Alex, l’enfant du projet « Mnémos » - Évelyne Mouchart - E-Book

Alex, l’enfant du projet « Mnémos » E-Book

Évelyne Mouchart

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Beschreibung

Alexandre Delval, cinq ans, n’est pas un petit garçon ordinaire mais il ne le sait pas encore. Il vit insouciant et heureux auprès de Nanou, sa mère adoptive. Des années plus tôt, ses parents avaient suivi le protocole du « Projet Mnémos », un programme de recherche sur un des composants d’une drogue de synthèse, la mnémosine, qui améliore la mémoire ainsi que les capacités du cerveau humain, mené par le professeur Smirnoff et l’armée américaine. Après plus de cinq ans de traque, le professeur et ses sbires retrouvent la trace de l’enfant. Ces derniers l’enlèvent et le conduisent dans une base de recherches où ils le gardent sous haute surveillance, lui faisant subir des tests pour évaluer ses facultés. Là, il fera la connaissance de son père, de sa vraie famille et découvrira ce qu’il est. Ses nouvelles capacités pourront-elles l’aider à s’enfuir ? Et surtout, acceptera-t-il cette extraordinaire différence ?

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Évelyne Mouchart

Alex,

l’enfant du projet « Mnémos »

Roman

© Lys Bleu Éditions – Évelyne Mouchart

ISBN : 979-10-377-5298-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Je dédie ce livre à mes deux petites filles Margot et Manon,

À Zaêlle, Robin et à tous les enfants du monde,

car chaque enfant est unique et extraordinaire.

Prologue

Kate allait sortir du cybercafé où depuis deux jours elle recherche l’adresse de Franck, son petit ami, le père de l’enfant qu’elle porte. Heureusement, elle les aperçoit en premier et rentre précipitamment à l’intérieur. Elle pose sa tête contre l’épaule de Francisco, son ami.

C’est un jeune gitan d’une vingtaine d’années, il est grand, les cheveux noirs et ondulés, des yeux noisette et un large sourire illumine toujours son visage.

— Ils m’ont encore retrouvée, j’ai tellement peur, pas pour moi mais pour mon enfant. Ils n’arrêteront jamais de nous traquer, j’aimerais tant que Franck soit là, à nos côtés.

Dans la rue, trois hommes scrutent les environs, à leur allure, on devine clairement que ce sont des militaires des forces spéciales.

— T’es sûre que se sont eux ? demande-t-il à la jeune fille inquiète.

Il la trouve tellement belle avec ses longs cheveux châtains, ses grands yeux presque noirs en amande, sa peau rose et veloutée. Même en ce moment, en pleine panique, elle est magnifique. Il sait que son cœur appartient à un autre, mais il ne peut s’empêcher de l’aimer.

— Oui, je reconnais celui-là, c’est le colonel Adams, le professeur Smirnoff n’est pas avec eux, mais il ne doit pas être loin, lui dit-elle en désignant le plus grand des deux hommes.

Ils vont au fond du petit café pour sortir par la porte arrière, Kate jette rapidement un coup d’œil et rentre précipitamment la tête.

— Ce n’est pas vrai, il est là avec deux autres militaires et ils approchent. Je suis coincée, dit-elle en retenant ses larmes.

— Viens, je t’ai emmenée dans ce café car il y a une autre sortie, lui répond-il en la prenant par les épaules pour la réconforter.

Il l’entraîne vers la petite cuisine où le propriétaire, un de ses nombreux cousins, prépare un plateau de tapas.

— Antonio passe-moi la clé de la petite porte de la cave, ils sont là, devant et derrière, s’ils entrent, essaie de les retenir le plus longtemps possible pour que je puisse ramener Kate au campement.

L’homme attrape un trousseau et le lui lance.

Laisse-les sur la porte, j’irai les rechercher plus tard.

Ils descendent rapidement la volée d’escaliers, Francisco ouvre une petite porte dissimulée derrière une étagère remplie de boîtes de conserve. Il allait laisser le trousseau mais se ravise, referme derrière lui et les emporte en tirant la jeune femme par la main.

— Je lui ramènerai plus tard, s’ils descendent, ils verront par où nous sommes sortis et nous rattraperons, lui dit-il en la tirant par la main et en lui lançant un clin d’œil avec un large sourire malicieux.

Ils empruntent un dédale de couloirs et se retrouvent dans le quartier voisin, à quelques rues de là où il a laissé sa moto. Dès qu’il la récupère, il l’enfourche et aide la jeune fille, enceinte de sept mois, à s’installer. Elle s’agrippe fermement à la taille du jeune homme qui démarre en trombe.

Ici, au beau milieu d’un camp de gitans, ils ne viendront pas la chercher. Personne, pas même des militaires aguerris, ne viendra se frotter à eux. Kate s’écroule sur la banquette de la caravane, essoufflée et en larmes, elle remercie ses amis pour leur aide.

Ils l’ont trouvée à Tanger, elle attendait le ferry pour traverser le Détroit de Gibraltar pour rejoindre l’Espagne et puis la France où vit Franck. Cela faisait deux jours qu’elle hésitait sur le bord de la route, avec son gros ventre, sous un soleil de plomb, par peur de tomber sur ses poursuivants, mais personne ne s’arrêtait pour l’aider. Elle commençait à perdre espoir, de ne pas atteindre son but avant la naissance de son bébé et ils sont arrivés, Francisco et sa famille. Un clan de gitan composé d’une dizaine de caravanes. Son oncle, Manolo, le patriarche, avec sa femme, ses quatre fils, leurs épouses et leurs marmailles. Sa sœur, la mère de Francisco, son compagnon et puis une bande de cousins avec leurs femmes et leurs enfants.

Ils l’ont recueilli, eux aussi montaient vers le nord, ils ont de la famille à Barcelone et du côté d’Andorre. Cela faisait maintenant plus de quatre mois qu’ils font route ensemble et qu’elle a appris à les connaître et à les apprécier, eux, les parias, les mal-aimés de la société coincée.

Quand ils ont installé le campement aux portes de Barcelone, elle leur a raconté son histoire. Elle était enceinte et fuyait depuis qu’elle avait découvert son état pour rejoindre Franck, son fiancé, en France.

Elle habitait au Texas et faisait des études universitaires pour être médecin. Un jour, un scientifique était venu donner un cours sur le cerveau et la mémoire. Il faisait des recherches sur les effets d’une drogue de synthèse qu’il avait améliorée et modifiée pour obtenir de meilleurs résultats. Elle était fascinée par ses recherches et s’était inscrite au programme, Franck, réticent, mais poussé par la jeune fille qu’il aimait, s’était inscrit également.

Au début, le médicament lui ouvrait l’esprit, elle emmagasinait plus facilement, elle ne devait lire qu’une fois ses livres de cours pour tout retenir à la virgule près.

Épaté par ses progrès, le scientifique a augmenté la dose et elle a commencé à développer des capacités cérébrales étonnantes, Franck également mais il a pris peur et a voulu qu’ils stoppent tous les deux. Pas elle, elle était trop fascinée, trop avide d’en apprendre plus sur le cerveau humain, ils se sont disputés et ils se sont séparés.

Déçu et triste, il a quitté les États-Unis pour la France où il espérait retrouver sa mère qui l’avait abandonné, enfant, à cause de son père violent.

Cette semaine-là, elle devait être réglée, mais les jours passaient et toujours rien. Ça devenait inquiétant, le mois passé, elle ne les avait pas eues non plus et elle s’était dit que c’était à cause du traitement, Franck et elle prenaient leurs précautions, elle prenait régulièrement sa pilule. Depuis un certain temps, comme c’était sérieux entre eux, il ne mettait plus de préservatif. Par acquit de conscience, elle alla acheter un test de grossesse qui s’avéra positif. Ce matin-là, elle venait de faire une prise de sang, depuis le début du protocole, elle en faisait une chaque semaine.

Et là, elle prit peur, quels effets aurait cette substance sur le cerveau de son bébé ? Il fallait qu’elle arrête pour le bien de son enfant.

Elle a essayé de récupérer l’échantillon de sang qu’on lui avait prélevé au matin en s’introduisant en douce dans le laboratoire. Mais trop tard, le professeur Smirnoff tenait les résultats en main et jubilait. Il envoya directement ses sbires au domicile de la jeune femme, cachée à quelques mètres de lui. Dès qu’ils furent tous partis, elle sortit de sa cachette et fila sans se retourner, sans dire au revoir ni à sa mère ni sa sœur.

Elle conduisait comme une folle pour rejoindre au plus vite l’aéroport le plus proche, elle allait prendre un vol direct pour la France quand elle se ravisa, ils possédaient un jet privé. Ils savaient que Franck était parti en France, c’est elle-même qui l’avait confié au scientifique. Ils y arriveraient bien avant elle et l’attendraient sur le tarmac, alors elle en prit un pour Toronto, au Canada où elle avait une amie.

Une bonne quinzaine de jours plus tard, alors qu’elle était sortie du petit appartement pour prendre de l’air, elle les vit débarquer avec leurs grosses jeeps noires. Heureusement, elle ne sortait jamais sans ses affaires, son sac à main et ses papiers. Elle reprit le chemin du petit aéroport, deux hommes patrouillaient dans les couloirs. Elle se planqua toute la journée dans les toilettes. En fin de journée, ils partirent enfin, elle pensait prendre un vol pour la Belgique ou l’Espagne, mais il n’y avait plus de place, il n’en restait qu’une dans le vol à destination de Tunis.

Elle prit une chambre d’hôtel et téléphona à sa sœur pour lui expliquer et pour qu’elle lui envoie de l’argent. Mauvaise idée, leur téléphone devait être sur écoute car quelques jours plus tard, ils débarquaient à l’accueil, là aussi, elle n’eut que le temps de prendre ses affaires et de filer par la porte des cuisines. Elle monta dans le premier bus qu’elle trouva et se retrouva dans la jolie petite station balnéaire de Tabarka.

Après quinze jours à se planquer dans un petit hôtel et espérant qu’ils avaient perdu sa trace, elle prit un vol pour Tanger. Elle y était restée un bon mois.

— Ne pleure pas Kate, demain, nous t’amènerons chez mon oncle et il te fera passer la frontière, il te conduira chez un de nos cousins qui habitent un petit village dans les Pyrénées mais du côté français. De là, tu pourras prendre un bus pour Toulouse et…

— Et après, je fais quoi ? Je n’ai toujours pas trouvé son adresse, crie-t-elle au bord de la crise de nerfs.

— Reste ici, je vais retourner chez mon cousin lui rendre ses clés et je vais les faire tes recherches, je vais bien le trouver ce Franck Delval, la rassure-t-il en lui souriant.

À la fin de la journée, le jeune homme revient enfin, avec un large sourire accroché à son visage, il l’embrasse sur la joue et lui tend un papier avec une adresse. De soulagement, elle fond en larmes sur son épaule.

Le lendemain à l’aube, ils conduisent la jeune fille dans les montagnes, ils prennent la direction de Grau Roig, un petit village de la Principauté d’Andorre où vivent un des frères de Manolo, Emilio et sa femme, Maria, native de ce petit village, quand son cancer s’est déclaré, ils s’y sont posés.

Après une journée et une nuit de route, ils atteignent la petite ferme, Emilio et Maria sont contents de les revoir et ont préparé un grand repas.

Deux jours plus tard, il est temps pour Francisco et Kate de se dire au revoir, le lendemain, Emilio la conduira de l’autre côté de la frontière.

Mais, ce jour-là, Maria est au plus mal et Emilio a peur de la laisser seule. Il n’a aucun ami au village, il est toujours considéré comme un paria, un sale gitan.

— La frontière n’est qu’à quelques heures de marche, tu dois juste suivre un petit chemin, il n’y en a pas d’autres. C’était un passage de contrebandiers et pendant la guerre, les partisans l’utilisaient pour sortir les juifs de France, si je t’indique le trajet sur la carte, pourras-tu y aller seule ? lui demande-t-il, en l’implorant.

— Oui, Emilio, je me débrouillerai, j’irai à mon rythme, ne t’inquiète pas. Je comprends, Maria a besoin de toi.

Il prend la carte et lui explique en détail le chemin à suivre, les lieux connus, les mines de Pimorent, le lac d’Estanyol et puis la petite ville de Porté-Puymorens où elle trouvera un moyen de transport. Il y a plus ou moins vingt kilomètres, ce qui lui fait cinq bonnes heures de marche dans son état. Il prépare un sac à dos avec de l’eau et de la nourriture.

Le lendemain, vers six heures du matin, elle se met en route, le paysage est magnifique et le trajet n’est pas trop ardu. Au début, elle marche d’un bon pas, mais au bout de deux heures, elle recommence à avoir de légères contractions et décide de faire une pause pour manger un peu.

Elle se repose une bonne heure et reprend sa route en marchant plus doucement, mais les contractions se font plus intenses et elle se plie de douleur à bout de souffle. Elle regarde autour d’elle et aperçoit une petite bergerie perdue à flanc de montagne. Elle arrive à s’y traîner et s’écroule sur la vieille couchette. Les contractions sont très rapprochées et douloureuses, elle sait qu’elle va accoucher d’un moment à l’autre.

Le propriétaire ne doit pas être loin car le feu est encore chaud et il y a encore la miche de pain et le fromage sur la table.

Elle crie pour demander de l’aide, mais pas réponse. En attendant, elle décide d’écrire une lettre à Franck et la dépose à côté du pain, si cela se passe mal, le berger la trouvera. Une contraction plus violente lui lacère le ventre en lui coupant le souffle et un flot de sang jaillit d’entre ses cuisses, elle s’écroule de nouveau sur le lit et hurle de douleur, elle sent que le bébé se présente mal et essaie de ne pas pousser. Mais une nouvelle contraction la plie en deux et elle ne peut retenir son cri. Un homme entre en courant et elle s’évanouit.

Le ciel est bleu et pur, l’hélicoptère stationne au-dessus de la montagne, à cette hauteur, il est invisible pour les gens au sol et sa technologie le rend silencieux. L’homme ajuste ses jumelles hyper précises et observe les deux personnes qui parlent, pas loin d’un petit garçon jouant avec son chien. La femme a un certain âge, le visage buriné par l’air vivifiant et la vie rude des gens de la terre. Il lève la tête un moment pour contempler le paysage à couper le souffle, tout est blanc, un chalet perdu au milieu des Pyrénées, un peu plus loin, un petit lac à l’eau limpide, entouré de petits bosquets qui reflètent les monts environnants, il soupire et réajuste ses jumelles, il se concentre sur le petit garçon, il sourit, enfin, ils l’ont trouvé ! Il branche sa radio.

— On l’a trouvé, c’est le gosse. Je savais qu’il fallait continuer à surveiller le père et qu’un jour, il nous mènerait à lui.

— Vous êtes sûrs ? C’est l’enfant ? lui répond une voix surexcitée et aiguë.

— Oui, général, c’est lui, le portrait craché de son père au même âge.

— Alors, chopez-les, lui et son père.

Pendant ce temps, dans le petit hameau, la femme emmitouflée dans sa grosse veste serre la main de l’inconnu. L’homme est grand et mince, il a les cheveux noirs, grisonnant légèrement sur les tempes, les yeux bleus, un menton volontaire et un front buté. Il est vêtu d’une veste en tweed et d’un pantalon brun. Il frissonne, il n’avait pas prévu qu’il ferait si froid.

— Bonjour, je suis Franck Delval, comme je vous l’ai dit au téléphone, je viens de recevoir cette lettre avec 5 ans de retard, lui dit-il en lui souriant.

— Bonjour, Nadine Dupont, mais vous pouvez m’appeler Nanou, c’est comme cela que le petit m’appelle. Je suis vraiment désolée, n’ayant aucune réponse à ma lettre, je me suis dit que vous aviez déménagé ou que vous ne vouliez pas de cet enfant. J’ai été abasourdie quand vous m’avez téléphoné.

La femme a un visage jovial, buriné par l’air de la montagne, elle est musclée avec un peu d’embonpoint, des petits yeux verts, des cheveux poivre et sel et un large sourire bienveillant.

Franck lève la tête et regarde le petit garçon qui rit aux éclats, il lui ressemble tellement, les mêmes cheveux noirs, les mêmes yeux bleus profonds et le même front buté, mais il a le sourire de sa mère. Le cœur de Franck se serre d’émotions, il revoit le visage de la jeune femme, une belle brune aux yeux pétillants, il l’aimait plus que tout, Kate, la mère d’Alex.

— Racontez-moi, demande-t-il en se tournant vers elle.

— Mon mari était parti voir les brebis, plusieurs devaient agneler, nous avons une bergerie, là-haut, dit-elle en montrant un des sommets qui les entourent. Quand il est arrivé, il a entendu des cris dans l’abri, une femme était en train d’accoucher, l’enfant se présentait mal et elle était épuisée. Pierre l’a aidée du mieux qu’il pouvait et le petit est né. Sa mère était à bout de force et faisait une hémorragie. Elle a dit à Pierre qu’il devait s’appeler Alexandre comme son grand-père et elle lui a remis une lettre adressée au père de l’enfant, celle que je vous ai envoyée accompagnée de mon petit mot. Elle était très nerveuse et apeurée, elle a fait promettre à mon mari de cacher l’enfant, que des hommes étaient à leur recherche et qu’il fallait absolument le protéger. Pierre pensait qu’elle divaguait, puis elle s’est évanouie. Il a bien essayé d’arrêter le saignement, mais c’était trop tard, la pauvrette a rendu son dernier souffle. Le petit hurlait de faim, alors il est sorti pour traire une des brebis, a fait bouillir le lait et a improvisé un biberon avec ce qu’il avait sous la main. Quand le petit fut assoupi, il s’est occupé de sa mère, elle avait une chaîne avec un cœur autour du cou, à l’intérieur, il y avait sa photo et celle du père. Tenez, le voici. Après l’avoir enterrée dans la montagne, il est redescendu avec le bébé, explique-t-elle d’une voix triste.

Franck examine le bijou, c’est bien celui qu’il avait offert à Kate pour son anniversaire, quelques jours avant son départ précipité pour la France. Il se remémore l’instant, le sourire de la jeune femme quand il lui a accroché le petit cœur au cou.

— Il m’a raconté ce que cette femme lui avait demandé, de protéger l’enfant, alors comme nous n’avions pas de réponse, nous avons gardé Alex, ici, nous avons raconté, au village que c’était un de nos petits-neveux à la santé fragile que l’on nous avait confié pour son bien. Il n’est jamais sorti du village, il ne connaît que la montagne, nous avons toujours eu peur de voir surgir ces hommes qui nous l’enlèveraient. Voilà, assez parlé du passé, il est temps que vous fassiez connaissance. Alex, viens ici ! Mon loupiot, je dois te présenter quelqu’un !

— Oui, Nanou, j’arrive, répond le petit garçon en lançant le bâton qu’il tenait en main.

Il s’approche de la vieille femme, il a 5 ans, il est vêtu d’un jean recousu aux genoux et d’une grosse doudoune bien chaude, ses cheveux noirs sont en broussaille, son regard est intelligent mais avec un brin d’insolence, un petit sourire effronté au coin des lèvres, il est toujours suivi de sa fidèle chienne « Misslady », un croisé berger des montagnes et border collie, il l’a trouvée dans la forêt, le chiot était ligoté dans un sac poubelle, voué à une mort certaine si Alex, toujours en vadrouille, n’avait pas décidé, ce jour-là, à aller à la cueillette de fraises des bois au lieu d’aller à l’école.

— Allez, dépêche-toi donc ! le sermonne-t-elle gentiment.

— C’est qui celui-là ? répond-il avec un air de défi.

— Alex, sois poli et dis plutôt bonjour !

— Bonjour monsieur, t’es qui toi ?

Nanou lui prend le visage et plonge son regard dans celui de l’enfant pour capter son attention, lui qui est toujours distrait par tout ce qui passe devant ses yeux, rien ne lui échappe, le bouquetin sur la cime, le rapace en train de chasser et même le vol d’une mouche.

— Alex regarde-moi ! Tu te rappelles, je t’ai parlé de ta maman et de la lettre qu’elle nous avait confiée ? Je l’avais envoyée à ton papa.

— Oui, je m’en souviens. Mais il a pas répondu et il n’est pas venu me chercher, répond-il d’un air boudeur.

— Il N’a pas répondu, Alex, parce qu’il ne l’a pas reçu. Quand le bureau des postes a déménagé, les employés ont retrouvé la lettre coincée derrière une table de tri. La poste a fait le nécessaire et elle est enfin arrivée, avec cinq ans de retard, chez son destinataire, ton père, que voici.

Alex reste muet et dévisage l’homme, c’est vrai qu’il lui ressemble. Le petit garçon danse d’un pied à l’autre réfléchissant à toute vitesse. Il l’avait imaginé tant de fois, ce père, cet inconnu qui n’était pas venu. Il le jauge du regard en le fixant d’un air hautain.

— Alors, c’est toi mon père ? lui demande-t-il d’un air renfrogné.

— Oui, Alex, je me présente, je m’appelle Franck Delval et je suis ton papa.

— T’habites où ? Tu fais quoi ?

— En Normandie, au bord de la mer, j’ai une écurie de chevaux de courses.

En Normandie, mais c’est loin ça ! C’est à l’autre bout de la France ! dit-il en se tenant la tête. Mille idées se précipitent dans son cerveau. Quand tout à coup, il réalise l’impact que cette rencontre va avoir sur sa vie, il se tourne vers la femme, sa mère adoptive, la seule personne qui compte dans sa vie de petit garçon.

— Je vais devoir partir avec lui ? Te quitter ? Quitter tout cela ? dit-il en montrant les montagnes qui l’entourent. Et Misslady ? Elle ne peut vivre sans moi et moi sans elle ? dit-il en se jetant au cou de sa chienne, paniqué.

— Elle peut venir avec toi ! Si elle s’entend avec les chevaux ! lui répond Franck en essayant de le rassurer.

— Ah, ça, je sais pas, elle n’a jamais vu de chevaux et moi non plus ! répond-il en imaginant la rencontre de sa chienne avec les pur-sang de son père. Mais, c’est vraiment très loin ! Nanou, c’est trop loin, je ne pourrai pas venir souvent ! dit-il en serrant contre elle.

De grosses larmes coulent sur ses joues rosies par l’émotion, son cœur s’emballe dans sa poitrine et il chancelle. Nanou le prend par les épaules, elle s’abaisse à sa hauteur et serre l’enfant contre elle.

— Ça va aller, maintenant ton papa est là, il va rester quelques jours avec nous. Vous allez apprendre à vous connaître, après, il faudra rentrer avec lui, comme tous les petits garçons et tu viendras pendant les vacances. Tu verras c’est beau la Normandie, avec tous les pommiers en fleurs au printemps, le bord de la mer, tu vas apprendre à nager et à monter à cheval, tu vas te faire de nouveaux amis, tu pourras me téléphoner quand tu veux et tu seras avec Misslady.

Son père lui caresse les cheveux, pour lui aussi, c’est un bouleversement, il vient d’apprendre qu’il avait un fils, un gamin de 5 ans qui a un sacré caractère. Dès qu’il a reçu cette fameuse lettre, il a pris la route et traversé la France pour arriver dans ce petit village perdu dans les Pyrénées, à la frontière de l’Espagne. Il ne peut le nier, Alex est bien son fils, rien qu’à le voir, il se reconnaît dans les traits de l’enfant. Pourquoi Kate, ne lui avait-elle pas dit qu’elle attendait un enfant ? Il n’aurait peut-être pas fui en France. Tant de questions lui viennent en tête.

Il allait se pencher pour le prendre dans ses bras, quand l’hélicoptère surgit.

Le militaire a observé toute la scène et même écouté toute la conversation avec son matériel sophistiqué.

— Il est temps d’intervenir, notre principal objectif, c’est l’enfant, il ne faut pas le blessé, mais nous ne savons pas de quoi il est capable, vous avez des fléchettes hypodermiques.

L’engin se met en stationnement un peu plus bas dans la vallée, la porte s’ouvre et les hommes, des militaires aguerris, lancent leur filin et glissent rapidement au sol. Alex les regarde, émerveillé, mais Franck très vite, comprend son erreur. Il les a amenés tout droit à son fils ! Il pensait qu’il en avait fini avec eux et ce « Projet Mnémos ». Mais, ils étaient bien là. Il prend Alex par les épaules et lui crie en le secouant.

— Sauve-toi ! Va te cacher, là où ils ne te trouveront pas, tu connais ces montagnes comme ta poche, pas eux ! Fonce Alex ! Ta mère ne voulait pas que ces hommes te trouvent, dit-il en montrant les hommes qui approchent rapidement. Il pousse le petit garçon, la chienne aboie nerveusement.

Directement, voyant le visage inquiet de son père et celui apeuré de Nanou, il comprend que ces hommes lui veulent du mal. Ça doit être les hommes dont sa maman parlait, ceux qui la pourchassaient et qu’elle ne voulait pas qu’ils le trouvent. Alors, Alex détale avec Misslady sur les talons, il se dirige vers les mines de Pimorent. Là-bas, dans les nombreuses galeries, ils ne le trouveront pas. Il court aussi vite que ses petites jambes le lui permettent, heureusement, il connaît tous les petits sentiers.

Il s’arrête deux minutes pour souffler, il contemple le lac de l’Estanyol dans lequel se reflètent les monts enneigés. La neige épaisse à certains endroits ralentit sa course et garde l’empreinte de ses pas, les hommes ne sont pas loin, ils sont plus lourds, alors ils s’enfoncent plus dans la neige fraîchement tombée. Il reprend sa course et décide de couper par le glacier pour remonter vers les mines. Nanou n’aime pas qu’il vienne par ici, il y a des crevasses invisibles recouvertes par la neige, mais il n’a pas le choix.

Ses poursuivants le rattrapent, ils ne sont plus très loin. Son cœur cogne dans sa poitrine, il ralentit le pas, MissLady le précède. Quand, soudain, le sol se dérobe sous elle, Alex crie et se précipite au bord du gouffre en se concentrant sur sa chienne, il fronce le front, tellement l’effort est intense. Il y arrive ! Il ralentit la chute mortelle de sa meilleure amie et la dépose, comme par magie, en sécurité à ses côtés. Tout son corps tremble, il a un peu mal à la tête qu’il appuie contre le poitrail doux et humide de la chienne qui grogne, Alex sursaute de peur. Un des militaires est tout prêt. Il reste un moment abasourdi par ce qu’il vient de voir, l’enfant a sauvé sa chienne rien que par la force de sa pensée. Il se ressaisit, lève son fusil armé d’une fléchette soporifique et le vise. Alex se relève, se retourne, fixe l’homme armé, mais trop tard, il est touché et, directement, tout se met à tournoyer. Il titube et fait un pas en arrière, trop près de la crevasse, il tombe dans le gouffre.

Les deux hommes se précipitent, le petit corps est étendu 15 mètres plus bas, ils alertent leur supérieur qui arrive rapidement sur les lieux avec Franck et Nanou qui se précipite au bord de la crevasse. Rapidement, un deuxième hélicoptère médicalisé se pose près du premier et les secours sont mis en place. Trois militaires, dont un médecin, descendent avec une civière dans le gouffre, y placent le petit garçon et le remontent au plus vite. Le médecin l’ausculte et Nanou l’informe qu’il souffre du cœur.

— En effet, il a un gros problème de ce côté-là et il a la jambe et le bras gauche en mille morceaux. Le dos et la tête n’ont pas été touchés, mais il vaut mieux l’immobiliser. Il faut absolument l’opérer du cœur avant son retour à la base scientifique, il apporte les premiers soins à l’enfant pour stabiliser son état. Ils sont tous les trois embarqués dans les engins. Deux hommes restent sur place pour s’occuper de la chienne qui se démène pour rejoindre son petit maître, pour demander à un voisin de s’occuper de la ferme de Nanou et préparer le nécessaire pour l’enfant.

Dès qu’ils décollent, le colonel Adams, l’homme aux jumelles, grand, musclé, les cheveux coupés ras, le regard dissimulé derrière ses lunettes de soleil, le portrait type du militaire, baroudeur, héros des missions les plus périlleuses, regarde sur son ordinateur portable.

— Il y a le meilleur chirurgien cardiaque à Paris, le docteur Grant, en même pas une heure nous y serons. J’appelle le général pour qu’il avertisse l’hôpital de notre arrivée.

Les deux hélicoptères prennent cette direction et dès qu’ils arrivent sur les lieux, les militaires sécurisent l’étage et Alex est, directement, emmené au bloc opératoire. Le docteur Grant, un homme sportif, cheveux châtains, yeux gris, un air sérieux, chirurgien cardiaque renommé, a très vite compris le problème. L’enfant a une malformation, le cœur et le poumon droit ont fusionné, il n’a jamais vu ça, comment cet enfant a-t-il pu vivre avec une telle malformation ? Il met tout en œuvre pour greffer le plus rapidement possible un poumon et un cœur artificiel. En même temps un de ses confrères, chirurgien orthopédique s’occupe du bras et de la jambe blessés. Après plus de douze heures d’opération, Alex est transféré dans une chambre, sous haute surveillance. Il n’y a plus qu’à attendre qu’il se réveille.

Ça fait, maintenant dix jours qu’Alex est dans le coma. Des scientifiques sont arrivés des États-Unis et se relaient à son chevet, ils ne comprennent pas pourquoi il ne se réveille pas. Le professeur Smirnoff, chef du projet « Mnémos », discute avec le colonel Adams.

— Il faut l’amener au centre de recherches, nous devons nous assurer que son cerveau n’a pas souffert de la chute. Vos hommes nous ont relaté comment il a sauvé sa chienne d’une mort certaine, il a utilisé la télékinésie, j’en suis sûr ! Sa mère était douée. Pourquoi ne se réveille-t-il pas ? clame-t-il en faisant les cent pas.

— Les médecins pensent que c’est volontaire ou un trop plein d’émotions, un choc psychologique qui l’empêche de se réveiller.

— Alors, c’est une raison supplémentaire de le ramener au centre.

— Je suis d’accord avec vous, je vais faire le point avec le chirurgien pour son transfert.

Après plus d’une heure de discussion avec le médecin qui trouve ce départ prématuré, le colonel donne l’ordre de préparer l’avion médicalisé, le docteur Grant les accompagnera pour surveiller l’état de l’enfant. Tout est rapidement mis en place pour que son transfert soit le plus confortable possible. Quand l’ambulance arrive à l’aéroport, elle s’approche d’un avion-cargo militaire, les hommes du colonel conduisent rapidement la civière à l’intérieur. Le docteur Grant n’a jamais vu un avion aussi perfectionné et équipé d’un matériel médical à la pointe des dernières technologies. Une femme assise à l’avant se précipite dès qu’il finit d’installer le petit garçon sur la couchette.

— Alex, mon loupiot, c’est Nanou ! lui dit-elle en lui caressant les cheveux.

— Vous êtes sa grand-mère ?

— En quelque sorte, c’est moi qui l’ai élevé. Ça fait dix jours que l’on nous a littéralement kidnappés et retenus prisonniers dans un hôtel proche de l’hôpital, à chaque fois que nous interrogions un de ces hommes sur l’état d’Alex, ils nous répondaient qu’on aurait bientôt des explications.

— On ?

— Oui, son père est là-bas, ils l’ont endormi parce qu’il ne voulait pas venir.

— Qui sont ces hommes ? En tout cas, ils ont les moyens, ils sont super équipés ! lui dit-il en lui montrant l’équipement médical.

Nanou n’a pas le temps de lui répondre, un homme monte dans l’avion qui se prépare au décollage.

— Madame, docteur, prenez place, nous allons décoller et je profiterai de ce vol pour répondre à vos interrogations. Ah, je vois que son père se réveille. Oui, il est attaché et menotté, mais dès qu’il arrêtera de se rebeller, nous le détacherons.

L’avion décolle et dès qu’il a pris sa vitesse de croisière, l’homme se détache et se met debout.

— Je suis le professeur Smirnoff, créateur et chercheur pour le projet « Mnémos », nous faisons des recherches sur le cerveau et la mémoire. Il y a quelques années, une drogue est apparue sur le marché, elle augmentait les capacités du cerveau et de la mémoire mais ses effets étaient trop éphémères et elle avait, également, beaucoup d’effets secondaires. Nous avons modifié les composants dont la mnémosine et amélioré la durée de son action, puis nous l’avons testé sur des étudiants universitaires, tous volontaires, bien sûr ! Kate Mac Donald, la mère de l’enfant a été rapidement conquise par les effets sur sa mémoire, elle était avide de savoir et cumulait les matières, elle faisait des études de médecine et était très intriguée par nos recherches, elle voulait en connaître plus sur ce médicament. Elle a commencé à développer des capacités en télékinésie et un peu de télépathie. Franck, ici présent, le père d’Alexandre était plus sceptique et ses progrès plus lents, il s’était surtout inscrit pour être avec sa petite amie. Il a quand même développé quelques dispositions à la télépathie et la facilité à imposer sa volonté sur une autre personne. Je crois que tout cela lui a fait peur et du coup il a voulu tout arrêter, il a demandé à Kate de le suivre, mais elle était trop captivée par ses facultés. Ils se sont disputés et il a disparu, nous avons découvert par la suite qu’il était parti en France à la recherche de sa mère qui l’avait abandonné quand il était enfant. Kate est restée un peu plus longtemps, puis elle a disparu, également, du jour au lendemain. Nous venions de lui faire une prise de sang et lors de l’examen de l’échantillon, nous nous sommes aperçus qu’elle était enceinte. Nous avons compris qu’elle l’a découvert et qu’elle a eu peur de ce que ce médicament pourrait avoir comme effet sur son bébé. Directement, nous avons tenté de la retrouver mais elle avait quitté le territoire américain. Après quelques recherches, nous avons retrouvé sa trace au sud de l’Espagne, nous en avons déduit qu’elle essayait de rejoindre son petit ami, Franck, en France. Nous avons installé une surveillance étroite du père de l’enfant, un de nos hommes a rejoint son écurie et est devenu un de ses proches collaborateurs. Nous commencions à désespérer et j’allais relever l’homme de sa mission, quand une mystérieuse lettre, disparue pendant 5 longues années, est arrivée. Franck a sauté dans sa voiture et est descendu dans les Pyrénées, notre homme nous ayant prévenu, nous avons rapidement mis en place une prise en chasse avec l’hélicoptère et vous connaissez la suite.

Ces hommes ont assisté à une démonstration étonnante des capacités télékinétiques de l’enfant qui a empêché sa chienne de tomber dans la crevasse quand la neige s’est dérobée sous ses pattes.

Le professeur fait claquer son pouce contre son index.

— En un millième de seconde, elle était là à côté de son petit maître, en sécurité. Nous avons hâte de découvrir les autres capacités de ce petit bonhomme, dit-il en désignant Alex étendu sur la couchette.

— Il n’en a peut-être pas d’autres, vous n’avez pas le droit de nous enlever ainsi ! répond son père en reprenant peu à peu conscience.

— Ah, bonjour Franck, te voilà totalement réveillé, vous enlevez, directement, les grands mots. Nous ramenons Alexandre aux États-Unis, pour l’instant, ses seuls parents connus sont américains, sa grand-mère maternelle et sa tante, la sœur de sa mère, nous ont donné l’autorisation de leur ramener leur petit-fils, répond-il d’un air narquois.

Il sort un formulaire complété et signé par Margaret Mac Donald, la mère de Kate. Il le fait lire à Franck, qui le fusille du regard. Toi aussi, tu es américain, tu as la double nationalité. Kate et toi vous aviez signé un contrat avec le projet « Mnémos », vous deviez vous présenter régulièrement pour passer des tests et examens médicaux au centre de recherches. C’est tout à fait de notre droit de t’y ramener pour voir si la mnémosine a encore des effets sur ta mémoire et ton cerveau. Après tu seras libre de repartir. Madame Dupont nous a accompagnés volontairement, elle a élevé cet enfant et c’est normal qu’elle veuille veiller sur lui et Alexandre est le fruit du projet « Mnémos », il nous appartient en quelque sorte.

— C’est mon fils et il ne vous appartient pas ! ce n’est pas un produit de vos recherches, c’est un petit garçon ! regardez ce que vous lui avez fait, il est dans le coma à cause de vous, vous ne pouviez pas nous foutre la paix, répond Franck en colère contre ces hommes mais également contre lui-même.

— Pour l’instant, nous n’avons aucune preuve que c’est bien ton fils, dès que nous serons au laboratoire, nous pratiquerons un test ADN et après nous en discuterons. Maintenant, je vais m’entretenir avec madame Dupont, lui répond-il sèchement, mettant un terme à leur conversation.

Franck tend ses poignets liés au militaire assis à ses côtés qui lui retire les menottes puis il se tourne vers le hublot mais restant attentif à la conversation.

Le professeur va s’asseoir auprès de Nanou qui est restée silencieuse pendant tout ce temps, préoccupée par l’état d’Alex.

— Bonjour madame Dupont, c’est bien ça ?

— Bonjour, oui madame, Nadine Dupont, lui répond-elle d’un ton coupant et froid.

— C’est vous qui avez élevé Alexandre ?

— Oui, avec mon mari, il est décédé l’année passée, d’un cancer.

— Sincères condoléances, pouvez-vous me raconter comment a-t-il grandi ?

— A part son problème au cœur, il a grandi comme tous les enfants habitant à la montagne, comme une herbe sauvage.

— Il n’a jamais fait de choses bizarres ?

Nanou jette discrètement un coup d’œil à Franck qui fait un très léger signe de négation de la tête.

— Non, je n’ai jamais rien remarqué, Alex est un petit garçon gentil, espiègle et très indépendant.

— Et à l’école ?

— Très dissipé et souvent puni parce qu’il faisait l’école buissonnière et allait se promener dans la montagne.

— Il n’aimait pas beaucoup l’école, s’ennuyait-il au cours ?

— Oh non, il n’aimait pas tout simplement ! dit-elle en souriant.

La conversation continue sur des banalités concernant la petite enfance d’Alex, puis le professeur reprend sa place et note le tout dans son ordinateur. Les autres regardent un film sur l’écran, lisent des magazines mis à leur disposition ou en profitent pour dormir un peu.

L’avion se pose directement à la base scientifique du projet « Mnémos ». Alex est installé dans une pièce sécurisée, toute en verre, au milieu d’un laboratoire à la pointe de la technologie. Une dizaine de personnes assistent le professeur Smirnoff, il leur demande de lui faire une prise de sang et différents prélèvements : liquide céphalo-rachidien, moelle osseuse et autres, puis fixe les capteurs sensoriels sur sa tête.

— Je veux savoir pourquoi cet enfant ne se réveille pas ! Docteur Grant faites-lui un check-up complet, dit-il d’un ton impératif.

Le médecin soupire mais s’exécute, le professeur sort de la pièce et allume les différents écrans et ordinateurs, prêt à recevoir les premiers bilans sensoriels. Les ondes cérébrales de l’enfant ondulent sur les écrans, tout fonctionne bien.

Il examine Alex qui ne semble pas rejeter les différents implants, ce coma n’est pas dû à cela. Il est sûr que le petit garçon refuse de se réveiller, il est fasciné par toute cette histoire, depuis ce coup de téléphone de l’hôpital pour venir opérer d’urgence un enfant de 5 ans grièvement blessé. Arrivé sur les lieux, il avait été surpris que tout l’étage eût été réquisitionné et que des militaires surveillaient chaque porte et maintenant, il se retrouvait dans un laboratoire secret. Il n’était pas d’accord sur la façon de procéder de ce professeur mais d’un autre côté, ce protocole « Mnémos » et les éventuelles facultés de l’enfant l’intriguaient.

Cela fait maintenant trois jours qu’ils sont installés dans des logements du personnel à quelques pas du laboratoire. Le docteur Grant a fait plus amples connaissances avec Nanou et Franck. Lui seul est en contact avec le petit garçon et il les tient au courant de la moindre évolution de son état, une amitié est née et il les soutient du mieux qu’il peut. Ils sont très inquiets, son père s’en veut beaucoup et sa mère adoptive ne veut pas s’en éloigner. Alex ne s’est toujours pas réveillé, le professeur reste très perplexe face à ce coma, les divers examens n’ont rien donné. Il entre dans le réfectoire où ils sont tous les trois installés pour le déjeuner.

— Nous allons vous ramener chez vous, leur dit-il de but en blanc.

— Et mon fils ? rétorque Franck, offusqué par cette décision.

— Pour l’instant, il reste, sa grand-mère maternelle en a la garde et a donné son accord pour qu’il soit soigné ici.

— Vous ne lui avez pas dit toute la vérité, ce que vous allez lui faire, C’est mon fils et j’ai le droit…

Le professeur lève la main pour lui imposer le silence.

— Du calme, tu n’as aucune preuve qu’Alexandre est bien ton fils et tu n’es pas autorisé à l’approcher. Sa grand-mère ne veut pas que tu aies une relation avec lui puisque tu l’as abandonné. Donc, nous avons le droit de te mettre dehors.

— Ce n’est pas vrai, je viens juste d’apprendre son existence !

— C’est ta version ! L’avion sera prêt dans deux heures.

Le docteur Grant quitte rapidement la table et se dirige vers le laboratoire.

— Où allez-vous docteur Grant, vous pouvez également rentrer chez vous, vos patients vous attendent et nous avons un très bon médecin.

— Oui, je sais, mais je dois absolument vérifier sa greffe, m’assurer que tout est OK et expliquer le traitement à votre collaborateur, lui répond-il calmement.

— Oui, en effet, je vous laisse y aller, ne traînez pas.

Le médecin se précipite au chevet de l’enfant. Il doit lui faire une prise de sang et remettre l’échantillon à Franck pour qu’il puisse récupérer son fils. Il ne faut pas que le petit garçon reste seul, ici. Il entre dans la pièce vitrée, seule une infirmière veille sur Alex.

— Le professeur Smirnoff vous demande après je devrai vous expliquer le traitement et les divers soins à lui apporter.

L’infirmière acquiesce et sort du laboratoire, le médecin se dépêche de faire la prise de sang en essayant de ne pas se faire voir par les différentes caméras, il glisse l’éprouvette dans sa poche, s’assied sur le lit et se penche sur le petit garçon endormi.

Il prend la petite main entre les siennes et la tapote légèrement.

— Alex, il faut te réveiller, il va nous renvoyer en France, Nanou, ton père et moi. Tu ne peux pas continuer à faire l’autruche, je sais que tout cela t’effraie, mais tu ne peux pas laisser repartir ta maman adoptive sans lui dire que tu vas bien et tu n’as même pas eu le temps de parler avec ton père, il n’a pas le droit de t’approcher, lui dit-il tout bas, suppliant, espérant une réaction de sa part.

L’enfant serre les poings et ouvre les yeux, il plonge son regard bleu profond dans celui du médecin.

— Je veux rentrer chez moi ! Moi aussi je veux retourner en France, dit-il d’un ton rageur.

Alerté par l’infirmière qui revenait d’un pas précipité, le professeur, ses collaborateurs et le colonel Adams entrent dans le laboratoire, il rejoint le médecin dans le cube de verre.

— Qu’avez-vous fait, docteur Grant ? Bonjour…

Mais l’enfant, rouge de colère, lui coupe la parole.

— Je veux rentrer à ma maison et je veux voir Nanou.

— Je m’en doutais que ce coma était volontaire, tu es têtu ! Pour l’instant, tu dois rester ici, tu es malade, lui répond-il sévèrement.

— Alors, lui, il doit rester avec moi ! répond-il en désignant le docteur Grant.

— Non, il a des patients qui l’attendent et nous avons notre propre médecin.

— Non, lui seul peut me regreffer un nouveau cœur.

Étonné, le professeur l’interroge du regard.

— Que veut-il dire ? demande-t-il en regardant le médecin qui sourit de l’audace du petit garçon.

— J’ai dû parer au plus pressé quand Alex est arrivé aux urgences, le cœur que nous lui avons greffé était destiné à un adulte, il n’est pas adapté à un corps d’enfant de 5 ans, mes collègues sont en train d’en créer un. Nous avons encore des progrès à faire en ce qui concerne la chirurgie cardiaque pédiatrique. Dès qu’il sera prêt, il faudra le réopérer. En attendant, il doit rester sous surveillance constante, ne faire aucun effort physique et rester calme.

— Bon d’accord, vous pouvez rester, si cela vous convient, bien sûr. Mais ta mère adoptive doit rentrer chez elle, répond-il en espérant que le chirurgien décline la proposition d’Alex.

— Oui, je sais, elle doit s’occuper de la ferme et de ma chienne.

Se rappelant le danger qu’a couru sa fidèle compagne, il jette un regard inquiet au militaire qu’il avait reconnu.

— Comment va-t-elle ? lui demande-t-il.

— Elle n’est pas blessée, nous devrons discuter de la façon dont tu l’as sauvée, répond le professeur avant que le colonel n’ait le temps de répondre.

Alex ignore volontairement sa réponse.

— Je peux dire au revoir à Nanou ? demande-t-il en regardant toujours le militaire qui lui inspire plus confiance que ce méchant homme avec son air hautain.

— Faites venir la femme, répond de nouveau le scientifique.

Le colonel sort en souriant au petit garçon. Quelques minutes après, elle entre rapidement dans la pièce et serre l’enfant dans ses bras.

— Ça va, mon loupiot ?

— Oui, ça va aller, enfin, je crois. De toute façon, je rentrerai vite à la maison ! lui dit-il en foudroyant le professeur du regard.

— Eh bien ! Quel regard, si tes yeux étaient des mitraillettes, je serais mort ! On va te laisser cinq minutes pour que tu lui fasses tes adieux.

Tout le monde quitte la pièce sécurisée. Le petit garçon se serre contre sa mère adoptive.

— Ça va aller, Nanou, ne t’inquiète pas, occupe-toi bien de MissLady, tu sais c’est pas des adieux, je vais vite rentrer, je me sauverai, il va pas m’en empêcher, dit-il, les yeux remplis de larmes et la voix tremblante.

— Tu es très courageux, mais tu dois rester sage, faire attention à ton cœur, écoute bien, John, le docteur Grant, il est très gentil, il va prendre bien soin de toi, en attendant cette nouvelle opération. Regarde, je t’ai apporté ton doudou, Mister Bear.

Elle sort un vieil ours en peluche de son sac, il a bien vécu et est élimé à plusieurs endroits. Alex le saisit et le cache rapidement dans les draps.

— Merci Nanou, lui répond-il en lui souriant bravement.

Il se serre un bon moment contre elle, pleins de questions fourmillent dans sa petite tête, combien de temps seront-ils séparés, la reverra-t-il ?

— Madame, il faut y aller, dit un militaire accompagné du professeur.

Après avoir séparé l’enfant des bras de sa mère adoptive, le jeune homme ressort avec elle, il la soutient pour rejoindre l’avion, elle est en larme et Franck vient la soutenir. Le scientifique se rapproche du lit pour consoler le petit garçon effondré sur son oreiller, mais dès qu’il approche sa main, Alex se raidit et évite le contact en le toisant du regard.

— Ne me touchez pas, je veux voir mon père ? crie-t-il.

— Malheureusement, je ne peux le permettre, ta grand-mère maternelle, ta tutrice, ne veut pas que tu le voies, il n’y a aucune preuve qu’il est bien ce qu’il prétend être et il n’a pas revendiqué ses droits pendant cinq ans.

— Il ne savait pas que j’étais né ! Vous savez très bien qu’il est mon père ! Je vous déteste et cette grand-mère aussi ! Je l’ai jamais vue ! dit-il en colère et essayant de se lever.

Pendant que le professeur discute avec Alex, essaie de lui faire entendre raison et de le calmer, le docteur Grant s’éclipse et rejoint rapidement Franck avant qu’il n’embarque dans l’avion.

— Tiens, j’ai fait une prise de sang à Alex, fais un test ADN, comme cela tu pourras prouver que c’est ton fils et le ramener chez vous. En attendant, je vais veiller sur lui et surveiller ce professeur Smirnoff, il ne m’inspire pas confiance. Courage, j’y retourne avant qu’il se rende compte de mon absence.

— Merci John et ta carrière ? Tu n’es pas obligé de…

— Ne t’inquiète pas, je peux la mettre entre parenthèses pendant quelques mois, c’est du provisoire, dès qu’il sera réopéré, vous serez réunis et tout rentrera dans l’ordre. Ma secrétaire à mon numéro en cas d’urgence, lui répond-il optimiste en lui serrant l’épaule pour le rassurer.

Il embrasse Nanou sur la joue et la serre dans ses bras pour la réconforter, il serre la main de Franck et leur fait un signe de la main quand l’avion s’engage sur la piste.

Quand il revient dans le laboratoire, il trouve qu’il y fait chaud. Le professeur sort du cube pour faire descendre la pression, Alex est anéanti par le départ de sa mère adoptive et de son père qu’il n’a même pas pu voir, il se jette dans les bras du médecin et fond en larmes.

Au bout de quelques minutes, le docteur Grant s’écarte et recouche le petit garçon.

— Allez, il faut te reposer, maintenant, je vais rester là, près de toi, jusqu’à ce que tu t’endormes.

Alex soupire, se tourne sur le côté et serre son ours contre lui. Après quelques échanges avec ses collaborateurs en étudiant les premiers résultats sur ses écrans, le professeur revient dans la pièce et regarde le bambin aux joues ruisselantes de larmes.

— Demain, nous commencerons les tests, passe une bonne nuit.

Le docteur Grant allait répliquer mais, le professeur lui impose le silence, il s’approche du lit et remarque l’ourson en peluche.

— Ben dit donc, qu’est-ce qu’il est laid et pas très propre, ce machin, il risque de te refiler des bactéries et des microbes et d’infecter tes plaies. Donne ! je vais l’installer sur l’étagère.

Alex serre un peu plus sa peluche, mais l’homme s’en saisit, malgré le regard suppliant de l’enfant et l’incompréhension du médecin et le dépose à l’autre bout de la pièce. Il sait qu’Alex ne peut pas se déplacer avec sa jambe blessée.

— Venez, sortons et laissons-le se reposer, dit-il en ignorant les supplications du petit garçon. Le docteur Grant pose sa main sur son épaule pour le réconforter et sort.

Il les regarde s’éloigner, le docteur Grant n’a pas l’air content et le fait savoir au chercheur, dès qu’il est sûr que ce méchant homme ne reviendra pas, il se concentre sur son ours qui se retrouve rapidement, comme par magie, dans ses bras, il le cache soigneusement dans le lit et épuisé par toutes ces émotions, s’endort.

Le lendemain, après que le médecin aidé par l’infirmière a prodigué les soins nécessaires, donné son traitement et son déjeuner à Alex, le professeur Smirnoff entre à son tour.

— Bonjour Alexandre, j’en étais certain que tu te servirais de la télékinésie pour récupérer ton ours, je viens de visionner les films, cette pièce est au centre du laboratoire et surveillée par plusieurs caméras, dit-il en les désignant au petit garçon.

Deux scientifiques viennent installer des capteurs sensoriels sur sa tête, le professeur soulève les draps et attrape la peluche avant qu’il ait le temps de réagir et la redépose sur l’étagère.