Ætrium - Walter Welles - E-Book

Ætrium E-Book

Walter Welles

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Beschreibung

Dante, jeune ingénieur en chef en robotique, voit son existence chamboulée à la suite d'un drame. Sa vie, bien régulée, bascule d'un enfer à un autre. Accompagné de sa sœur Talia, ils évoluent dans un monde au sein duquel la prise de risque peut s'avérer fatale. Pour prouver son innocence, il va devoir affronter des strigoï et des humains dans des combats sanglants et sans merci. Après tant d'années de paix, une inévitable guerre se profile. Qui est le véritable instigateur de cette machination ? Humains ou strigoï ? La réponse se trouve entre les lignes.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Walter Welles, un fervent passionné de science-fiction, a puisé au plus profond de son âme et s’est inspiré des films et séries pour donner naissance à "Ætrium". Son audacieux projet consiste à marier l’univers cyberpunk avec la science-fiction, saupoudrée d’une touche de fantaisie. Ce mariage inhabituel de mondes distincts est un défi qu’il relève avec passion, dans l’espoir que chaque lecteur vive une expérience captivante et mémorable au sein de cet univers riche et singulier.

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Walter Welles

Ætrium

Roman

© Lys Bleu Éditions – Walter Welles

ISBN : 979-10-422-1796-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

La seule limite de l’imagination c’est celle que l’on se donne.

Walter Welles

Chapitre 1

Utopie

La Grande Guerre commença en 2000, je n’ai pas connu cette triste période. Mes parents eux l’ont vécu, ils étaient âgés de 25 ans quand elle prit fin. Ce n’est pas venant d’eux que je pourrai avoir des informations concernant la Grande Guerre, car hélas, ils ne se sont jamais épanchés sur le sujet. Cependant, selon mes grands-parents qui aujourd’hui sont décédés, mes parents auraient participé de loin à « l’effort de guerre » comme on dit. Selon l’Histoire, les Vampires et les Hommes n’ont pas toujours cohabité paisiblement. Il y a de cela 59 ans, la guerre prenait fin et un consensus fut acté entre les deux races. Elle aura duré 35 ans, je n’ose pas imaginer la vie à cette époque. Les récits de guerres sont mondialement connus. De l’autre, les Vampires eurent Virgile, un être impopulaire chez nous, bien que pour son peuple ils l’érigent telle une divinité.

Les belligérants se sont affrontés au cours d’innombrables et intenses batailles, malgré cela ils ont réussi à mettre fin à cette guerre qui semblait interminable et avait engendré un nombre incalculable de victimes. Les adversaires sont des stratèges hors pair. Je dis bien « sont », car ils demeurent vivants et toujours aussi bien conservés. La paix qui fut apportée sur la planète a aussi amené son lot d’avancées scientifiques et technologiques qui ont révolutionné le monde, à tel point que nous sommes donc devenus immortels.

Aujourd’hui, afin d’éviter la surpopulation, les naissances des humains comme celles des vampires sont contrôlées et encadrées de manière rigoureuse. Tous les 25 ans, chaque famille est limitée à un nouveau-né. Ceci fut possible grâce aux accords interraciaux. Nous recevons régulièrement du sang de vampire, celui-ci nous sert à élaborer les traitements pour nous permettre de nous maintenir en bonne santé et stopper le vieillissement.

L’âge du droit de vote a été repoussé à 24 ans, car le but n’est pas de se retrouver avec une société d’une moyenne d’âge de 20 ou même 18 ans.

À partir de cet âge-là, vous avez la possibilité de recevoir le sérum de la vie éternelle ou attendre d’atteindre la trentaine ou la quarantaine, le choix vous appartient. Les tâches les plus contraignantes sont attribuées aux cyborgs. Ils font partie de notre quotidien et nous assistent dans de nombreuses activités, vous pouvez en croiser dans toutes les rues. Ils se chargent vraiment de l’ensemble de ce dont les humains et vampires ne veulent pas faire.

Pratiquement indissociables d’un humain, ils sont régis par les Trois Lois de la Robotique formulées par Isaac Asimov qui se formulent comme suit :

– Première loi : un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, tout en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger ;

– Deuxième loi : un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;

– Troisième loi : un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

D’autres règles sont venues s’ajouter à cela, mais celles-ci sont les principales qui nous sont inculquées dès l’enfance.

Toutes les grandes villes sur Terre bénéficièrent de la création de grandes métropoles séparées par une distance d’une cinquantaine de kilomètres, le but étant de les rendre dépendantes l’une de l’autre, vous comprendrez rapidement l’intérêt de ces grands changements.

Concernant les autres avancées, ou plutôt régressions, la peine de mort a été rétablie pour tous les crimes de sang ou participation à des actes atroces. Il n’est plus question d’injections létales interminables ou même de la chaise électrique, voire de peine de prison interminable. Désormais, nous envoyons directement nos criminels dans la ville vampire jumelée, tandis qu’ils nous envoient les leurs afin que nous utilisions leurs sangs, élément capital à la confection de notre sérum de jeunesse. Nous sommes devenus totalement dépendants de celui-ci et eux le sont encore plus du nôtre, car, grâce à nous, ils peuvent maintenant circuler librement durant la journée, et ne plus se cacher à la levée du jour. C’est le prix à payer pour une paix aussi éternelle que la vie.

Côté éthique, quelques associations et groupes voudraient faire changer les dogmes, mais cela semble totalement utopiste voir anarchiste maintenant.

Pour certains, être un vampire est considéré comme appartenir à la race supérieure. Il est donc possible, à l’issue de la majorité, de formuler une demande de transformation. Après de longs mois d’attentes, voire d’années, et selon la réponse que recevra votre requête, vous pouvez dire adieu à votre humanité. Et ainsi vous rejoindrez la ville Strigoï de votre choix pour finalement devenir l’un d’entre eux. En effet, désormais, on ne dit plus vampire, car c’est un terme légèrement péjoratif, donc nous les appelons les Strigoï. Personnellement j’ai tendance à continuer d’employer le mot vampire, mais que voulez-vous, je suis un passéiste du vocabulaire.

Nous pouvons formuler des demandes de visa afin de nous rendre dans leurs villes et inversement, mais en général, seuls le travail ou les études conditionnent le voyage de part et d’autre. Les unions interraciales ne sont pas interdites, mais rares sont celles et ceux qui voudraient passer leur vie entière dans le monde de son ou sa partenaire tout en conservant sa race. Quant aux enfants, il est totalement impossible pour ces couples d’en concevoir. Ne me demandez pas comment je suis au courant, je pense que de braves gens se sont dévoués, quoi qu’il en soit ça reste du jamais vu.

Vous en apprendrez davantage sur les changements du monde. Le schéma étant mis en place, passons dès lors aux présentations.

Chapitre 2

Mauvaise Posture

Nous sommes en 2094, je m’appelle Dante, j’ai 29 ans et je n’ai toujours pas pris mon Strif. C’est le dénominatif du sérum d’immortalité. Je dois vous avouer que j’hésite entre la transformation ou le transhumanisme. Oui, le transhumanisme est assez répandu et il n’est pas rare de croiser des citoyens améliorés grâce à l’Ætrium, une technologie mise au point afin de nous aider à affronter nos ennemis durant la Grande Guerre. L’Ætrium est un composant conducteur ultra résistant, il équipe des dispositifs parfois visibles, mais il arrive que ça ne le soit pas et que ce soit sous-cutané.

Pour autant chaque personne qui effectue des modifications sur son corps est répertoriée dans un fichier gouvernemental, car ils sont les seuls à détenir cette technologie. C’est assez répandu chez les criminels, bien qu’il soit illégal d’en détenir sous certaines formes. Selon le crime l’augmentation peut leur être soustraite pendant une durée plus ou moins longue, tout dépend du type de méfaits bien entendu.

Pour ma part j’hésite à m’administrer le Strif pour la simple et bonne raison que je remets en question ce mode de vie dans sa globalité. Tout en profitant des largesses de ce système j’arrive à garder une certaine clarté d’esprit qui me laisse à penser que le changement est possible. Bien sûr, il n’y a plus de guerre et les inégalités ont été réduites de manière considérable, mais comment accepter désormais l’absence du libre arbitre ou de la peur de mourir ? Certes ce sont des interrogations purement philosophiques, d’où le fait que je ne consomme pas encore le breuvage de la jeunesse éternelle.

Comment pouvons-nous être amenés à nous dépasser si nous ne disposons plus d’objectifs ? Eh bien, j’ai trouvé un objectif, un but à atteindre et qui bientôt sera achevé. Certes illégal, mais disruptif, et qui peut révolutionner une nouvelle fois le monde. Je l’ai appelé Talia, je la considère comme ma petite sœur. Elle est le premier et unique cyborg capable d’aimer, de haïr, de rire, de pleurer, mais aussi de tuer. Bien qu’autonome, elle conserve un réel attachement envers ma famille et moi-même. Elle se considère comme ma petite sœur et je dois avouer que c’est réciproque. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle m’obéit. Parfois, je la trouve même un peu trop dévouée, mais j’ai trouvé en ma création de grandes aspirations.

Une nouvelle journée commence, je sens une légère, mais bonne odeur de pain perdu comme mon papa a l’habitude de préparer. Effectivement, je vis toujours chez mes parents, c’est un choix comme un autre, d’ailleurs j’apprécierais grandement que vous ne me jugiez pas. Talia est en mesure de cuisiner pour nous, mais cela demeure un plaisir que mon père souhaite conserver, grand bien lui fasse, ça m’évite d’avoir à le faire. Après avoir salué mes parents, je m’installe à la table qui se situe au milieu de la pièce de vie.

Notre décoration est très épurée et je pense que ma maman a dû effectuer de multiples changements et agencements quant au mobilier. C’est une femme qui a beaucoup de goût et s’investit énormément dans ce qu’elle entreprend.

Pour ce qui est de mes parents, ils ont fait le choix de ralentir leurs vieillissements, mais pas de le stopper, ils souhaitent toujours avoir une trentaine d’années d’avance sur moi. D’après un savant calcul mathématique, vous en êtes convenu au fait qu’ils ont respectivement 59 ans, bien entendu en oubliant les années où ils ont stoppé leur vieillissement. Donc si je me décide à enfin faire ma cure de Strife, ils bloqueront aussi leurs âges.

Ma création a fini de charger ses batteries sur la borne de recharge qui se trouve dans ma chambre, qui me sert aussi de labo. Elle nous rejoint à la table par la suite tout en saluant tout le monde. Mes parents sont avertis de ses capacités, mais ils n’en ont pas peur, d’ailleurs, ils ont parfaitement compris mon objectif à ma grande surprise. Même si côté technologie ils sont un peu dépassés, ils essayent tant bien que mal de rester dans la partie. Cela fait maintenant deux ans qu’elle vit à nos côtés et je dirai même qu’elle fait partie de la famille. Hormis eux, personne n’est au courant de cela, pas même mes amis les plus proches. Elle apprend tous les jours, ses progrès sont exponentiels. J’en suis au stade où c’est moi qui apprends d’elle.

Comme tous les matins, elle nous fait un bref récapitulatif des actualités du jour, sélectionnées parmi nos médias favoris dépourvus de publicités, de propagandes ou d’autres choses futiles et superflues comme les téléréalités qui sont légion. Cependant, une information attire davantage mon attention que les autres, celle d’un quadruple homicide survenu hier soir dans des conditions atroces. Le crime a pour signature la secte Rebirth. D’après les premiers éléments, c’est un groupuscule obscur mélangeant Humain et Strigoï qui a pour objectif l’effondrement de ce système. Ce type de meurtres fait partie d’un rituel d’intégration spécifique, qui consiste à tuer sa propre famille en offrande à la secte afin de se faire accepter. Il s’avère également que les corps ont été disposés sur le sol de manière abominable. De bonnes nouvelles sont aussi relatées comme le ralentissement des famines mondiales qui ne cessent de croître.

J’entame la discussion avec mes parents :

— Maman, tu prends la voiture avec moi ce matin ?

— Oui avec plaisir, tu dois être chez Cykorps à quelle heure ?

Ma maman, mon papa et moi-même travaillons dans la même compagnie, nous occupons des postes bien distincts au sein de Cykorps. Ils sont tous les deux dans la partie Finance et Investissement. C’est l’une des sociétés les plus prolifiques en matière de brevets technologiques, ils produisent une partie de l’intelligence artificielle qui est implémentée dans les bots. Durant la guerre, la société a aussi participé de manière active et a contribué à l’élaboration de diverses technologies.

— Je pense que je vais y aller pour 10 h, si ça ne te dérange pas, rétorquai-je.

— Puis-je vous interrompre ? s’exclame Talia.

— On t’a déjà tous dit que tu fais partie de la famille et que, pour les interactions, il faut que tu t’exprimes comme un être humain, lui répondit mon père.

— Oui, pardonnez-moi, s’excusa-t-elle.

— Tu ne dois utiliser le pardon que pour de bonnes raisons, idem pour le vouvoiement, ne l’emploies qu’avec les gens que tu ne connais pas. Il faut absolument que tu sois prête pour quitter cette maison et interagir avec le monde extérieur. Tu dois donc te comporter comme un être humain, penses-tu pouvoir y arriver ? l’interrogea mon père en lui adressant un regard chaleureux.

— Oui, je ferai de mon mieux, merci pour les conseils. Je voulais vous dire qu’il ne serait pas possible pour vous de prendre le même véhicule, car il me semble que Dante a rendez-vous ce matin à 9 h pour un entretien avec son nouveau supérieur.

— Oh putain de merde, j’avais complètement oublié ! Je fonce, on se voit ce soir. Bonne journée tout le monde.

— Ne roule pas trop vite surtout, me lance ma maman.

Pas le temps de répliquer, je ne dois pas être en retard, ce rendez-vous est très important pour la suite de ma carrière et j’aimerais faire bonne impression.

Mes parents se mirent à rire et Talia fit de même sans trop se forcer. Ni une ni deux, je prends mon casque, mes clés, mon sac à dos, ainsi que ma veste, pour ensuite descendre au garage à toute allure. Je monte sur mon bolide et demande à mon casque de me projeter le GPS sur la visière, afin d’emprunter le chemin le moins embouteillé et le plus rapide. Bien installé sur ma moto, un modèle très sportif de couleur noir, le contraste est assez flagrant, car la ville est très ensoleillée, colorée et les écrans commerciaux scintillent et s’animent de toute part. Je redemande à l’IA de mon casque d’ouvrir la porte du garage. J’enchaîne les kilomètres le plus rapidement possible. Les voitures automatiques jonchent les routes, elles suivent toutes la même allure, c’est d’une monotonie à en endormir plus d’un. Manque de chance, je me fais flasher par un radar automatique. Je sais, la vitesse c’est le mal, mais promis je ne me comporte pas comme ça tous les jours. Comme pour chaque infraction, une notification s’affiche sur l’écran de mon casque et me prévient du montant débité directement sur mon compte ainsi que du retrait de points sur mon permis.

Je finis par arriver au sous-sol de l’entreprise. J’y gare la moto sur l’emplacement qui m’est réservé. Il est 8 h 52. Le temps de passer le portique de sécurité et de prendre l’ascenseur, je devrais arriver pile à l’heure. L’agent de sécurité, fidèle à lui-même, prend absolument tout son temps pour effectuer les contrôles.

Toutefois, avec son physique d’Hercule, je pense que je m’abstiendrai de lui faire une réflexion. Non je ne suis pas lâche, mais si je peux éviter les conflits on va dire que j’ai tendance à ne pas me faire d’ennemis. Une fois le contrôle effectué, place aux ascenseurs. Une dizaine de personnes se massent devant les portes, je dois donc me frayer un chemin. Personne ne remarque que je triche pour passer devant.

Génial ! Deux des trois ascenseurs arrivent, je me glisse dedans, les gens autour de moi s’aperçoivent de ma présence, ils grimacent et font de gros yeux, mais personne ne dit quoi que ce soit. Chacun y va de son étage, le mien est le 47e. L’ascenseur s’arrête cinq fois avant de finalement me déposer à l’étage où le rendez-vous aura lieu. J’avance vers le hall, je suis déjà venu ici, mais je ressens toujours un drôle d’effet. La décoration est très futuriste. Bien que de blanc vêtu, les murs sont éclatants, rien n’est laissé de travers. Le moindre détail compte jusqu’au cyborg qui m’accueille. Elle est habillée en blanc aussi, brune aux yeux bleus avec une coupe au carré. Elle est impeccablement coiffée.

— M. Wells, je présume ? m’interroge-t-elle.

— Oui, j’ai rendez-vous avec M. Barnett à 9 h.

— Veuillez prendre place, M. Barnett n’est pas encore arrivé, mais je lui signalerai votre retard de 3 minutes et 17 secondes. Souhaitez-vous quelque chose à boire ?

— Est-ce possible de réduire le pourcentage de rigueur dans tes paramètres ?

— N’étant pas administrateur, vous n’avez aucun accès à mes modules, réplique-t-elle avec un ton glacial.

— Tu n’as pas l’accès au module humour surtout. Et non, merci pour la boisson.

Elle ne comprend même pas la signification d’un sarcasme. Je m’installe dans la zone d’attente et en profite pour sortir mon Smartphone de ma poche, mettre ma petite oreillette et appeler Talia.

— Allo, c’est Dante, tu peux dire à maman que je suis bien arrivé s’il te plaît. Quand ce sera fait, tu iras dans ma chambre pour te synchroniser avec la mise à jour que j’ai effectuée. J’ai apporté des correctifs et enlevé les derniers bridages sur tes processeurs, ça devrait te donner un accès total aux données et à tes fonctionnalités. Ne t’en fais pas ce sera la toute dernière mise à jour, je sais que tu n’aimes pas ça donc les autres tu seras en mesure de les développer toi-même s’il doit y avoir d’autres optimisations dans le futur.

— Très bien, je fais ça et, une fois la mise à jour terminée, je t’envoie un message, répond ma création.

— Ça ne devrait pas durer plus de trois heures, donc bonne sieste et à ce soir.

Une fois l’appel terminé, je consulte ma montre. Il est 9 h 15, toujours aucun signe de Mr Barnet. J’en profite pour lire un article portant sur les colonies établies sur Mars qui ont l’air de plutôt bien s’adapter à la vie sur une autre planète. Elles arrivent à y faire pousser des plantes. On dirait que les agences de voyages et autres compagnies aériennes vont pouvoir se remplir les poches. Il est maintenant 10 h 20 quand Mr Barnet daigne m’honorer de sa glorieuse présence.

Un homme de très grande taille, élancé, le ton grave, des cheveux blancs comme neige, rasés de près, et des yeux bleu acier. Il me tend sa main que j’empoigne avec fermeté tout en le regardant dans les yeux.

— J’ai été prévenu de votre retard. Sachez que ces minutes seront retirées de votre salaire. Bien, veuillez me suivre, me lance-t-il en me scannant de haut en bas.

Tout s’éclaire dans ma tête, le cyborg est à l’image du maître, une copie conforme, droit comme le I de la justice et barbant comme une journée de concours de tricot.

Je lui emboîte le pas.

— Prenez place.

— Merci.

Ce type a le don de fonctionner comme un aspirateur, sauf que, dans son cas, la seule chose qu’il aspire est l’énergie de ses interlocuteurs. Cet entretien s’annonce d’un ennui mortel.

— Connaissez-vous l’objet de notre entretien, Mr Wells ?

— J’ai envie de dire oui, mais en fait, je ne suis plus sûr de rien du tout à ce stade.

— On m’avait prévenu que vous aviez un humour bien particulier, je dois dire que l’on ne m’a pas menti, me lance-t-il en se servant de ses yeux comme d’un laser.

C’est officiel, ce type est passé numéro 1 dans la liste des personnes les plus détestables que je connaisse. Il me donne envie de l’envoyer valser par la fenêtre.

— Bien, je suis Oliver Barnett. Comme vous le savez, j’occupe le poste de directeur du département « Recherche et Développement » depuis maintenant deux semaines. Je voulais m’entretenir avec vous concernant les différents projets que vous avez réalisés ces trois derniers mois. Vous êtes responsable de l’équipe R&D depuis maintenant 3 ans et s’évertuer à communiquer par la pensée avec les robots, c’est sympa, mais cela ne fait plus partie des projets que nous voulons prioriser. Nous avons décidé, en accord avec la direction, de tous les suspendre et d’en annuler certains afin de réorienter l’intégralité de notre activité sur l’armement. Ce qui représente la majeure partie de nos bénéfices, donc vos salaires.

Cette déclaration engendre la décomposition totale de mon visage. Je ne sais même pas s’il arrivera à déceler, à travers mon expression, le dégoût que je ressens pour lui et ses propos. En tout cas, ma création l’aurait compris. On peut dire que la tension est plutôt palpable, ce qui ne le dérange absolument pas.

— Je comprends. Pourriez-vous me donner un peu plus d’éléments concernant le type d’armement que nous allons produire ? Je vais devoir faire avaler le plus imbuvable des discours à mon équipe donc un peu plus de détails seraient les bienvenus si vous n’y voyez aucun inconvénient.

— Il se trouve que ceci est du ressort de vos supérieurs, vous n’êtes pas habilité à en savoir davantage. Mais dès que nous aurons établi la liste des besoins avec les différents interlocuteurs, vous obtiendrez tous les éléments nécessaires à la compréhension de ce grand projet. J’attends de vous aujourd’hui que vous fassiez un briefing avec vos équipes et que vous procédiez à la destruction de tous les prototypes sur lesquels vous travaillez.

Je n’entends plus que des « BLABLABLA », rien de ce qu’il aurait pu dire n’a d’intérêt. Je souhaite quitter son bureau, le plus rapidement possible, donc j’acquiesce en faisant mine d’accorder de l’importance à ses paroles d’un niveau de toxicité rare. Son visage reste impassible. Il a l’air plutôt fier de m’annoncer sa grande nouvelle.

Fort heureusement, l’entretien ne s’éternise pas, un peu comme la bonne humeur qui m’animait au réveil et qui s’éteint peu à peu.

Après s’être quittés d’une manière respectueuse, mais glaciale, il est temps pour moi de rejoindre mon étage. Les murs me semblent sombres, comme si l’aura de cet infâme personnage envahissait les pièces, pourtant la lumière n’a pas changé. J’appuie sur le bouton d’appel de l’ascenseur et en profite pour jeter un œil dans son grand bureau vitré. Il est au téléphone s’esclaffant. Sa bouche est donc capable de produire autre chose que du venin. Grande nouvelle, le serpent est doté d’une once d’humanité !

L’ascenseur arrive, je presse le bouton de l’étage no 23. Les secondes paraissent tellement longues que je vois encore l’expression de son visage dans mes pensées. Je me dirige vers nos bureaux, j’essaye de garder le sourire en saluant les différentes personnes que je croise. Je demande à tout le monde de me suivre dans la grande salle de réunion afin de leur annoncer la triste nouvelle.

Une vingtaine de personnes se regroupent devant moi, attendant une annonce réjouissante. Certains n’ont même pas fini leur café tandis que d’autres sont surexcités à l’idée d’apprendre la nouvelle.

Mais je pense que ceux qui me connaissent bien peuvent deviner à travers l’expression de mon visage, que rien de bon ne va ressortir de cette petite réunion.

— Avant toute chose, bonjour à celles et ceux que je n’ai pas encore vus. La réunion sera très courte. Comme vous le savez, il y a eu des changements au sein de la direction lors de ces derniers mois. Je vous rassure, à en voir les costumes de Mr Barnes, le groupe se porte très bien financièrement, donc tout le monde reste dans l’équipe. Sauf peut-être celui qui a fait le café jeudi dernier, lui il ne mérite pas sa place ici, lançai-je en plaisantant. Quelques membres du public présent se mirent à rire.

— Néanmoins, ils ont décidé de suspendre, ou plutôt d’abandonner les différents projets sur lesquels nous travaillons.

Comme je m’y attendais, des voix s’élevèrent pour manifester un mécontentement que je partage totalement. Ce fut aisément prévisible.

— Oui, je comprends, j’ai réagi de la même manière intérieurement bien entendu. Car pour celles et ceux qui ne l’ont pas encore rencontré, Mr Barnett respire tout sauf la joie de vivre.

Ils étaient un peu désemparés, encore plus quand je leur ai déclaré que nous allions désormais nous mettre à produire des armements. Car jusqu’à présent, l’entreprise en fabriquait, mais ce n’était pas notre équipe qui participait à l’élaboration de ce type de produits.

— Sincèrement, je ne resterai pas dans la société, c’est hors de question que je participe à la création d’armes peu importe l’utilité de celles-ci, s’exclame l’un d’entre eux.

— Surtout que depuis des années il n’y a plus de guerres, donc à quoi bon augmenter le développement et la production d’armement ? me questionne un autre.

— Effectivement, c’est une excellente question, je ne peux et ne veux retenir personne. Suivant la tournure que cela prendra, je ne pense pas poursuivre ma carrière ici non plus, mais, pour le moment, je pense qu’il serait plus sage pour nous d’attendre de nouveaux éléments. Je vous propose que l’on prenne notre pause. Cet après-midi, on s’attellera à tout répertorier et inventorier. Je n’ai vraiment pas l’intention de détruire nos travaux et nos conceptions, donc on enverra quelques cyborgs déposer le tout aux archives.

Quelques sourires apparurent sur certains visages, mais le cœur n’était pas vraiment à la tâche. Un climat pesant règne. Tout le monde se disperse pour l’heure de pause.

Je me rends dans mon bureau lui aussi vitré, mais beaucoup plus petit que celui de ce matin, avec en prime une décoration un peu plus chaotique. J’ouvre le petit réfrigérateur pour en sortir une bouteille d’eau gazeuse. J’en profite pour prendre une banane dans la coupole posée sur le meuble d’à côté. Je n’ai pas vraiment faim, mais je dois quand même ingurgiter quelque chose.

Une fois installé sur mon bureau, j’essaie de ne plus penser à cette matinée catastrophique bien qu’elle se soit passée rapidement. Je remets mon écouteur et j’en profite pour passer un coup de fil à Talia. Aucune réponse, peut-être que la mise à jour a pris un petit peu plus de temps que prévu.

Je pose mon téléphone dans le socle sur mon bureau, le vidéoprojecteur démarre et je poursuis le visionnage de l’épisode de la série que j’ai commencée hier soir. Ce moment d’évasion bienvenu me permet de décompresser et de me vider la tête. Le reste de la journée défile à vitesse grand V. Je n’ai qu’une hâte c’est de retrouver ma création et admirer sa forme finale. Bien entendu, aujourd’hui, j’ai participé à l’archivage et veillé à ce que les prototypes soient bien déposés aux archives et non à la destruction.

Alors qu’il est déjà 17 h, je passe un autre appel, qui fut sans réponse une nouvelle fois. Quelque chose cloche, mon cerveau commence à bouillonner. Décidément, quelle journée de merde. J’espère vraiment que la mise à jour n’a pas fait planter ma sœurette, sinon je vais encore y passer des nuits.

Une idée me vint à l’esprit. Dès lors, je lance l’application « Remote Drone » depuis mon mobile. Je tente tant bien que mal de piloter le drone qui se situe dans ma chambre pour filmer et avoir une vue d’ensemble de ce qu’il s’y passe. Par la même occasion, je saurai enfin ce qu’il en est de Talia. La caméra est obstruée et je n’arrive pas à faire voler le drone. Pourtant, je suis persuadé de l’avoir laissé sur mon bureau sans aucune entrave.

J’essaie de me calmer et me dirige vers le sous-sol pour récupérer ma moto. Il faut absolument que je me rende à la maison.

Le trajet du retour se fait plus doucement que l’aller effectué ce matin. Il fait déjà sombre et froid, je n’ai qu’une envie c’est d’être chez moi au chaud, en buvant un thé, tout en discutant avec ma création. Je ne puis m’empêcher d’avoir un mauvais pressentiment. Cependant, ma routine habituelle devrait m’aider à retrouver un semblant de bonne humeur.

Après une vingtaine de minutes de route, j’arrive au niveau de l’immeuble. Je descends au sous-sol et gare la moto sur une place sans prendre la peine de la remettre dans le garage. Je prends l’ascenseur pour rejoindre le quatrième et dernier étage, celui de mon foyer.

Chapitre 3

Enfers et tréfonds

Dans le couloir, un silence froid me rappelle celui de ce matin durant l’attente de mon nouveau responsable. Devant la porte de mon appartement, je passe mon téléphone portable sur la serrure connectée, mais je n’entends aucun son de déverrouillage. Cette dernière est déjà débloquée. Je ne peux m’empêcher de me demander « c’est quoi ce bordel ? », mais lorsque j’ouvre la porte, plus aucune pensée ne traverse mon esprit. Une vision effroyable se présente à moi. Machinalement, j’ouvre grand la bouche comme si j’avais la force de crier, mais qu’aucun son ne pouvait en sortir. Je sens mes pieds, mes jambes, mes mains trembler, tout mon corps est pris d’un immense frisson. L’ensemble de mon être ne répond plus de rien.

Ce n’est pas possible, je ne veux pas en croire mes yeux, et pourtant, c’était bien la tête de mon papa face à celle de ma maman. Les deux se regardent, posés sur la table de la salle à manger. Les volets de la baie vitrée sont fermés alors qu’ils étaient ouverts ce matin. Les corps de mes parents sont démembrés et jonchent le sol. Sur le mur du fond, on peut distinguer, ce que je suppose être du sang, la lettre R. Cette vision d’horreur me tétanise totalement, l’odeur saisissante me prend au nez. Beaucoup trop d’informations se bousculent dans mon esprit.

Comment cela a-t-il pu arriver ? À quoi cela rime-t-il ? Serait-ce l’œuvre de Talia ? Les questions fusent sans trouver aucune réponse.

Toujours sur le pas de la porte, j’entends des pas se hâter derrière moi, tandis que leurs bruits se mélangent à de grosses voix.

Je ne prends pas la peine de me retourner. Soudain, ma tête heurte le sol violemment. Mon casque de moto n’est plus dans ma main, mais roule sur le sol. Mon corps est retenu de force, je sens ma joue collée contre le carrelage froid et une légère chaleur qui doit être le sang coulant de ma bouche ainsi que mon arcade lors du choc avec le sol. Je peux aussi sentir ce que je présume être le canon d’une arme contre ma tempe. Un brouhaha assourdissant enjoint de cris se fit entendre. Subitement, tout redevient normal et audible.

— Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra et sera retenu contre vous…

Le fameux speech que l’on entend dans les films m’est bel et bien destiné. Je reste de marbre. Au regard de toute cette cohue, cela doit sûrement être le protocole. Menotté pour la première fois de ma vie, une équipe de policiers d’assaut se trouve dans le couloir. Vraisemblablement, personne n’entre dans l’appartement afin de ne pas abîmer le lieu du crime. Je n’ai pas la force de parler ni même de marcher.

— Lève-toi et arrête de jouer la comédie, ne nous oblige pas à te porter espèce de malade.

Je ne joue pas la comédie, je ne peux absolument rien faire. Comme si mon cerveau, tel un ordinateur, avait lancé un redémarrage.

— Allez-y, portez-le et emmenez-le au poste, ordonne un des hommes présents dans la salle.

Ils se mirent à deux pour me porter et me faire traverser le couloir, les portes des voisins sont toutes ouvertes. Ce genre d’événements étant assez rare, je reconnais les flashs des téléphones portables et autres appareils capables de filmer tous rivés sur mon visage en quête du nouveau scoop. Dans l’ascenseur pas un mot, ils me déposent, que dis-je ils me jettent au sol. Une fois la porte refermée l’un des policiers m’administre un grand coup de pied dans le ventre à m’en couper la respiration puis recommence. Son collègue s’adresse à lui :

— C’est bien tu as retenu la leçon tu frappes dans le ventre maintenant.

— Ils ne méritent pas de vivre ces chiens de Rebirth, lui répond son collègue.

Dehors, la nuit est totalement tombée, les voitures de police sont en position d’attente devant le bâtiment avec en retrait des fourgons de journalistes agglutinés tels des vampires sur une proie fragile. J’entends des cris, des insultes et les drones caméras des journalistes vautours qui s’affairent autour de moi comme si j’étais une bête de foire. Une fois dans le véhicule menotté la tête posée contre la vitre, le moteur se met à vrombir, la sirène elle aussi se met en route. Suivi par une escorte digne d’un convoi présidentiel, je suis partagé entre un sentiment d’impuissance et d’incompréhension comme jamais auparavant. Arrivé au poste de police, ils en profitent pour me déposséder de mon téléphone, ma montre connectée et les divers objets que j’ai en ma possession. Le peu de regards que je croise me dévisage tel un paria, un vulgaire rebus de la société. Suite à cela, ils m’ont installé dans une de leurs cellules, la lumière reste allumée en permanence j’ai l’impression d’être un zombie. Dépourvu de sens de l’orientation, complètement isolé, mon cerveau a beaucoup de difficultés à reprendre ses esprits. Les barreaux sont des lasers d’un bleu intense espacés de quelques centimètres à peine l’espace pour y glisser deux doigts.

Les heures passèrent, personne ne vint me rendre visite hormis un robot aspirateur qui s’est infiltré dans une petite ouverture s’étant ouverte brièvement entre les lasers. Il fait le tour de ma cellule, le tout sans un bruit, en prenant le soin de me contourner puis repart par là où il est entré. Je ne comprends pas sa présence ici, car il n’y a absolument rien à aspirer. Tous mes repas sont acheminés par un cyborg, je n’ai pas eu le droit de prendre de douche ni même me brosser les dents, on ne peut pas dire qu’ils soient à cheval sur l’hygiène corporelle. Cela fait maintenant des heures que je n’ai toujours pas prononcé un mot. Je regrette ces longues nuits passées à élaborer, développer, puis entraîner ma création Talia. Du sang séché autour de ma bouche suite au plaquage contre le sol, me nettoyer est devenu superficiel. C’est un cauchemar, je vais me réveiller.

J’ignore toujours l’heure qu’il est, mais deux femmes viennent à ma rencontre pour me menotter et m’installer dans une salle d’interrogatoire. D’une taille immense, la pièce elle aussi d’un blanc immaculé, dotée de vitres sans tain comme dans n’importe quel polar, même le plus médiocre d’entre eux. Assis sur une chaise, une table de verre nous sépare, elles ne m’ont pas menotté. Je ne suis certainement pas une menace pour elles. Car même au mieux de ma forme, je ne suis pas capable d’affronter ces femmes.

Au vu de leurs uniformes noirs et rouges, ainsi que leurs coupes de cheveux parfaitement coiffées, les deux femmes devant moi appartiennent à l’AGR, l’Agence Générale de Renseignements. On pourrait les confondre avec des cyborgs, mais elles disposent d’attraits bel et bien humains et sont, par la même occasion, extrêmement dangereuses. Il me semble que l’on a affaire à cette unité uniquement dans le cas des affaires les plus graves. Elles doivent avoir entre 35 et 40 ans. Il est difficile de déterminer leur âge en raison de leurs peaux éclatantes, leurs visages angéliques, mais leurs yeux ne laissent absolument rien transparaître. Je me demande comment il est possible d’être autant similaire à un cyborg en apparence. Même Talia est plus humaine qu’elles.

— Vous êtes, M. Wells Dante, âgé de 29 ans. Vous n’avez pas eu recours au Strifes, cela a-t-il un rapport avec votre récente allégeance envers Rebirth ? me questionne un des deux agents.

— Je n’ai vraiment pas envie de plaisanter. J’espère que vos collègues sont en train de chercher le ou les vrais coupables.

— L’enquête est terminée, vous êtes en attente du jugement qui aura lieu la semaine prochaine, plus précisément le 24 octobre.

— Pardon ? Comment est-ce possible ? Vous n’avez pas entendu ma déposition ni ma version des faits. Je n’étais pas présent de la journée, comment aurais-je pu commettre ce crime, et de quelle allégeance vous parlez ?

Confus et encore sous le choc, le manque de sommeil ainsi que l’exaspération commencent à me faire perdre patience.

— Il a été mis en évidence, via vos historiques, que vous avez régulièrement effectué des recherches sur Rebirth. Vous avez notamment consulté leurs vidéos pour une durée totale de 1 heure et 23 minutes au cours de cette semaine.

— Vous rigolez là ? Ce n’est pas possible, je n’ai jamais recherché quoi que ce soit sur ces malades, je ne sais même pas qui ils sont.

— Sachez que toutes les preuves vous accablent. Nous avons aussi retrouvé des vêtements vous appartenant tachés du sang de vos victimes, ainsi que vos empreintes sur les différentes armes utilisées.

Elle en profite pour allumer l’écran de la table en verre et me montre les pièces à conviction dont elle fait référence, les vêtements tachés de sang, mais aussi plusieurs couteaux qui ont, semble-t-il, été utilisés pour commettre les crimes.

— Ce matin, on vous a flashé à vive allure alors que, depuis quatre ans, vous effectuez régulièrement ce trajet en ne prenant aucune contravention. Étiez-vous pressé de quitter les lieux après avoir commis vos atrocités ?

Fou de rage, je tape des deux poings sur la table. Les compères ne sourcillent pas, elles me fixent longuement. L’une d’entre elles n’a toujours pas parlé. Elle a les deux mains posées à plat sur la table qui fait office d’écran et ne détourne pas son regard du mien.

— Sincèrement, je ne sais pas quelle heure il est. J’ai faim, j’ai soif et je veux dormir sans avoir un mini soleil qui m’éclaire la face. Je n’ai absolument rien à voir avec cet acte abominable. Vous devez refaire votre enquête, les suppliai-je.

— Encore une fois, plusieurs éléments vous relient aux crimes commis. L’enquête étant terminée, votre jugement sera bientôt rendu. Notre visite aujourd’hui a uniquement pour but de vous questionner au sujet de la secte que vous avez rejointe récemment et les membres que vous avez été amenés à rencontrer. Cela n’allégera en aucun cas votre peine, me dit l’interlocutrice avec qui j’échange depuis le début.

— Non, mais attendez, vous vous foutez de moi ? Je vous le répète une nouvelle fois, je n’ai absolument rien à voir avec tout ça. J’exige d’avoir un avocat. C’est un droit inaliénable.

— Conformément à la loi, le droit d’être représenté ou défendu est caduc pour tout suspect appartenant à un groupe ou une organisation terroriste. La déchéance de votre nationalité ne vous permet pas de contester le jugement.

— Je n’appartiens à aucune organisation terroriste, je rentrais du travail au moment où j’ai découvert les corps sans vie.

Une voix s’exprime à travers de haut-parleurs, celle-ci est bien particulière, très calme et assurée. Elle devait provenir de derrière la vitre sans tain.

— Vous pouvez arrêter l’interrogatoire, son dévouement envers Rebirth est total, nous ne tirerons rien de lui.

— De quel dévouement parlez-vous, je suis innocent, m’écriai-je.

Les deux collègues se lèvent, me prennent par le bras, pour refaire le trajet inverse et me déposer dans ma cellule en m’enlevant les menottes. Les barreaux laser se referment derrière moi. Me revoilà au point de départ avec une frayeur grandissante, celle que l’on ne m’innocente pas, et pour finir par m’accabler injustement du crime odieux de mes parents.

Dans ces moments-là, l’Homme retrouve sa nature primitive et égoïste. Je pense très peu à mes parents, je ne les pleure pas, peut-être parce que je ne réalise pas encore. En revanche, la pensée qui me hante le plus reste de savoir ce qu’il adviendra de mon sort dans les jours à venir. Je pense aussi à Talia. L’a-t-on mise au recyclage ? Personne n’est capable de comprendre son code. Ce n’est pas dû à la haute estime que j’ai de mes capacités, mais plutôt aux années passées et les sécurités misent en place. La complexité est telle qu’un simple reboot voir un hard reset ne suffiront pas à avoir accès à son code. Le fait qu’elle soit autonome rend son système impénétrable. D’ailleurs, sa mise à jour est-elle achevée ? Tant de questions aussi futiles soient-elles auxquelles je n’aurais probablement jamais de réponses. J’essaye de réfléchir et isoler mes pensées négatives pour m’aider à trouver quelque chose qui puisse m’innocenter.

Les heures s’écoulèrent, les jours défilèrent. La routine du robot aspirateur, mais aussi du robot de livraison de repas m’aident à me repérer dans le temps. Livré à moi-même dans cette cellule, je reste recroquevillé dans les différents angles de la pièce en faisant des pompes à longueur de journée. Me fatiguer est le seul moyen de trouver le sommeil jusqu’au jour J. Tout à coup, j’entends quelqu’un qui s’approche à grands pas. Ce n’est pas le cyborg qui vient m’apporter à manger, son pas est beaucoup plus lent et lourd. J’entends deux sons de pas, quand elles arrivent à mon niveau, je reconnais les deux énergumènes de l’AGR l’agent numéro 1 ainsi que son acolyte peu loquace numéro 2.

— C’est l’heure du jugement, veuillez nous suivre, me dit la seule des deux femmes qui m’a adressé la parole depuis le début de notre rencontre.

Les barreaux, matérialisés par des lasers, se désactivent. L’une des deux femmes me passe les menottes, tandis que l’autre demeure toujours impassible. Cette fois-ci, elle a les mains derrière le dos, comme la posture adoptée par les militaires tout en gardant encore ses yeux rivés sur moi. Ensemble, nous traversons le long couloir. Toutes les cellules sont vides, j’étais le seul prisonnier retenu ici.

Nous sortons devant une foule de badauds. Ils se tiennent devant nous, retenus par des barrières, mais aussi une armada de policiers. Il semble qu’ils en ont tous après moi, je vois le dégoût et la colère qu’arborent leurs visages. Malgré le bruit, je peux affirmer, à travers leur attitude hostile, qu’ils ne me veulent vraiment rien de bien. Je ne baisse pas la tête et regarde autour de moi. Un grand nombre de personnes scande mon nom en réclamant ma mort. Inutile d’assister au jugement, il est déjà rendu.

Mon escorte se fraye un passage au milieu de la foule, n’essayant même pas d’esquiver les jets de tomates ou autres légumes et objets lancés dans ma direction. L’agent numéro 2, celle qui n’a pas prononcé un seul mot depuis le début de nos rencontres, reçoit une bouteille d’eau, lancée par un homme qui se trouve juste à proximité. Elle est pourtant toujours séparée de la foule par les barrières, mais aussi par les nombreux agents affrétés. Je croise son regard brièvement, elle me lâche le bras et se tourne vers l’homme qui, manifestement, vient de la vexer. Avec une vivacité hors norme, elle écarte l’agent de police, enjambe la barrière et se retrouve nez à nez avec son assaillant. Elle réplique en lui assénant un violent coup de poing dans le cou. Celui-ci tombe au sol en mettant ses deux mains sur la zone attaquée. Impossible d’entendre le moindre son émanant de l’individu avec le vacarme autour, mais je pense que la douleur le laisse sans voix. Aucun policier ne réagit, eux aussi n’ont apparemment pas envie de se frotter à elle. Elle opère un demi-tour puis reprend son poste d’origine tout en esquissant un léger rictus, sûrement dans le but d’exprimer qu’elle est fière de ce qu’elle vient d’accomplir. Sa collègue lui adresse la parole :

— Tu abuses Jaina, ce n’était qu’une bouteille d’eau.

Pour la première fois, j’entends le son de la voix de numéro 2 qui se prénomme Jaina.

— Ce n’est pas moi qu’il visait, mais je suis celle qu’il a touchée. La prochaine fois il réfléchira à deux fois.

Nous montons dans le véhicule qui nous est réservé. Un cortège semblable à celui de la première fois nous encadre. Les évènements s’enchaînent à une vitesse ahurissante, difficile de réaliser ce qui m’arrive. Un silence morbide accompagne la vertigineuse descente aux enfers qui est mienne.

Les véhicules se stoppent, nous sommes donc au tribunal, nous sortons de la voiture. Le même scénario se produit avec cette fois-ci encore plus de monde, plus de bruit et toujours plus de jets de déchets en tout genre. Je suis mentalement éreinté. Mon cerveau ne réfléchit plus, il se laisse guider par mes deux accompagnatrices.

Le tribunal est un bâtiment immense. Je ne l’avais jamais vu auparavant, ou alors je n’y avais jamais prêté attention. Les marches interminables qui mènent à l’entrée principale sont recouvertes des innombrables détritus et légumes que la population nous envoie.

Nous entrons, je vois tellement de visages nouveaux et qui ne me sont pas chaleureux du tout. J’ai hâte que cette journée interminable prenne fin. Peu importe l’issue, je suis résigné. D’un regard extérieur, je dois avoir le profil du coupable idéal et je donnerai n’importe quoi pour voir la tête que j’ai actuellement.

Nous arrivons dans la salle du jugement qui est aussi bruyante que l’environnement extérieur. C’est une grande salle en forme de cercle avec, au centre, un pupitre et un micro. Mes accompagnatrices me font avancer au niveau du pupitre, m’enlèvent les menottes et posent mes deux avant-bras à plat. De nouvelles menottes viennent aussitôt se refermer au niveau de mes poignées.

En hauteur, tout autour de moi, d’innombrables individus font face à la cour composée de quatre juges se tenant devant moi. Mes deux acolytes, toujours situées de part et d’autre, à ma droite et ma gauche, n’ont pas décroché un seul mot aussi bien durant le trajet que depuis notre arrivée. Mais aussi plus bas, à quelques mètres de moi, trois hommes et une femme qui, au vu de leur apparence, font partie de la Légion, l’élite de la police Strigoï. De base, ils ont les yeux rouges, mais, avec la modernité, ils portent des lentilles pour modifier les couleurs de leurs yeux, ou plutôt essayer de se rapprocher au maximum des humains. Par contre, au sujet de leur peau, il n’existe toujours aucune solution. Bien qu’ils puissent sortir le jour, ils ne risquent pas d’attraper de coups de soleil.

— Silence ! enjoint l’un des juges.

Le silence s’installe. Bien que le chaos règne à l’extérieur, ici, tout devint si calme.

— Mesdames et messieurs, bonjour. L’audience du jour est diffusée en direct sur les chaînes nationales. L’odieux crime commis par l’accusé ici présent ne doit et ne restera pas impunie. Il servira donc d’exemple pour les futurs déviants qui souhaiteraient rejoindre les rangs de la secte Rebirth.

— Commençons par les faits qui vous sont reprochés, continue un des autres juges. Le mercredi 17 octobre 2094, après vous être réveillé et avoir pris le petit déjeuner avec vos parents, vous les avez sauvagement assassinés. Vous avez commis ce crime en utilisant les armes qui ont été identifiées par les inspecteurs.

Les couteaux se matérialisent via des hologrammes. Ils sont au nombre de trois et tournent sur eux-mêmes juste en face, entre la Légion et moi. Recouvert de sang, je ne reconnais pas ces couteaux.

— Ce ne sont pas les nôtres, nous n’avons jamais possédé ces couteaux à la maison.

— SILENCE ! tonna l’un des juges. Vous ne serez autorisé à parler qu’à l’issue du rendu du jugement.

— Comment je… BZZZZZ…

Avant que je ne termine ma déclaration, une décharge électrique parcourt tout mon corps. Dans la mesure où le courant provient du pupitre, je fus immédiatement électrocuté, car mes bras y sont bien encrés. La douleur fut courte, mais très intense.