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Incorrigible romantique, Mélanie ne désespère pas de trouver un jour le grand amour. Mathias est un séducteur né et il prend la vie et les femmes comme elles viennent. Sur le papier, tout les oppose. Pourtant, c'est le coup de foudre. La magie de Noël suffira t-elle dans cette improbable romance?
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Seitenzahl: 192
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Ludivine DUMONT
Ludivine vit près d’Amiens. Elle est mariée et maman de trois enfants.
Après un baccalauréat littéraire et l’obtention d’une maîtrise de droit, elle travaille de nombreuses années pour un exploitant cinématographique. Son besoin de profiter de sa famille la pousse à changer de carrière et à passer un concours. Elle entre dans l’Administration en 2014.
Son goût pour la littérature et sa participation en 2019 à un salon de la New Romance, organisé à Paris par les éditions Hugo Romance, la poussent à se lancer un nouveau défi.
Amour, mensonges et pain d’épices est son troisième roman.
Déjà paru :
Dans la série Bel Oiseau :
I-Bel Oiseau
II-Ouvre les yeux
Vous pouvez la contacter via Facebook :
Ludivine Dumont – Romance
À tous les fans de romances de Noël, littéraires ou télévisuelles.
Il n’y a rien de plus réconfortant qu’un chocolat chaud, un plaid et une histoire d’amour.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Un an plus tard...
Le papotage de Ludivine
Remerciements
Le froid s’engouffrait insidieusement par les interstices de la maisonnette. Glacée jusqu’aux os, je maudissais déjà ma meilleure amie de m’avoir convaincue de la remplacer. Forcément, dès qu’elle me faisait les yeux du Chat Potté dans Shrek, je fondais ; alors, comment aurais-je pu refuser ? Pourtant, là vraiment, je lui aurais bien enfoncé son joli minois sous les dix centimètres de neige qu’il m’a fallu affronter pour me rendre jusqu’au centre-ville ce matin. Emmitouflée dans un épais manteau d’hiver, des gants, un bonnet de laine et une grosse écharpe, d’incontrôlables tremblements me secouaient pourtant de la tête aux pieds sans discontinuer. En plus, j’allais devoir rapidement trouver une âme charitable pour me remplacer quelques minutes, comme l’attestait mon thermos de café presque entièrement vide. Je sentais que la galère ne faisait que commencer. Pourquoi, mais pourquoi, m’étais-je embarquée là-dedans ?
Heureusement, le jour se leva peu à peu et révéla de petites cabanes rouges et blanches s’étendant à perte de vue. Les magnifiques décorations de ce marché pensé dans la plus pure tradition des fêtes de Noël resplendirent dans la lumière du matin. Les odeurs commencèrent à se répandre dans l’air, mélange de miel, de pain d’épices et de vin chaud. Les battants des étals s’ouvrirent les uns après les autres, accompagnés des rires et des appels des commerçants en pleine installation. J’avais déjà fait la connaissance d’Amélie, la vendeuse de bougies artisanales et de Mylène qui présentait des bouillottes rigolotes. En face, il y avait Éric sur le stand d’une association caritative et Carlos et ses décorations de saison en bois. Novice en la matière, puisque remplaçante au pied levé et dentiste de profession, j’avouais être arrivée un poil trop tôt. Après s’être enquis de la santé de Sandra, mes nouveaux amis ne manquèrent pas de m’accueillir avec chaleur et bonne humeur, se moquant un peu de ma gaucherie.
— T’inquiètes pas Mélanie, le métier rentre vite, tu verras, me rassura rapidement Amélie.
— Oui, c’est vrai, enchérit Carlos. Au début, tu vas être hésitante, mais tu vois, les gens qui viennent sur ce marché, c’est de la magie qu’ils veulent. Retrouver un peu de leur enfance, lorsqu’ils croyaient encore au père Noël. Bon, tu auras évidemment les stressés de la vie, mais ils ne sont pas si nombreux en cette période.
— Pourquoi, le père Noël n’existe pas ? m’écriai-je affolée.
— Ah toi, on va bien s’entendre. C’est bon les gars, Mél c’est une vraie, affirma Mylène dans un accent du coin à couper au couteau.
— Une vraie quoi ? lui demandai-je.
— Une qui croit encore en Noël, en sa magie, sa féerie.
— Alors là, oui, rassurez-vous, j’adore Noël. Au grand désespoir de mon entourage d’ailleurs. Je suis complètement à fond depuis mi-octobre déjà. Vous pensez vraiment que quelqu’un de sensé viendrait vendre des biscuits de Noël par un froid pareil sinon ?
Mes acolytes acquiescèrent dans un grand éclat de rire, puis nous nous mîmes au travail.
Déterminée à être à la hauteur de la tâche confiée par ma meilleure amie, je commençais par attacher mon épaisse chevelure brune dans une élégante tresse me permettant de conserver mon bonnet et de sauver mes oreilles. Déballant ses énormes caisses, je trouvai de grandes bonbonnières en verre, agrémentées d’un large ruban rouge, que je remplis des biscuits de Noël confectionnés par Sandra. Tous les ans, elle vendait ses délices sur ce marché, et la saison avait déjà bien commencé lorsqu’elle attrapa une belle grippe. Je compris rapidement comment : sa cabane était située en plein courant d’air. Et par ce froid, difficile de ne pas succomber. Elle m’a appelée en catastrophe hier soir pour la remplacer pendant deux ou trois jours. Cracher ses poumons sur les appétissants gâteaux que voilà n’aurait effectivement pas été très vendeur. Il en allait de sa réputation de pâtissière localement reconnue, c’était donc mon devoir de lui venir en aide. Et puis, cela me changeait un peu de mon quotidien, c’était comme jouer à la marchande après tout. Ce serait sans doute plus drôle que d’avoir le nez plongé dans la bouche des patients toute la journée, non ? Alors, je décidai de jouer le jeu. Une fois mon stand parfaitement décoré, je terminais l’inventaire de mes produits et de leurs tarifs : les biscuits de Noël, check ; les clafoutis aux cerises, check, les tartelettes aux épices, check.
— Bon, tout me semble en ordre. Il n’y a plus qu’à attendre les clients.
Le dernier client de la matinée quitta enfin mon bureau ; pas trop tôt. Même si j’adorais mon métier, il fallait reconnaître que mes dossiers n’étaient pas tous super sympas ; et en l’occurrence, celui-ci était sûrement le moins sexy de la journée. Quoique les gens puissent en penser, la vie de banquier n’était pas rose tous les jours. D’abord, je ne gagnais pas le dixième de ce qu’affichaient les comptes de certains clients. Ensuite, jongler avec les chiffres ne faisait pas de vous un millionnaire, à moins d’être extrêmement doué ou de flirter avec la législation bancaire. Moi, je ne mangeais pas de ce pain-là, question de conscience. Et puis, trop de risque pour ce que cela rapportait. En plus, je trouvais que la prison ne m’irait vraiment pas au teint. Je préférais le soleil, les belles fringues et les restos, le tout en réglant les factures honnêtement. Bref, je croquais la vie à pleines dents, mais avec un salaire de banquier.
Je me dirigeai rapidement vers la salle de pause où se trouvaient plusieurs collègues avec lesquels nous avions prévu de déjeuner en flânant sur le marché de Noël. Je trouvais ça cul-cul, mais c’était une sorte de tradition au bureau, et Isabelle ne rigolait pas avec le sujet. C’était une acharnée de la convivialité. Il était interdit de critiquer les fêtes de Noël, au risque d’être rayé de son mailing spécial. Si je n’étais pas un très grand fan de cette fête commerciale complètement désuète, je jouais le jeu. Cela aurait été vraiment dommage de rater les autres soirées organisées, pour un truc qui ne durait qu’une semaine, et encore, moins si l’on tenait compte des jours de fermeture. Alors, je fermai bien ma bouche, plaquai mon plus joli sourire sur ce visage parfait et devins le plus enthousiaste de la bande. Bref, vous l’aurez compris, je n’aimais pas Noël.
Évidemment, enfant, j’étais comme tous les autres gamins, je chantais « Petit papa Noël » à tue-tête, me goinfrais avec les chocolats de mon calendrier de l’avent et trépignais d’impatience pour ouvrir mes cadeaux. Mais tout cela était terminé. D’ailleurs, depuis la mort de mes parents, je n’avais plus vraiment personne pour qui déposer un cadeau au pied du sapin. C’était triste, mais c’était comme cela. Être fils unique n’était pas compliqué à vivre quand on ne connaissait rien d’autre. Bon et puis, pas de petite amie en vue non plus. S’il y a bien eu des coups d’un soir, voire une ou deux nanas assez courageuses pour me supporter plus de quelques semaines, jamais aucune relation suffisamment sérieuse pour imaginer un avenir à deux.
— Punaise, tu en as mis un temps. Tu te dégonfles ? me demanda Benoît, mon meilleur pote.
— Jamais de la vie. Et tais-toi, ou Isa va t’entendre.
— Tu mériterais que je te balance. Mauviette. Même pas le courage d’assumer.
— Oh, ça va, tu n’es pas vraiment plus fan que moi de Noël.
— Tu te trompes complètement mon vieux. J’adore Noël. En fait, tu ne me connais vraiment pas.
— Mais si bien sûr, je te charriais. Tu n’as vraiment aucun humour… mon vieux.
— Ça ne vous dérange pas si l’on vous attend les enfants ?
Benoît pouffa de rire. Isabelle devait avoir cinq ans de moins que nous, mais son assurance et son autorité naturelle compensaient amplement les quelques années qui nous séparaient. Elle était presque flippante parfois. Benoît s’est laissé tenter par cette jolie blonde, mais il a vite abandonné le dossier. Comment disait-il déjà ? Ah oui, « cette fille, elle est capable de te faire regretter d’avoir des c… ». Je n’ai jamais vraiment demandé ce qu’il entendait par là, certains sujets nécessitant un classement rapide. Pour ma part, je préférais séparer le perso du boulot. Pour eux, ça s’est terminé en bonne amitié, mais dans le cas contraire, je n’imaginais pas croiser tous les jours une femme avec laquelle j’aurais vécu de tendres moments.
— Allez hop, mauvaises troupes, on y va.
— Oui, cheffe ! Entonnâmes-nous tous en cœur.
Éclatant de rire, notre petit groupe sortit de la banque et se dirigea immédiatement vers les stands de bouche. Les délicieuses odeurs de tartiflette, de vin chaud et de crêpes nous attirèrent irrésistiblement. La faim me déchira le ventre et je pressai le pas sans m’en apercevoir.
— Hé ! tranquille Mathias, où cours-tu comme ça ? m’interpella Isabelle.
— J’ai les crocs et toutes ces bonnes odeurs n’arrangent pas mon affaire.
— Ah, les mecs. Tant que leur estomac est plein, ils sont heureux. Pourquoi est-il si difficile de vous satisfaire alors que seuls des besoins primaires semblent vous combler ?
— C’est un mystère, ma chère Isa, un mystère. Mais en ce qui me concerne, il faudrait plus qu’une bonne cuisinière pour m’empêcher de papillonner.
— Je ne sais pas trop quoi penser de ta réponse. Tu es à la limite entre le mec sexy et le goujat.
— Mais, c’est pour cela que tu m’adores. Je suis ton fantasme inavoué.
— Ouais, c’est ça. Mets ton bonnet avant que ta tête n’y entre plus.
Nous continuâmes notre chemin tout en plaisantant. Je devais bien le reconnaître, cette sortie entre collègues, à l’approche des congés de fin d’année, tombait vraiment à pic. Un moment tous ensemble avant de retrouver nos familles respectives, enfin pour eux évidemment, permettait de nous donner le courage nécessaire pour affronter les dramas classiques. Nous ressemblions à un groupe de touristes, nous émerveillant de-ci, de-là.
Après avoir commandé nos plats, nous décidâmes de manger en marchant et de poursuivre notre balade vers les autres chalets. De petits groupes se formèrent en fonction des intérêts de chacun. Lorsque tout à coup, Isabelle s’écria :
— Hé, dites, ce ne serait pas la vendeuse de pâtisseries succulentes de l’année dernière là-bas ?
— Où ça ? demanda Benoît.
— Mais, là, juste de l’autre côté de la rue.
— À oui, c’est possible.
— Allez, on y va, j’adore son pain d’épices. Mais, on ne dirait pas la même personne, zut, j’espère ne pas me tromper.
Nous suivîmes Isabelle jusqu’au stand de pâtisseries. Je n’avais absolument aucun souvenir de ce dont elle parlait, mais je me sentais décontracté, et l’air vif me faisait le plus grand bien. À mon arrivée, Isa était déjà entrée en négociation avec la vendeuse. En pleine discussion avec mon meilleur ami, je ne vis pas tout de suite ce qui le captivait. Je levai les yeux et reçus soudainement un coup au cœur.
La matinée fut très calme. La plupart des ventes furent effectuées auprès de touristes venus spécialement pour visiter ce marché de Noël, ou de lycéens se rendant en cours et ne dépassèrent pas deux articles. Sandra m’avait prévenue que l’affluence n’était pas intense le jeudi, mais je ne m’attendais tout de même pas à cela. Le centre-ville pendant les heures de travail semblait bien triste. Je n’avais visité mon amie que le week-end au cours des années précédentes, et elle était toujours complètement débordée. Je n’avais pas imaginé que le reste de la semaine puisse se passer autrement. Le temps devait parfois lui paraître bien long.
Mes collègues de marché discutaient joyeusement de leur vie, questionnant l’un sur les études de sa fille, l’autre sur la santé de son père, bref ils semblaient se connaître depuis plusieurs années déjà. Je n’osais pas m’immiscer dans leurs conversations, qu’aurais-je pu leur dire ? Je ne connaissais aucune des personnes dont ils parlaient. D’ailleurs, je n’étais pas sollicitée. Cela ne me dérangeait pas outre mesure. J'étais une fille plutôt solitaire et le silence ne m'effrayait pas. Pourtant, le froid m’engourdissait, et il me fallait m’occuper un peu l’esprit pour ne pas me focaliser sur la perte probable de mes orteils avant la fin de la journée. Lassée de déplacer pots et corbeilles, je décidai de me consacrer à une introspection. En effet, mon métier et ses horaires extensibles ne me permettaient pas réellement de réfléchir ni même de m’occuper de moi correctement. Le vide de ma vie sociale se trouvait être la preuve la plus solide de ce déplorable constat. À part Sandra, je n’avais aucune amie avec laquelle papoter le soir, ni collègue à qui proposer de sortir après le boulot. Je possédais mon propre cabinet dentaire. Si cela constituait la plus grande fierté de mes parents, je me rendis rapidement compte des désavantages de l’absence d’autres praticiens à mes côtés. Pas de pause-café ni d’échanges à propos des patients, encore moins de possibilités de demander conseil sur un cas épineux. Non, seule, pour le meilleur comme pour le pire.
Sandra et moi nous sommes rencontrées au collège, et malgré une séparation à l’entrée au lycée, rien ne put entamer notre belle amitié. Les années suivantes ne firent d’ailleurs que renforcer nos liens. Je ne saurais expliquer ce qui nous a unies ainsi, car nous étions très différentes. Elle l’excentrique, l’enjouée, toujours à l’aise partout, et moi la timide, réservée, rougissant à la moindre occasion. Le feu et la glace.
Côté cœur… comment définir ma situation sans paraître me lamenter sur mon sort ? Impossible, assurément. J’ai bien eu des petits amis, mais est-ce que compter les « crushs » du collège me donnerait l’air complètement désespéré ? Non, ne répondez pas, j’ai compris. J’ai pourtant déjà connu l’amour, enfin il me semblait s’agir du véritable amour à l’époque. Le problème fut sans doute la divergence de nos projets d’avenir, les siens ne m’incluant apparemment pas. Cela aurait pu être la fin d’une histoire, évènement plutôt banal, mais non, il lui fallut ruiner mon petit cœur de nunuche pour que l’idée de la rupture atteigne mon esprit englué dans la guimauve. Voilà comment me définir, une nunuche fleur bleue, blessée, et bien décidée à ne plus se faire avoir par le premier bellâtre se présentant à ma porte. Après une longue période de thérapie des cœurs brisés, administrée à coup de glace aux noix de macadamia et de mojitos bien tassés, je décidai d’aseptiser mes relations amoureuses en passant à la version 2.0 de la drague.
La création de mon profil me mit dans tous mes états. Sans exagérer, Sandra fit de ce Moi virtuel un monstre assoiffé de testostérone. Chaque clic de validation provoquait une révolte intérieure, car rien ne me ressemblait. Petit à petit, je réussissais à adoucir certains traits, parfois au péril de ma vie !
— Sandra, tu exagères un peu là. Je ne suis pas une jeune femme sexy et en mal d’amour. Tu es dingue ou quoi ? Je vais me récupérer tous les charos du coin.
— En toute honnêteté, croiser un mâle en rut ne te ferait pas de mal, ma belle. Il faut te remettre en selle.
— Ouais c’est ça, compare-moi à une pouliche, c’est tout à fait moi. Tu t’imagines ce que les hommes vont penser en lisant le descriptif ?
— Ben, c’est un peu l’idée. Qu’est-ce que tu crois ? Tu penses trouver le prince charmant là-dessus ?
— Non, enfin, je ne sais pas. De nos jours, des tas de couples se rencontrent sur des sites internet ou sur les réseaux sociaux.
— Je suis d’accord, mais au bout de combien de coups d’un soir ? Parce que ne te leurre pas ma grande, ces couples dont tu parles, ils se sont tapés une dizaine de personnes avant de rencontrer la perle rare. Ils ne s'en sont pas vantés, c’est tout.
— Des dizaines de personnes ? m’écriai-je.
— Oui, plus ou moins.
— Je ne vais pas y arriver. Je ne sais pas faire ça moi. Parler à des gens que je ne vois pas, leur dire des choses personnelles alors que je ne les connais pas.
— Et peut-être même à plusieurs en même temps.
— Hein, quoi ?
— Avant de donner un rendez-vous pour voir la personne « en vrai », tu vas devoir discuter un certain temps, et peut-être que plusieurs mecs seront intéressés par ton profil. Du coup, tu pourrais avoir plusieurs conversations en même temps.
— Je confirme, ce n’est pas pour moi.
— Fais un effort s’il te plaît. Tu essaies quelques mois, et si vraiment ce n’est pas ton truc, tu arrêtes et tu retournes à la bonne vieille méthode du choc en pleine rue. OK ?
— D’accord, mais je ne suis vraiment pas convaincue.
Mes efforts furent réels, et je reconnus rapidement l’intérêt de ce type de site internet. Les profils intéressés par le mien ne me convinrent pas tous ; il me suffisait alors de les mettre dans la corbeille pour qu’ils ne m’importunent plus, destination adéquate pour certains. Je reçus même quelques invitations. Par contre, je ne réussis jamais « à faire mon marché », ce fut au-delà de mes forces, et de mes convictions. J’eus de bonnes surprises parfois, mais surtout beaucoup de déconvenues.
Je me souvenais de ce rendez-vous dans un restaurant plutôt chic. La proposition de nous retrouver dans un lieu public m’avait beaucoup rassurée. Impatiente, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Il était enseignant, professeur de mathématiques, je crois. Mon profil scientifique l’avait attiré. Nous avions de longues conversations très intéressantes, et je m’étais dit qu’un repas en bonne compagnie me ferait du bien. Je décidai d’arriver un peu plus tôt pour me sentir en confiance. J’attendais sur le parking faiblement éclairé lorsque je reçus un message. C’était lui me précisant se trouver juste devant l’entrée. Un halo de lumière éclairait un homme plutôt grand, bien bâti… mais, oh misère, complètement chauve. Il affichait quinze ans de plus que l’âge indiqué sur son profil et portait un pantalon bleu électrique et une veste rouge. J’ai honte de l’avouer, mais je n’ai pas pu, je me suis enfuie.
Ah ! Et ce magnifique chirurgien ? Parfait en tous points, rien à dire sur le papier : conversations géniales, physique de mannequin, corps d’athlète, bref un mec à faire baver toutes les copines. Seulement, après deux verres, le vernis a commencé à craquer. Sa misogynie a éclaté au grand jour. Il semblait presque agressif. J’ai eu peur et j’ai rapidement mis fin à cet embryon de relation.
Après quelques mois de « non merci », « je passe mon tour », « ne m’en veux pas, mais je ne ressens absolument rien pour toi », je décidai de cesser là mon expérimentation des sites de rencontre. Le monde tournait seul depuis la nuit des temps, je me devais de lui faire confiance. Si l’amour croisait un jour ma route, autant lâcher prise et le recevoir à bras ouverts. Cette période 2.0 me permit au moins de faire le deuil de ma relation amoureuse et de reprendre confiance en moi.
J’en étais là de mes réflexions lorsqu’un groupe de « jeunes cadres dynamiques » s’avança vers moi avec empressement. Ils semblaient d’humeur allègre, ce qui me fit monter le sourire aux lèvres. Une jeune femme, svelte, blonde et parfaitement maquillée paraissait mener la bande. Son joli visage et son assurance me firent me sentir complètement défraîchie. Je devais avoir les joues rouges et la goutte au nez. Pourtant, j’affichai mon plus beau sourire pour accueillir cette cliente apparemment déterminée. J’acceptai sans condition ses louanges sur mes pâtisseries qu’elle semblait déjà bien connaître, tout en lui confirmant ne pas être l’artiste responsable de ces délices. Tout à notre conversation, je n’avais pas fait très attention à ses amis. Soudain, mon regard croisa de grands cils bruns et des yeux noisette, et mon souffle cessa d’alimenter mes organes en oxygène. Waouh…
Le souvenir de cette jeune femme me suivit encore longtemps : ses yeux pétillants, ses joues rosies par le froid et sa bouche gourmande me laissèrent fébrile. Contrairement à mon habitude, je ne pus prononcer un mot, subjugué par cette apparition divine. Certes, emmitouflée dans son gros manteau et couverte en partie par cet affreux bonnet et son écharpe, il était difficile de dire si la demoiselle était aussi parfaite qu’elle semblait l’être. Pourtant, son air amical et sincère, derrière lequel je pressentais une certaine réserve, me mit en émoi. Mon silence alerta Benoît.
— Hé mec, qu’est-ce qu’il t’arrive ?
— Hein ?
— Tu as l’air statufié.
— Non, pas du tout, pourquoi dis-tu cela ?
— Attends un peu, laisse-moi voir ? Ah oui, c’est bien ça, tu as la langue qui pend jusqu’au sol.
— Qu’est-ce tu racontes ?
— Ben, c’est qu’elle te fait de l’effet la petite marchande. Allez, avoue.
— Je l’ai à peine regardée, je ne vois pas de quoi tu parles.
— Mon œil, je t’ai bien vu. Tu la dévorais des yeux. C’est vrai qu’elle est plutôt…
— C’est bon, on a compris, pas la peine de devenir vulgaire.
— Hou là, Mathias monte sur ses grands chevaux. Tu ne te gênes pas d’habitude pour envoyer une ou deux vannes salaces pourtant. C’est qu’elle te fait vraiment de l’effet celle-là.
— Bon, arrête un peu tes gamineries. Oui, elle est jolie, ça te va ? Pas la peine d’en faire toute une histoire. D’ailleurs, tu le sais, puisque toi aussi tu la dévorais des yeux au point de ne plus m’écouter.