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"Arrêt à Ré" vous invite sur l’île de Ré, où l’atmosphère paisible cache des secrets bien plus glacés que les célèbres marais salants. Tout bascule lorsque le corps d’un inconnu est découvert… dans le congélateur du collège « Les Salières » – un détail qui pourrait refroidir même les esprits les plus téméraires. Pedro, futur beau-père de la victime, est propulsé au rang d’informateur et se retrouve à jouer les détectives malgré lui. Muni d’un sens de l’observation et d’une dose d’improvisation, il navigue parmi des personnages tout aussi mystérieux que déroutants. Entre révélations improbables et énigmes de plus en plus loufoques, l’enquête frôle parfois l’absurde. Et la grande question demeure : qui aurait cru que l’île de Ré cachait de telles surprises… au fond d’un congélateur ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Philippe Garenne, auteur prolifique, s’inspire des paysages du quotidien. Fort de son expérience dans un collège de l’île de Ré, il livre "Arrêt à Ré", un roman mêlant mystère et réalité, avec une écriture sensible qui dévoile les multiples facettes de la vie insulaire, à la fois familière et énigmatique.
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Seitenzahl: 155
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Philippe Garenne
Arrêt à Ré
Roman
© Lys Bleu Éditions – Philippe Garenne
ISBN : 979-10-422-5037-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
L’idéal de sa jeunesse, il ne faut jamais lui tourner le dos.
Au mieux c’est une trahison, au pire une pitoyable capitulation.
Un beau jour, Jean-Pierre Laville avait décidé de s’appeler Pedro. Un caprice de star ? Non, simplement la lecture d’un titre de livre, La vie est un songe, de Pedro Calderón de la Barca. Où s’arrête l’illusion, où commence la réalité, l’existence n’est-elle qu’un rêve ? Le thème lui avait plu, le prénom de l’auteur aussi.
Il avait ramené d’un séjour à la Réunion, île française de l’océan Indien, l’amour de sa vie, Li, une jolie Chinoise, légère comme une chemise de lin, au caractère solide comme une corde de chanvre. La jeune femme était la mère d’une adorable enfant, Luan, et la fille de l’abrupte Yu, avec qui la coexistence n’avait rien de pacifique.
Avec quelques économies et l’héritage de ses parents, Pedro avait acheté un restaurant, Le dragon d’or, enseigne réputée de La Rochelle. Aidé d’Avotra, le commis malgache, il faisait fructifier le commerce et coulait des jours heureux à Périgny, ville de la banlieue rochelaise. Sauf que la vie n’est pas toujours aussi simple…
Le petit chat noir et blanc pénétra dans le jardin par un trou de souris du grillage. Le ventre à terre, il contourna prudemment l’épais feuillage de la haie et progressa à pas de loup sur la pelouse, méprisant les mauvaises herbes. Il se figea à la limite de la terrasse. De là, il ramena sa queue autour de son arrière-train et scruta les mouvements suspects.
Rassuré, il reprit sa marche en avant vers la main qui pendait d’une chaise longue. La main était rattachée à un primate humanoïde à la respiration lente et régulière. Un ronflement désagréable s’échappait de sa bouche entrouverte et troublait la sérénité des lieux.
Heureusement, si les meilleures choses ont une fin, les plus mauvaises aussi.
Pedro émergea de sa sieste.
Il vit l’animal.
Le chat l’observait de son air qu’ont tous les chats de juger leurs colocataires mammifères. À l’ombre de son parasol, Pedro tendit la main. Le félin s’approcha, renifla, se laissa caresser le haut du crâne, puis, jugeant les amabilités suffisantes, se recula d’un mètre et entreprit sa toilette. Il passa sa patte droite au-dessus de son oreille droite, sa patte gauche au-dessus de son oreille gauche, s’assit et promena sa langue rugueuse sur les poils de son ventre.
Il se jugea présentable.
En était-il de même pour le Sapiens affalé devant lui ? Il s’approcha de nouveau, se laissa caresser le dos. Il s’allongea de tout son long, offrant son flanc au grattage des doigts de son interlocuteur. Enfin, content de la prestation de son partenaire, il se roula en boule et entama un sommeil réparateur. Il avait trouvé un territoire et un bipède pour le servir. Plus tard, il aborderait la question des repas et du gîte pour la nuit, à l’intérieur de la maison de préférence. La négociation ne serait pas longue, tant il pensait avoir fait bonne impression. Seul obstacle potentiel, l’allergie des femelles aux poils de chat, mais dans ce cas, rien ne les empêcherait d’aller dormir ailleurs.
La tête posée sur ses pattes avant, le chat ouvrit un œil, dressa une oreille. Il jugea le bruit extérieur intempestif, mais pas dangereux pour autant. Cependant, il fallait être prudent. Il se leva, s’étira, bâilla et gagna le fauteuil de Pedro pour s’allonger dessous. Le poste d’observation lui convenait.
Luan était certainement la plus jolie fille de Périgny, elle était aussi la plus bruyante. Au son du talon martelé sur le parquet, Pedro entendit son repos se terminer.
— Papa, papa, j’ai perdu mon Marcel !
— Tu veux parler du débardeur miteux noir et jaune aux couleurs du Stade rochelais ?
Luan haussa les épaules et tapa du pied. Elle avait l’air sincèrement inquiète, l’œil plus noir que ses chromosomes le lui commandaient.
— Mais non, papa, Marcel, mon copain.
— Première nouvelle ! Il sort d’où, ce mec ?
— Tu le fais exprès ? Marcel, il est venu manger plusieurs fois… Il est beau, charmant, intelligent…
Pedro mit la main sur le menton et fit semblant de réfléchir.
— Tu dis, beau, charmant, intelligent, à part moi, je ne vois pas.
Il admit enfin qu’il avait horreur d’être réveillé pendant sa sieste et que le retour brutal au cauchemar de la triste réalité influait néfastement sur son caractère naturellement aimable. Il n’avait pas la main verte, pourtant, il cultivait la mauvaise foi.
Comme pour s’intéresser au débat, le chat fixa la nouvelle venue. Il en profita pour mettre un coup de langue sur ses pattes, les mordilla délicatement à la recherche d’une puce éventuelle.
— Mais papa, tu fais attention à rien, tu t’intéresses à rien, le matin, tu fais la grasse matinée, le soir, tu te couches tôt, l’après-midi, tu dors, c’est dur de te parler. Et quand on y arrive, tu te moques.
— À qui le dis-tu, renchérit Li, qui traînait par là à la recherche du temps perdu.
Li, la femme de Pedro et mère de Luan, par l’odeur du dialogue alléchée, s’invitait à la table de la conversation.
Misère ! pensa l’homme de la maison. Lui qui militait pour un dialogue court et concis, il allait devoir écouter les questions pertinentes, les remarques subtiles, les digressions indispensables, les analyses psychologiques appropriées. Apporteraient-elles cependant une réponse lumineuse à une interrogation oubliée ?
Marcel Martin, dit Bonbon Fondant, doux et suave à l’intérieur, craquant à l’extérieur, avait trouvé un emploi d’assistant d’éducation, anciennement appelé pion, au collège « Les Salières » de Saint-Martin-de-Ré. Il s’était présenté début juillet pour valider son embauche et devait prendre son service fin août, le 21 exactement, une semaine avant la rentrée.
Marcel habitait chez sa maman, Marcelle, au deuxième étage d’un immeuble ancien, rue du Collège à La Rochelle. Son père, Marcel Ier, descendant en ligne directe des rois fainéants, s’était fait la malle un soir de beuverie où il n’avait retrouvé ni l’étage, ni la rue, ni le quartier, et quand il n’y a pas de quartier, le Canada n’est pas loin.
Le petit Marcel était ravi de travailler dans l’île et de gagner assez d’argent pour s’installer dans un petit appartement où Luan pourrait le rejoindre.
Après un été humide et sans histoire, partagé entre la plage, les soirées arrosées et les boules de glace, il confia à sa mère qu’il ferait sa rentrée des classes prochainement.
Le dimanche soir, 20 août, il avait téléphoné à la fille de Pedro et ils s’étaient prodigué alternativement des mots d’amour et des paroles d’une mièvrerie convenue, tant à cet âge on pouvait manquer d’imagination. Le lundi 21, il avala un café préparé par la première femme chronologique de sa vie et traça vers le collège.
Un Martin à Saint-Martin, s’était-il dit en passant le pont et en riant intérieurement de sa vanne. Au niveau de l’humour, il avait encore du chemin à parcourir.
Arrivé à Saint-Martin, il avait tourné à gauche au niveau du supermarché, longé le stade. Le portail était ouvert, il gara sa voiture, ou plutôt celle de sa mère, dans le parking et partit à la rencontre de ses collègues.
Son immersion dans la faune éducative commençait. Cette première journée se passa plutôt bien. Les camarades de jeux étaient sympas, jeunes et sans avenir, le travail de prérentrée pas trop désagréable pour quelqu’un qui n’avait aucun repère dans les méandres administratifs. Affichage des listes d’élèves, comptage des manuels scolaires, le temps passait, le menant inexorablement vers l’heure de la sortie. À midi, entre deux bouchées de son sandwich, il appela Luan. Évidemment, elle était à la bourre dans le resto de son père, mais elle trouva le temps de lui susurrer des mots doux. Lui, à l’autre bout des ondes, déglutissait de plaisir. La longue progression du bol alimentaire dans son œsophage écourtait ses réponses, mais le cœur y était.
Vers dix-sept heures, il laissa ses nouveaux collègues rejoindre leurs pénates et s’attarda de longues minutes sur le parking de l’établissement scolaire, une cigarette au bec. Il faisait chaud en cette fin d’août. Les jours raccourcissaient tout en conservant une longueur respectable.
Un dernier coup de portable à Luan pour lui dire qu’il arrivait et qu’ils allaient fêter dignement son entrée dans le monde du travail.
— Et puis, plus rien, papa, plus rien, personne ne l’a revu. Je l’ai attendu toute la nuit. Il n’est pas allé taffer le reste de la semaine. Aujourd’hui, c’est la rentrée scolaire, il n’a pas embauché. Je lui ai laissé plein de messages sur son portable, il ne répond pas. Le collège l’a appelé, rien ! Sa mère, elle aussi, est sans nouvelles.
— Sa voiture ?
— Sa voiture est toujours sur le parking, à Saint-Martin.
— Le parking du collège ?
— Oui, le parking du collège ! s’emporta-t-elle, passablement agacée.
Elle serrait les poings et levait sa tête vers le ciel, espérant une intervention divine du nuage blanc qui montait sur l’horizon.
Un peu amusé par la mine déconfite de sa fille, Pedro posa des questions idiotes, les unes passablement déplacées du genre « il voit d’autres filles, ton mec ? » ou des affirmations inutilement désopilantes du genre « la chasse à la poule d’eau est ouverte sur l’île ! » Plus sérieux, il enchaîna :
— Tu as été à la police ?
— Sa mère est allée voir les keufs. Minables, ces mecs ! Ils lui ont dit qu’il était majeur et qu’il faisait ce qu’il voulait, qu’il était trop tôt pour s’inquiéter, qu’il fallait attendre un peu et bla-bla-bla et bla-bla-bla… Si ça se trouve, il est en danger de mort et personne…
Elle fondit en larmes.
Li passa un bras maternel autour des épaules de sa fille et porta un regard insistant sur son mari. Il préopina que les emmerdements allaient commencer, mais que peut-on contre son triste destin, une fillette malheureuse et une épouse soucieuse ?
— Chéri, tu pourrais en parler à ton ami, le commandant Delait ?
Pedro haussa les épaules et répondit qu’il faudrait acheter des croquettes pour le chat avant que la pauvre bête ne bouffe tous les oiseaux du jardin.
En fait, Pedro n’aimait pas Marcel. Le petit con était trop poli pour être honnête. Sa bouche était pleine de sucre, mais son regard plein de venin. Il avait envie de lui mettre des claques. Depuis l’interdiction de la fessée, il se serait contenté de son poing dans la gueule. Mais la femme de sa vie, Li, avait actionné son droit de veto contre toute violence physique.
— Oui, je sais, cette histoire m’a été racontée. Entre nous, mon cher Pedro, le jeune homme a pris la fuite à l’idée de vous avoir comme beau-père.
Le commandant Delait employait de temps en temps Pedro comme indic rémunéré. Au fil des années, les deux hommes avaient appris à se connaître et même à s’apprécier. Les mojitos bus sans modération dans un bar proche du port de La Rochelle avaient fini par briser la glace, car de la glace, il en fallait, pilée de préférence, dans le verre vert.
L’hôtel de police avait déménagé de la place de Verdun au boulevard de Cognehors, dans un immeuble moderne et fonctionnel qui sentait encore le plastique neuf et l’enduit frais. La police rochelaise était enfin entrée, de plain-pied et sans chaussures à clous, avec tambours et trompettes, ordis portables et clés USB, dans le XXIe siècle. Heureusement, quelques bugs inévitables rendaient le bâtiment plus humain. Porte principale bloquée, infiltration d’eau, câblage informatique défectueux, barreaux descellés, serrures coincées, gilets pare-balles trop petits, la police était à l’arrêt comme le chien de fusil à pompe, mais dans le sens inexorable de l’histoire.
Delait avait confirmé qu’il était toujours difficile de faire admettre aux proches la fugue d’un des leurs. « Si vous saviez, mon bon monsieur, le nombre de gens qui disparaissent, qui quittent leur misérable vie quotidienne, qui fuient devant l’avenir, qui appréhendent le présent, qui sont effrayés par le passé… » Le policier avait orienté la mère Marcelle vers le troupeau de gendarmes qui bivouaquaient en face du collège. Sur l’île de Ré, l’ordre républicain faisait face à l’ordre collégien. La matraque au service du savoir.
Soupir du policier.
— Ces gendarmes-là, ils sont formés pour contrôler les limitations de vitesse, pas plus…
Il était sceptique, lui d’habitude antiseptique.
— Donc, vous n’allez rien faire !
— Rien, mon bon, rien. Il y a quand même un élément qui m’interpelle.
— La voiture restée garée sur le parking du collège ?
— Exact, Pedro. D’habitude, les fugueurs modernes se barrent avec leur voiture, c’est moins fatigant et ça va plus vite.
Le commandant avoua qu’il n’avait ni le temps ni le personnel pour se lancer dans une enquête foireuse et inutile.
— Si vous tenez à retrouver ce gosse, vous pourriez aller fouiner du côté du collège, mon cher… sauf si vous ne voulez pas retrouver votre futur gendre ? Finalement, c’est vous le principal suspect !
Pedro admit que la disparition de Marcel était pour lui une bénédiction, mais les larmes de Luan et le regard de Li constituaient des incitations incontournables. La pax in familia était à ce prix.
— Donc, si j’ai bien entendu votre sous-entendu, vous m’envoyez là-bas. Je suppose que vous m’avez prévu une reconversion, un petit boulot à l’image de mes incompétences ?
Les deux hommes rirent de conserve.
Effectivement, l’idée du commandant était de trouver un emploi au sein de l’établissement scolaire, d’y affecter Pedro et de lui confier la tâche de retrouver Marcel, si le gamin avait réellement disparu. La police avait autre chose à faire que de gaspiller son temps et son argent dans la recherche d’un amant évaporé dans la nature.
Par miracle, depuis la rentrée, un poste d’aide de cuisine était resté vacant à la cantine du collège. Delait prit langue avec le chef du personnel de l’assemblée départementale, gestionnaire des agents de cuisine et d’entretien dans les collèges depuis les dernières lois de décentralisation. Il présenta Pedro comme un élément d’élite susceptible de remplir la fonction avec brio, sans perdre de vue qu’il collaborait avec la police et que donc, son comportement pourrait apparaître comme bizarre aux yeux d’un public non averti. Évidemment, personne ne devait être au courant.
Pour l’occasion, comme par hasard, l’administration, si lente par habitude, se déchaîna. En un temps record, les formalités furent réglées. Pedro reçut un arrêté de mutation en bonne et due forme. Son embauche était prévue le lundi suivant.
En ce qui concernait le pauvre Marcel, rien n’avait évolué. Il était toujours silencieux, son portable ne répondait pas. Sa mère, qui avait la main sur son compte en banque, n’avait décelé aucun mouvement de fonds, sa carte bleue était elle aussi muette.
Luan, elle, n’était pas muette, elle clamait haut et fort son désespoir. Li essayait bien de trouver les mots justes pour alléger son inquiétude, rien n’y faisait, elle était au fond du trou et le trou était profond. Elle attendait l’intervention de son père avec une impatience mêlée d’appréhension.
Le dimanche 3 septembre s’apparentait à une veillée d’armes.
Yu, la mère de Li, avait préparé des petites brochettes au miel et au vinaigre accompagnées de riz blanc et gluant. Les quatre hôtes, donc Li, Yu, Pedro et Luan étaient assis autour de la table, les baguettes dans une main et le couteau entre les dents. C’est au cri de banzaï qu’ils se jetèrent sur la nourriture, pensant que la faim ne justifiait pas les moyens, mais que c’était toujours ça de pris en attendant le retour espéré de Marcel, le zéro de la fête.
Au bruit des coups sourds martelés avec force, Pedro comprit qu’une personne s’impatientait derrière la porte, espérant une ouverture prochaine.
Luan se redressa. En une fraction de seconde, elle reprit confiance. Ses yeux s’éclairèrent. Elle voyait déjà son amour sur le paillasson, tendant un bouquet de roses ramassées dans le parterre de la voisine, le sourire aux lèvres et l’œil larmoyant. Elle savait qu’elle lui pardonnerait sa désertion, il saurait panser ses plaies.
« Soudain, joyeuse, elle dit : Marcel ! C’était Delait ! L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme. »
— Entrez, commandant. Vous tombez à pic, pour un peu, il ne restait plus de brochettes.
Depuis que sa femme l’avait quitté, le policier se nourrissait exclusivement de sandwichs au pâté accompagnés d’une canette de bière. La perspective d’un repas, fût-il asiatique, le faisait saliver.
— À quelle heure votre prise de fonction, mon bon Pedro ?
— Six heures trente, demain matin. Je me lève à cinq heures, une offense à mon horloge biologique.
Le policier n’était pas venu uniquement pour se remplir la panse. Il venait briefer Pedro sur le personnel du collège, ses nouveaux petits camarades de bac à sable.
Il y avait d’abord la principale, une grosse petite femme à la fesse tombante et aux seins bringuebalants. Elle militait pour une vie sans alcool, des voitures sans essence, une mer sans algues, des garçons sans pénis, du pain sans gluten, des cigarettes éteintes, des vitesses limitées, une vie sans plaisir. C’était une femme de dossiers, elle ne dirigeait pas son établissement scolaire, elle le gérait. Son nom : Marlène Tutrich. Son mari était mort pour la France dans l’exercice de ses fonctions, ancien combattant des impayés fiscaux.
Dans sa tâche exaltante, elle était accompagnée d’un accessoire, le principal adjoint. Un mec sympa, sans signe distinctif. Il se tenait toujours un mètre derrière elle pour marquer sa soumission administrative. Jean Bonbeurre était son homme de main et comme il marchait vite, sa main courante.