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Aïcha grandit dans un milieu où la superstition et la pauvreté semblent sceller toute possibilité d’avenir. Cependant, sa rencontre avec Salem, un modeste aide-coiffeur, bouleverse son destin de manière irrévocable. À travers les épreuves et la souffrance, elle gravit les échelons pour atteindre les sommets d’une société qui lui paraissaient inatteignables. Son ascension, aussi brutale qu’inattendue, questionne sur le prix à payer pour se libérer des chaînes invisibles de son passé.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Abdelaziz Aboumejd, diplômé en sciences politiques, puise dans la sociologie politique pour décrypter les phénomènes sociaux et en faire la matière première de ses récits. Son écriture habile transforme des faits apparemment anodins en une trame d’événements qui se déploient en véritables histoires. Auteur prolifique, il a signé une dizaine de romans, parmi lesquels Sacrée main, La rose de Marrakech et D’ici et d’ailleurs.
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Seitenzahl: 125
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Abdelaziz Aboumejd
Aïcha
Roman
© Lys Bleu Éditions – Abdelaziz Aboumejd
ISBN : 979-10-422-4824-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
– Sacrée main, Éd. Le Manuscrit France
– L’Autre rive, Éd. Fleur de lys Québec
– Achoura, Éd. Édi livre France
– La rose de Marrakech, Éd. Fleur de lys Québec
– Le chemin de Satan, Éd. Velours France
– D’ici et d’ailleurs, Éd. Société Des Écrivains France
Cette histoire est une pure imagination, toute similitude avec des personnages ou des événements existants ou ayant existé n’est qu’une simple coïncidence.
Le temps de refaire sa beauté, et Aïcha rejoint son amant dans la couche encore tiède laissée par son mari quelques minutes plus tôt, alors que la rosée aurorale vient à peine de border les bâtisses incolores et mal alignées du petit Douar encore désert à cette heure si matinale.
Dans un refrain inédit, soupirs et halètements sirotent les corps des soupirants, lorsque l’écho d’un tour de clefs les fait sursauter et, d’un pas assuré, Salem assaille sa chambre à coucher, mais contre toute attente, il se suffit de ramasser quelques affaires qu’il met dans un grand sac avant de ressortir aussi vite qu’il est venu.
L’air d’un zèbre recroquevillé nu derrière le cadre à tisser, l’amant ne comprend rien à ce qui vient de se passer, mais le temps n’étant pas à la cogitation il enfile ses habits et s’enfuit.
Tremblante, Aïcha se contente de couvrir son corps, mais, passé le moment de peur, c’est l’intrigue, la honte et enfin la colère qui l’envahissent.
Terrifiée par l’inexplicable attitude de son mari, elle se flagelle les joues et les cuisses, mais tant ses yeux que son gosier restent secs…
En effet, d’habitude l’homme trompé s’en prend toujours à sa femme qui ne peut que se laisser châtier, et personne ne le blâme, mais le sien n’a rien fait de tout cela.
S’attendant à tout sauf à être si bassement ignorée, elle ne cesse de se lamenter : Si on l’avait dépossédé de son vélo, il aurait remué ciel et terre, mais pour sa femme il ne s’est même pas rebiffé, pas un mot, un geste, une insulte, une gifle, un « tfou », rien, rien, c’est comme si je ne vaux même pas le mérite d’être battue !
Née à une quarantaine de kilomètres du petit patelin où son mari l’a prise en flagrant délit d’infidélité, Aïcha accompagnait son père au local où il enseignait le coran aux garçons du Douar.
Elle était la seule fille du groupe et en jouant, ses camarades la touchaient aux parties sensibles de son corps et cela lui plaisait à tel point que « cache- cache » était son jeu favoris.
Elle avait juste deux ans lorsque sa maman est morte et celui qui devait veiller sur son éducation était loin de donner le bon exemple.
Dans une dévotion outrée, le Fkih réservait sa science médicinale exclusivement aux femmes du Douar, se faisant toujours payer « en nature » et la petite pensait que cela entrait dans le cadre de la médication.
Enfin, c’est ce qu’il lui avait expliqué lorsqu’étant revenue d’une course plutôt que prévu, elle l’avait trouvé couvant de son pesant corps une dame toute nue.
L’oisiveté permettait aux jeunes de savoir avec exactitude ce qui se passe dans le local, mais personne n’osait le décrier.
Par contre ils prenaient tous plaisir à se venger sur Aïcha et à s’en vanter publiquement.
Tellement occupé à combler les intimes faiblesses de ses voisins, le bigot ne s’était rendu compte que la fillette avait précocement mûri que le jour où elle rentra la blouse tout entachée de sang.
Celui qui l’a souillée quitta aussitôt le Douar et ses parents le rejoignirent de peur d’une terrifiante sorcellerie.
Avec le temps, cet incident fut vite oublié et, l’adolescente reprit son activité, cédant de plus en plus facilement tout en se faisant payer par des petites pièces ou des sucreries sans alerter le Fkih totalement voué à sa mission.
Mais le docte finit par l’apprendre de la bouche de l’une de ses patientes, et craignant de s’exposer à la risée générale, il décida alors de la marier.
Il ne pouvait lui trouver mieux que Salem, l’aide-coiffeur, qui venait de perdre sa femme et la cérémonie n’avait duré que le temps de lire la « Fatiha » et manger le plat de couscous auquel seuls l’épicier et le coiffeur furent conviés.
Même s’il n’a jamais voulu de ce mariage forcé avec une fille dont il connaissait par cœur les passades, Salem ne pouvait décliner « l’offre » de celui qui soignait bénévolement sa défunte épouse, mais ce n’était pas l’unique raison.
En fait il avait aussi un petit faible pour cette adolescente qui lui posait beaucoup de questions sur ce qui passe dans le reste du monde, preuve qu’elle était prédisposée à s’épanouir et à sortir d’un entourage aussi humiliant.
Il changea alors de métier pour s’engager dans une mine de briques sise au pied de la montagne blanche et, loua une petite demeure composée d’un patio et d’une chambre à coucher, celle-là même où il vient de prendre sa femme en flagrant délit d’adultère.
Salem avait la possibilité de venger son honneur et tout un chacun lui aurait donné raison, mais il a préféré filer en douce.
En fait Salem ne saurait être réprimandé pour son forfait, beaucoup plus, il devrait être loué pour son sang-froid, car cela fait longtemps qu’il était au courant de cette liaison.
Il s’en était rendu compte un jour, par hasard, alors qu’il rebroussait chemin afin de récupérer ses gants de travail.
En voyant ce jeune se faufiler jusqu’à sa maison, il le pris pour un voleur, mais lorsqu’il regarda depuis la serrure de la porte, il préféra se passer de gants.
— À quoi cela sert de se donner en spectacle et courir le risque de quitter toute la région, s’est-il dit en fardant ce « petit incident ».
Non qu’il soit un couard, loin de là, mais Salem sait pertinemment qu’un quelconque scandale l’aurait poussé à fuir encore toute la région alors qu’il venait enfin de trouver un emploi rémunéré.
Plutôt une galère, puisqu’il quittait sa maison aux aurores et lorsqu’il rentrait la nuit tombée, après des kilomètres à vélo, il sombrait dans le sommeil jusqu’au petit matin.
Et c’était parti pour un rythme de vie qui ne lui permettait même plus de réfléchir à ses déconvenues encore moins à trouver solution à son problème conjugal.
Sa seule compensation dans l’affaire était que, malgré son « péché mignon », Aïcha n’était pas si mauvaise épouse et avait même les ingrédients d’une bonne maîtresse de maison.
Elle tissait les draps qu’elle vendait au Souk pour faire la provision de la semaine, ce qui permettait à son mari de faire quelques économies de quoi espérer un jour monter sa propre affaire ou au moins intégrer une plus grande agglomération, malheureusement, les choses ne se sont pas arrêtées à ce stade.
Aïcha vomissait de plus en plus fréquemment, signe symptomatique d’une grossesse en gestation, et événement tragique que Salem n’a pas prévu et qui chamboulait tous ses plans.
Maladive elle ne tissait plus et de ce fait, la note de l’épicier devenait plus pesante et comprenait, outre les denrées qu’Aïcha doit en principe se procurer au Souk, le prix de cigarettes en détail alors que ni lui ni sa femme ne fumaient et, c’est ce qui l’a poussé à prendre la ferme décision d’abandonner définitivement Aïcha.
Son petit plan consiste à la prendre en flagrant délit d’adultère, seul moyen de prouver à celle qu’il voulait, par tout moyen, soustraire à ce milieu de souille, que ce n’est pas sa faute s’il n’a pas réussi à le faire.
— Le destin y est sûrement pour beaucoup, se dit-il, alors que les péripéties de cette union forcée se replient sur elle-même au rythme des deux roues usées avant d’arriver, à son lieu de travail.
Une mine à ciel ouvert composée d’une dizaine de logis bien camouflés au pied de la montagne blanche.
Je rendrai la monnaie de sa pièce, à celui qui a utilisé la parole de Dieu pour abuser de ma première femme et usé d’intimidation pour m’imposer la prostituée du douar. Je lui renverrai sa fille enceinte d’un bâtard. Je ne la répudierai pas, je la laisserai suspendue, ni mariée, ni divorcée, se harangue-t-il, essoufflé par deux heures de pédale.
Oubliant momentanément ses déboires, il rejoint son coéquipier Brahim et s’attelle à la tâche, chaque équipe devant obligatoirement confectionner une centaine de briques par jour qu’il pleuve ou qu’il neige.
Métier ne nécessitant guère une grande technicité, mais beaucoup d’efforts physiques pour extraire le ciment, le mélanger avec du sable avant de le verser dans des moules en fer et le laisser sécher.
Heureusement que tous les mineurs vivent sur place, ce qui n’est pas le cas de Salem.
Trimballant ses affaires, il tarde à quitter le camp, alors que, remarquant son gêne, son coéquipier Brahim l’invite à passer la nuit chez lui ce qu’il accepte volontiers.
En fait ce dernier l’a à maintes reprises hébergé, mais c’était lorsque les aléas climatiques l’empêchaient de refaire à bicyclette les kilomètres qui le séparaient de sa maison, mais cette fois, la présence du gros sac a une tout autre signification.
— J’aurais aimé m’installer définitivement dans la carrière, finit-il par reconnaître à son ami, après un dîner à la soupe et un verre de thé.
Salem ne lui en dit pas plus et Brahim ne le lui demande même pas.
Depuis le temps qu’il fréquente le groupe, Salem sait que la discrétion est de rigueur et que le dernier mot revient au caporal Omar, patron et contremaître de cette carrière que Brahim s’engage à consulter.
Pour cet ancien militaire soucieux de la stabilité du groupe, la décision n’est pas facile à prendre.
— Les travailleurs te respectent en tant que collègues, mais je ne peux prévoir leurs réactions lorsque tu t’installes définitivement, puisque tu ne partages ni leur langue ni leurs coutumes, et cela risque de devenir source de zizanie.
— Je saurais garder mes distances comme je l’ai toujours fait et jamais je ne me mêlerai de leurs affaires de famille… Je viens de me séparer de ma femme et je risque de quitter à jamais cette région si je ne trouve pas de gîte !
Cette probabilité n’est pas pour plaire au contremaître qui a su bien apprécier l’apport administratif inégalable de son employé dans la gestion commerciale de la mine.
En effet, Salem sait lire et écrire, privilège rarissime dans le coin, et c’est l’unique raison qui l’avait convaincu pour l’engager !
— Je veux bien t’autoriser à rester, mais il y a Khadija, la sœur de ton coéquipier Brahim qui n’est pas encore mariée, et la présence de deux personnes de sexes opposés n’ayant pas de lien de parenté sous le même toit pourrait devenir source de problèmes qui entacheraient l’homogénéité du groupe. Cependant il y a une solution et une seule mon fils !
— Je suis prêt à accepter toute proposition pourvu que je ne perde pas ma place au sein de ce groupe que j’aime et respecte tant.
— Si ton coéquipier ci-présent est d’accord, il t’accordera la main de sa sœur. Comme cela il n’y aurait plus de problèmes et personne n’oserait contester ta présence !
Cette proposition ne peut que plaire à Salem qui préfère changer de femme plutôt que de gagne-pain et de toute façon, il n’est plus question pour lui de retourner vivre avec Aïcha encore moins de se mettre à la recherche d’une autre source de subsistance !
— Tout ce que vous dites est raisonnable et conforme à la tradition, je suis prêt à demander la main de « Lalla Khadija » et répondre aux exigences de son frère.
— Je ne trouverai pas meilleur mari pour ma sœur, et pour la dot, Salem donnera ce qu’il pourra, sinon la lecture d’El Fatiha suffit comme l’a fait notre prophète Sidna Mohammed que la prière de Dieu soit sur son âme tranche aussitôt Brahim, tout heureux de pouvoir enfin marier sa sœur !
Tout aussi enchanté, le caporal procède alors à la lecture de la « Fatiha » qui établit les liens sacrés du mariage sans présence d’Adoules ni acte en bonne et due forme.
***
C’est ainsi que Salem se remarie le jour même où il quitte Aïcha !
Celle-là même qui s’attend, les yeux aussi écartés que la veille, à ce que son mari rapplique à tout moment pour venger son honneur.
Le froid glacial ne l’ayant pas décollée de sa fenêtre, elle revoit les scènes de cette vie étriquée, alors que les idées les plus invraisemblables irriguent son imaginaire.
Combien même elle avait de quoi répliquer elle se laisserait châtier et ne se défendrait même pas, mais aurait tant aimé ne pas en arriver là.
Salem est somme toute, très gentil ne l’ayant jamais maltraitée, mais, la bonne intention à elle seule ne suffit pas à scinder un couple.
— Ce n’est pas entièrement de ma faute s’il rentre, fatigué, et ne me touche que rarement ou presque jamais, s’exhorte la bonne femme, le gosier sec et les yeux taris convoitant de son mari une meilleure aménité, sans pour autant avoir le courage de le lui dire… Il n’a qu’à s’arranger pour faire son devoir conjugal, c’est lui l’homme pas moi.
Elle aussi ressent des impulsions et le résultat était qu’elle avait cédé au premier venu, mais seuls ces instants l’unissent à son amant. Autrement elle le hait et plus encore sa fétidité, et se lave à maintes reprises pour racler sa senteur, se jurant de ne plus lui ouvrir, mais s’abjurant dès qu’il se présente.
Ressentant un creux au ventre, elle envoie l’enfant des voisins lui procurer à crédit des provisions, mais le pauvre revient bredouille, et n’eut même pas les sucreries promises !
Intriguée, elle va s’enquérir de la question, mais rentre aussitôt effarée par les abjectes propositions de l’épicier qui l’invite à entrer à l’intérieur de sa boutique.