À la fin, il ne restera que nous - Jean-Pierre Klein - E-Book

À la fin, il ne restera que nous E-Book

Jean-Pierre Klein

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Beschreibung

Rémy Voison, brillant avocat pénaliste, a vu sa vie basculer le jour où son épouse a perdu la vie dans un tragique accident. Des années plus tard, il croit la reconnaître dans la foule… Commence alors une course folle vers la vérité, où chaque piste le mène un peu plus loin – jusqu’à l’ombre d’un secret enfoui depuis des siècles : celui du tombeau maudit de Cléopâtre. Et si tout était lié ? Une fiction haletante entre thriller contemporain et mystères de l’histoire.

 À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Pierre Klein cultive depuis l’enfance un amour profond pour la langue française. Pianiste, ancien lauréat du conservatoire, il a mené une carrière de cadre supérieur dans la fonction publique, sans jamais renoncer à l’écriture. Depuis 2018, il a publié dix ouvrages. "À la fin, il ne restera que nous" trouve son origine dans un voyage en Égypte. Il y explore, comme à son habitude, les frontières du réel à travers le prisme du thriller fantastique.

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Seitenzahl: 216

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Jean-Pierre Klein

À la fin, il ne restera que nous

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jean-Pierre Klein

ISBN : 979-10-422-7463-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

Aux Éditions Edilivre

Disparitions, 2018 ;

Que jamais cette porte ne s’ouvre, 2019 ;

Revenir, 2020 ;

Trois nouvelles nées du confinement, 2020 ;

Au-delà du rêve, au-delà du temps, 2021 ;

Tes yeux, 2022 ;

Le Lys Bleu Éditions

Maya ou l’appel des étoiles, 2023 ;

Le dernier des mages noirs, 2023 ;

L’hirondelle d’un dernier printemps, 2024.

Liste des personnages

Rémy Voison, avocat ;

Vanessa Voison, son épouse, cadre bancaire ;

Peter Hugli, expert en objets d’art ;

Raoul Muller, commissaire de police, ami de Rémy ;

Natacha Lepelletier ;

Abel Mazard, psychiatre ;

Samuel Mazard, son frère, archéologue ;

Jasmine ;

Valentin Martin, le chauffeur poids lourd ;

Irma Bérenger, l’auto-stoppeuse ;

Hicham, le fonctionnaire égyptien ;

Hervé Dupontois, diplomate ;

Charles Ménétrier, le locataire.

Première partie

Chapitre 1

Réminiscences

15 mai 2022

Rémy Voison rêvait devant son cappuccino. Ce qui l’intéressait, plus que sa boisson, c’est l’endroit où il se trouvait : le restaurant « Aux deux lys », là où il avait fait la connaissance de Vanessa, sa défunte épouse.

Il se souvenait très bien des circonstances de leur première rencontre. Dans les moindres détails.

Elle était assise à une table voisine et laissait refroidir sa tisane plus que de raison, le regard dans le vide. Tout à coup, elle s’était caché le visage dans ses mains pour étouffer d’irrépressibles sanglots. Après un long moment, apparemment remise de ses émotions, Vanessa s’était tournée vers son sac à main pour y fouiller à la recherche d’un hypothétique paquet de mouchoirs qui ne s’y trouvait pas.

Rémy lui avait alors tendu le sien…

C’était avec un froncement prononcé des sourcils que la jeune femme avait alors regardé l’inconnu, froncement qui pouvait signifier : « Ah non ! Encore un homme ? Tout sauf ça ! »

Elle avait néanmoins pris le paquet en acquiesçant imperceptiblement de la tête en signe de remerciement. Mais à peine s’était-elle essuyé les yeux que son portable s’était mis à vibrer. Elle avait murmuré, d’une voix neutre, quelques mots en guise de réponse avant de raccrocher. La nouvelle ne devait pas être fort réjouissante car elle avait alors allongé tout doucement ses bras sur la table et baissé la tête, comme plongée dans un état second. Après un moment d’hésitation, Rémy s’était levé, inquiet, et, s’approchant de la jeune femme, lui avait demandé :

— Je peux vous aider ?

C’était ainsi qu’ils avaient fait connaissance, à un moment où la situation sentimentale de la jeune femme n’était pas au beau fixe. Vanessa avait rompu avec son petit ami et venait, à l’instant, d’apprendre le décès de son père hospitalisé à la suite d’un incident cardiaque.

Cette scène, restée gravée à tout jamais dans la tête de Rémy Voison, s’était déroulée dix ans auparavant, presque jour pour jour. C’est la raison pour laquelle, depuis l’accident, il revenait au restaurant « Aux deuxlys » le 15 mai : un pèlerinage en quelque sorte…

Ils n’avaient pas eu d’enfants mais l’immense bonheur de vivre un amour exceptionnellement harmonieux, fusionnel sur tous les plans. Unis pour le meilleur comme pour le pire, leur phrase fétiche était À la fin, il ne restera que nous… Jusqu’au jour où…

Ce matin du 15 mai 2020. Vanessa était partie à bord de son improbable véhicule, une Fiat 500 d’un bleu layette délavé avec certes 250 000 kms. au compteur, mais à laquelle elle tenait comme à la prunelle de ses yeux. Elle rejoignait son poste de conseillère clientèle à la banque. Mais, ce jour-là, elle avait brillé par son absence.

Et puis cette terrible nouvelle : un poids lourd avait traversé la glissière de sécurité de l’autoroute et s’était couché sur les voitures qui passaient à ce moment-là. Vanessa n’avait pas eu le temps d’avoir peur. Elle n’avait pas souffert. Comment lutter contre un 32 tonnes qui vous écrase sur le bitume comme une galette ! Et puis il y avait eu cette terrible explosion ! Sous le choc, la remorque du camion contenant des liquides inflammables avait pris feu. L’arrivée tardive des secours sur une autoroute complètement bloquée et la maîtrise des éléments avaient fait perdre beaucoup de temps. L’accès au corps de la conductrice avait mis plusieurs heures. Il était méconnaissable. Identification inutile. Oh combien Rémy aurait voulu revoir sa femme ! Une dernière fois. Mais il n’avait pas insisté devant les autorités médicales qui l’en avaient dissuadé. Comme avocat pénaliste à la Cour d’Assises, Rémy côtoyait l’horreur au quotidien à travers les photos des victimes. Garder dans sa mémoire, comme ultime image de son épouse, les restes d’un corps écrasé et carbonisé, non merci !

Fait étrange, mais qui avait été considéré comme anodin à l’époque : l’accident ne s’était pas produit sur le trajet habituellement emprunté par Vanessa pour se rendre à son travail. Pourquoi ? Après moult hypothèses, le détour avait été mis sur le compte d’une course de dernière minute…

Mais secrètement, Rémy était resté dans le déni. Si une autre conductrice avait été au volant, où était passée son épouse ? Et il avait émis mille hypothèses. L’aurait-elle quitté pour un amant : peu probable car le soir de l’accident rien ne manquait au domicile, ses habits, ses affaires de toilette, ses objets qu’elle chérissait, rien n’avait disparu. Comme tous les jours, Vanessa ne gardait sur elle que son portable, les clefs de la maison, sa carte de paiement et ses papiers d’identité…

Les premières semaines avaient été horribles. Rémy dormait peu, pleurait souvent avec, en son for intérieur, un sentiment de révolte, d’injustice, et harcelait la police qui n’entreprenait pas les recherches qu’il aurait souhaitées. Il avait certes un ami d’enfance, Raoul Muller, un policier du commissariat, mais il ne voulait pas qu’il soit partie prenante en cas d’enquête.

L’officier qui l’avait reçu, fort de son autorité et de son langage direct, lui avait balancé à titre de consolation :

— Écoutez, cher Maître, vous avez bien assisté à l’enterrement. L’hypothèse la plus plausible est qu’il s’agissait bien de votre épouse. Maintenant, si vous avez un doute, vous connaissez la procédure : écrivez au Procureur. Il décidera s’il faut classer l’affaire ou ouvrir une enquête et arrêtez de nous emmerder, on a d’autres chats à fouetter !

Rémy avait baissé la tête, impuissant. Non, Vanessa ne l’aurait pas quitté comme cela… Et puis, un détail troublant ne cessait de réapparaître dans son esprit : la porte du garage n’avait pas été fermée à clef ! Rémy, avocat pénaliste, plaidait régulièrement en dehors de sa région. Vanessa restait ainsi souvent seule le soir par la force des choses et craignait les cambrioleurs. Jamais elle n’aurait eu la négligence de partir sans fermer à clef…

Ce 15 mai 2022, la table à proximité, celle qu’avait occupée Vanessa en recherche d’un mouchoir pour s’essuyer les larmes lors de leur première rencontre, était désespérément vide. Rémy écarquilla longtemps les yeux comme si, grâce à l’énergie qui s’en dégageait, il pouvait reconstituer la scène, faire réapparaître, ne serait-ce qu’un instant fugace, l’amour de sa vie. Au bout d’un moment, épuisé, il lâcha sa concentration et se frotta vigoureusement les yeux, le visage, régla sa consommation en laissant un pourboire généreux et quitta l’établissement.

L’air frais de la rue lui fit du bien. Il avait besoin de marcher sans destination précise, longtemps. Le temps que ça passe… Puis il laissa son esprit errer et songea à ses années d’avocat pénaliste. Il avait la foi, y mettait toute son âme à tel point que ses collègues lui reprochaient régulièrement de trop se prendre au sérieux. Les joutes oratoires allaient bon train, ses confrères s’étripant à qui mieux mieux devant le Juge. Enfin, le dernier jour d’audience, le Procureur, dans son rôle, ne se privait pas de jouer au censeur.

Pendant les suspensions de séance où ils se retrouvaient tous dans la salle des pas perdus autour de la machine à café, les discours redevenaient bon enfant, voire amicaux. L’avocat de la défense et celui de la partie civile se lâchaient :

— Alors, tu as changé de bagnole ?

— Ouais, j’ai trouvé la pièce rare, la Porsche que je recherchais.

— Monsieur ne se refuse rien. Avec les honoraires que tu pratiques, ça ne m’étonne pas.

Ils se tapaient sur l’épaule comme de vieux potes. Lorsque le Procureur s’était approché à son tour du coin café, un des avocats avait lancé :

— Alors, cher Proc, vous avez trouvé un bon avocat pour votre divorce ?

— C’est en cours, mais ce qui est certain : ce ne sera aucun de vous deux !

À la sonnerie annonçant la reprise des débats, ils rejoignaient alors la salle pour s’étriper de plus belle. Rémy trouvait cette situation fort déplaisante : il n’était pas venu pour faire du cinéma. Une autre fois, il avait surpris un aparté entre deux collègues.

— Cette affaire, il faut à tout prix que tu me la laisses. Je te renverrai l’ascenseur pour le dossier Millot qui est de toute façon pourri.

Rémy ne rentrait dans aucune combine. Il n’était pas devenu la bête noire, mais on avait fini par attendre ses plaidoiries avec suspicion. De plus, il devenait « bon », gagnait des procès à l’arraché.

Aujourd’hui, en se remémorant toutes ces années dans la magistrature, il se disait qu’il ne ferait pas ce job toute sa vie, c’était certain. Il lui fallait un métier où il serait davantage autonome, où il pourrait travailler en solitaire. Pourquoi pas dans le domaine de la recherche de personnes, détective privé ou autres.

Il rêvait ainsi à ses projets lorsque, tout à coup, il laissa échapper un grand cri qui le tira de sa rêverie malgré lui. Le piéton qui passait à proximité le dévisagea d’un air circonspect, interloqué : « Il est fou, celui-là, ou quoi ? » pensait-il certainement.

Rémy ne pouvait croire ses yeux. À une dizaine de mètres à peine devant lui, une jeune femme, habillée d’une veste écossaise et portant une queue-de-cheval, s’asseyait à bord d’une Fiat 500 bleue. À quelques détails près, les effets vestimentaires de l’inconnue et la couleur de la voiture correspondaient à Vanessa ! Rémy était tétanisé. La ressemblance était frappante ! Était-il victime d’un mirage ? d’une scission dans l’espace-temps ?

Le temps qu’il reprenne ses esprits et décide d’accoster l’inconnue, cette dernière avait démarré et quitté sa place de stationnement. Il n’avait pas relevé le numéro d’immatriculation. Quelle cruche ! Il resta planté là, immobile, comme perdu au milieu de la foule. Sidérante comme situation. Non, tout cela n’était pas fortuit, surtout un jour anniversaire. Et il ne pouvait pas mettre son ressenti sur le syndrome d’un deuil qui remontait à deux années. Plongée dans ses pensées, l’inconnue ne lui avait accordé aucun regard…

Rémy ne croyait pas aux miracles. Sa démarche avait de tout temps été scientifique.

Il lui fallait donc, à tout prix, trouver une explication au phénomène. Et comme on ne fait jamais entièrement le deuil d’un être aimé, il était finalement satisfait d’avoir trouvé un motif pour engager sa petite enquête : une façon inconsciente de faire revivre Vanessa. Et que son ancien psy se tienne à distance car il était persuadé d’une chose : il n’était pas dans le déni !

La rue du restaurant « Aux deux lys », en plein centre de Marmande, ne manquait pas de boutiques incitant au shopping. En interrogeant les vendeuses des différents magasins, il apprendrait peut-être des détails sur la belle inconnue en veste écossaise portant une queue-de-cheval. Quel motif pourrait-il invoquer lors de ses investigations ? la recherche d’une amie d’enfance dont il avait égaré les coordonnées exactes.

Après avoir, sans succès, fait le tour de toutes les boutiques, Rémy rentra bredouille : la pseudo Vanessa n’avait, apparemment, pas fait ses emplettes rue des Bonnes-Gens. Peut-être avait-elle simplement trouvé à se garer à cet endroit et effectué ses courses ailleurs. Demain, ou un autre jour, il poursuivrait ses recherches dans les rues avoisinantes…

Rémy n’arrivait pas à dormir. Il visualisa en boucle la scène de l’incroyable rencontre avec beaucoup de concentration comme s’il revivait un film. Un détail qui lui avait tout d’abord échappé lui apparut alors dans toute sa clarté : la jeune femme avait porté un sac à l’effigie d’un pressing. Il en était certain. Elle avait dû rechercher un habit donné en nettoyage. Pourtant, l’employée questionnée avait répondu par la négative. Rémy décida d’y retourner le lendemain.

Pourquoi s’acharnait-il ainsi ? Tout simplement parce qu’à l’époque des faits il ne lui avait pas été permis de faire ses adieux à son épouse et il s’était imaginé moult scénarii. Et aujourd’hui, ces sempiternelles questions se heurtaient à nouveau dans sa tête… Quelle preuve avait-il que les restes humains retrouvés sous l’amas de ferraille brûlé étaient bien ceux de son épouse ? Aucune.

Puis un autre détail lui revint en mémoire, anodin peut-être : ils avaient fait l’objet, quelques semaines auparavant, d’appels anonymes. La réaction de son épouse lui avait paru troublante. Vanessa était devenue songeuse mais ne semblait ni apeurée ni révoltée par ces appels téléphoniques. Lui avait-elle caché quelque chose ?

Son raisonnement commençait à jouer au yoyo… En revenant un instant à une réflexion plus pragmatique, il admit qu’il était absurde de penser que l’inconnue croisée était Vanessa ! Mais qu’est-ce qui l’empêcherait de faire connaissance avec elle, de la courtiser, voire de créer une relation intime. Il s’enfoncerait alors dans un vrai et « doux déni bien conscient » en s’imaginant avoir pu corriger le passé. Pourquoi pas après tout...

Le lendemain, Rémy retourna donc au pressing. Il fut reçu par la même employée.

— Je suis vraiment désolé de vous déranger à nouveau. Vous vous souvenez de moi ? J’étais là hier. C’est au sujet de la dame à la veste écossaise.

La jeune vendeuse fronça légèrement les sourcils. L’homme qui se tenait devant elle commençait tout doucement à l’agacer. Elle secoua la tête.

— Mais je suis certaine, je n’ai pas vu la personne que vous me décrivez. Désolé.

Rémy insista :

— Réfléchissez bien. C’est très important pour moi.

Le ton montait.

— Mais enfin, puisque je vous dis que…

Une voix parvint du fond du magasin.

— Mais enfin, qu’est-ce qui se passe, Anaïs ? demanda la patronne qui abandonna un moment sa centrale vapeur pour rejoindre le duo.

Rémy se présenta en expliquant le but de sa visite.

— C’est moi qui l’ai servie. Elle s’appelle comment, votre amie d’enfance ?

Il ne s’attendit pas à cette question, pourtant normale, et se sentit piégé. Pas la peine d’inventer un prénom qui, de toute façon, ne correspondrait pas.

— Vanessa, je crois.

— Vous croyez ? répliqua la patronne étonnée par la réponse.

Rémy improvisa.

— J’ai été victime d’un AVC. Il m’arrive d’avoir des pertes de mémoire. Et puis, cela remonte à tellement loin. Vous n’auriez pas un nom, une adresse ?

— De toute façon, mon bon Monsieur, même si j’avais une adresse, je ne vous la donnerais pas. Tout ce que je peux faire, lorsque ma cliente reviendra, c’est l’informer qu’un certain Rémy désire la contacter. Si c’est elle, elle me laissera peut-être son numéro de portable ou sa carte de visite à votre intention.

— Elle a donc un habit en nettoyage chez vous ? demande Rémy, légèrement émoustillé par l’espoir qui venait de renaître.

— Quel prénom m’avez-vous dit ?

— Vanessa.

— Je vais aller voir.

Elle revint au bout de quelques minutes.

— Désolé ! J’ai une Natacha, mais pas de Vanessa.

Rémy se sentit déstabilisé, mais ne lâcha pas l’affaire pour autant.

— Alors c’est certainement Natacha qu’elle se prénommait. Posez-lui quand même la question. Je peux repasser quand ?

La gérante soupira.

— Le vêtement sera prêt jeudi. Passez ou appelez vendredi.

Puis elle ajouta en haussant les épaules :

— Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour des amoureux !

— OK. Merci pour votre gentillesse et excusez-moi du dérangement.

Rémy quitta le pressing presque guilleret. Il était 18 h 45. Le magasin fermerait dans quinze minutes. Une idée lui traversa l’esprit. Il resta dans la rue en épiant, caché sous un porche. Bientôt, Anaïs sortit de l’établissement. Rémy tenta le tout pour le tout. Il la suivit, la rattrapa un peu plus loin et l’aborda.

La jeune vendeuse se retourna, surprise :

— Encore vous ? Mais c’est du harcèlement. Je vais me plaindre. Je vous préviens !

Rémy brandit un billet de 100 euros.

— Le nom, juste le nom !

Anaïs regarda l’homme droit dans les yeux.

— Vous savez que je risque ma place pour une connerie pareille ?

— Vous n’avez pas de crainte à avoir. Jamais je ne dévoilerai mes sources ou alors je mentirai, rétorqua Rémy dans un sourire qu’il voulut charmeur.

Anaïs scruta encore le regard de son interlocuteur. Elle n’y vit aucune lueur malsaine mais au contraire une tristesse, un désespoir. Elle prit le billet en ajoutant.

— Appelez-moi demain en toute fin de matinée.

Rémy lui serra la main en signe de reconnaissance et disparut.

La cliente n’avait laissé ni numéro de téléphone ni adresse au pressing, juste un prénom et un nom : elle s’appelait Natacha Lepelletier. Comme l’habit était censé être prêt dès le jeudi, Rémy envisagea de prendre congé pour la fin de semaine. Il guetterait. Ce qui lui faisait défaut : le numéro d’immatriculation de la vieille Fiat. Le reste ne serait qu’un jeu d’enfant. La suite du scénario, Rémy l’avait clairement en tête. Muni des coordonnées de la voiture, il contacterait son ami Raoul Muller, brigadier au bureau de police de Marmande.

Il l’avait défendu devant la Cour dans une sombre affaire de stupéfiants. Le succès avait été au bout et Raoul ne pourrait faire autrement que de lui renvoyer l’ascenseur… Resterait ensuite à trouver le motif pour aller sonner chez la belle inconnue : Vanessa alias Natacha ?

Dès jeudi, Rémy épia, stationné à bord de son véhicule, non loin du pressing. Vers 11 h, la Fiat fit son apparition. Tous sens éveillés, il observa la scène et dut se rendre à l’évidence : la couleur de la voiture était d’un bleu bien plus prononcé que celui qu’il connaissait de mémoire. Lorsque Natacha descendit de son véhicule et passa près de Rémy en frôlant la portière avec son manteau, le sang lui monta à la tête.

Il la vit entrer au pressing et en profita pour aller relever le numéro d’immatriculation. Quelques minutes plus tard, son paquet sous le bras, la jeune femme apparut à nouveau. Rémy craignit qu’elle ne fasse d’autres courses interminables, mais ce n’était, apparemment, pas le cas. Il suivit donc la Fiat à distance. Pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups en découvrant également l’adresse ?

Rémy s’était réjoui trop tôt ! Un camion-poubelle bloquait le carrefour un court instant mais suffisant pour perdre la trace. Mince ! Il n’avait plus qu’à rentrer chez lui, se servir un whisky, se laisser tomber dans son fauteuil favori et rêver aux futurs scénarii…

Il passa une nuit pleine de cauchemars incohérents et, dès le lendemain, il se rendit au bureau de police où Raoul l’accueillit, le sourire aux lèvres :

— Salut vieille branche ! Quel bon vent t’amène ? Allez, viens t’asseoir !

En voyant la gêne qui se dessinait progressivement sur le visage de son ami, il demanda :

— T’as un problème ?

— Non, pas vraiment, marmonna Rémy.

Au fur et à mesure du récit, Raoul dut se rendre à l’évidence : son ami avait replongé dans un doux délire dont il fallait à tout prix le sortir !

— Écoute mon vieux. Souviens-toi ! La voiture de Vanessa était totalement irrécupérable. C’est même la police, après examen des circonstances de l’accident, qui avait ordonné son transfert à la casse pour destruction et réduction en un gros cube de métal. Quant à Vanessa, je ne voudrais pas revenir sur des moments douloureux pour toi, mais il était impossible qu’elle ressorte vivante d’un tel accident avec un incendie géant qui avait bloqué l’autoroute pendant des heures et sur des kilomètres !

Rémy baissa lentement la tête, puis, au bout d’un long moment de silence, la releva en la secouant :

— C’était elle, j’en suis sûr. Je l’ai croisée deux fois. Pas de doute possible, lança-t-il toujours cantonné dans son déni.

— Mais alors, comment tu expliques la situation ? répliqua Raoul en essayant de pousser son ami dans ses retranchements.

Sans hésiter, Rémy ajouta :

— Je me suis creusé la cervelle toutes ces années, crois-moi, et j’en suis venu à la conclusion suivante : depuis des mois, Vanessa m’avait reproché mes absences à la maison, mon peu d’engagement dans la vie du couple. Le jour de l’accident, elle avait tout simplement décidé de disparaître, peut-être avec un amant ou toute seule. Dix ans de vie commune, ça use…

— Et la voiture, petit malin ?

— Volée par la victime de l’accident.

— Volée ? Et quoi encore…

— Souviens-toi, je te l’avais dit à l’époque : la porte du garage n’avait pas été fermée à clef. Connaissant Vanessa, ce ne pouvait être une négligence de sa part !

Raoul haussa les épaules puis secoua la tête. Décidément, il comprit qu’il ne servait à rien d’insister. Il fit néanmoins remarquer :

— Et ta femme serait revenue dans la région deux ans plus tard, juste pour te narguer en passant à côté de toi sans te jeter un regard ?

Pas de réponse de la part de Rémy qui gardait la tête baissée.

— Je suis content de te revoir, tu le sais, mais va droit au but : tu attends quoi de moi ?

Rémy sortit le bout de papier sur lequel il avait griffonné le numéro d’immatriculation de la voiture et le tendit à Raoul en disant :

— Que tu m’identifies le propriétaire.

— Tu sais que je n’en ai pas le droit sans l’accord préalable d’un magistrat ?

— Tu n’as qu’à effacer la consultation sur l’historique de l’ordinateur. Je suis avocat, combien de fois j’ai dû « m’arranger » avec la loi…

Raoul savait très bien à quoi Rémy faisait allusion ! Cette sombre affaire de stupéfiants où il avait été suspecté de dealer pour approcher les narcotrafiquants. Le moment était venu de renvoyer l’ascenseur. Il grenouilla à contrecœur sur son ordinateur puis nota hâtivement sur un post-it : Abel Mazard, 42, rue de l’abreuvoir à Marmande –, psychiatre.

— Voilà les coordonnées du propriétaire. La voiture n’appartient donc pas à cette Natacha Lepelletier, ta cliente du pressing ! Je ne sais pas ce que tu pourras en faire.

Il tendit le billet à Rémy en fronçant les sourcils. Ce dernier prit le précieux trophée avec une visible satisfaction.

— T’es vraiment un pote, Raoul, je te remercie mille fois !

— Pas de bêtise, sinon cela risque de remonter jusqu’à moi.

— Promis, mais j’irai jusqu’au bout.

Avant de quitter la pièce, sur le pas de porte, il se retourna et ajouta :

— Quand j’aurai suffisamment de preuves, je demanderai un prélèvement ADN de la personne qui est enterrée à la place de Vanessa !

Son ami parti, Raoul secoua la tête et murmura dans un soupir :

— Pauvre vieux !

Chapitre 2

L’affaire Mazard

Rémy fut donc un peu plus avancé dans ses recherches mais il eut surtout du mal à imaginer le lien pouvant exister entre Vanessa et ce psy sorti de nulle part. Pour ce qu’il en savait, ce genre de praticien n’était pas du tout la tasse de thé de son épouse ! Rémy se sentit émoustillé par l’ambiance de mystère qui commençait à planer sur « son » enquête. Une première approche avec cet Abel Mazard s’avérerait bien sûr indispensable. Mais comment l’aborderait-il ? Il trouverait.

La rue de l’Abreuvoir était connue pour ses maisons de maître, plus belles les unes que les autres. Celle du docteur Abel Mazard était particulièrement luxueuse avec son grand parc qui ajoutait encore à la munificence des lieux.

Ce qui interpella Rémy c’est qu’un praticien, apparemment fortuné, puisse se satisfaire d’une vieille voiture bas de gamme. Son ami Raoul lui aurait-il joué un tour ? Quand même pas ! À travers la grille en fer forgé, à double battant, il aperçut une imposante berline rutilante, bleu nuit, stationnée à proximité des marches d’entrée.

Rémy n’eut pas prévu de rencontrer le psy dans l’immédiat, mais plutôt de visiter les lieux. Pour entrer, il n’eut pas à attendre trop longtemps. Une patiente sortit au bout d’un quart d’heure. La grille s’ouvrit à l’approche de cette dernière. Rémy en profita pour s’engouffrer dans la propriété tout en gratifiant au passage l’inconnue d’un sourire de circonstance.