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En 2042, la Néa-France fait partie de Neuropa, un de ces nouveaux continents, des méga-nations hyperconnectées. La société inter-nations a été réorganisée à cause des bouleversements climatiques qui ont impacté certains citoyens du monde.
Aujourd’hui, la politique de notre pays se joue uniquement en face à face avec les « démocrates » et « les ultras-conservateurs », certains validant l’hyperconnexion de la vie des nationaux, les autres opposés au traçage humain mais ayant bien d’autres travers.
Alors qu’un nouveau chef du Conseil de l’État vient d’être élu à la tête du « pays », la manifestation du Solstice s’organise au Trocadéro. Comme chaque année, la population de Neuropa et celle de différentes néa-nations se rassemblent pour dénoncer l’inaction des dirigeants mondiaux sur les sujets écologiques et climatiques. Cinq jeunes étudiants en fin de cursus universitaire et sensibles à cette cause environnementale se rencontrent à Paris, lors de ce meeting initialement pacifique et apolitique. Cela prend une autre tournure en raison des affrontements avec les Guardiens et ils se voient impliqués dans une affaire de sécurité intérieure.
Embarqués dans un complot d’État, ils mettront en œuvre toutes leurs compétences complémentaires pour déjouer la machination.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Des images et des récits qui germent dans sa tête, voilà ce qui a poussé Stéphane Lejewski à écrire. La littérature classique ou contemporaine, c’est pour l’auteur « partager » et le lecteur « accepter ce partage ». Alors ici, par l’imaginaire, il souhaite donner de quoi garder en mémoire, emmener l’autre à réfléchir au passé et au présent, pour mieux envisager l’avenir.
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Seitenzahl: 435
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Stéphane Lejewski
AEGUS Solstice
Roman
© Lys Bleu Éditions – Stéphane Lejewski
ISBN : 979-10-377-7408-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
Aux cygnes et aux colombes,
Aux générations futures,
À la Terre,
Il n’y a presque plus personne dans les rues.
Seul le bruit des pales des éoliennes urbaines vient briser le silence, par leurs légers ronronnements mécaniques.
Il fait très beau et chaud, annonçant la canicule pré-estivale, celle qui survient encore et toujours plus précocement depuis près de vingt ans.
Voilà des jours que le vent dessèche les terres malgré les orages violents, presque généralisés sur le territoire. Les gouttes de pluie ne font que s’évaporer sur les sols brûlants, la grêle massacre les végétaux.
Dans cette atmosphère étouffante, quelques adolescents peinent à terminer un match de foot, à 5 contre 5 sur le play-ground du quartier.
À la fenêtre des immeubles, quelques visages apparaissent : jeunes filles supportant tel ou tel joueur, femme terminant son ménage, homme fatigué par des nuits étouffantes et sans sommeil qui tente d’aérer son appartement tout en sirotant une boisson tiède… les autres fenêtres sont closes afin d’essayer de garder une température acceptable dans les appartements.
Comme disent les plus anciens, ceux qui ont connu cette évolution climatique, il n’y a plus que deux saisons maintenant, un été qui commence à la mi-mars pour terminer mi-octobre, puis presque sans transition une « sorte » d’hiver, où les averses de pluie plus fraîche durent jusqu’aux potentielles gelées de février. Parfois, quelques flocons apparaissent, ce qui surprend les plus jeunes enfants… Il n’y a bien que dans les livres des temps anciens que les écoliers voient les paysages de France enneigés.
En 2021, le rapport du GIEC avait bien dit que le dérèglement climatique allait accélérer, mais les 15 dernières années, ce sont près de 4 °C qui ont fait monter le mercure. D’ailleurs, les fabricants ont fait évoluer les échelles de mesure, graduant leurs thermomètres stylés « vintage » de -5 à + 60 °C, reléguant les antiques pièces en tôle émaillée sérigraphiée de -20° à +50 °C au musée de l’insolite.
En 2021, les gouvernements se sont rassemblés à la COP 26, avec, dans les discours, des exhortations à l’action…
Et puis il y a eu chaque année le rapport du GIEC, puis les COP 27… 28… 35… 47… puis les études d’organismes non étatiques et des associations non gouvernementales, avec toujours le doute, la suspicion sur leurs résultats. Aux organismes de pouvoir ont été opposés des organismes économico-industriels qui eux aussi, sous couvert d’experts légitimés et rémunérés, ont diligenté des enquêtes… pour défendre le bien-fondé de leurs activités, ces activités qui impactent la planète.
Notamment dans l’industrie et le transport, chaque mois étaient présentés les résultats d’une baisse de l’impact environnemental sur leurs chaînes télévisées privées dans les réseaux de Kappanet. Certains parlent de la spirale vertueuse de leur compagnie intercontinentale, dans l’utilisation d’énergies moins polluantes, dans des moyens de propulsion plus « éco-responsables ».
Sur tous les écrans se succèdent les climato-sceptiques et autres gourous de la stratosphère qui prédisent qu’un refroidissement majeur interviendra dans le centenaire à venir et que l’urgence est de maintenir le monde, comme dans un coma artificiel, en espérant trouver le remède à ses maux.
Il y a les chaînes Écologiques, celles des Sceptiques et les autres médias Complotistes, qui, à heure de grande écoute, essayent de récupérer les téléspectateurs, invitant tel ou tel influenceur pour vendre leur « soupe ». Chaque chaîne, suivant ses moyens, possède ses propres experts dont les théories ressemblent à des dogmes impossibles à contredire. Mais, presque tout est du « fake1 », avec des inexactitudes, des manipulations de chiffres, des études incomplètes et partiales, des conflits d’intérêts, des financements et de la pub orientée…
Aujourd’hui, tout se passe sur Kappanet, la dixième version du réseau de communication multimodal auquel chaque citoyen est abonné pour peu qu’il en ait les moyens et la volonté. Il n’y a plus cette variété de fournisseurs d’accès comme cela existait dans le monde ancien, ces fournisseurs qui jouaient des coudes au travers de prix promotionnels pour se tailler la part du lion. Le prix est unique et l’accès presque universel.
Après la chute boursière des géants du web, des producteurs de moteurs de recherche et autres logiciels du début du siècle, Alphanet est apparu, financé par un consortium international… avec ses évolutions de la version A, Alpha jusqu’à la version K, Kappa.
La Nouvelle Europe a ensuite développé un utilitaire devenu indispensable appelé Kentri.
Cet utilitaire mis en œuvre dans les pays les plus connectés a été dupliqué par les autres Néa-nations, ces rassemblements géostratégiques des anciens pays, créés dans les dix dernières années.
Kentri, c’est ce qu’on appelle un « centralisateur », une technologie qui a été développée initialement pour le domaine médical dans les années 2030, afin de surveiller l’état de santé des populations.
C’est après la pandémie de 2020 que l’idée a germé : implanter un data-C2 sur l’humain, une capsule auto-nano-pilotée afin de diagnostiquer toute pathologie virale et pandémique, cela afin d’endiguer une épidémie continentale ou mondiale.
Outre le capteur autonome, il fallait créer la plateforme de données pour enregistrer et gérer les informations, les traiter, relier les alertes d’apparition de virus aux organismes de santé et ministères, organiser les interventions avec les autorités. Kentri est né.
Et puis, montrant son efficacité lors de l’apparition d’un nouveau virus en 2029, Kentri s’est développé, et data-C a été paramétrée pour enregistrer d’autres traceurs biologiques. La santé publique a investi l’argent qu’elle économisait sur ses dépenses de soins… Prévenir l’apparition et l’évolution de certaines pathologies, déclencher les protocoles de soins le plus en amont possible était l’idée primaire.
Et puis, l’organisation de la société, toujours et de plus en plus connectée, a permis une autre évolution, celle d’échanger des données via data-C.
Ainsi, aujourd’hui, une data-C gère l’interface entre chaque individu et sa relation avec son environnement du plus proche au plus lointain.
Partout où vous êtes, le modem et la géolocalisation intégrés à la capsule implantée dialogue avec Kentri, via des portiques et des antennes relais. Il ne vous reste qu’à disposer des utilitaires et de Otho, un outil polymorphique… bracelet, tablette, écran…
Vous avez besoin des horaires des transports en commun… Otho les donne en temps réel en vous géolocalisant, avec les retards existants et les aléas potentiels. Otho gère vos rendez-vous en fonction de votre agenda et prend rendez-vous avec votre médecin suivant votre état de forme. Otho prévient un coach quand votre état psychique est défaillant. Otho sait ce que vous avez acheté dans votre réfrigérateur et optimise ce dernier en vous proposant des recettes. C’est même Otho qui lance le réapprovisionnement de vos denrées. Otho dialogue avec votre banque et le rassure quand vos crédits commencent à baisser en gérant presque l’argent à votre place… Otho est partout et pour tout.
Les anciens ironisent en disant qu’il est même capable d’optimiser votre transit intestinal… mais c’est vrai qu’Otho pourrait vous alerter afin de trouver le meilleur moment pour satisfaire vos envies les plus pressantes.
Voilà ce qu’est Otho. C’est votre organiseur de vie… intrusif.
Il a été adopté par la plupart des citoyens en Néa-Europe. De toute façon, il n’y a pas trop le choix. Sous couvert de santé publique et de gestion dématérialisée de l’administration, le Conseil Global, l’organisme de décision étatique, a validé l’implantation des data-C à la naissance depuis 2031… incitant à son implantation chez le reste de la population. L’incitation est devenue coercition, puis obligation…
Pas de Data-C ? Pas de RDV chez le médecin, pas de transport en commun, pas de priorité pour faire les courses… donc tout le monde a « accepté ».
Neuropa, la nouvelle Europe, la Néa-Europe est née quasiment en même temps. C’est d’ailleurs à cause de la réticence de certains états à entrer dans cette gestion policée de la vie des citoyens qu’ils ont quitté la vieille Europe. Hongrie, Pologne, Autriche, Suisse, et une dizaine de pays de l’Est se sont rassemblés dans une Néa-Nation, la Pyrina. Sous couvert de liberté individuelle, c’est la volonté commune des chefs de ces États qui a guidé la décision. Ils ne souhaitaient pas que leurs mouvements et leurs échanges stratégiques puissent être tracés et analysés. La plupart font partie du grand mouvement ultra-conservateur Riza.
Aujourd’hui, la France, ou plutôt la Néa-France est suspendue aux résultats des élections du Président qui doivent être proclamés à 21 heures comme il est de coutume. Chacun a ouvert Otho ou bien a connecté Otho sur l’écran passif de son salon.
Avant de dévoiler le résultat, les éditorialistes reviennent sur la campagne et sur le premier tour.
Cela n’a été qu’une succession de joutes verbales entre le candidat Jedhan Guedhian porté par les anti-Riza du parti A-Axies3 et Oswaldo Partina de la ligue R.
Chacun a accusé l’autre d’être liberticide. Oswaldo a argumenté sur la mise sous tutelle de toute action via Kentri et Otho.
« Je serais le candidat qui libérera la France et les Néo-Européens du joug sous lequel vous tenez nos concitoyens… »
« Soyez sérieux, Monsieur Partina, vous avez les réminiscences de certains de vos modèles d’il y a 100 ans. Kentri n’est pas là pour soumettre, mais pour inter-coadher… »
« Ce n’est pas parce que ce néologisme fantoche est apparu dans les dictionnaires l’an passé que la vérité est vôtre. Intercoadher, c’est expliquer que les citoyens sont Interconnectés, Collaborants et Adhérents à votre politique… Laissez-moi rire, vous m’expliquerez où est la collaboration pour un enfant auquel on implante un data-C, où est l’adhésion quand des manifestations réprimées fleurissent tous les jours et où les femmes préfèrent ne pas mettre d’enfant au monde dans vos pays… ? »
« Je ne suis pas de ceux qui rougissent de cette nouvelle génération d’État… vous êtes de ceux qui refusent les exilés climatiques, ceux qui abolissent certaines religions et qui avilissent les femmes… Et puis expliquez-moi les interdictions des manifestations de ceux que vous appelez “déviants”… »
« Nous devons reconstruire un monde de valeurs, des valeurs racines… avec et pour ceux qui souhaitent retrouver la liberté… »
« Parlons-en de la liberté… vous n’avez basé votre discours que sur l’anti-Kentri, mais vous êtes conscients de l’état écologique de votre monde ? Il est où votre programme ? Vous allez chercher des valeurs racines et les racines ne poussent pas dans un sol aride, mon pauvre monsieur… »
Depuis maintenant près de 20 ans, tout le monde s’est habitué à voir l’Extrême droite jouer les trouble-fête dans l’élection démocratique. Déjà en 2027, le rassemblement des partis historiques Rassemblement National et des groupuscules Nation R, avait créé le terreau de Riza. Mais les vieux mouvements « républicains » avaient résisté… un temps.
Sauf qu’aujourd’hui, Kentri n’est pas la principale préoccupation. Les problématiques écologiques sont là et impactent la vie de tous. Voilà deux quinquennats que la France sombre violemment. Avec la montée des eaux un peu partout sur le globe, une partie des insulaires et des côtiers sont réfugiés en métropole. Et puis les tempêtes tropicales de plus en plus violentes ont décimé les villes des Caraïbes. Plus personne ne cherche à travailler là-bas.
Le climat a tellement évolué que l’agriculture est moribonde. Les terres au sud de la Loire sont quasi désertiques, laissées à l’abandon. L’élevage arrive encore à vivre au niveau local dans les montagnes où la température est supportable pour les cultures. Mais qui aurait dit qu’on ferait de pleines maraîchères de courgettes et de poivrons en Auvergne, que le maïs se cultiverait plus au nord encore. Même les vignes souffrent malgré des essais de transformation génétique afin de résister aux longues périodes de chaleur…
Les anciens hallucinent de voir que c’est Britannia, l’ex-Royaume-Uni, qui devance la France dans la production viticole. Elle s’est même associée en Néa-nation avec le Portugal et accueille les ex-producteurs de vin pour améliorer productivité et rentabilité.
Certes, la consommation alimentaire a bien changé en vingt ans. Le mot viande est presque sorti du vocabulaire courant… ce qui a limité l’élevage et la culture de fourrage animal, mais la nourriture fraîche est restreinte aux productions locales. Chaque ville ou communauté urbaine a mis en place sa coopérative et construit des « Serfria », des serres climatisées et irriguées. Certains anciens maraîchers y travaillent sous contrat, pour produire les besoins des usagers.
Kentri analyse statistiquement les consommations en fruits et légumes, les données climatiques, la rentabilité au m², les nutriments présents dans le substrat de culture, les stocks de déchets verts qui donneront le compost, la santé du personnel pour optimiser l’exploitation. Personne ne doit manquer de rien pour quoi que ce soit… c’est l’engagement de l’État et de la Néa-Europe.
Il n’y a que peu d’éléments que Kentri, Otho, les politiques et les Néa-nations ne savent pas gérer de manière automatique.
La responsabilité de l’état de notre environnement retombe maintenant sur celles et ceux nés au début du siècle, les jeunes actifs ou étudiants qui se démènent pour essayer de faire changer les vieux paradigmes. Plusieurs fois par an, aux équinoxes et solstices assurément, plus rarement pour des actions ciblées tout au long de l’année, ils organisent des manifestations pour protester contre la lenteur des changements sociétaux. La prochaine arrivera après l’élection.
Quel que soit l’élu, il faudra que ces mouvements de jeunesse montrent au nouveau chef de la nation, leur volonté à changer le monde.
***
Shreya déambule dans les rues de Clermont-Ferrand.
Après avoir révisé toute la matinée ses cours en vue de l’examen prévu en fin de la semaine qui arrive, elle avait besoin de faire un break, la tête trop pleine.
En études de sociologie, psychologie et étude du comportement des masses, elle a pris en option la programmation informatique et réseaux.
Levée tôt le matin, elle a relu ses cours sur l’évolution du syndicalisme, les mouvements des peuples au sens planétaire. Reprenant les manifestations de mai 1968, celles de la Chine en 1989, le Mouvement des Gilets jaunes en 2018, la manifestation de Greta Thunberg en 2019, celle de l’International Climate Refugees en 2035… elle a relevé le point commun de la volonté des jeunes et des précaires à un monde plus juste, sans corruption… parfois écologiste.
Certes, dans ces manifestations du début de siècle, il y avait aussi de quoi redire, surtout dans les contradictions à souhaiter un changement positif pour soi au détriment des autres. C’est la psychologie de l’homme…
Elle répète en boucle les citations qui pourront illustrer la dissertation qu’elle devra rédiger pour son épreuve de sociologie… le thème, choisi cette année est la mentalité des peuples Horace, dit : la mentalité diffère avec notre âge.
Shreya fait une petite moue en se repassant cette phrase dans la tête, se rappelant que les soixante-huitards du siècle dernier étaient de jeunes rebelles devenus des vieux bourgeois, ayant remisé leurs valeurs de jeunesse dans un tiroir fermé à clef de leur cerveau. Ce sont les mêmes qui ont développé cette société de consommation qui a appauvri les sols de la planète. Maintenant, ce sont des vieillards qui regardent avec tristesse une société stérilisée. Ils regrettent amèrement de ne pas avoir pris de décision quand il était encore temps…
« Chaque mentalité se considère meilleure ; chaque Homme est convaincu d’être dans la bonne direction ». Celle-là elle l’aime bien. C’est celle d’un poète africain qui s’appelle Dotou Raphael Ago. Cela résonne dans sa tête, elle qui a émigré de son île natale, l’île Maurice. Elle a regretté de partir de ce continent africain et de ce morceau de terre où les communautés cohabitaient. Malgré son appartenance à la communauté hindoue, elle vivait avec des Arabes, des Chinois, des Créoles, des Métropolitains… tous plus ou moins métissés. Et puis les religions se toléraient à peu près… même s’il y avait bien eu des tensions quelques fois. Mais la solidarité s’était installée quand la montée des eaux avait contraint les Zilcot4 – les îliens-côtiers – à se réfugier dans les terres. Son père lui, avait choisi de rejoindre l’île de la Réunion, elle-même touchée.
Cette catastrophe, pas naturelle, avait tout de même révélé les mentalités des Hommes. Plus que la solidarité affichée, chacun souhaitait garder ses terres, ses biens pour ses proches. Quand son grand-oncle les avait recueillis, Shreya avait bien compris que ce ne serait que temporaire… Ils n’étaient restés que 2 mois dans ce bidonville plein de réfugiés. Comores, Maldives, Seychelles et autre Zanzibar étaient là. On parlait maldivien, swahili ; cinghalais.
Elle avait 10 ou 12 ans et se souvient des rixes qui éclataient au coin des ruelles du camp de réfugiés. C’est à coup de bâton ou de machette que les gens se battaient pour un colis humanitaire.
Ils avaient bien vite rejoint la France et Clermont-Ferrand, l’une des villes qui avaient accepté un quota de 50 000 réfugiés.
Elle pensait qu’elle retrouverait d’autres Zilcots. C’était le cas, mais plus que des caraïbéens, malgaches ou tropicaux, il s’agissait aussi d’îliens et côtiers de l’Atlantique.
La montée des eaux a bien évidemment touché toutes les mers et les océans. À l’école, puis au collège, elle avait pu échanger avec des garçons et des filles venus de Biscarosse, de Saint-Martin en Ré, de Noirmoutier, de Sainte-Marie de la mer, de Royan, de Nice ou de la pointe du Médoc…
L’Auvergne avait été ciblée par le Conseil Global, du fait de sa faible densité de population, de son altitude et de sa capacité à cultiver. Ce territoire, un peu protectionniste avait commencé à travailler sur son autonomie dans les années 2030-2040. Élevage moins intensif, développement de la pisciculture d’eau douce, fermes à insectes, permaculture, tout cela en avait fait une zone propice, une zone exportant ses surplus vers les territoires les plus touchés du Sud et de l’Ouest.
Et puis il y a cette citation, celle qui résonne si bien avec ses valeurs. Trois facultés sont dites essentielles au développement de la mentalité : l’observation, la concentration, l’action attribuée à Luc Rochefort, un écrivain dont elle ne connaît que cette phrase.
Cela tinte depuis quelque temps dans son cerveau. Après avoir observé, puis analysé et conceptualisé, elle veut passer à l’action.
Elle se présente à la porte K du bloc Ouest de la Cité jaune. La sécurité passive ayant détecté via son Data-C qu’elle habite bien dans le bâtiment, la gâche électrique se déverrouille. La voix synthétique lui souhaite la bienvenue. Elle croise un groupe d’adolescents qui sortent en riant. Ils échangent un bref salue et Shreya prend l’escalier.
La porte de l’appartement s’ouvre à son approche et elle sent les effluves d’un curry de légumes, le plat du dimanche.
Son père et sa mère sont assis dans le canapé devant l’émission télévisée. Les speakers sont tous en train de s’agiter… les premières estimations mettent Jedhan Guedhian et l’alliance antifasciste en tête devant Oswaldo.
« Mesdames et Messieurs, à quelques minutes de la proclamation officielle, les sondages donnent Guedhian vainqueur à 50,9 %… »
Les éditorialistes politiques font grise mine, car ils s’attendaient à un meilleur résultat du candidat démocrate. L’impact pourrait être dramatique dans la gouvernance du pays. Depuis le passage à une organisation proportionnelle au sein de l’Assemblée du Conseil, c’est le résultat de cette élection qui va répartir les forces décisionnelles dans l’hémicycle des 100. 51 membres pour la majorité contre 49 pour l’opposition, cela laisse augurer des débats houleux lors des propositions de loi. Et pour peu que certains soient absents lors des votes, la ligue R jouera assurément le blocus.
Enfin apparaît le visage du vainqueur, Jedhan Guedhian avec un sourire un peu crispé.
« Mes chers amis, c’est avec joie et une certaine gravité que je me présente à vous ce soir… à la fois heureux que vous m’ayez élu pour représenter la France au sein de la Néa-Europe, mais préoccupé de voir que certains d’entre vous n’ont pas compris les valeurs que je défends. Je reconnais la pugnacité de mon adversaire, Monsieur Oswaldo Partina, et je le félicite, à contrecœur, du résultat qu’il a obtenu avec son programme… un programme de division, un programme contre les femmes, les “déviants”, les réfugiés.
Vous, peuple de la Néa-Europe, peuple de France, je vous mets en garde contre la peste Riza…
Le discours de Partina s’est focalisé sur Kentri, le Méga-data qui nous aide au quotidien, en stigmatisant son impact sur la société, en orientant son application à de l’asservissement… Je peux comprendre que cela pose des questions, mais je vous assure, solennellement et fermement que Kentri n’est pas un outil d’avilissement. De plus, je n’ai pas assez insisté sur ma volonté d’apporter des solutions à l’écologie. C’est d’ailleurs l’une des prochaines consultations citoyennes que j’organiserai dans les semaines qui arrivent. J’ai reçu des conseillers, des scientifiques qui ont des solutions à très court terme pour améliorer la vie de chacun. Soyez confiants ! Restez vigilants et courageux ! »
Le père de Shreya éteint le gigantesque écran qui disparaît presque instantanément dans le mur.
« Et ben, on n’est pas sortis de l’auberge avec un pingouin pareil… Il peut aller prier tous les saints d’avoir gagné, mais il peut aussi les prier pour trouver des solutions aux problèmes car aux prochaines élections, si rien n’est fait… Partina sera élu. Et puis, en fait, Partina a raison sur certains points… j’en ai ras le bol de Kentri et Kappanet. Moi j’ai connu le “avant”, où déjà les réseaux sociaux et la digitalisation avaient certes apporté des avancées technologiques… mais cela restait “quasi volontaire” dans l’utilisation… maintenant, on est tous pucés… ta vie est pilotée sans ta propre volonté… »
« Ne t’énerve pas, mon chéri », répond la mère avec sa voix apaisante.
La voix synthétique de la C-Home prend la main sur la conversation :
« Monsieur Bahadoor, votre rythme cardiaque s’est accéléré et vous êtes à 110 pulsations par minutes. Cela est incompatible avec votre insuffisance cardiaque. Souhaitez-vous que j’alerte les secours ? En l’absence de réponse dans les 20 secondes, je contacte les services d’urgences. »
« C-Home, c’est Madame Bahadoor, ne contacte pas les urgences. »
« Très bien, Madame Bahadoor, j’en prends note » et le bip de fin d’intercommunication met fin à l’échange technologique.
« Tu vois bien, on n’a même plus le droit à la déconnexion… donne-moi plutôt une bière de lentilles, ça va me calmer… et toi C-Home, n’intervient pas, pour me dire que c’est incompatible avec quoi que ce soit… » lance le père à la volée.
La lumière rose fuchsia de mise en veille de C-Home inonde la pièce.
« Ben, tu vois papa, tu as le droit à une certaine déconnexion… » ironise Shreya.
« Tu parles… j’en ai marre. Le matin quand je prends mon vélo pour aller au boulot, le cadenas se déverrouille tout seul, si tu roules trop vite, les panneaux te rappellent à l’ordre… ton vélo freine automatiquement si un piéton inconscient traverse devant toi… tu pointes à la coopérative en passant sous un portique… ton poste de travail te parle si tu baisses en productivité et tu payes la cantine sans billet ni monnaie… on devient juste des êtres sans discernement ni indépendance… tu parles d’une vie… Je pense à vous les jeunes, même si vous êtes quasiment nés avec çà… je me demande comment vous résistez à cette société… À des moments, je me demande si ce n’est pas 1984 d’Orwell… Certes, il n’y a pas d’écran qui espionne tes mouvements, enfin je crois… mais avec la puce, c’est Big Spy… pire que Big Brother. »
« Les temps vont changer… »
« Je me demande comment ? j’envie parfois les habitants de la Pyrina, qui ne sont plus soumis à Kappanet… »
« Tu plaisantes j’espère… les femmes sont des moins que rien, la santé est dégradée, et on voit ce qu’ils font aux “déviants”… et puis l’écologie est leur dernier souci. »
« C’est vrai, ma chérie, c’est vrai. »
« À table ! sinon le curry va brûler. »
Shreya déguste le plat végétarien et elle s’étonne comment sa mère arrive à conserver ce même goût depuis des années. Les aubergines, les carottes sont fondantes et les pois chiches sont goûteux. Elle savoure, reniflant les épices et le citron.
En silence, elle réfléchit à cette « déconnection » qu’elle aimerait aussi parfois vivre. « Il faudrait trouver le moyen de shunter la communication entre la C-Data et Kappanet… Beaucoup de monde a cherché et personne n’a trouvé… »
« Ah oui, mes chers parents, je voulais vous demander l’autorisation d’aller à la manifestation du Solstice à Paris, le 21 juin… l’objectif est une sensibilisation sur la destruction des biotopes. Il faut absolument que le Conseil Central développe les fermes à pollinisateurs. Nous sommes en retard en France sur ce domaine… »
« Tu as raison… c’est une cause louable. Il y a eu une trop forte diminution du nombre d’abeilles… notamment dans le Sud. Nous ici, en Auvergne, ça reste encore correct, mais ils réfléchissent à des procédés alternatifs… nos grands chefs de la coopérative. Et tu iras comment ? »
« Ils ont mis en place une organisation avec des bus au départ de Clermont… c’est le Bureau des étudiants de l’Université qui a tout planifié. »
« Okay… si tu gères tes examens… »
« Je gère, les parents, je gère… n’ayez pas d’inquiétudes. »
C-Home passe du rose au bleu :
« Famille Bahadoor… Je vous souhaite bon appétit… »
***
Shreya a dormi tout le voyage jusqu’à Paris. Ses examens partiels, elle les a bien réussis avec un commentaire favorable de ses pères. Pour l’obtention de l’examen final, elle doit soutenir un rapport de recherche pour son option informatique. Elle a choisi d’aborder le thème du droit à la déconnexion de Kentri… un sujet sensible et politique, mais qui lui tient à cœur. Elle prend un risque, ce sujet étant considéré comme subversif, mais elle souhaite l’aborder par l’absurde… le rapport qu’elle présentera s’intitule : « De la déconnexion – Choisir ou renoncer »… un titre rappelant la philosophie du XIXe et André Gide…
Avec les recommandations de ses parents, toujours inquiets et sévères dans son éducation, elle a pris le bus hydrogène, celui qui supplée la ligne ferroviaire Clermont Paris qui depuis les années 2000 doit être rénovée pour passer à de la grande vitesse… Après l’attente du TGV qui n’est jamais arrivé, il y a eu l’attente de HGV, le train hydrogène, à suspension électromagnétique pour éviter les frottements mécaniques des boggies contre les rails… sa consommation et son impact environnemental est négligeable. La première mise en circulation de cette prouesse technologique date de 2037, avec le Lyon Paris dont le trajet dure 1 h 10 minutes. Maintenant, l’Auvergne avec ses 2,8 millions d’habitants a besoin d’être désenclavée et l’aménagement de la ligne HGV Grand Massif a été votée… Tout le monde est vraiment impatient d’être à 1 h 10 de Paris, cela faisait plus de 30 ans que l’Auvergne attendait cela.
En gare routière à l’extérieur de Paris, les 6 bus à double étage en provenance d’Auvergne s’immobilisent. Ce sont près de 1000 étudiants qui s’engouffrent dans la cohue qui les mène vers les bouches des transports en commun du Grand Paris. Rejoindre le Trocadéro ne leur prendra que 15 minutes… mais il va falloir attendre que le flot des étudiants et écologistes de tout bord puisse être absorbé.
Après 25 minutes d’attente, Shreya passe sous le portique qui l’identifie et débite sur son compte la valeur d’un voyage aller. Le voyant vert et la libération de la barrière lui permet d’accéder au quai.
« Bon voyage vers… Trocadéro… » lui dit la voix métallique sortant du module de contrôle.
Les étudiants de sa faculté, elle ne les côtoie que par obligation. Shreya, c’est une solitaire. Elle joue les caméléons pour intégrer les groupes, plus pour étudier les comportements que pour chercher une vraie compagnie.
Alors que certains se peignent le visage et enfilent des tee-shirts avec des « Save the bees 5», des coccinelles ou des papillons, Shreya revêt un tee-shirt sur lequel elle a dessiné un eucère à longues antennes, cette abeille qui assure uniquement et exclusivement la fécondation de l’orchidée Ophrys apifera, une fleur qui, par sa morphologie et ses couleurs, attire ce pollinisateur. C’est un symbole définissant la singularité de certaines espèces qui sont intimement associées à d’autres formes de vie.
C’est la deuxième fois qu’elle vient à Paris. Ses parents, à l’arrivée en métropole, avaient souhaité visiter la « Ville lumière », là où toutes les luttes avaient commencé. Avec la montée des eaux de la Seine, certains quartiers avaient disparu temporairement comme en 1910. Des travaux colossaux avaient été diligentés pour construire des digues sur les anciennes voies du périphérique – la circulation routière avait quasiment disparu au profit des navettes multimodales – et des écluses gigantesques en amont et aval du fleuve ont été érigées. Paris porte de nouveau son nom d’Île-de-France.
À l’arrivée au Trocadéro, c’est la cohue. Les bousculades se succèdent dans les escaliers qui mènent des couloirs obscurs à la lumière de l’esplanade. Elle a perdu ses « collègues » auvergnats… « je les retrouverai plus tard », se dit-elle pour se rassurer.
Du bruit sourd des souterrains, elle rejoint le brouhaha de la manifestation en préparation. Il y a des chants, de la musique et des slogans scandés au porte-voix.
Un lacet mal fait et elle manque te tomber. Un bras la retient avant qu’elle ne chute réellement sur le sol. En anglais, mais avec un accent germanique, elle entend le timbre grave d’un homme.
« Ça va mademoiselle ? »
Quand elle relève la tête, elle ne remarque que le sourire et les yeux bleus de son sauveur.
Elle acquiesce d’un hochement de tête.
« Merci… »
« Ah voilà un Euréca Longicornis très bien dessiné… »
« Oui, c’est exact, je souhaite continuer à voir fleurir des orchidées sauvages dans ma région… »
« Tu es d’où ? »
« Je viens d’Auvergne… »
« C’est où ça ? moi je viens de Aachen en Allemagne, je m’appelle Albertz… »
« Moi je m’appelle Shreya, l’Auvergne c’est un des territoires au centre du pays… »
« Et vous avez encore des orchidées sauvages ? Ça doit être préservé et magnifique… Tu es venue toute seule ? »
« Non, mais j’ai été séparée de mon groupe… »
« Moi aussi… on est des paumés quoi ? »
Shreya sourit face à ce visage fin à la barbe blonde avec des reflets orangés. Elle le trouve plutôt mignon.
« Si tu veux, on reste ensemble jusqu’au moment où tu retrouveras ton groupe ? »
« Oui avec plaisir », dit-elle en rougissant un peu.
Il doit bien faire 1 m 90 et sa musculature est imposante. Elle se dit qu’avec un garde du corps pareil, il ne peut pas lui arriver de problème.
Au soleil, ils s’assoient sur le sol en attendant que le convoi prenne la route entre Trocadéro et le Jardin des Tuileries en passant par l’Élysée.
« Tu fais quoi Albertz ? »
« Je suis étudiant en entomologie à Aachen… les insectes sont mon quotidien… »
« Je sais ce qu’est l’entomologie… je ne suis pas sotte. »
« Je n’ai pas dit ça… mais peu de monde connaît cette discipline… je précise, ne fais pas la tête ! Et toi ? »
« Sociologie et Psychologie, et informatique… »
« Ah oui ? Et tu as de l’intérêt pour les insectes ? »
« Pas que pour les insectes, j’ai de l’intérêt pour la nature et le vivant, animal et humain… »
« Et l’informatique ? »
« Même si j’étudie les sciences humaines, je m’intéresse aux technologies, car la technologie influence les masses… »
Au loin retentit une corne de brume, annonçant le début de la parade.
Certaines associations ont apporté des ballons volants en forme d’abeille, de sphex ou de libellules. Ces insectes géants ressemblent à des zeppelins, maintenus par des câbles de vie. Sur un véhicule qui projette de l’eau en brouillard, des hologrammes sont visibles, des hologrammes qui montrent des images anciennes de la vie des insectes dans les champs de blé. Il y a des gens sur des échasses qui sont maquillés en mante religieuse, des sculptures mobiles de scarabées dorés. Certains pilotes des drones qui tirent des banderoles de papiers de soie colorés sur lesquelles sont inscrits des messages dans toutes les langues, avec des dessins ancestraux du temps des rêves, ou des croyances amazoniennes.
Et puis il y a beaucoup de drapeaux, des drapeaux de tous les pays de Neuropa, quelques-uns de Britannia ou de la Pyrina, d’Oceania le continent presque englouti regroupant les anciennes îles du pacifique, et l’Australie.
Tous les jeunes passent devant le mémorial en hommage au commandant Cousteau, Paul Watson, Greta Thunberg, et tous ces illustres activistes disparus – accidents tragiques, suicides, évaporés – associés à une liste d’anonymes considérés comme des « intégristes » de la cause Nature.
Certains adultes accompagnent leurs jeunes enfants.
Pour ceux qui n’auraient pas feuilleté des encyclopédies du XXe siècle, c’est la découverte des espèces qui ont disparu des zones sauvages avec des panneaux brandis par l’association Baiji en l’hommage au Dauphin des mers de Chine dont l’espèce a été éradiquée au début du siècle.
Dodo, Tigre de Tasmanie, Huîtrier des Canaries, Ours polaire, Saola, toutes les espèces anéanties par l’homme de manière directe ou par négligence depuis des siècles… les regards des écoliers sont pleins de questions et d’émerveillement.
Dans le monde sauvage actuel, il n’y a plus d’Orang-Outan ou de Gorilles, plus de Vautour Blanc ou de Pangolin. Les dernières espèces vivent dans des zoos.
L’association internationale ADN-Helligdom, basée à Herning au centre du Danemark, est là elle aussi. Elle demande des fonds pour continuer l’alimentation de sa base d’ADN avec les gènes des espèces qui continuent à disparaître.
Shreya et Albertz suivent les centaines de milliers de personnes qui avancent paisiblement, sous le regard des forces de l’ordre. Il n’y a jamais eu de heurt entre manifestants pacifistes et police… mais avec les tensions internationales, le Conseil Global a préféré renforcer la sécurité.
Shreya croise le regard d’un policier, et malgré son sourire, elle n’arrive pas à décrocher la moindre humanité du gardien des libertés habillé de bleu. Elle en est presque peinée, hausse les épaules et reprend son chemin.
« Et c’est fait comment Aachen ? »
« C’est une très vieille ville, avec une belle et très ancienne cathédrale sur une colline entourée de vallons et de beaucoup de végétation. Il y fait bon vivre. Il y a une université implantée depuis des siècles… mais elle s’est plutôt orientée vers la dimension Nature et Préservation de l’environnement depuis vingt ans… Tu sais, en Allemagne, les terres côtières, c’est comme en France, elles ont disparu… et l’Allemagne, c’est le pays des Grüner, des Verts, des Écolos quoi… »
« Et en entomologie, tu étudies quoi… plus précisément ? »
« Moi je veux me spécialiser dans les insectes adaptatifs, c’est-à-dire ceux qui sont capables de changer de biotope pour se réinventer. Nous en avons besoin… »
« Des insectes qui s’adaptent ? »
« Par exemple, certains scarabées ont réduit leur taille à cause du réchauffement climatique… cela leur a permis d’être moins gourmands en nourriture… et de mieux accepter la chaleur… c’est la règle de Bergmann. Certains papillons retardent leurs migrations de reproduction afin de ne pas être dans les trop fortes chaleurs… tout cela doit être pris en compte pour la nature et pour l’humain qui en dépend. »
« Ben ouais, je crois que l’homme s’est considéré comme indépendant, alors qu’il est interdépendant de tant de choses… »
Au loin, aux abords de l’avenue George V, le bruit devient différent et les musiques se sont arrêtées. Certains zeppelins s’envolent, libérés de la ligne qui les reliait au sol.
Albertz et Shreya sont au carrefour du pont de l’Alma, de l’avenue Wilson et George V… juste à côté de la statue de la flamme de la Liberté qui domine la place.
Tout autour d’eux, le cortège se désagrège, les gens courent dans tous les sens, dans les cris. Ils entendent « attentat », « bagarre », « fascistes », « Chaos », « on ne sait pas ce qu’il se passe »…
Albertz prend Shreya par le bras et tente de rebrousser chemin. Les bataillons de sécurité ont barré l’avenue Wilson et d’autres repoussent ceux qui s’étaient déjà engagés dans l’avenue Montaigne… ils reçoivent sur leur terminal bracelet, via leur data-C, un message des autorités les invitant à prendre la direction du Pont de l’Alma.
Pas de détail, simplement : « Danger, suivez les consignes ».
Shreya souhaiterait retrouver le groupe des Auvergnats avec lequel elle est venue. Elle essaye de les trouver dans la foule, mais il y a tellement de monde, paniqué qui courent sur le pont de l’Alma pour un « RDV rassemblement sécurisé au champ de Mars » comme l’indique leur bracelet connecté.
Albertz la tire par un bras mais elle veut savoir ce qui se passe, sentant les Guardiens se rapprocher.
Au loin ; elle aperçoit le drapeau avec le blason de l’Auvergne, d’or au gonfanon de gueules bordé de sinople, celui qu’elle avait vu être enroulé avant le départ de Clermont… Elle doit attendre.
Soudain, le vrombissement d’un drone en perdition se rapproche dangereusement. Elle ne peut distinguer l’appareil volant, les yeux éblouis par un soleil ardent. Albertz la pousse contre un mur, le mini-aéronef s’éclate contre la maison bourgeoise, projetant ses débris de fibre de carbone dans toutes les directions.
Quand elle retrouve un peu ses esprits à l’ombre de la porte cochère, Albertz se tient la tête, amochée par un morceau d’une hélice qui l’a percuté.
« Albertz ?! Ça va ? »
Le sang rouge file le long de la tempe du jeune homme. Il est un peu groggy et s’assoit par terre. Devant eux, la cohorte s’écoule sur le Pont de l’Alma.
Shreya voit le drapeau jaune et rouge de sa région s’éloigner. Elle doit s’occuper de Albertz.
Dans son petit sac à dos, elle a toujours des mouchoirs, quelques pansements et un peu d’eau. Alors elle improvise découpant une manche de son tee-shirt pour faire un bandeau qui maintiendra les mouchoirs sur la plaie.
Le bracelet d’Albertz, alerté par le bouleversement du flux sanguin appelle les services de secours. Celui de Shreya clignote de plus en plus intensément pour ordonner l’évacuation aux participants de la manifestation. Tous les participants, ciblés par leur passage sous les portiques de Kentri, ont reçu ce message assurément.
« Albertz ? Ne bouge pas, je vais demander de l’aide… »
La jeune fille se rapproche d’un groupe de policier et supplie.
Un des Guardiens lui ordonne de reculer.
Il avance d’un pas et son bataillon avance d’un pas.
« Reculez Mademoiselle et allez au RDV sécurisé… »
« Vous ne comprenez pas… mon ami est blessé, il lui faut vite un peu d’aide et des soins… »
Il avance d’un pas et son bataillon avance d’un pas.
« Reculez Mademoiselle et allez au RDV sécurisé… »
« Vous êtes trop cons ! »
Alors Shreya repart en direction de la porte cochère. À quelques centaines de mètres, à l’entrée du pont de l’Alma s’affronte un autre bataillon de Guardiens avec une centaine de jeunes hommes et jeunes femmes tous habillés de noir. Ils ont un tee-shirt arborant le R du mouvement Riza.
Elle rejoint Albertz à l’entrée de la porte de l’immeuble. Il est assis, une jeune femme lui tient le pansement sur le côté du crâne. Un garçon et une jeune femme complètent l’assemblée.
« Putain ! on est dans la merde ! j’étais en tête du convoi avec mes potes… les Riza sont arrivés pour foutre la merde… ils s’en sont pris aux Guardiens au départ, et quand on leur a dit que leur combat n’était pas le nôtre, certains ont commencé à nous mettre sur la gueule… ils sont tarés, les types. »
Le bracelet de chacun des cinq réfugiés prend une couleur orange clignotante que personne n’avait encore vue et le message suivant apparaît.
« Vous avez 15 secondes pour vous asseoir, mains sur la tête… »
Les secondes s’égrènent pendant que les bagarres continuent au beau milieu de la place.
Soudain, ils ressentent un choc électrique venu de l’intérieur de leur corps, les paralysant temporairement. Ils voient certains Riza s’immobiliser aussi, d’autres se battent sans discontinuer.
Le bracelet s’éclaire de nouveau en orange.
« C’était un avertissement… vous avez 15 secondes avant le prochain choc. Assoyez-vous au sol, mains sur la tête ».
« Il faut qu’on se barre d’ici… »
L’une des jeunes filles, leur lance :
« C’est bon j’ai shunté la porte, on peut entrer dans l’immeuble… »
Albertz traîné par le garçon est bientôt suivi par les trois filles.
La porte automatique se referme doucement.
Shreya qui regarde à travers la vitre voit la rixe entre les forces de l’ordre et les Riza. Une silhouette habillée de noir court en direction de l’immeuble où sont réfugiés les cinq.
Les bracelets clignotent de plus en plus vite, annonçant le déclenchement imminent du choc.
La silhouette habillée de noir passe la porte. Il la referme promptement en la tirant à lui pour couper les ondes de communication avec l’extérieur du bâtiment. Essoufflé, il s’assoit contre la porte, haletant après l’effort consenti.
Les bracelets passent au bleu traditionnel.
Shreya reste les yeux rivés sur ce qui se passe dehors, ne prêtant aucune attention à son environnement proche.
Dehors, des corps s’immobilisent, pris de spasmes, et des cris se font entendre. Des dizaines d’individus tombent au sol comme des poupées de chiffon. Ceux qui ne sont pas tombés sont interpellés par les bataillons de police et reçoivent des salves d’immobilisateurs électromagnétiques.
Alors que des camions anti-émeutes stationnent sur la place pour embarquer les Riza, un véhicule de secours se fraye un chemin… assurément le transport sanitaire déclenché par le bracelet de Albertz. Il est vite renvoyé de l’autre côté de la ligne de front par les hommes de garde.
Une voix résonne dans la cage d’escalier.
« Premier étage gauche, vite. »
Albertz, porté sur l’épaule du garçon, et les trois filles prennent l’escalier. En bas, ils entendent des cris et des ordres. Le Riza qui s’était réfugié dans le passage doit passer un sale quart d’heure.
La porte de l’appartement du premier étage se referme.
Dans le couloir à l’extérieur, on entend les pas lourds des policiers à la recherche de manifestants.
Le silence se fait.
« À section 234, parlez ? »
« Section 234 à Commandement, reçu fort et clair, parlez ? »
« Avez-vous pu interpeller les suspects ? Parlez ? »
« Section 234, pas de suspects dans la cour et les parties communes… je répète, pas de suspect dans la cour et parties communes. »
« De Commandement à Section 234, rassemblement au point 56… Nous avons leurs identités de toute façon. Reçu ? »
« Reçu Commandement… on quitte les lieux. »
« Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ? » lance Shreya.
Dans le hall de l’appartement, Albertz est assis au sol, son infirmière de fortune toujours à lui éponger le crâne.
L’une des jeunes filles est en pleurs, l’autre a ouvert son sac à dos et pianote sur une tablette.
Shreya découvre enfin les lieux et s’émerveille de l’ambiance et de la décoration. Des parquets de bois cirés, des murs couleurs taupe éclairés par des appliques dorées, quelques tableaux emmènent vers un salon aux volets baissés.
« Entrez jeunes gens, venez-vous remettre de vos émotions… » dit une voix à la fois douce et autoritaire.
« Nous ne voulons pas vous déranger… » lance Shreya en s’avançant pour chercher la provenance de ce son.
Suivie par ses quatre acolytes, elle découvre un salon qu’elle imagine être du siècle précédent. Trônant au milieu de la pièce, dans la pénombre, une vieille femme leur sourit…
« Il faut tout d’abord soigner votre ami… Toi là, va chercher la trousse de soins dans l’armoire à pharmacie de la salle de bain, dernière porte à gauche dans le corridor, et toi, va chercher à boire dans la cuisine… au frigo, il y a des boissons. Et toi ma jolie, sort moi la bouteille de Whisky dans le buffet… ici avec des verres ! »
Shreya s’exécute, lisant les étiquettes des bouteilles entreposées depuis longtemps dans le meuble. Une fine couche de poussière recouvre la plupart des fioles. Guignolet kirsch, Pineau des Charentes, Calvados… Whisky 18 ans d’âge, ça y est, elle a trouvé :
« Toi le blessé, viens t’asseoir par terre entre mes jambes… Komm hier ! Ma jolie, tu lui sers un verre de whisky, un grand… je veux bien le recoudre mais il risque d’avoir mal… c’est souvent les plus gaillards qui tournent de l’œil… Where is this damned first aid kit? What are you doing? »
Albertz s’exécute trouvant place au sol un verre à la main. Il renifle le breuvage et avale d’un trait le demi-verre. Il manque de s’étouffer.
« C’est bien la première fois que je réussis à mettre un Allemand à mes pieds ! Donne-moi mes lunettes, et les gants en latex… bon vous vous appelez comment, la petite bande ? »
« Albertz… »
« OK toi t’es allemand… et toi ma belle ? »
« Shreya, auvergnate… »
« … d’adoption… auvergnate, d’adoption… avec la peau bronzée que tu as. »
« la belle rousse doit être irlandaise avec son accent à trancher un pudding… pas vrai ? »
« Oui, je m’appelle Earleen. »
« Le colosse… je n’ai pas d’idée… »
« Gustav, je viens de Sweden. »
« Et la mignonnette aux yeux noirs, ce doit être une Espagnole… »
« Pas loin Madame, basque… Je m’appelle Uranie. ».
« Quel joli prénom, comme ta région… un paradis sur terre… »
La vieille femme chausse ses lunettes et récupère une aiguille de suture dans la boîte en inox posée à ses côtés. Une giclée d’alcool et à l’aide d’une paire de ciseau à suture, commence son ouvrage. Albertz, qui en est à son deuxième verre de whisky, tolère facilement la manipulation.
Après 5 points, réalisés de manière professionnelle, elle prend la parole.
« Bon, c’est fait mon poulet, t’es recousu ! Je ne me suis pas présentée… je m’appelle Lisbeth… Y’a pas de Madame ici, ici c’est Lisbeth… Earleen, fais-lui son pansement et emmène-le se débarbouiller à la salle d’eau, le sang dans une barbe dorée, ce n’est pas très joli… » dit-elle en poussant Albertz pour saisir un verre de whisky.
« Et bien Lisbeth, vous êtes en forme. Vous ne faites pas votre âge… »
« Arrête les flatteries… l’âge c’est dans la tête. J’ai toujours 25 ans… malgré mes 71 printemps. »
« Alors vous parlez allemand, anglais… vous avez dû voyager… et vous savez recoudre, vous étiez quoi avant ? »
« Laisse-moi savourer mon jus de malt et je vous dirai après… »
Assis dans le salon cosy, un verre à la main, les cinq étudiants font face à Lisbeth, qui déguste en amatrice son Single.
« J’étais vétérinaire… en France, puis en Afrique. Je travaillais pour une ONG sur la sauvegarde des espèces… c’est pour cela que je parle l’anglais, l’allemand et un peu de néerlandais… parc Krüger, Pilanesberg, Tsavo, Amboseli… j’y ai rencontré mon mari, un Allemand… une vie d’aventure en somme. Et vous ? »
« Comme je l’ai dit, je suis Earleen, je viens de Cork, je fais des études sur la robotique et l’électronique… »
« Albertz, de Aachen, je fais de l’entomologie… études des insectes. »
« Uranie, j’habite à Bidard, je suis chimiste, en chimie synthétique. Je suis en stage dans une boîte espagnole… »
« Gustav, nanosciences et nanotechnologie… je suis suédois, mais je termine mon Master dans quelques mois à Leuven en Belgique… »
« Shreya, psychologie et informatique… »
« Eh bien, voici des têtes bien faites et bien pleines… relève Lisbeth. Je suppose que vous étiez venus pour la manifestation du Solstice ? Que s’est-il passé ? »
« … On n’a pas compris ce qu’il s’est passé… on était dans la manifestation et on a été bloqués sous votre porche… les policiers nous ont demandé de nous asseoir, de nous rendre, alors qu’on n’avait rien fait et d’un coup, on a pris une décharge électrique, tous… un truc bizarre. »
« … c’est via la data-C… dit Earlenn. Je ne vois que ça… »
« C’est sûr, notre bracelet a clignoté en orange… jamais eu cette couleur sur le bracelet… puis on a pris la décharge… »
« Ah le data-C… je me souviens quand ils l’ont mis en place… j’étais contre, parce que j’avais bien compris qu’il y aurait des abus dans son utilisation… ça ne sentait pas bon », reprend Lisbeth.
« Mais c’est à cause des Riza qui ont attaqué les forces de l’ordre… sans ça, on n’aurait rien eu… »
« C’est vrai que c’est bien la première fois que j’entends parler d’un électrochoc via la puce… normalement, c’est plus pour être en communication avec l’environnement informatique… »
« Et bien les jeunes… vous mesurez maintenant la dérive de la technologie… c’est comme internet, le clonage, l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux… au départ, c’était super, et puis c’est parti en vrille », dit la vieille femme en reposant son verre de cristal.
« En tout cas, merci de nous avoir ouvert votre porte Lisbeth, sinon, on était embarqués comme les Riza… »
« Vous avez remarqué que nos bracelets sont inactifs ici ? » lance Uranie.
« Ah, ça, c’est une invention de mon mari. Dans cet appartement, il y a un “bouclier anti Kentri”, comme il l’appelait. Je n’y ai jamais rien compris, mais il avait essayé de m’expliquer que ça fonctionnait comme une sorte de cage de Faraday, une protection contre les ondes de communication… il était électromécanicien, électronicien… je n’ai jamais rien compris à la technique. »
« Et pas de C-Home, alors… ? »
« Je n’en veux pas de cette saloperie… pour me dire ce que je dois faire… je suis assez grande. De toute façon, la data-C, je l’ai fait enlever… elle est toujours active dans un camée que je porte ici, autour du cou, quand je sors en ville mais pas dans mon corps. J’ai eu la chance qu’on me l’implante au début, comme un implant contraceptif, dans l’intérieur du bras… je me le suis fait enlever par un collègue, à qui j’ai fait de même… »
« Lisbeth est une rebelle et une hors-la-loi ! »
« Ma chère Uranie, quand on est basque, on ne peut qu’être d’accord avec l’indépendance et la rébellion… non ? »
« D’ailleurs, ça me fait penser que j’ai entendu les Guardiens dire qu’ils avaient nos identités… on doit être hors la loi aussi non ? » dit Shreya.
« Attends, je vais aller voir… »
Gustav, prend la coursive et se place juste devant la porte cochère. Son bracelet devient rouge et le message suivant apparaît :
« Veuillez vous rendre à la garnison la plus proche pour contrôle ».
Il remonte en hâte.
« Ça, c’est sûr, on est fichés… Après tout, on n’a rien fait, nous ? »
« Hormis qu’on s’est enfuis et qu’on n’a pas obtempéré… Je suis sûr que mes parents ont été informés via Kentri… je vais me faire tuer par mon père… »
« Ne paniquez pas les gamins, rentrez chez vous tranquilles, ils ne vont pas mettre Paris à sac pour retrouver des étudiants… vous n’êtes pas des ennemis publics de première catégorie… Et puis, je vous propose mon témoignage en votre faveur… quelqu’un à un dictaphone ? »
« Un quoi ? »
« Un truc pour enregistrer mon témoignage… ils ne savent même pas ce qu’est un dictaphone… »
« Moi j’ai ma polytab dans mon sac à dos… je peux enregistrer avec ça… »
« Bon ben c’est un dictaphone quoi. »
Lisbeth se rapproche de la tablette déposée sur la table basse et commence.
« Je m’appelle Lisbeth, Lisbeth Raüber, j’habite 1 place de L’Alma à Paris. Nous sommes le 21 juin 2042. Je parle sans contrainte ni menace… tu peux filmer en même temps pour montrer que je ne suis pas menacée… parfait… reprenons en image… attends, je m’arrange un peu la mise en plis… et écrivez-moi vos noms et prénoms sur le bloc ici…
… Bon, t’es prête Earleen ?
… Je suis donc Lisbeth Raüber et habite 1 place de l’Alma à Paris XVIe. Ce 21 juin 2042, j’ai invité des amis à prendre le thé. Il s’agit de Shreya Bahadoor, Earleen MAC INTYRE, Uranie Matxain, Gustav Bergqvist et Albertz Bodmann. Je les attendais à ma fenêtre et j’ai vu qu’ils avaient été pris à parti par des manifestants hostiles et armés. Ils ne sont absolument pas des terroristes ou de vilaines personnes, mais mes amis. Ils se trouvaient juste au mauvais endroit au mauvais moment par ma faute… Je leur ai ouvert ma porte et à cette heure, nous buvons un thé… et moi un Whisky. Je me porte garante et témoin de leur non-participation à toute exaction contre la police… Je suis saine de corps et d’esprit et vous demande de me contacter au cas où le besoin se ferait sentir… À faire valoir de ce droit. »
« Merci Lisbeth… »
« De rien ma belle… »
« Il nous faut partager cette vidéo témoignage… tu nous l’envoies sur notre mail via notre code bracelet ? »
« C’est déjà fait… j’ai intitulé l’allocution de Lisbeth… »
« Quelle créativité dans le titre ! ». Lisbeth lève les yeux au ciel. « Vous pouvez rester là aussi longtemps que vous le souhaitez mes jeunes amis, le temps que la manifestation se termine… et manger avec moi si vous voulez… »