Aceglop - Hubert Faivre-Pierret - E-Book

Aceglop E-Book

Hubert Faivre-Pierret

0,0

Beschreibung

Qu’ils soient mortels, véniels ou capitaux, commis par action ou par omission, les péchés nous fascinent et chacun a sa propre limite. Sous forme de recueil de nouvelles illustré, ce livre établit le rapport entre péchés et pratiques ou pensées autorisées. Il n’y a pas de bonnes réponses à nos interrogations, car, consciemment ou non, le vice fait partie de notre vie.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Hubert Faivre-Pierret est auteur de plusieurs ouvrages dont le premier intitulé In Memoriam a été publié en 2007. Tourné vers son passé et celui de ses contemporains, la nouvelle lui apparaît comme un bon vecteur pour livrer une réflexion sur les péchés capitaux. Aceglop : Les sept péchés capitaux représente son neuvième ouvrage.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 94

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Hubert Faivre-Pierret

Aceglop

Les sept péchés capitaux

Nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Hubert Faivre-Pierret

ISBN : 979-10-377-9077-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

Aux éditions du Petit Véhicule (Nantes 44)

– In Memoriam, publié en 2007, est un roman alternant chapitres en prose et chapitres en vers pour parler de la différence et de la manière de la vivre ;
– L’étranger et autres nouvelles, publié en 2009, est un recueil de nouvelles pour aborder ce que l’on dit à un proche récemment disparu et que l’on n’a jamais osé lui dire… en imaginant ce que pourrait être sa réponse ;
– Chat sis sur coussin, publié en 2012, est un objet écrit non identifié mélangeant écriture, dessins, photos pour parler, dans un ouvrage décalé, du rapport de l’homme à la nourriture ;
– À armes inégales – chronique poétique d’une vie annuelle – publié en 2013, est un recueil de poèmes et de textes en prose suggérant l’année qui s’écoule et la vie qui fait de même ;
– Amours kaléidoscopiques-chronique poétique d’une vie amoureuse- publié en 2015, est un recueil de poèmes et de textes en prose évoquant les relations amoureuses dans leurs diversités ;
– Ainsi soit-il ! – Hantise, enfer et damnation – publié en 2016, est un recueil de textes en prose, de poèmes et de dessins sur le thème du rapport entre notre passé et notre futur sur terre… ou ailleurs ;
– À vau-l’eau – publié en 2018 est un recueil de poèmes, de textes en prose et de photographies questionnant nos relations avec la soumission et la servitude, comme avec la domination individuelle ou collective ;
– Si tu me quittes, est-ce que je peux venir avec toi ? – publié en 2022, est un recueil de poésie autour du départ de l’autre.

L’avarice

L’avarice est, à ce que l’on dit, la source de tous les maux.

On ne sait pas vraiment définir la limite entre l’avarice et la radinerie si ce n’est en prenant en compte la distinction faite par le philosophe grec Théophraste pour qui l’avarice est une épargne excessive et la radinerie un manque de prodigalité. De même, la question n’est pas tant celle de l’excès d’épargne que celle de l’objet de cette épargne. L’économie pour dépenser plus tard à bon ou à mauvais escient et même, de manière très égoïste avec radinerie et donc sans prodigalité, n’est pas de l’avarice. Cette dernière se traduit souvent par une thésaurisation sans aucune volonté de dépenser un jour : l’avare se prive de tout pour ne manquer de rien.

Ce vice est-il la source de tous les maux ? Ce vice est-il la cause intrinsèque du mal fait à autrui par celui qui en est atteint ? Celui qui s’y fourvoie est-il inexorablement soumis à tous les autres vices ? Est-ce le vice premier sans lequel les autres ne pourraient pas exister ?

L’avarice est le partage des âmes les plus viles.

Plutarque (IIe siècle), philosophe romain

Le vénérable

I

Sur cette terre lointaine où l’Humanité se développait vivait un ermite vénéré par tous les habitants : les animaux, les végétaux et les hommes. Tous ignoraient son âge et certains affirmaient que leurs arrière-grands-parents le connaissaient, insinuant par ces dires que, même Mathusalem aurait vécu beaucoup moins longtemps que lui. Cela concourait à entretenir la légende. Dès leur naissance, tous le voyaient vieillard alerte et bonhomme, comme distant, mais attentif à leur situation malgré les colères titanesques et héroïques, quasiment divines, dans lesquelles parfois il entrait.

Les animaux sauvages peinaient peu pour pouvoir le contempler tant ils étaient dans leur milieu naturel à proximité de la grotte servant de gîte à ce Vénérable. Qu’ils rampent, marchent ou volent près du sol, ils faisaient la pause à quelques pas du maître pour le contempler ou quémander quelques grâces. Leurs gesticulations quelquefois dansantes, leurs cris ou leurs chants parfois affriolants et leurs mimiques, tantôt grotesques, tantôt les faisant ressembler à des chiens battus, exprimaient l’espoir d’être entendus et la crainte d’être repoussés. Même les rapaces qui n’ont pas de limite territoriale et côtoient parfois le soleil se laissaient aller de temps en temps à s’abaisser pour le saluer. Certains dormeurs impénitents osaient même essayer de se glisser subrepticement dans la grotte pour passer l’hiver sous sa protection. Peu y accédaient. De fait, pour être historiquement rigoureux, une seule fois un ourson orphelin y parvint.

Les végétaux ne se bousculaient pas aux alentours de l’entrée de la caverne. La première raison étant évidemment qu’ils ne peuvent pas se déplacer. L’autre raison, plus conjoncturelle, était un taux de mortalité important des jeunes pousses et aussi malheureusement, trop souvent, de vieux sujets pourtant plus aguerris. Cela provenait du piétinement des autres visiteurs. La voracité des herbivores de montagne qui fréquemment arpentaient les lieux n’arrangeait pas les choses. Les survivants s’efforçaient de se protéger en se couvrant d’épines, en dégageant des odeurs nauséabondes et repoussantes, en se gorgeant de sève vénéneuse ou en se gonflant du tronc. Certains rescapés s’agrégeaient de manière obscène tout en essayant soigneusement d’éviter l’étouffement. Ils s’étiraient en tendant leurs tiges vers le ciel afin que cette recherche de lumière soir récompensée par la faculté qu’ils auraient ensuite de courber l’échine devant le Vénérable.

Seuls, les membres de la Fonge étaient démunis. Ces diverses moisissures et champignons n’avaient aucun des atouts des animaux ou des végétaux et étaient porteurs des handicaps des uns comme des autres. Soit éloignés de la grotte faute de pouvoir se développer au-devant de celle-ci, soit à l’intérieur de la grotte dans l’obscurité pour fuir la lumière et bénéficier d’humidité, ils étaient incapables d’apercevoir le Vénérable ou de s’en rapprocher et encore moins de s’adresser à lui avec déférence d’une manière ou d’une autre.

II

Les sujets du royaume animal, comme ceux de l’empire végétal, fonctionnaient à l’instinct. Les tentatives effectuées pour aborder le maître en courbant l’échine afin de le solliciter, ou tout simplement s’émouvoir devant lui n’étaient ni réfléchies ni calculées. Les animaux qui se disaient dotés de raison, à savoir les Humains, ne considéraient donc pas cela comme des efforts.

Ces derniers vivaient dans la vallée à quelques lieues de l’antre du vieil ermite. Ils vivaient de manière grégaire avec tout un ensemble d’us et de coutumes qui régissait leur vivre ensemble. Certaines de ces règles étaient consignées dans des Codes. D’autres régissaient les rapports entre eux sans qu’il ait été besoin de les consigner tant elles étaient culturellement admises. Ces animaux se pensaient capables de raisonner, car ils croyaient s’organiser librement. Ils le faisaient, imaginaient-ils, en s’émancipant de ce qui était purement instinctif et en faisant évoluer les modalités de vie commune selon leurs besoins individuels ou collectifs. En conséquence, ils se pensaient au-dessus des autres espèces. Ce n’était pas si vrai. Une puissance encore supérieure guidait de fait leurs pas.

Dans leur inconscient collectif, une loi était fondamentale : aduler le Maître, le vénérer, respecter ses décisions, obtempérer à ses diktats et tenir compte de ses augures. Nul ne pouvait s’y soustraire pour quelque motif que ce soit. Tous devaient lui rendre hommage et lui être dévoués corps et âme. Cela ne souffrait aucune exception.

Pourtant, il leur était malaisé de s’approcher de la grotte. En effet, leurs masures et échoppes étaient situées bien en contrebas. Le seul accès était un vieux chemin de muletier, par moment à l’aplomb de la falaise, parfois comportant des restes d’éboulis avec des cailloux gros comme des pastèques et souvent encombré de chaque côté par des broussailles qui s’enlaçaient et dont les faîtages se rapprochaient. Le ravinement printanier créait aussi, par endroit, des rigoles perpendiculaires au chemin. Ce manque de praticabilité du sentier était la conséquence d’un usage peu fréquent. Il était utilisé deux fois par an tout au plus, à Noël et à la Saint-Jean, car la pente était rude et les méandres nombreux du fait d’un important dénivelé. De ce fait, son entretien ardu et chronophage, pourtant indispensable, n’était réalisé qu’une fois tous les six mois. C’est lors de leurs ascensions que tous les hommes, toutes les femmes et tous les enfants portaient au Vénérable des présents et des offrandes. Ces dons accompagnaient les sollicitations diverses, requêtes improbables, demandes divinatoires et autres recherches de vérité qu’ils espéraient voir prises en considération. Les victuailles étaient déposées à distance respectueuse du maître. Elles devaient être en quantité suffisante pour assurer l’approvisionnement du révéré pour quelques jours.

Personne ne s’est jamais demandé comment cet Être si particulier se nourrissait les six mois suivants jusqu’à leur prochaine ascension ni comment il assumait les autres sujétions de la vie courante. C’était sans importance. En effet, quand les hommes remontaient au solstice suivant, le Vénérable apparaissait au seuil de sa caverne, immuable, impassible et auréolé de sérénité. Il était donc inutile de s’inquiéter de ses moyens de subsistance. Cette absence absurde de questionnement avait pour effet pervers une déification encore plus importante de l’Être de la grotte.

III

Il fallait que la valeur des offrandes soit proportionnelle à la richesse du foyer avec un minimum socialement acceptable.

Pour un grand nombre de familles, ce don minimal représentait beaucoup d’argent et de privations. Certains s’endettaient et les taux d’usure gonflaient de manière exponentielle pour le plus grand bénéfice d’un petit nombre de privilégiés.

Ces derniers faisaient tous preuve d’une grande générosité envers le maître, et ce, bien souvent, ostensiblement. Aucun ne culpabilisait de gagner beaucoup d’argent, ni même, pour certains d’entre eux, de le gagner à la sueur du front des autres membres de la communauté.

Bien qu’elle se présentât sous des formes très variables, leur rapacité était connue de tous. Quelques-uns utilisaient la manière doucereuse, voire paternelle avec toute l’ambiguïté qu’il y a entre l’autorité et la fausse bienveillance. D’aucuns usaient de la contrainte physique, psychique ou morale. D’autres encore pratiquaient la menace, le chantage ou la rétorsion. Une minorité s’adonnait plus ou moins discrètement, mais de manière éhontée à la lésine.

Peu nombreux étaient ceux qui faisaient preuve d’un zeste de compassion en donnant à des œuvres caritatives qu’ils contrôlaient la plupart du temps en invoquant les préceptes du Vénérable. De ce fait, ils maîtrisaient aussi la destinée de leurs pauvres ainsi maintenus dans une complète dépendance.

Plus rares étaient ceux dont la prodigalité était dénuée de recherche de profit direct ou indirect, même s’ils tiraient un bénéfice moral non négligeable de leurs actions et bénéficiaient de ce fait d’une sorte de dette de reconnaissance de la part des plus démunis. Cela avait pour effet secondaire d’étouffer socialement les plus récalcitrants.