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Au sein d’un royaume où la beauté définit la valeur sociale, Roseln, classée parmi les « Magnifiques », vit au cœur d’un univers dédié au luxe et à l’image parfaite. Malgré ses privilèges, elle remet en question ce système fondé sur l’apparence, qui relègue les « Horribles » à l’invisibilité. Aux côtés de son ami Léo, elle affronte les contradictions d’une société hiérarchisée par le physique. Ce roman dystopique interroge les normes, la superficialité et la résistance silencieuse face à un monde obsédé par l’esthétique.
À PROPOS DE L’AUTRICE
Olivia Persant poursuit ses études jusqu’au Master MEEF, où elle est frappée par le manque d’estime de soi chez certains élèves et étudiants, nourris par le culte de la beauté imposé par les médias. En 2020, elle redécouvre une trame dystopique imaginée plus jeune et décide de lui redonner vie pour dénoncer cette obsession de l’apparence.
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Seitenzahl: 678
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Olivia Persant
À visage découvert
Roman
© Lys Bleu Éditions – Olivia Persant
ISBN : 979-10-422-7587-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le photographe bedonnant s’impatientait, alors que j’approchais du plus inconfortable des torticolis.
Accoutrée comme une meringue décorée de paillettes scintillantes, le visage orné de strass similaires, ainsi que de peinture blanche irisée, puis assaillie par une multitude de flocons de neige artificiels qui tombaient sur moi en cascade, je prenais la pose en vue de promouvoir le parfum qui deviendrait le best-seller des cadeaux de Noël.
Assise en amazone sur son gigantesque flacon démultiplié pour l’occasion, je représentais une princesse de glace au buste et à la tête tournée extrêmement à gauche, puis au bras tendu en direction du beau Maximilien, mon partenaire de scène aux cheveux blonds et aux yeux foncés, naturellement profonds, qui nécessitait mon pouvoir en vue de braver, semi-chevaleresquement, la tempête hivernale nous empêchant d’être ensemble. Un script épatant. Sauf pour moi.
Je détestais les publicités promouvant le luxe ; elles étaient toujours excessives, incommodantes et superficielles, totalement opposées à mon tempérament plutôt détaché. Cependant, Max les adorait. Il me tannait sans cesse pour que j’accepte de participer aux plus valorisantes d’entre elles, puisqu’elles nous assuraient, si elles étaient réussies, une place de choix dans le classement bimensuel qui évaluait notre popularité. Je ne pouvais pas systématiquement lui refuser ni espérer que nous ne soyons pas sélectionnés par les gouvernants du domaine de Narcisse (dans lequel nous vivions), par les clients ou par les membres de la royauté, d’autant que les publicités moins esthétiques m’étaient constamment refusées. Aussi, j’étais coincée dans cette situation désagréable en essayant de ne pas imaginer le ridicule duquel je me couvrais encore.
Cet énergumène m’avait pris en grippe. Même si j’étais globalement appréciée dans le Royaume, sans trop savoir pourquoi, étant donné que je ne prenais aucun plaisir, contrairement aux autres, à accomplir mes missions, toutes exclusivement dédiées au dictat de la beauté, je ne me laissai pas aller à la flatterie ou à l’excès de zèle, à l’image de mes semblables : je ne convoitai ni la gloire, ni la splendeur, ni la célébrité.
Ma réaction face à cette énième promotion en était la preuve. Cela dit, par respect pour le rang de Magnifique qui était le mien, ainsi que pour tous les privilèges et le confort de vie dont je bénéficiais, je faisais de mon mieux pour mettre en avant le produit qui m’était confié et de la manière dont les juges le souhaitaient, me permettant ainsi d’être continuellement classée parmi les vingt premiers représentants de beauté du domaine.
Tel un essaim d’abeilles, les employés s’activaient en bourdonnant, sans trop savoir comment procéder pour satisfaire leurs supérieurs le plus rapidement possible. Cette situation semblait amuser les spectateurs, assis dans l’ombre, notamment les juges et les représentants du Roi, ainsi que le bel expert en communication qui avait le don de me taper sur le système en cet instant : il charmait sans cesse quelconque beauté, homme ou femme, se trouvant près de lui, surtout les actionnaires et personnes d’importances, puis approuvait toutes les critiques et les points de vue des supérieurs qu’il flattait avec légèreté, sans aucune gêne, mais avec parade.
Il me déstabilisait également du fait des drôles et discrets regards qu’il me lançait lorsqu’il était seul et non observé, se moquant, à la fois, de ma prestation ou de ma tenue, tout en déplorant le système qui m’avait obligé à m’y contraindre. Du moins c’était l’interprétation que j’en avais, vu que son attitude divergeait de celle qu’il adoptait avec les divers Beaux et Magnifiques de la pièce.
Le marchepied de bois arriva en trombe et se stabilisa sur la structure en plastique, non sans l’aide d’un assistant pour le maintenir en place. Bringuebalant à l’identique, j’essayai tant bien que mal d’élaborer rapidement une stratégie, de sorte qu’il ne s’effondre pas sous mon poids… Ce qui n’était pas une mince affaire ! Étant donné mes rondeurs adorables dues à un excès de pâtisserie et à un manque de pratiques sportives, de toute façon toutes refusées, sans que je n’en comprenne véritablement la raison.
J’étais toutefois bien obligée d’y avoir recours, cette fois-ci : l’ensemble de mes muscles, ainsi que mes abdos étaient contractés pour tenir l’équilibre sur cette tour infernale. Les préparateurs cachèrent le tabouret avec ma robe, avant de laisser place au personnel de la sécurité qui m’entoura de part et d’autre du flacon (sans apparaître dans le champ de la caméra) pour me rattraper en cas de chute. Illico, je pris à nouveau la pose qui m’était réclamée, priant intérieurement pour que ce supplice se termine en une seule prise.
Il attendit les réponses qui étaient de rigueur, puis poursuivit de son fameux et sursautant « Action ! » sous le regard émerveillé des spectateurs privilégiés.
Le shooting et la vidéo promotionnelle purent alors reprendre leur cours, dans la plus naturelle représentation de mon quotidien.
***
La préparatrice retira expressément les paillettes et les fanfreluches qui m’empêchaient d’être au moins suffisamment à l’aise pour aller me sustenter. Pas le temps de me changer, cela dit : le dîner n’allait pas tarder à être annoncé.
En quittant le sous-sol comportant l’étouffant studio d’enregistrement, je profitai du calme du spacieux rez-de-chaussée pour respirer de nouveau un air plus clair et aéré. Bien que les pièces élégamment décorées de bleu pâle et d’or furent immenses, en adéquation avec l’imposante bâtisse de pierre grise et les jardins agrémentés qui constituait le domaine de Narcisse, elles n’accordaient que très rarement un agréable instant de tranquillité, tel que celui-ci.
Une agitation apparente et un sentiment d’oppression étaient effectivement bien réels, perceptibles parmi les grandes salles de réception, les salles de musique, les boudoirs, les studios photo ou nos loges et nos appartements privés, qui nous couvaient de grandeur pour nous faire oublier ce premier désagrément. Car même si nous, Magnifiques résidant au domaine de Narcisse, étions bien lotis dans notre « semi-château », puisque nous bénéficions, en plus du confort de vie et de la visibilité sociale, de valets et de femmes de chambre aux petits soins, veillant constamment à notre irréprochable éclat, il y avait une ombre au tableau. Et cette ombre, engendrant les jugements que nous nous portions les uns envers les autres, ainsi que l’esprit de compétition intrinsèque qui hantait ces murs, du fait des promotions auxquelles nous devions participer pour briller, prenait justement la forme d’un tableau, autrement nommé « le classement bimensuel ». Un monstre d’électronique, précis et inratable, accroché au milieu du couloir, derrière le double escalier central du hall d’entrée, représentant le fruit de notre labeur. Il divulguait, à chaque quinzaine, le nom des meilleurs et des moins bons Magnifiques de la période, à partir des évaluations communiquées par les juges, lors de nos prestations.
En plus de la beauté innée, du charisme, de la manière de se mettre en valeur ou de prendre la pose selon les exigences du thème choisi ou attribué et de la rapidité d’exécution, ou plus objectivement, de la satisfaction du client, du nombre de ventes (s’il s’agit d’un bien vendable) ou de l’appréciation du public, l’attitude irréprochable était observée et notée par les dirigeants du domaine de Narcisse, surtout par les représentants royaux qui insistaient grandement sur ce point pendant les tournages et les sorties. Assurément, les Magnifiques appartenaient à l’élite du Royaume de Lys : ils ne pouvaient donc pas prononcer de propos à son encontre, prôner des valeurs opposées ou dénigrer le système, de quelque manière que ce soit, également si leur seule splendeur importait, en apparence. Chaque expression corporelle ou verbale était surveillée, appréciée et grandement comparée avec celle des rivaux, au même titre que la posture ou l’attrait, justifiant, de fait, les coups bas et les abus de pouvoir qui subsistaient et empoisonnaient notre quotidien, en supplément de l’obsession de grandeur qui accaparait la plupart de mes collègues.
À chaque période, les meilleurs d’entre nous étaient donc récompensés de privilèges supplémentaires, selon leurs désirs et les possibilités du Royaume, alors que les derniers se voyaient blâmés pour leur manque de visibilité ou leur faible popularité. Bijoux en pierres précieuses, trophées divers, suppléments de soins en instituts et invitations aux soirées privées du palais composaient ainsi les récompenses favorites (sans surprise, des cadeaux esthétiques visant à chouchouter davantage), alors que le choix des menus, la participation à des activités de loisir ou sportives – quelquefois interdites à certaines personnalités, ou l’obtention d’un animal de compagnie, pouvant être offert aux multirécompensés qui avaient passé leur tour la fois précédente, étaient souvent relégués aux seconds choix… Sauf pour moi.
C’était grâce à mon fructueux travail des deux dernières années que j’avais pu obtenir mes chevaux, Hélios et Cassiopée. Je ne les échangerais pour rien au monde, bien que je sois friande de gourmandises, de jacuzzis ou de massages revigorants ! Mais mon trait de caractère réticent à l’exhibition ou à la recherche de popularité, en dehors des obligations lors des sorties organisées ou des prestations visuelles, était loin d’être la norme ; rares étaient les Magnifiques qui se contentaient d’accomplir leurs tâches, sans rechercher la gloire ou l’élévation ! La plupart exagéraient leurs profils, accentuaient leurs manières, offrant des sourires artificiels à ceux qui le réclamaient. Ainsi, les représentants de beauté qui avaient déjà atteint ou frôlé la tête du classement ne souhaitaient plus la quitter, combattant sans relâche pour goûter à nouveau à la pâtisserie qu’ils avaient à peine eu l’occasion de lécher ou continuer à la dévorer au détriment des autres, alors que ceux qui pâtissaient en queue de peloton s’étaient fait une raison : quand ils gagnaient quelques places, ils en étaient très heureux, mais veillaient encore à s’intéresser à différentes activités professionnelles en vue d’un futur changement de poste.
Je m’approchai justement du classement bimensuel, lequel était déjà accaparé par ceux qui n’avaient pas travaillé cet après-midi. Ces quinze derniers jours avaient couronné Shéhérazade de succès. Cela n’avait rien d’étonnant : sa silhouette bien proportionnée avait conservé sa popularité estivale, comme sa peau dorée, sublimée par le soleil, avait mis en valeur la plus originale des collections de maillots de bain et les plus affriolants paréos que le monde de la mode pouvait nous offrir.
De plus, elle avait dernièrement excellé dans la campagne de rentrée scolaire, qui revalorisait l’importance de l’enseignement de l’histoire, ainsi que de l’éducation civique de notre société, dans laquelle les détendeurs d’une apparence agréable étaient privilégiés.
Car dans le Royaume de Lys, parmi tous ses membres et dans l’entièreté de son enceinte barricadée, c’était la beauté qui déterminait la place dans la société. Ceci, évidemment, au détriment du talent, du mérite ou de l’investissement à la communauté.
Même l’argent n’était pas un facteur de réussite ou de pouvoir.
Les croyances ancrées dans notre passé, depuis la guerre qui avait anéanti le monde et ses habitants, prêchaient que la laideur physique n’était que le reflet de la laideur de l’âme.
Le seul livre d’histoire que le Royaume possédait nous enseignait qu’une immense guerre atomique, engendrée par les abus de pouvoir et les moyens illimités des citoyens, avait éclaté dans le monde entier, il y a une centaine d’années. Du matériel aux réseaux, de l’immense électricité au plus simple élevage agricole, des métropoles aux plus petites civilisations, sans compter les dégâts physiques sur la moindre population qui avait survécu : tout avait été détruit.
Afin d’éviter qu’une telle atrocité ne se reproduise, puis dans le but de protéger le peuple restant, les terres meurtries furent divisées en royaumes si éloignés les uns des autres, que peu de personnes croyaient réellement en l’existence de civilisations au-delà des remparts qui les délimitaient. Ce qui était le cas.
Les citoyens se regroupèrent et construisirent le Royaume de Lys, lequel était basé sur les convictions que le souverain autoproclamé de l’époque, Victorien, très vite devenu le Roi « Victor un », soit le premier du nom, avait jugé bon d’ériger en mode de vie. Car à l’issue de la catastrophe à laquelle il avait obligeamment participé, ayant été le plus brave, le plus vaillant et le plus élégant de tous les combattants, si bien que personne n’osa le contredire, malgré ses dures proclamations qui excluaient une partie de la population, étant donné qu’il semblait être le plus à même de glorifier et de protéger son nouveau peuple confiné, le Roi avait considéré les individus qui étaient restés « Magnifiques », au visage lisse d’imperfections et à l’allure rayonnante, en dépit des combats et des bombardements, ou ceux dépourvus de défauts physiques à la naissance (au moment de la première évaluation de beauté), pareils à des allégories de la perfection, à des êtres divins, méritant tout le respect et l’admiration dont une patrie était capable. En cela, ils se devaient d’être irréprochables, tant dans l’attitude que dans l’apparence, et exerçaient des métiers d’image, de communication ou de direction, car ils représentaient le joli visage du Royaume. Acteurs, mannequins, conseillers royaux, directeurs ou représentants officiels : les places les plus agréables et reconnues leur étaient réservées, ainsi que les nombreux privilèges incluant des festivités, des accès privés à des lieux remarquables ou esthétiques, ou à la possibilité de pratiquer des arts et sports particuliers, entre divers avantages.
En revanche, les visages et les corps fracassés par les conflits, possédant des défauts physiques remarquables, des malformations atroces ou des handicaps majeurs, qui effrayaient, de fait, le plus acceptable des publics, semblaient être le résultat inhérent à cette guerre, donc l’incarnation du mal qui ne devait rien au hasard, ni à la chance. Aussi, les nombreuses naissances mal formées, tachetées, acnéiques ou défectueuses qui en avaient découlé, comportant de grosses traces de naissance, des cicatrices ou des défauts physiques terribles insoutenables à regarder, puisqu’elles n’étaient que des symboles de la manifestation du mal, ainsi que les défigurations importantes causées par des accidents ou de dangereux travaux forcés, catégorisaient drastiquement leurs propriétaires en diaboliques « Horribles » ; des spécimens si repoussants qu’ils étaient reclus de la société, évidemment parce qu’ils n’avaient pas leur place pour demeurer dans un Royaume aussi distingué. Cependant, les Horribles étaient tenus d’y entrer chaque matin et d’en repartir chaque soir (excepté dans les domaines les plus prestigieux), obligeamment couverts d’un masque rouge et de gants assortis pour préserver les vrais citoyens, si tant est que cela fût possible, de leur laideur apparente, afin de servir le peuple de la seule manière envisageable : en tant que main-d’œuvre invisible, nocturne, travaillant durement dans les usines ou dans les sous-sols, bref, dans tous les lieux où ils ne pouvaient pas être remarqués par des Magnifiques.
Ensuite, le Roi Victorien Ier hiérarchisa les défauts physiques pour répartir le reste majoritaire de la population, qui n’appartenait à aucune de ces deux catégories, en deux parties dites « Intermédiaires ». Il considéra qu’une peau brillante, grasse ou pas suffisamment lisse, que les taches de rousseur, les grains de beauté (s’ils étaient peu nombreux), ou tout ce qui avait attrait aux cheveux, s’ils étaient clairsemés ou avec une implantation lointaine, particulière, ou encore naturellement décolorés, par exemple, des propriétés dont une partie peu nombreuse de la population était naturellement dotée, étaient tolérables esthétiquement, dans la mesure où ils étaient parcimonieux, peu imposants, ne dégradaient pas la beauté outre mesure, donc pouvaient être perçus comme étant suffisamment « Beaux » pour être vus. Hélas, bien qu’ils possédassent la liberté de ne pas être constamment observés ni contrôlés, leur statut ne leur permettait pas d’accéder à l’idéal, puisque leurs visages n’étaient pas immaculés et parfaits de symétrie.
Ainsi, les détenteurs d’une telle image presque parfaite embrassaient une carrière observable ou de service, pouvant assurer un lien direct entre l’élite et toutes les catégories de beauté ; à savoir, les valets et les dames de compagnie (pour les plus privilégiés), les jonctions des différents domaines d’exploitation, tels que les jardiniers, les palefreniers, puis les commerçants de luxe et toutes les professions regardables ou engendrant des rencontres, qui ne pouvaient être cachées durant l’activité.
Finalement, les autres, les oubliés ou les inconsidérés, ceux dont les défauts de naissance étaient mineurs, moins choquant qu’ils n’auraient pu l’être, mais suffisants pour causer une gêne, un bref dégoût ou une indifférence totale, bref, des attributs appartenant à la plupart du peuple, se voyaient directement octroyés à la disgracieuse position de « Quelconques ». Ces personnes pouvaient s’habiller de blessures infligées ou de malformations corporelles moindres et camouflables, n’entraînant aucun problème vis-à-vis du visage et n’étaient pas effrayantes, ni trop différentes d’un corps humain classique, de n’importe quelle ossature imparfaite tel qu’un menton de travers, des paupières tombantes ou un nez disgracieux, puis de légers défauts de naissance, allant d’une dentition alambiquée, à un grand nombre de taches diverses, même de rousseur, ou aux plus petits boutons, lesquels n’appartenaient pas aux deux exceptions autorisées, uniquement en faible nombre, dans la famille des Beaux.
De plus, « Quelconque » pouvait devenir le nouveau rang des catégories supérieures si un handicap, tel qu’une perte d’audition ou d’ouïe n’entraînant pas l’absence totale d’un sens, se faisait remarquer, si des accidents mineurs atteignaient leur silhouette générale, en dehors de leur beauté approximative, à l’instar de l’utilisation d’un fauteuil roulant avec des jambes entières, puis si des défauts manuels (de l’arthrite, des brûlures diverses ou des ongles perturbés) apparaissaient. Dans ce dernier cas bien précis où l’irrégularité se trouvait sur les mains, le port d’une paire de gants bleue était réclamé en présence de Magnifique, quand celui du masque de cette couleur l’était pour les individus dont le défaut se trouvait sur le visage.
À l’inverse de la plus mauvaise classification, totalement exclue, ou des deux premières, complètement intégrées, cette majorité silencieuse, perçue telle une sous-catégorie, était autorisée à vivre et tolérée dans l’enceinte du Royaume, mais devait néanmoins rester vigilante en présence involontaire d’un Magnifique, puisqu’elle devait illico dégainer son masque ou ses gants pour se couvrir, faute d’être dénoncée et punie par le gouvernement ; un incident de ce type pouvait survenir, pour les Quelconques, durant l’exercice de leurs fonctions d’exécution ; par exemple, au moment où un bricoleur ou un électricien devait intervenir, pendant que la haute société était présente, ou quand un domestique, attitré au ménage, devait gérer une urgence en pleine journée, ou encore, lorsqu’un facteur, normalement uniquement relié aux Beaux, avait la contrainte de remettre un pli confidentiel en mains propres à un Magnifique, entre différents chamboulements journaliers. D’un côté, les Quelconques les plus présentables occupaient des emplois commerçants, situés au centre de la Haute Ville ; à cette place, ils fréquentaient d’une part, des serviteurs Beaux, venus s’acquitter du shopping pour l’élite, d’autre part, leurs semblables ou leurs condisciples repoussants, repartis aux postes agricoles ou de productions. Il leur arrivait également d’être contrôlés par les policiers et les gardes royaux, lesquels dépendaient des deux catégories Intermédiaires et devaient constamment porter un masque gris orné d’une fleur de Lys, qu’ils aient un défaut apparent ou non, en vue de ne pas être reconnus durant leurs patrouilles.
Par conséquent, dans notre gracieux Royaume de Lys, plus vous étiez beau, plus vous aviez du prestige et des droits. Plus vous étiez hideux, plus votre âme était souillée et effrayante, donc bien moins importante que les gracieuses. Ces prises de position hasardeuses, basées sur le culte de l’apparence et la chance, étaient encore soutenues et revendiquées par le Roi actuel, Victorien VI, en digne successeur de son père et de son grand-père.
Il pouvait compter sur le peuple, qui prêchait continuellement et autant que lui, une parole similaire, s’engageant à s’y conformer et croyant fermement en la véracité d’une telle idéologie.
Pourtant, une faible partie de la population, évidemment constituée de personnes défavorisées, réprimait ces lois injustes pour eux et commençait à émettre une opposition, à coup de dégradations ou d’agressions diverses, générant encore plus de haine à leur égard, donc encore moins de compréhension ou de compassion. Excepté lors des collectes, où les Magnifiques et les Beaux ne manquaient pas l’occasion d’exposer leur bienveillance à l’aide de généreux dons.
Seul un Magnifique semblait donc soutenir les Horribles avec ferveur. Et cet étrange spécimen n’était autre que mon meilleur ami d’enfance, Léonard.
Pour dénigrer les classifications qui les malmenaient, il avait curieusement relevé, alors que les naissances Magnifiques se raréfiaient et que ces derniers enfantaient fréquemment (pour ne pas dire majoritairement) des beautés inférieures, que les membres de la famille royale étaient toujours parfaits, épargnés de ces disparités qui touchaient le reste de la population, de sorte que leur puissance sociale ne pouvait jamais être remise en question, malgré l’espoir des inconsidérés.
De plus, il pointait du doigt le manque de mérite, de sympathie ou d’intelligence de certains Magnifiques, imbus d’eux-mêmes et désagréables, comparé à l’attitude exemplaire d’un grand nombre de Beaux et de Quelconques, remarquables par leurs multiples qualités, leur serviabilité et leur gentillesse. Il lui était difficile de croire que la beauté était synonyme de bonté et que la laideur reflétait la malfaisance de l’âme. Assurément, il était facile de lui donner raison dans notre vie quotidienne, où des exemples illustrant ce contraste se multipliaient. Mais l’apparence physique représentait l’imperceptible, l’invisible, ce qui subsistait au plus profond de nos êtres. Sans ce système, nous ne pourrions identifier le bon du mauvais. Léo avait du mal à le comprendre.
Indubitablement, il percevait Lys telle une dictature fondée sur des croyances aussi illégitimes que ridicules. Et les Magnifiques ? Il les identifiait telles les marionnettes inconscientes, prévues pour la promouvoir et la protéger.
Il n’était pas dans la demi-mesure, mon Léo.
Il répétait inlassablement que nous étions tous « endoctrinés », condamnés à promouvoir l’inégalité et la haine d’autrui, s’attirant les foudres des responsables du domaine ou des discordances vis-à-vis de nos camarades, du fait qu’il ne partageât pas d’identiques croyances antiques que la population puritaine. Seulement, aussi étrange que cela pût paraître, le public l’appréciait pour son humble franc-parler, c’était un fait. Sûrement parce qu’eux ne risquaient rien en l’appréciant, plutôt qu’en adoptant son point de vue. Par conséquent, même si Léo ne s’accordait pas aux valeurs que nous devions promouvoir, le domaine de Narcisse était contraint de le garder, tout en dissimulant ses opinions aux royalistes qui ne feraient qu’une bouchée de lui. D’autant qu’elles ne pouvaient être tenues par un Magnifique, si chouchouté et bien loti, confronté aux parias de notre monde.
C’est aussi ce que j’aimais chez Léo, pareillement à sa simplicité, rare et égale à la mienne, qui nous rapprochait, ou à sa force de conviction, au contraire, si différente de mon caractère indifférent. Cependant, son imagination débordante et sa soif d’apprendre qui m’avaient amusé ne m’avaient jamais convaincu… à son grand désarroi.
D’aussi loin que je me souvienne, j’avais toujours habité ici, au domaine de Narcisse. Comme la plupart des Magnifiques répartis dès l’enfance dans leurs domaines de prédilections, je n’avais pas connu mes parents, ou du moins, je n’en avais aucun souvenir. Sans doute, n’étaient-ils pas suffisamment « présentables » pour intégrer la Haute Ville ? Puisque les enfants dont les deux parents étaient des Magnifiques conservaient leurs liens familiaux, du point de vue des souvenirs ou de la loi.
Le courant passa tout de suite entre Léo et moi, malgré nos petites disputes au sujet de son opposition, lesquelles se démultipliaient, d’ailleurs, de plus en plus, maintenant que nous avions atteint un âge adulte. Ces choses-là ne s’expliquent pas et l’amitié se fait d’elle-même. Ou alors, peut-être s’expliqueront-elles un jour prochain, sans que nous ne nous en rendions compte ?En attendant, j’étais heureuse qu’il soit à mes côtés. Il était mon « vrai » binôme et j’étais incapable d’imaginer ma vie monocorde et ennuyeuse sans lui ; il la rehaussait d’un brai de folie qui manquait cruellement dans notre bulle de protection si parfaite.
Poursuivant lentement ma progression dans les couloirs, j’approchai de la salle de réception, là où les repas étaient servis chaque jour. Œufs au bacon le matin, succulentes entrées suivies de dîners élaborés et de desserts variés peuplaient notre luxueux quotidien. En cette soirée, la pièce s’engorgeait déjà de délicieux effluves de dinde farcie aux petits oignons, me faisant saliver d’avance. Les cuisines du domaine comptaient parmi les meilleures du Royaume… Voici la raison de mon principal et alléchant péché !
Je me dirigeai vers le bout de la salle, près des hautes et lumineuses fenêtres, à l’endroit où mes amis et moi prenions habituellement nos déjeuners. Ils étaient déjà tous attablés, impatients de commencer le festin bien mérité qui nous attendait, après la semaine chargée que nous venions tous de vivre.
La période de fin d’année était vraiment la plus difficile en matière de publicité. Nous travaillions depuis des semaines à la promotion de sucreries et de saveurs automnales, à la présentation des collections esthétiques et vestimentaires saisonnières, ou au lancement des activités à faire en famille ou entre amis, en cette période où la nature nous offrait ses plus belles couleurs.
Nous avions également élaboré l’annuel festival d’Halloween qui devait avoir lieu le 31 octobre, dans les champs de blé, à l’Ouest du Royaume. Hélas, les fortes chaleurs qui nous surprirent tous la veille, brûlèrent la paille et incendièrent l’aménagement complet que le domaine de l’Ameublement avait installé pour l’occasion. De ce fait, le joyeux événement et la collecte prévue pour les Horribles à cette occasion furent annulés. À la dernière minute, dans la fraîcheur de la soirée et à la demande expresse du Roi, nous avions revêtu nos déguisements et défilé dans le labyrinthe d’un champ de maïs voisin, façonné en urgence par les jardiniers, pour le plus grand plaisir des Magnifiques qui enchérissaient pour les acquérir.
À chacune de nos présences, nous avons également assuré l’ambiance en discutant ou en dansant avec les invités, prenant la pose à leur demande ou jouant le rôle qu’ils désiraient nous voir arborer, à l’image des acteurs d’un autre temps, pendant que le domaine de l’Aménagement apportait les tables et les couverts pour que le domaine de l’Alimentaire puisse réceptionner les préparations culinaires et les dons d’objets du reste de la population, gracieusement offerts aux Quelconques et aux Horribles dans le besoin. Le domaine du Textile avait fait pareil pour récolter les vieux tissus et les vêtements dont les familles aux beautés modestes se débarrassaient.
Les denrées, ainsi collectées, étaient systématiquement triées et distribuées aux familles Quelconques, avant que le reste, ce qui ne leur était pas nécessaire ou n’était pas sélectionné par elles, ne soit empaqueté et expédié drastiquement au-delà de l’enceinte murale protégeant les frontières du Royaume de Lys, à destination du reste de la sous-population.
Ce genre de festivités, aussi épuisantes, étaient-elles, surtout quand elles demandaient une quantité de travail improvisée et épuisante pour tout le Royaume, animaient nos mornes quotidiens et nous laissaient de mémorables souvenirs en communauté. Il s’avérait qu’en dehors de nos prestations visuelles, quelquefois inexistantes durant plusieurs jours, nos journées étaient similaires et peu actives. La plupart des Magnifiques du domaine de Narcisse exploraient des magazines les présentant ou parcouraient les cinq chaînes de tété afin d’observer les exploits de nos élégants semblables, ou zappaient et tournaient les pages dans l’espoir de tomber sur leur propre image, ou celle de leurs rivaux. En outre, pour ceux qui en avaient l’autorisation, les journées pouvaient s’accélérer dans les deux domaines voisins, à la pratique d’une activité sportive ou artistique dans celui des Loisirs, au Sud, ou à l’expression de leurs talents d’acteur (s’ils en possédaient) au domaine Télévisuel, un égal voisin situé de l’autre côté du nôtre. Hélas, j’appartenais à la partie minoritaire des Magnifiques qui étaient dépourvus de cet agrément. À mon grand regret.
Les seuls que je m’accordais, sans demander mon reste, étaient les promenades à cheval. Et pour pouvoir m’adonner à cette activité sans être épiée, escortée, ou qu’elle me devienne défendue, je me devais d’être discrète et d’attendre que les autres soient occupés ou distraits de sorte de ne pas être surprise. Tout bien considéré et dans cette perspective, j’appréciai donc les moments de latence et de joyeuses remémorations qui séparaient deux réceptions ; j’étais donc récemment satisfaite d’en avoir terminé avec Halloween et des quelques semaines de répit qui nous étaient offerts avant le début des cérémonies et des rassemblements précédents Noël.
L’accession à la table qui était la nôtre s’apparentait à un parcours du combattant à cette heure tardive : toutes les places étaient prises, les sièges confortablement occupés et aménagés selon les convenances de leurs propriétaires. Après avoir enjambé une flopée de sacs à main, m’être cognée dans un coin de chaise et avoir manqué d’écraser la queue d’un chat, j’atteignis enfin la récompense et le repos que j’attendais pour clôturer la semaine de travail.
Il était de notoriété publique que les shootings en compagnie de Maximilien persistaient pour une durée indéterminée. Mon meilleur ami, qui était assis à quelques places de la mienne, faisait donc allusion au perfectionnisme sans égal de mon binôme publicitaire, qui le comblait de ridicule à notre table. En effet, désireux d’atteindre le sommet du classement et d’y demeurer, Max enchaînait les missions et prolongeait constamment les séances photo en duo, déjà suffisamment longues en raison de l’insistance du photographe à réclamer des clichés supplémentaires, en suggérant sans cesse de nouvelles poses ou des ajustements de costumes, ce qui engendrait systématiquement une vingtaine de minutes de plus pour les essayer.
En-dehors de quelques places libres, sans doute dues aux récents rhumes qui étaient apparus en même temps que les pluies qui avaient suivi la fête d’Halloween, ou aux tournages télévisuels du domaine Multimédia, qui avaient souvent lieu en dehors des heures de travail du domaine de Narcisse, la salle de réception était pleine de tous les plus beaux résidents de notre studieux Royaume. Cependant, hormis le fait que nous partagions toutes les heures de repas, les visionnages des bulletins télévisés hebdomadaires, ainsi que les événements mondains divers et variés, de petits groupes au sein du grand s’étaient naturellement formés, en fonction de l’âge de ses appartenant, de leur année d’entrée au domaine, de leurs affinités ou de leurs objectifs.
C’est ainsi, je crois, que nous nous étions trouvés, mes amis et moi. Assez indifférents à la célébrité et tolérants quant à nos origines familiales variées, puisque Clarabelle était la seule issue d’une noble famille, alors que nous autres n’avions aucune idée de notre apparenté, nous ne rechignons pas à la tâche qui nous était imposée, mais uniquement pour jouir du confort et de la satisfaction que cela procurait ; aucunement pour la gloire ou davantage de responsabilités.
En outre, nous étions les seuls, à ma connaissance, à diverger des habitudes que le fils du premier Roi instaura dans la continuité du mode de vie proposée par son père, lors de son accession au pouvoir ; il réclama, effectivement, qu’une différence verbale fût associée aux apparences physiques, en statuant qu’un Magnifique devait, dès la naissance, se voir attribuer un prénom suffisamment intéressant pour imposer une autorité vis-à-vis des inférieurs. Ainsi, les Beaux et les Quelconques qui adressaient la parole à un Magnifique devaient user d’un surnom, pour ma part celui de Rose, puisqu’ils n’avaient pas l’autorisation de prononcer mon « grand » nom, par respect pour le rang qui était le mien, alors que mes condisciples et les membres royaux étaient tenus de m’appeler par mon prénom entier, Roseln. Toutefois, cette particularité visant à démontrer, de nouveau, la supériorité par le biais du patronyme, déplut petit à petit, à cause de son manque de rigidité ; au fil des générations, tout s’inversa : les Magnifiques choisirent alors de s’appeler par leur surnom, uniquement lorsqu’ils étaient entre eux, afin d’accroître le pouvoir qui était le leur et d’accentuer leur appartenance à une classe similaire d’élégance, tout en usant d’une familiarité perçue comme étant plus moderne et plus légère, alors que les inférieurs étaient tenus au respect du nom entier. Un principe qui nous arrangeait, mes amis et moi, puisque l’emploi de nos patronymes dotés d’une supériorité hiérarchique avait tendance à nous mettre mal à l’aise. Voilà pourquoi nous utilisions constamment nos surnoms et demandions à nos serviteurs de le faire, quoique cela ne plaisait aucunement à nos semblables ou pointait encore du doigt la simplicité qui nous caractérisait.
Mes proches étaient justement présents autour de la table et attendaient les deux retardataires : Léo était à son bout à côté de Clara, la jolie brune métisse à l’allure de cinéma et à la gracieuse lignée. En face d’eux se tenait Jackson, un Magnifique d’origine modeste, mais au physique idéal pour promouvoir un équipement ou une activité sportive. Costaud de muscles, puis de ventre, il était autant épris de musculation qu’il avait bon appétit. Cela ne l’empêchait pas d’être irrésistible, au contraire ! Au Royaume de Lys, les rondeurs étaient très appréciées et joliment perçues, au point que le poids et la taille furent normés pour les hommes et les femmes, pareillement aux mesures faites au nez, au menton, aux lèvres, aux joues ou à l’écartement des yeux, entre autres. En revanche, les taches de rousseur, les malformations telles que les oreilles décollées, ou les marques de cicatrices et autres défauts visibles, à l’instar de tout ce qui touchait aux yeux ou divergeait de l’apparence humaine classique, étaient irrémédiablement déclassés.
À côté de Clara et en face de moi, se trouvait Candice, une bienveillante et jolie jeune femme blonde que nous appelions Candi, en raison de sa douceur et de sa gentillesse, toutes deux aussi réelles que sa petite taille et son délicieux embonpoint laissaient à penser. Il ne manquait plus que le gracieux Théodore, ou plutôt Théo d’Or, la manière dont il aimait se qualifier, pour compléter notre clan et entamer le début des réjouissances.
En fait, d’après mes observations portées sur les autres tablées, il ne manquait plus que lui… tout court ! Les groupes d’amis étaient singulièrement similaires, si bien que chaque désaccord, chaque absence ou chaque nouvelle tête se faisait rapidement sentir lors des repas.
Pour ce qui était des premières, elles étaient fréquentes, donc peu captivantes. Les dernières, quant à elles, retenaient toute notre attention de par leur exclusivité, étant donné qu’elles ne pouvaient être que le résultat d’un transfert. Certes, les Magnifiques étaient arrachés à leurs familles et cloisonnés dans un institut particulièrement créé pour eux jusqu’à leur spécialisation et leur répartition dans un domaine à leur majorité ; sauf qu’une chance était attribuée aux plus grands Magnifiques, c’est-à-dire, à ceux dont les deux parents en étaient tout autant, leur offrant la possibilité de changer de domaine lorsqu’ils en ressentiraient l’envie. Seulement, ce pouvoir ne pouvait s’exercer qu’une seule fois et au bon vouloir du Roi et de ses conseillers, qui évaluaient le potentiel d’un tel déménagement avant de l’accorder.
En opposition, les enfants, dont au moins l’un des deux parents appartenait à une catégorie de beauté inférieure, étaient aussi arrachés à leur famille (au même titre que les premiers, mais sans recours, ni au revoir possible) et voyaient leurs arbres généalogiques, ainsi que leurs mémoires, être totalement effacés. De fait, la majorité des Magnifiques n’avaient pas de famille et ignoraient qui en faisait partie, tout en imaginant que ses membres vivaient forcément dans l’enceinte du Royaume, donc pouvaient être croisés à n’importe quelle sortie. Évidemment, les Horribles ne pouvaient pas mettre des beautés au monde. Du moins, cela n’était jamais arrivé à ma connaissance. Non plus à celle des médias. Sinon, la nouvelle n’aurait pas cessé de faire jaser.
Du reste, un tel transfert étant un spectacle ne se produisant qu’une ou deux fois à l’année, la routine des journées avec nos seuls collègues et serviteurs était ancrée en nous depuis des décennies ; il allait donc de soi que nous connaissions les manies et les réactions de chacun, puis qu’une mésentente inhabituelle, dans un cercle si fermé qu’était le nôtre, pesait considérablement sur l’ambiance générale et le moral de chacun lors de moments communs.
Sans oublier que les tensions coutumières, dues à l’esprit de compétition, aux classements qui nous opposaient, puis aux nombreuses différences de styles, édifiaient notre lot quotidien de mésententes. À mon sens, elles ne risquaient pas de s’apaiser ce soir…
Car dans toutes les grandes maisons, le repas ne pouvait être servi tant qu’un Magnifique manquait à l’appel et cette fois encore, notre table était montrée du doigt ! J’étais souvent en retard moi-même, à cause de l’accoutrement que l’on m’infligeait lors des photos de luxe, mais cette fois, je n’étais pas à blâmer : c’était au tour de Théodore, souvent en retard également, de nous faire attendre.
Les ventres grondaient, pendant qu’une agitation commençait à se faire ressentir dans la salle. Plusieurs Magnifiques me suivaient à contempler les places vides et la plupart se tournèrent vers la nôtre.
Clarabelle, ou plutôt Clara « rebelle », serait une parfaite Magnifique du domaine de Narcisse, si seulement son caractère bien trempé ne nuisait pas considérablement à l’image particulièrement docile, féminine et délicate qu’elle renvoyait.
Elle avait rejoint le domaine de Narcisse il y a deux ans à peine, après avoir d’abord exercé son savoir scientifique au domaine d’Einstein. Cette admission avait enchanté ses prestigieux, somptueux et ambitieux parents, qui voyaient en elle une plus grande ascension sociale, ainsi que la récompense de mettre en avant leur fille, si bien élevée qu’elle pouvait jongler entre les différentes exigences du Royaume.
Toutefois, l’estime naturelle qu’elle possédait auprès des royalistes, en raison de ses nobles origines ou de son indéniable apparence distinguée, avec ses longs cheveux noirs élégamment bouclés, sa peau chocolat et ses yeux en amande, déclinait à chacune de ses interventions publiques : son attitude têtue et son acharnement à décider de ce qu’elle voulait ou ne voulait pas faire, déplaisaient à quiconque souhaitait la contrôler, soit à l’Intendante Adélaïde, au Majordome Benjamin et à leurs assistants, ainsi qu’aux conseillers du Roi, lui-même.
Je la soupçonnai d’insister sur son insouciance et son franc-parler en raison de l’heureuse circonstance qui l’empêchait d’être rétrogradée : contrairement aux autres Magnifiques qui jouaient leur place dans la société s’ils n’entraient pas dans les cases qu’elle leur imposait, la destinée Narcissienne de Clara ne pouvait être réfutée, quoi qu’en décidassent ses dirigeants.
Jackson s’était légèrement tourné vers l’ours agressif, qui n’ajouta plus aucun commentaire. Impressionnant de par sa haute stature, ses muscles saillants et sa démarche assurée, il pourrait en tout temps effrayer quiconque ne le connaissait pas suffisamment, si au moins il n’arborait pas constamment un étincelant et franc sourire aux dents blanches.
Sans plus attendre, Théodore apparut dans l’embrasure de la porte, ne laissant à aucun autre ventre affamé l’occasion de l’attaquer. Guilleret à l’habitude, il affichait l’une de ses tenues les plus remarquables que nous apprécions tant.
S’approchant de la table tout en nous saluant de la main, il s’installa entre Jack et moi.
N’ayant pas pris le risque de me changer, de peur de provoquer d’identiques représailles que lui à mon encontre, je portais l’incommodante tenue dédiée à l’interminable publicité de « Chéris Glacés », le nouveau parfum que la plus grande marque de luxe allait proposer pour Noël. Satinée de blanc et d’argent étincelant, j’avais l’impression de ressembler à énorme flocon !
En dépit du fait que j’y étais habituée, j’étais éternellement gênée lorsqu’un compliment m’était adressé ; je ne me sentais absolument pas légitime de le recevoir, étant donné que je n’étais pas responsable d’une telle admiration : je n’avais rien créé, ni rien préparé, ni cherché à l’obtenir.
J’allais donc timidement remercier mon chic ami, quand l’audacieuse Clarabelle m’épargna ce nouveau malaise interne :
Et il avait bien sûr raison, en tout cas aux yeux de notre petit groupe. Jovial et coloré, son look ne passait jamais inaperçu. Aujourd’hui encore, il nous exhibait une vision des plus agréables en portant l’un de ses tailleurs criards dont il avait le secret et qui faisaient sa réputation. Habillé d’un costume bordeaux couvert de la tête aux pieds de tournesols orangés, d’une paire de lunettes de soleil écaille de tortue et d’un chapeau melon assorti, mettant particulièrement ses cheveux châtains et ses yeux verts en valeur, il arborait un style en totale adéquation avec l’automne ensoleillé que nous avions vécu, avant de subir la pluie diluvienne.
À l’image de la presque intégralité de ses interventions, souvent théâtralement imagées par des gestes amples et soigneusement sélectionnés pour nous divertir, Théodore déclenchait l’hilarité générale. Malheureusement, sa personnalité si enjouée, démonstrative et légère ne plaisait pas à tout le monde ; il subissait quelquefois des critiques, non pas du public, mais des autres Magnifiques, qui le percevaient tel un manipulateur surjouant ses émotions (que je savais sincères) et un concurrent redoutable. Il était également victime de mesquineries diverses depuis qu’il avait été le seul à être sélectionné pour présenter la météo du domaine de la Télévision, trois ans auparavant.
Malgré son quotidien qui n’était donc pas toujours facile, Théo était la personne idéale pour quiconque avait besoin de rire de bon cœur. S’étant fait une raison quant à l’image qu’on attendait de lui d’un côté, la même qui était déplorée de l’autre, il prenait désormais la vie avec dérision et savait se défendre face à ses détracteurs à l’aide d’une répartie bien sentie et hilarante, amusant aussi un public qui n’était pas le sien, normalement. Bien qu’il ne fît pas l’unanimité au domaine, il savait qu’il pouvait compter sur ses amis, qui appréciaient son extravagance assumée et le soutenaient face aux humiliations qu’il pouvait de nouveau subir de temps à autre, nous rendant la pareille grâce à sa vivifiante joie de vivre. Nous avions tous besoin de lui pour évacuer la pression accumulée au fil des semaines ou pour apprendre à relativiser nos problèmes, si futiles comparé à son vieux harcèlement.
En réponse à Jackson qui riait de la réplique de Clarabelle, la sonnette annonçant le début du service retentit enfin et nos Beaux domestiques personnels portant aussi la casquette de serveurs accoururent dans la salle de réception, les bras chargés de plateaux argentés. À l’intérieur, se trouvaient des soupes au potiron accompagnées de petits fours feuilletés, qui ne résistèrent pas longtemps à notre tentation.
Profitant de l’heureuse discussion qu’engendrait l’arrivée des entrées, je répondis à mes deux voisins aux premières questions qu’ils avaient, tant bien que mal, tenté de me poser à plusieurs reprises.
Théodore et Candice me regardèrent avec des yeux utopiques. Ces deux-là, les plus jeunes, m’adoraient autant qu’ils m’admiraient, ce qui était assez délicat. Tous deux moqués par leur physique trop enfantin ou maniéré et sur la sellette, puisqu’ils atteignaient les limites de taille, lui la plus haute, elle la plus basse, je les suspectais de me voir non moins qu’un étendard, une fierté à qui ils souhaitaient l’inconditionnel succès. Ils avaient si souvent l’air captivés par ce que je faisais, si heureux d’observer ma vie et honorés d’y prendre part à travers notre amitié, que j’étais, en dépit de mon embarras manifeste, ravie de les faire participer, autant que je le pouvais, à mes propositions les plus prestigieuses, et enchantée que nous partagions, par ce biais, de fantastiques moments ensemble. C’étaient d’ailleurs les deux personnes à qui je pensais le plus lorsque l’envie de baisser les bras me prenait par surprise, en séance ; ils avaient une confiance et une loyauté si profonde envers moi que je me refusais de les décevoir.
Je souris à l’évocation de ma prétendue attirance pour ce genre de publicités qui m’était, hélas, trop familier. Mon meilleur ami, Léo, en fit tout autant. Lui seul savait à quel point le milieu du luxe, ou les photos promouvant le textile ou les produits de beauté, excessivement esthétiques et intransigeantes, me mettaient mal à l’aise. Il me regardait avec taquinerie et compassion, sans révéler mon aversion que l’ensemble de la table ignorait et ne comprendrait sans doute pas.
Immanquablement, les publicités sur les produits de luxe avaient plus de chance d’être diffusées, donc de rapporter des points au classement général. Par effet de causalité, elles étaient ainsi plus susceptibles d’être sélectionnées par mon partenaire de scène, avide d’une popularité qu’il frôlait continuellement, sans jamais l’atteindre. Pour le contenter et l’aider à accéder enfin à ses espérances, je me faisais violence et acceptai quelquefois d’y participer lorsqu’il nous y inscrivait, tout en gardant secrètement l’envie que nous ne soyons pas sélectionnés, ce qui arrivait trop peu souvent à mon sens.
Dans un cliquetis révélateur d’un mouvement opportun, les plongeurs vinrent récupérer nos assiettes terminées, alors qu’à cet instant, les serveurs apportaient la suite du dîner, vraiment constitué de faisan rôti et de pommes de terre sautées.
Nouveaux rires de notre table, décidément la plus dissipée de l’assemblée. Manifestement, Max excellait dans tous les milieux et travaillait d’arrache-pied pour rester en haut du classement, même s’il n’avait pas besoin d’en faire autant, selon moi. Je ne lui voyais pas de défauts l’empêchant d’y statuer, à vrai dire. Il faisait tourner toutes les têtes, avec ses yeux sombres, ténébreux, originalement associés à la pâleur de sa peau et de ses cheveux blonds. Son modique charisme était remplacé par son comportement modèle et l’adaptabilité dont il faisait preuve dans chaque situation délicate. Sauf qu’à l’évidence, ses efforts sonnaient faux pour le public, ou n’étaient pas assez convaincants. En tout cas, cela amusait beaucoup notre petit groupe duquel ils étaient aux antipodes et qu’il n’appréciait pas véritablement, à mon exception.
D’ailleurs, les yeux encore remplis de joyeuses larmes, Clara ajouta de plus belle :
Discrètement, nous jetâmes un coup d’œil innocent à Maximilien, à tour de rôle. Heureusement, il ne semblait pas avoir remarqué notre soudaine hilarité ; il était en grande conversation avec deux anciens Magnifiques, dont le peu de publicités enregistrées créait néanmoins des émules parmi la population plus âgée.
« Il a besoin de conseils, apparemment », entendis-je derrière moi, pendant que je me retournais à nouveau vers mon plat principal qui était déjà presque terminé.
Je ne pus qu’acquiescer. En dépit du sentiment d’agacement ou d’oppression qu’il m’inspirait parfois en recherchant la perfection dans tout ce qu’il entreprenait, il n’en était pas moins attentionné et bienveillant envers moi. De plus, je ne le surprenais pas à juger ou à dénigrer mes amis, contrairement à d’autres, ce qui était une preuve de sympathie ou de loyauté à ne pas négliger.
Néanmoins, Léo, Jack et Clara restaient sceptiques quant à son attitude si généreuse, qu’ils estimaient ne pas être en adéquation avec son esprit de compétition et sa soif de célébrité. Ils soutenaient, le premier notamment, que son attitude exemplaire n’était qu’une façade destinée à obtenir ce qu’il voulait. De plus, Léo ajoutait qu’il s’éprenait des shootings en ma compagnie pour accroître encore sa popularité, les interventions en couple attirant davantage le public que les individuelles.
Un nouveau mouvement emplissait la salle d’une agitation silencieuse. L’enchaînement des services était toujours millimétré à la perfection, tel un ballet de danse classique ou un spectacle de natation synchronisée. À peine venions-nous de terminer nos assiettes que le dessert apparut à son tour, remplissant la salle d’effluves de cannelle qui apparaissait petit à petit dans nos menus pré-hivernaux.
Cette douce saveur ne put signifier qu’une seule chose : la cerise sur le gâteau d’un excellent repas et d’une agréable soirée.
Le silence olympien qui succédait à la dégustation du délicieux crumble aux pommes qui nous avait été servi ce soir proclamait la fin du repas. Dans un mouvement de foule presque instantané, nous nous levâmes tous pour rejoindre nos chambres. Enfin, presque.
Léo et moi avions l’habitude de profiter d’une promenade à cheval ou d’une marche dans les alentours du château, les rares soirs où nous le pouvions, pour se satisfaire de l’air frais avant un repos bien mérité. Souvent absent dernièrement, du fait de ses nouveaux tournages pour le domaine de la Télévision et du Multimédia, nous n’avions, hélas, plus vraiment eu l’occasion de partager ces moments intimes qui nous coupaient du quotidien bruyant et bouillonnant.
En nous écartant du groupe qui montait l’imposant escalier principal pour rejoindre les chambres aux étages supérieurs, nous prîmes le couloir qui succédait pour rattraper la courette menant aux jardins. La double porte vitrée s’ouvrit sur une humidité ambiante, nous contraignant à emporter un parapluie pour parer la bruine qui ne cessait de prendre le dessus sur la douceur de l’automne.
Nous nous avançâmes petit à petit dans les chemins qui semblaient être tracés pour nous, alors que les restes des jardins fleuris, parsemés de buissons et d’arbres variés qui nous accueillaient contrastaient considérablement avec la froideur des pierres grises de l’immense bâtisse, paraissant être sorties de terre en un seul bloc.
Semblables à des automates qui n’avaient pas besoin de se parler pour se comprendre, nous nous dirigeâmes sans bruit vers l’arche en pierres blanches, qui recevait quelquefois des couples pour les photos de mariage, avant d’atteindre le flanc des montagnes marquant naturellement la frontière Est du Royaume.
J’étais frigorifiée, mais je ne voulais pas prendre le risque de froisser la soie scintillante.
Il me la mit sur les épaules, sans écouter mes protestations, pendant que nous continuâmes à marcher parmi les chemins éclairés de lanternes décoratives.
Tout le monde était avenant avec moi, c’était une habitude agréable à laquelle je m’étais faite, mais j’aimais aussi être bousculée à certains moments. C’était lassant, à force, d’être constamment approuvé pour les moindres de mes faits et gestes ; j’avais l’impression que personne ne m’écoutait, que mon avis ne comptait pas et que la seule préoccupation de mes fidèles était de ne pas me contrarier, comme si j’étais une enfant sans cesse en demande d’attention, incapable de comprendre la réalité.
Ce sentiment n’existait pas lorsque j’étais avec Léo. Avec lui, j’avais la chance de pouvoir être moi-même, quitte à me prendre un revers en pleine poire ! Contrairement aux autres, son attitude ne sonnait pas faux à mes oreilles : il ne s’époumonait pas à me flatter, ne s’efforçait pas de me rassurer quand j’avais peur ou ne me plaçais pas sur un piédestal lorsqu’une publicité était dévoilée. Lui se permettait d’être en opposition avec mes idées et de me le faire savoir. Il n’hésitait pas à m’expliquer mes erreurs, à m’informer (et à me remettre à ma place !) quand j’avais tort ou à me donner des conseils sur des sujets que je ne maîtrisais pas. C’était incroyablement valorisant, bien plus que les courbettes.
Léo ne s’empêchait tout de même pas de prendre soin de moi, mais d’une manière bien plus sincère et attachante.
Je lui répondis d’un franc sourire pendant que la chaleur qui irradiait du tissu réchauffait instantanément mes bras nus parsemés de frissons.
Mon éclat de rire vint rejoindre le sien dans une symphonie mélodieuse, si douce à nos oreilles. Léo était le meilleur pour dissiper la pression ambiante accumulée dans la journée. À l’aise et détendu en toutes circonstances, il avait le don de m’apaiser.
Il s’esclaffa de bon cœur, tout en sachant que ma « beauté classique » et ma popularité au beau fixe ne me permettraient en aucun cas de participer à n’importe quelle prise de vue télévisée, serait-elle prestigieuse ou serais-je ridicule avec ma robe de soie argentée et une veste en daim.
Pourtant, pareil à certains Magnifiques du domaine de Narcisse qui y étaient recrutés pour tourner des divertissements ou animer des émissions hebdomadaires, je rêvai, moi aussi, de jouer un rôle palpitant et de prendre un nom qui n’était pas le mien pour mettre le quotidien et toutes les exigences physiques que l’on m’imposait entre parenthèses.
Malheureusement, contrairement à quelques-uns mes camarades, je n’étais pas appelée par la télévision ; selon le personnel du domaine de Narcisse, j’étais bien trop belle pour être une vulgaire actrice, une figurante ou une animatrice. Ils ne voulaient pas que je sois « abîmée » en donnant de ma personne lors d’une réalisation et comptaient sur moi pour que je promeuve tout ce que le Roi désirait et que je fasse rêver le public en perpétuant l’image du couple parfaitement assorti que nous formions avec Maximilien.
Léo était effectivement appelé à reprendre son rôle de superhéros à chaque fois qu’un nouveau scénario se présentait. Bien que les séries et les films ne fussent pas très présents dans notre Royaume et qu’il s’agît davantage d’une activité domaniale qu’un véritable loisir, du fait que ces programmes ne sortaient que le dimanche et que les autres jours étaient consacrés à la promotion des Magnifiques de tous les domaines à partir des reportages démontrant leur splendeur dans leur travail ou dans leur quotidien, Léo et Candi participaient au tournage d’une sitcom à succès mettant en scène une famille lambda dont les membres se transformaient en « Super-héros Incognitos » une fois la nuit tombée.
Puisqu’ils n’étaient pas appréciés à leur juste valeur par leurs collègues de Narcisse, puis que leur style très affirmé, nécessaire à Narcisse pour la promotion de certains produits, mais pas suffisamment polyvalent, ni luxueux, pour accéder et demeurer en tête du classement des plus beaux Magnifiques du Royaume, alors qu’ils avaient chacun leur