité un polar qui était aussi une série mais qui était avant tout là pour apporter de la distraction à une journée qui n’en avait eu que le trop-plein de stress. En fait, la nuit qui allait être sûrement réparatrice dans tout le champ onirique de sa pensée allait de nouveau retrouver du plaisir dans la journée de travail à venir.
***
Certes et de la même manière Hervé se leva sur les coups de 7 h 00 mais juste au sortir d’un rêve et que surtout ce rêve avait de frappant qu’il ne s’achevât qu’à la seconde même précédent la sonnerie de son réveil. Mais, fait plus abscons, les images ne s’étaient pas éparpillées dans sa tête et que, surtout, le thème du rêve restait la guerre. Mais l’anecdote du jour est que l’équipage de son hélicoptère sombra dans une explosion alors que lui-même tomba dans le vide, ce qui ne valait guère mieux. « Mais pourquoi une telle différence ? » se demanda-t-il alors.
Et pas plus tard qu’à 7 h 40 et comme à son habitude, il prit les transports en commun et après s’être installé dans le train puis dans le métro, il se mit à la lecture de Carl Gustav Jung dont la sentence suivante l’amena à la réflexion : « Il n’y a rien dans l’intellect qui n’ait d’abord existé à l’état de sensation. » Ainsi le psychiatre Suisse le fit réagir par la suite : « Mais bien sûr ! Le vide dans ce rêve, c’est l’inconnu qui vous assaille pour vous ramener à la réalité ! Comment n’ai-je pas de suite compris que la vitalité n’est jamais transitoire, que ce qui ramène à la réalité est plus contingent que hasardeux et que le pourquoi même si le comment est plus important, n’est pas qu’évanescent. »
Le professeur se mit au cahier qu’il avait nommé POOR PATHOS et écrivit mentalement sans vraiment trop compliquer : « La liberté de la science n’est pas toute la liberté de l’individu, bien que sans illusion, il serait impossible de croire à ce qui pourrait remplir notre répertoire de pérégrinations fluctuantes. »
C’est pourquoi un instant d’intuition le mit dans une pensée secrète : « Pourquoi ne pas créer une illusion dans un champ opératoire qu’un certain psychisme irait jusqu’à déceler en profondeur ce que sont les différences entre l’inhibition et la frustration, et cela de manière subreptice, le cas échéant ».
Et une autre conception, un peu plus naturelle, l’assaillit comme si c’était une intuition dont il ne cherchait pas la captation mais la profondeur dont semblait lui retirer son opacité : « L’inconscient collectif c’est la priorité non admise d’une déréalisation de l’esprit qui se rejette en une quelconque conscience ainsi que sa volonté de puissance se puise dans l’origine où sa formule est résilience ». Et ce passage où il crut voir une conscience universelle le reprit comme si cette résilience était notable pour ne pas être trop réfractaire. Bien sûr, il ne lui en resta que la possibilité d’une transcendance qui, elle-même, donne si peu de soin et un trop-plein d’apathie alors que ce qui fait son immanence est souvent un ressourcement de plein gré vers une volonté de résurgence. C’est sur ce fondement, faussement paralogique et secrètement illusoire, qu’Hervé se rendit à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Et après s’être assis à son bureau, il appela de son interphone l’infirmier de l’étage inférieur et lui dit : « Pouvez-vous m’amener Monsieur Bertrand Cuissard ; que je puisse enfin vérifier toute l’étendue de mes recherches ! » Cependant de l’autre côté de la ligne, l’infirmier principal, Monsieur Jacques Louytard répondit : « Vous voulez parler du patient qui a des visions d’extraterrestres, n’est-ce pas ? » Puis le professeur dit « C’est cela même ! » En fait, Jacques Louytard était un infirmier d’allure rétive, c’est-à-dire qu’il ne s’efforçait pas d’en faire plus, tant cela lui était naturel. Et c’est ce dernier qui ajouta : « Vous savez pourtant que plus rien ne fonctionne sur lui, docteur ! » Mais le professeur encore convaincu finit : « Je sais très bien, mais cette fois-ci l’induction dépassera l’hypothétique ! Donc, envoyez-le-moi sur le champ ! » Or l’infirmier ne devait certes pas avoir tort tant derrière le regard renfrogné de Bertrand Cuissard se cachait un homme en pleine déshérence, et le mot était plus que respectueux.
Mais Jacques ne put qu’ajouter timidement : « Très bien, docteur ! »
Et pas moins de 5 minutes plus tard les mêmes aides-soignants qui avaient amené Marcel Dumontier la veille, amenèrent Bertrand Cuissard et le lièrent sur un brancard afin de le préparer pour l’examen. Alors le professeur lui posa la question suivante : « Comment est-ce que vous vous sentez aujourd’hui, Bertrand ?
— Comme c’est étrange !
— Et ensuite ?
— Vous savez, ils sont revenus les aliens !
— Vous voulez dire, à la télé ?
— Mais non ! Mais non ! Ils vont même venir chez vous, ce soir, si tel est votre vouloir ! Vous savez, ils sont tellement dociles ces gens-là !
— Pour l’instant, ce que je vois, ce n’est qu’un double écran qui peine à s’orienter pour en faire l’entièreté du miroir… Essayons-donc de le faire orienter dans ce qu’il ne croit pas avoir à s’orienter ! » Et alors Hervé reprit fièrement : « Pensez-vous que votre esprit d’analyse est assez instinctif pour comprendre ces êtres de Lumière ? » Et Bertrand se mit à déblatérer avec presque trop de mimétisme : « Oh ! Vous savez mon esprit ne s’inquiète plus de rien, il est tellement ravi de… » Et là, Hervé l’interrompit et dit : « Assez ! Taisez-vous ! Mais écoutez plutôt cette douce musique qui vient de l’au-delà, comme elle est délicieuse ? » Et Hervé mit en marche le même signal qui avait servi à extasier Marcel Dumontier, la veille. Et après un laps de temps d’environ 2 à 3 minutes, il éteignit brusquement la machinerie et attendit une réaction immédiate qui ne vint pas.
Alors Hervé fit son bilan, se disant : « Bon, on va dire qu’à la différence de Marcel Dumontier il y avait chez celui-ci une réaction de censure à ne pas trop se laisser amadouer par la critique alors que chez Bertrand Cuissard c’est l’inverse où il cherche presque à développer une stratégie de la captation, certes paradoxale dans l’étendue (ou l’économie) où elle se fourvoie ».
C’est pourquoi comme Hervé était en pleine inspiration qu’il ouvrit un des tiroirs de son bureau et en sortit un cahier qui n’avait jamais été utilisé et écrit comme titre sur la première page : « POOR PATHOS ». Puis il l’ouvrit et nota : « La censure de notre ami terrien Bertrand Cuissard a une activité si renforcée que le principe de plaisir finit par envahir celui de réalité tout en laissant croire qu’elle lui inflige un interdit qui n’est en fait que la dépravation de la conscience qui ne survit plus de l’inconscient ». Puis il griffonna quelques bribes : « esprit de conscience à chercher dans l’usurpation » ; « mais pourquoi cela ? » « Deviendrais-je superstitieux » ; « ou est-ce la laïcité qui nous rappelle à nos devoirs ? » Puis après avoir jugé de cette dernière réflexion, il reprit sans vraiment chercher à être plus incisif : « Déjà, l’usurpation est une obsession qui, chez moi, en tant qu’antécédent, cherche à assouvir ce qu’il croit être son principe interne alors que pour réussir il doit en toucher le déterminant externe. Me voilà venir de l’orientation profonde d’où il faut s’insérer pour valider le processus entre inhibition et frustration pour, déjà, en référer les éléments. »
Mais c’est cette ultime réflexion qui devait le guider en ce jour du vendredi 6 avril et cela surtout parce qu’il se sentait prêt à quitter son bureau et à rendre des visites parmi ses patients. Il s’arrêta donc là puis se dit : « Bon, ça sera tout pour aujourd’hui. Je vais aller voir mes patients, et ça sera tout ! »
Alors il appuya sur son interphone et appela l’infirmier qui, à son tour, avertit les deux aides-soignants de venir chercher Bertrand Cuissard ; ce qu’ils firent dans les minutes qui suivirent.
Mais avant d’atteindre certaines chambres, il arpenta certains couloirs, lui laissant se dire : « Le seul moyen est d’apprendre à toucher les points sensibles non seulement dans la linguistique mais aussi dans tout l’appareil cognitif ! » Puis il se reprit et se dit : « Et pourquoi pas l’hypnose ? »
Mais il se remit vite en question, se disant : « Oui, mais avoir une méthode n’est pas encore avoir une technique, et encore moins dans l’application à ce qui pourrait lui faire palliatif à d’autres mentions ».
Et il se dit comme il s’apprêtait à franchir le seuil d’une chambre appartenant à un patient : « voyons si en ce lieu ma possibilité va se mettre en place et en action ! Car pour faire un comparatif, il va falloir savoir comment l’opérer ! Une fois que la chose est réelle, elle n’a pas besoin d’être assouvie pour être concrète. Car il n’y a pas plus clair : il faut donc que j’ajuste tous les éléments de ma voix, non pas que pour influencer à outrance mais surtout pour que la sanction de ma voix soit dans cette habileté à manipuler ce qui doit en ressortir ».
Cependant après avoir descendu les toutes dernières marches du premier étage, il s’approcha donc d’une chambre et s’approcha de l’un des patients pour justement évaluer ses capacités de suggestion sous hypnose.
Et il choisit un dénommé Charles Chagall qui était un schizophrène de caractère insoupçonnable derrière sa moustache qu’il taillait avec élégance et qui se disait de sensibilité exacerbée, alors que c’était peut-être à partir de cet a priori qu’il lui parut suffisamment impressionnable pour la suggestion qu’il allait pratiquer. Car au sortir de la réalité, il y avait en lui ce délire d’une personnalité ainsi que d’une représentation de ce que cette même réalité devait lui apporter d’altérité au lieu de ce qu’elle produisait d’une hypersensibilité plus qu’apparente et où il devait s’en remonter pour donner l’impression d’une intégrité moins dévalorisée.
Alors le professeur commença à le fixer droit dans le regard et lui infligea deux à trois sentences, lui ordonnant de fermer les yeux et de s’endormir. Et déjà, Charles s’affala sur son lit et Hervé lui dicta aussitôt de se lever et d’ouvrir la porte puis d’ensuite revenir et de se recoucher, ce qu’il fit automatiquement et sans hésitation. Hervé se sentit fier de lui comme il pratiquait l’hypnose pour la première fois. Mais fallait-il cependant ajouter qu’il avait lu de nombreux livres sur la discipline ? Or et de manière participative au temps qui lui était alloué pour terminer sa journée, il prit le parti d’enregistrer sa voix pour la collecter et de manière à en ajuster plusieurs fréquences, le cas échéant. Et sur cette dernière quantification, Hervé se dit : « Peut-être que j’atteindrai des domaines de la psyché un peu plus profondément, de cette manière-là ? »
C’est alors qu’il prit son cahier qui n’avait pas quitté sa serviette et qu’il quitta l’hôpital un peu plus tôt, persuadé qu’il avait à faire ailleurs. En effet, il voulait noter quelques bribes dans un endroit plus neutre et surtout un peu plus représentable de la fonction sociable où s’imbriquait son monde comme il se dit : « Ici au moins l’inconscient collectif est dans la nécessité du moment présent là ou peut-être sa véritable médiocrité ne fait pas surface que pour au mieux dissimuler sa médisante collaboration. »
Mais comment pouvait-il se représenter une telle situation alors qu’elle n’était qu’un compromis entre ce qui circulait en toute transparence et une véritable volonté d’apparence pour au mieux délibérer sur ce qui s’y produisait. Et cet endroit était, en toute suffisance, les transports en commun, comme il avait l’habitude de se les contextualiser ainsi.
Et c’est pourquoi il prit le parti d’écrire dans sa propre transparence alors qu’il se contentait d’une apparence dont le semblant était un dérèglement hagard, mais qui ne laissa pas de lui faire noter sur son calepin : « La volonté de puissance n’est qu’une modulation de l’instinct sur la vie, alors que son pouvoir est un excédent très peu volontaire du narcissisme ».
Mais où voulait-il en venir dans cette bulle où il se renfermait pour n’analyser que sa propre disparité ? En fait, et peut-être qu’il le voyait trop peu lui-même, une vaillance brillait dans son cœur qui avait la beauté de la lucidité ainsi que son visage s’illuminait de grâce profonde et de froideur énigmatique.
Or une réflexion vint à se jalonner à partir d’une de ses pensées insufflant ainsi à son esprit une idée ô combien lumineuse sur l’avenir de ce qu’allait être l’interaction humaine. Et c’est à ce moment-là qu’il se raidit de manière à laisser passer le transfert de sa transcendance de la manière la moins maladroite qui fût. Et cette réflexion n’était qu’une vision qui ne tenait qu’en ces quelques mots : « La société n’est qu’une pathologie qui restera ancestrale tant qu’elle n’aura pas comblé son semblant d’identité ! »
En effet, c’est à ce moment-là que se déclencha en lui une sensation aussi profonde que subconsciente et qui devait aller dans le sens d’une liberté qui n’avait qu’à préserver son apparence, c’est-à-dire sa réjouissance. Et il se tint recroquevillé contre son fauteuil tant l’humeur qui le traversa était enivrante.
Mais bien plus inexorablement et à l’instant qui suivit, se produisit un événement qu’il n’attendait pas du tout : un homme d’une quarantaine d’années se leva brusquement de l’autre côté de la rame et vint jusqu’à sa hauteur et lui demanda : « Vous n’en avez pas assez d’analyser la psyché humaine ? » Alors Hervé dit : « Je n’ai malheureusement pas l’honneur de vous connaître, Monsieur ? » Puis l’homme dit : « Eh bien ! Vous allez apprendre à me connaître, mon cher professeur Rotulien ! » Et Hervé dit : « Mais qui êtes-vous pour me parler ainsi ? » Alors l’homme dit : « Ah ! Mais vous n’avez pas encore fini de me connaître puisque vous allez avoir tout le loisir de me rencontrer à travers toutes ces manifestations que je n’aurai qu’à maltraiter parmi tant d’obsessions et pour toucher tant de victimes qui deviendront mes propres hommes de faiblesse. » Puis Hervé demanda : « Mais c’est donc vous l’instigateur de toutes ces récentes perturbations ? » Ensuite, l’homme ajouta : « Assez bien parlé ! Mais vous allez avoir beaucoup de travail avant de me rejoindre dans cette actualité spirituelle qui n’est pour moi qu’une conscience en devenir. Mais vous me retrouverez, j’en suis persuadé ! Alors à très bientôt, cher professeur ! » Et à l’arrêt, Corvisart l’homme descendit juste avant la fermeture des portes alors qu’Hervé n’eut pas le temps de réagir.
Hervé resta alors stupéfait quelque temps et pendant plusieurs minutes se retrouva là à songer à ce visage blafard qui le scrutait de manière avide et méprisante. Ainsi il ne réfléchissait plus à quoi que ce soit mais resta figé de manière à bien se mettre en tête le visage de cet homme qui l’avait escamoté dans sa propre intégrité.
C’est pourquoi dès qu’il rentra dans son petit village de Montigny-le-Bretonneux, il s’adressa au commissariat de son quartier pour faire circuler un portrait-robot de l’homme en question.
Mais tout ne se passa pas comme il l’aurait souhaité ainsi qu’à son entrée il dit : « Je voudrais identifier un homme qui est dangereux pour la société ! »
Et l’agent de police qui était petit mais de très bonne sociabilité lui demanda : « Et cet homme pour quel délit serait-il reconnu ? » Et Hervé dit : « Pour aucun délit ! C’est juste quelqu’un au potentiel dangereux ! » Alors l’agent dit : « Oui, mais ça ne suffit pas : vous n’avez aucune accusation contre lui ! » Puis Hervé dit : « Oui ! Mais il vient de m’aborder dans le métro pour me dire qu’il sait tout sur moi ! » C’est pourquoi l’agent dit : « Oui ! Mais ce n’est pas suffisant : il nous faut plus que cela. Par contre, s’il vient à vous importuner, faites-le-nous savoir ! » Alors Hervé dit : « Mais vous ne savez pas à quel point il est dangereux ! » Enfin, l’agent dit : « Bon ! Laissez-moi travailler, je n’ai que faire de vos angoisses ou de votre paranoïa ! » Or Hervé dit : « Mais vous ne savez pas qui je suis ! Je suis… » Mais l’agent l’interrompit et dit : « Et je ne veux pas le savoir ! Alors, déguerpissez ! »
Et Hervé tout penaud et la tête basse s’en alla du commissariat et dès qu’il fut dehors il reprit un air déterminé et rentra chez lui.
Alors chez lui, il se mit à confectionner sur l’ordinateur un portrait-robot et cela afin d’essayer de retrouver la trace de l’homme en question. Mais comme il opérait sur la recherche en question, sa femme rentra de son travail à la maison et lui fit remarquer : « Tiens ! Comme c’est drôle ! Toi qui d’habitude joues aux jeux vidéo, tu travailles donc sur l’ordinateur ?
— C’est que là-dessus aussi, il y a des choses friables !
— Mais que t’arrive-t-il, Hervé ?
— Oh ! Presque rien, Myriam ! J’ai juste été ennuyé par un Francilien qui, en quelque sorte, se dit d’un ordre quelconque qui ferait ses victimes…
— Et quelle importance ?
— Il m’a importuné sur une réflexion comme si elle devait devenir sa propre question de société !
— Mais en quoi est-ce si grave ?
— Que non seulement il sait en quoi il est l’auteur de certains crimes mais que, et c’est le plus important, il recherche avant tout l’expansionnisme !
— Mais pourquoi toi ?
— Parce qu’il veut me mettre au défi de le retrouver ! Mais laisse-moi travailler : j’ai beaucoup de retard sur cet hurluberlu qui va sûrement trouver un autre moyen de se défouler pour accomplir ce qui pour lui doit être un de ses mérites. Je ne connais rien de sa psychologie mais sa voix m’a suffisamment pénétré pour m’apporter au moins cette première certitude…
— C’est d’accord ! Je comprends : pour ce soir, il te faut toute ton attention et toute ta concentration, mon chéri ! » Elle l’embrassa puis partit dans la cuisine alors qu’il était presque 19 h, ce qui parut encore tôt à Hervé puisqu’il avait quitté son bureau vers 17 h 10 et qu’il n’était resté au commissariat qu’une vingtaine de minutes alors que sa femme, Myriam, rentrait régulièrement à 18 h 40 et que paradoxalement il ne la trouva pas plus tardive comme il savait s’affecter de toutes sortes de repères qui combinent la vie sociale. Mais ce soir-là, il ne trouva pas dans un des réseaux identitaires de la psychiatrie, une correspondance à ce qui aurait pu être trouvé de psychotique dans les traits physiques mêmes de l’individu. En fait, cet homme n’avait, en fait, pas fait de psychiatrie et n’avait pas de casier judiciaire, mais par contre il n’était pas rangé pour autant et encourait donc d’une émotivité secondaire à n’être pas dans la souche des instincts premiers et non pas, pour autant, vindicatifs de la société.
« Notre homme est trop profond pour ne pas parvenir à parcourir tout notre imaginaire ! » Se mit à répliquer Hervé qui, en fait, ne voulait pas faire mauvaise mine face à ce rien auquel il devait faire face et qui lui échappait.
Alors Myriam se réjouit amèrement disant ensuite : « Au moins, tu sais que tu n’arriveras pas à le supplanter comme ça ! »
Or comme une alternative ne put se dispenser d’agir sur une pensée d’Hervé : « Ce gars-là est un artiste, son art étant d’améliorer de jour en jour, un talent qu’il a appris à produire, et c’est la télépathie !
— Mais qu’en fait-il ?
— Il en explore la capacité pour au mieux la manipuler !
— Et évidemment, cette distorsion est son point de départ ?
— Non c’est sa volonté qui le ramène toujours au même point de ralliement ?
— Obsessionnel, donc ?