Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Selon Jean Tchal, la société de consommation, la sainte économie, savante d'un ensemble de statisticiens, d’experts et de scientifiques, a perdu de vue l’essentiel des Hommes. Prétendant nous apporter le bonheur, elle nous étouffe.
Dans cet ouvrage, l’auteur met en relief des protagonistes confrontés au pouvoir arbitraire en proposant une voie d’espérance : l’encadrement de la connaissance par le sacré.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Porté par une intuition en résonance avec le mystère universelle, Jean Tchal nous livre le fruit de ses questionnements. Dans un contexte ultra numérique où le mal se multiplie tandis que le bien, péniblement, s’additionne, l’auteur a fait le choix d’écrire et de romancer ses impressions.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 195
Veröffentlichungsjahr: 2023
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Jean Tchal
Arrimage
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean Tchal
ISBN : 979-10-377-9161-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite.
Épinglé par madame Banquet pour avoir proposé des solutions concrètes visant à soutenir les apprenants en voie de décrochage scolaire, j’ai décidé de dévoiler publiquement les termes de la lettre à l’origine de mon licenciement :
Rupture qui me précipita sans ménagement dans le monde impitoyable du bâtiment.
Encorbe, le 13/03/2020
Jean Lepélican
369, chemin du démiurge
30321 Encorbe
Objet : Projet d’amélioration des techniques pédagogiques
À l’attention de Madame la ministre de l’Éducation nationale
et de monsieur le président de région Occitanie
Madame, Monsieur,
Permettez-moi de vous adresser cette lettre pour essayer de réagir au fil de l’eau et éviter autant que possible quelques noyades.
Cette période compliquée nous a permis de constater les déficiences de notre système éducatif, souvent involontaires, mais qui supposent maintenant une anticipation.
En effet, l’option télétravail a fait apparaître une injustice criante entre les citoyens urbains de la classe aisée et ceux des classes très moyennes, tout comme ceux des zones rurales mal desservies par le réseau ADSL ou par la fibre optique.
Mon collègue qui tient à garder l’anonymat et moi-même proposons les améliorations suivantes :
Offrir un ordinateur portable à chaque apprenant ne prendra de la valeur que si les élèves savent l’utiliser, or nos élèves de bac pro électrotechnique ont d’énormes lacunes.
En l’absence d’une séance mensuelle de rappel des procédures pour se connecter, pour dialoguer en bon français, en s’aidant du correcteur orthographique et des diverses solutions offertes, malheureusement pas assimilées par chacun, surtout ceux dont les parents sont aussi inexpérimentés, cet outil devient inexploitable, inutile, inutilisé.
C’est la raison pour laquelle nous avons concocté une série de propositions que vous trouverez en pièce jointe.
Nous restons à votre entière disposition pour approfondir les idées et construire le socle de ce changement de paradigme, dès cet été.
D’ailleurs, nous proposons une amélioration sémantique en remplaçant le mot « réforme » par adaptation perpétuelle.
Il me semble que le train de la technologie est tellement rapide que notre seul but dans l’apprentissage des savoirs est l’adaptation perpétuelle, celle qui tue peu à peu le sens même de la vie, tout en portant préjudice à nos libertés.
Conscient de cette pesante dictature endémique, sournoise, technologique, qui s’installe au détriment du bien commun, je vous demande d’intervenir, vaccinés ou pas.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, nos sincères salutations.
Jean Lepélican
Contractuel au Lycée Edmond Becquerel
Bien entendu, mon licenciement ne se fit pas attendre.
L’année 2020 n’en finissait pas de finir. L’Europe et la France supportaient l’assignation à résidence, l’ici et maintenant et les lendemains qui déchantent du quoi qu’il en coûte.
Le monde apprenait à ses dépens que l’alphabet grec contenait 24 lettres.
Dictatures et démocraties subissaient indifféremment la Covid, pendant que le réchauffement climatique poussait les victimes à s’exiler.
Concurrençant Delta, Omicron semblait vouloir porter l’estocade et finaliser l’immense défi de la réduction de pollution en maintenant la fermeture des frontières, la réduction des déplacements et par conséquent la réduction des populations, afin que la terre reprenne son souffle.
Toute la planète semblait obéir aux lois de la sélection naturelle, pourtant, quelque part dans une vallée de la Durance, une tribu du Vaucluse résistait.
Ses besoins d’assainissement, d’amélioration des bâtiments insalubres et d’occupation des Salariés en Immersion (SI) contraignaient les responsables de la tribu, petite entreprise philanthropique « PassPartout », à maintenir son activité.
Non seulement PassPartout (PP) résistait, mais en plus elle embauchait sans passe.
Grâce à cette opportunité de travail, j’ai pu m’enrichir d’une nouvelle expérience remarquable, dotée d’un éclairage sine qua non.
Je m’exprime au passé : lorsque ce livre sera publié, l’entreprise philanthropique PassPartout n’existera peut-être plus, ensevelie sous les eaux ou croulant sous les dettes.
La tribu PP comprenait plusieurs groupes qui se répartissaient les missions dont je ferai l’impasse d’une description exhaustive ici, me concentrant uniquement sur la SAE (Soumission par l’Activité Économique), même si tout était imbriqué entre droit d’asile, besoin d’hébergement, besoin de mobilité, besoin de resocialisation et donc besoin de s’insérer par l’activité économique, laquelle se mesure sur le marché des biens et des services matérialistes dans nos sociétés modernes par l’argent.
Les Salariés en SAE de la tribu PP étaient organisés en trois clans : celui des Espaces Verts (EV), de l’Embellissement et du Bâtiment. Chaque clan était dirigé par un mâle dominant et une ou un assistant. Kad l’assistante EV, corpulente, franche, nature, par chance était abordable malgré sa soumission contrainte envers le mâle alpha. Elle m’avait briefé sur les problématiques dont la principale était liée au caractère impossible de cet encadrant, plus hyène qu’ours grognon.
Nelle, la Chef de service, était chargée de mettre un coup de pied dans la fourmilière pour déloger les cafards, les profiteurs et les englués. Trop bien rodés, il était illusoire d’espérer les prendre sur le fait, la main dans le sac, heureusement les combines s’étaient momentanément interrompues.
Manou, responsable RH et Nelle m’avaient reçu lors de mon embauche comme mâle pompier en devenir, je leur étais redevable.
À force de m’envoyer au feu, sans autre combinaison que mon expérience d’enseignant et mon ancienneté, je déchantai rapidement.
La dignité a un prix que l’arrogance et l’humiliation font payer trop cher ; ce qui avait autorisé la rupture d’avec Nelle, à la suite de son comportement injuste et incompréhensible.
J’étais redevable mais pas corvéable à merci.
Après réflexion et analyse, Nelle la diablesse n’avait pas produit que des dégâts humains, beaucoup d’absurdités intellectuelles aussi. Les CV des cadres sont tellement crédibles que l’imposture y est fréquente.
Dès le premier jour, je subissais les remarques désagréables du mâle dominant de l’équipe encadrante EV qui restait sur ses gardes. Il me confondait avec la cheftaine, me suspectant de collusion.
Moi qui n’étais rien moins qu’un simple citoyen, maître artisan diplômé, souhaitant apporter son aide éclairée à des adultes en péril, comme je l’avais fait pour de jeunes dyssociaux.
Je tombais de haut, toute l’eau que je pensais en réserve s’évaporait, impossible d’éteindre quelconques feux, tout au plus préserver ma survie, d’autant que le terrain était miné. En effet, la diablesse avait mis en place de jeunes sbires intransigeants, suspicieux et si peu expérimentés qu’ils mettaient régulièrement de l’huile sur le feu, souvent par maladresse, avides de cet avenir radieux de responsables planqués, qu’elle leur faisait miroiter. Ils s’exerçaient donc à l’arrogance et à la mauvaise foi pour épouser le poste.
Ce comportement dont je soupçonnais l’existence me sauta aux yeux, tant il se manifestait avec une funeste évidence.
Je crains que cette société n’engendre beaucoup plus de futurs vieux cons que par le passé, il suffit de compter les jeunes, mais ne généralisons pas, l’espoir fait vivre.
Quelques-uns sortent du lot, prônent la lutte contre le réchauffement climatique, plus en pensant à leur avenir qu’à celui des malheureux exclus de l’espèce humaine. N’en disons pas plus, ils pourraient se ruer sur leurs gadgets favoris pour vomir sans retenue leur lâcheté. La technologie au service de la délation. Une plaie aussi dans le lycée ! Comment en arrive-t-on là ?
Faire miroiter à tout bout de champ que l’herbe est plus verte ailleurs et depuis l’enfance les pourrir-gâter avec des cadeaux et des cadeaux. Les effets pervers de la surconsommation qui détruit la planète et conditionne les cerveaux. Peut-être ne sont-ils pas vraiment responsables !
Pour produire des cons, il faut de bons géniteurs. À leur corps défendant, les adolescents d’aujourd’hui sont bombardés d’informations délétères, enfin plutôt bombardés de news dont ils raffolent. D’autant plus quand les parents sont dépassés.
Il s’agit de savoir si les bonnes actions que nous menons, efficaces à court ou très court terme, face à l’urgence, sont efficaces dans la durée ou plutôt nuisibles à la vie en société.
Toutes les contradictions du socialisme à la française.
Que ce soit dans la fonction publique de l’administration ou de l’éducation nationale, nous pouvons être quasi certains que la routine s’établissant, elle génère des abus et la précipitation des absurdités.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fallait recaser les intellectuels et personne ne pouvait croire que des intellectuels puissent peu à peu introduire le virus du communisme dans les têtes.
Ils furent négligemment intégrés en masse dans l’éducation nationale et recrutèrent à tour de bras des gens dont la pensée naïve était de gauche.
En temps de guerre, il est certainement judicieux d’instaurer un système de partage équitable pour maintenir la cohésion, même si les loups savent très bien se réunir en meute, quand ils ont faim.
Mais en temps de paix et de reconstruction, prétendre que nous allons accueillir la misère du monde, l’éduquer et lui donner les mêmes droits, comporte un immense mensonge originel, sous-jacent, intrinsèque. Certes, oui, l’ascenseur social fonctionnera pendant un temps en comparaison avec la situation passée, mais très vite lorsque le niveau général aura progressé, le choix s’exercera plus de par les origines ou le népotisme que selon le niveau.
Et oui Mohumid, tu attendras ton tour, troisième ou quatrième génération.
Contre qui va se fâcher Mohumid ?
Contre la main tendue bien sûr, car elle comportait un espoir trop grand, déçu par un vice caché.
Et que fera Mohumid à son tour, il emploiera les gens de sa communauté. Dans quel but ? Pourrir la vie de ces mécréants tous coupables, et le Conseil National de la Refondation d’œuvrer cette fois dans leur camp. Le gaz n’a plus de limites, il se répand.
Ceci étant, tous ces enseignants militants de gauche nous ont fait perdre de vue malgré cette injustice originelle, qu’il était possible de se sentir accepté, assimilé, heureux comme un poisson dans l’eau à partir du moment où l’on maîtrisait la langue du pays. Et bien entendu, le français a été négligé, volontairement ou pas !?
Le vocabulaire basique n’étant plus acquis avec pour conséquence l’incompréhension des énoncés, l’éducation nationale s’est crétinisée.
Le milieu familial précaire et l’analphabétisme récurrent ont fini par faire la différence entre les autochtones et les implantés.
Donc la première règle d’accueil doit être la suivante : le grand peuple de France cosmopolite, multiculturel, multicultuel, antifasciste, multicolore, ne vous accueille pas, il a déjà du mal à s’en sortir relativement au niveau qu’impose une société évoluée. Il vous tolère et vous tolérera d’autant plus que vous serez invisibles, respectueux des règles, que lui aussi accepte à marche forcée.
Les décideurs de France sont friands, eux, de main-d’œuvre exploitable. Provoquer des concurrences déloyales et diriger une main-d’œuvre corvéable qui ne sait pas s’exprimer, leur convient parfaitement.
Ce que nous nommons dumping social génère trop de casse sociale à moyen terme et les anciens dumpés de subir à leur tour les nouveaux arrivants affamés.
C’est à la politique de légiférer ; les demandeurs seront accueillis le temps du conflit, le temps que le problème considéré par la loi, identifié par la Déclaration des droits de l’homme comme légitime, ne se résorbe.
Au-delà de 2 ans, si vous êtes toujours en attente ou en sursis, d’autres mesures seront prises.
Mais comment les occuper pendant deux ans ?
D’abord, le passage dans les camps est long et fastidieux. Il faut vérifier le statut des réfugiés en situation régulière ou irrégulière. Les demandeurs d’asile ne sont pas aussi nombreux que les clandestins.
Il est de plus en plus difficile d’obtenir d’un pays une autorisation pour séjourner sans raison valable, qui ne soit approuvée par la législation des pays concernés.
Les migrants pourvus de déclaration d’embauche, de contrat d’étudiant avec visa, de cartes ou de titres de séjour, ne sont pas trop inquiétés, mais bien d’autres cas sont étudiés : les migrants économiques, environnementaux, climatiques, politiques, forcés, les migrants dont le déplacement fait partie intégrante de leur vie, les récidivistes et autres OQTF.
Quand les esprits sont apaisés, de nouveaux problèmes surviennent, retrouver et réunir la famille par exemple, le très contesté regroupement familial. Les problèmes de gestion de la population se compliquent avec les contraintes alimentaires, d’hygiène et de maintien de l’ordre.
Veiller à ce que les conflits religieux, économiques ne s’importent pas sur le territoire d’accueil.
Ensuite, il faut les occuper. Tous ceux qui sont vaillants, un peu instruits qui percutent en quelque sorte sont intégrés et contribuent au bon déroulement du camp.
Très vite, ce biotope improvisé s’organise en faisant apparaître les mêmes antagonismes des sociétés modernes organisées : les forts mangent toujours les faibles, la jalousie y est permanente.
Chacun guette la faille, réclame un droit refusé là et accepté ici. Sans autorité intraitable, c’est le foutoir. Mais voilà que le remède accentue la maladie. Provoquer le plus grand nombre de ces pseudo-profiteurs pour les inciter à violer leur futur casier judiciaire afin de justifier la reconduite à la frontière. Et tous ces décideurs complètement niais prétendant que les autres pays reçoivent plus de migrants, omettant de donner le montant des charges sociales payées par l’ensemble des travailleurs qui profitent rapidement, sans contrepartie, aux nouveaux entrants.
Pour beaucoup, cependant, ces conditions de vie ou de survie sont bien plus tolérables que celles subies et douloureusement quittées ; malheureusement, pris dans l’oisiveté, le tourbillon des incohérences et la mouvance délétère, ils s’encanaillent.
Sachant que toute organisation contribue à un moment ou un autre à faire surgir les forts : personnels corrupteurs et corrompus, tricheurs, délateurs, exploiteurs et j’en passe.
La deuxième règle doit être la suivante : il faut fixer un temps maximal de présence dans une même entreprise, sur un territoire.
Un peu comme dans les banques, les directions tournantes s’imposent au risque de voir des copinages malsains, des délits d’initiés en augmentation, de la triche organisée.
Les sanctions sont impossibles à prendre parce que tous ont des casseroles et le vertueux sera rapidement critiqué, écrasé pour le faire taire.
Les postes décisionnaires sont attribués aux personnes bien introduites, qui ont de l’ancienneté et la capacité de convaincre pour faire appliquer les lois que réclament les vertueux.
Mais voilà que le ministre en charge de l’évasion fiscale se fait prendre la main dans le sac, celui du contrôle des impôts essuie des pénalités pour avoir omis de déclarer son patrimoine et très vite on recherche des poux dans la tête du ministre de la Santé pour détourner l’attention, étouffer les scandales.
10 ans : c’est le temps qu’il faut à un honnête citoyen soumis à la tentation pour y céder.
10 ans : c’est le temps qu’il faut pour monter un réseau mafieux structuré.
Alors en commençant depuis l’École Nationale d’Administration, l’ENA, renommée l’Institut National du Service Public, l’INSP, à 35 ans, ils sont prêts à faire feu.
Chaque promotion désigne un président : la promotion Voltaire ou la super promotion Schœlcher.
L’École Nationale d’Adoration fournissait cinq des neuf candidats à la présidentielle en 1995 : Lionel Jospin, Jacques Chirac, Edouard Balladur, Jacques Cheminade, Philippe de Villiers.
Autant décider que la démocratie doit se voter dans l’école, cette démocratie de l’entre-soi qui veut porter les valeurs de la république.
***
Dès le premier jour, j’étais conscient du défi, trois chantiers à mener de front : l’entente avec mon clan pour apporter de l’eau au moulin, le respect et le désamorçage de la peur irrépressible du mâle dominant des EV et la réalisation des travaux en évitant les peaux de bananes disséminées par les sbires.
Malgré la Covid et autres réjouissances, nous avons maintenu le cap.
Nazzum, le Mâle Embellissement avec qui je m’entendais, posé, réfléchi, me confiait ses ouailles pendant la période de Noël 2020, très agréables et disciplinées. J’avais fait la connaissance de Miloud, un Marocain de 45 ans première génération qui n’était pas aigri. Il contrastait avec les jeunes, car il avait souhaité sa venue. Un premier séjour lui avait été accordé, puis un deuxième. Depuis, il attendait patiemment la suite, sachant qu’au bout de cinq accords sans vague, il pouvait faire sa demande définitive. En attendant son renouvellement, il exerçait ses talents chez PassPartout avec cette sagesse qu’on leur connaît. Il appartenait à cette génération qui n’avait pas mûri de haine, avait appris un métier et l’exerçait avec passion. Les travailleurs manuels du monde entier savent reconnaître le langage de l’intelligence des mains. Le langage de la musique transporte la grâce universelle, celui des mains la paix.
Les robots ne nous réconcilieront pas, pensai-je, mais des travailleurs comme Miloud certainement.
Nous avons réalisé une belle action solidaire, dont le slogan était : « Ici, on sème… du bonheur ».
Il leur a fallu un certain temps et plusieurs relectures pour assimiler les finesses de la langue française. Je leur avais confié mon projet de tri des déchets : la base de la citoyenneté aujourd’hui, au cœur du savoir-vivre et du savoir-être, le respect et la politesse.
Je leur avais aussi présenté le projet avec le sérieux nécessaire pour que la cheftaine n’y trouve rien à redire.
« Bonjour à toutes et à tous,
Nous avons décidé d’embellir notre endroit, notre espace de rencontre, pour qu’il soit accueillant.
Nous allons bientôt réaliser des travaux, installer des sanitaires, dès que nous obtiendrons les financements.
Bientôt, nous peindrons la façade avec les meilleurs pots de peinture provenant de la récupération.
Grâce à l’équipe des espaces verts, ce lieu est propre.
Continuons dans ce sens, la propreté est porteuse de valeurs comme la beauté, l’hygiène.
La propreté, sans paranoïa hystérique, est une marque de considération. Elle n’est pas l’apanage d’une classe inférieure, elle appartient à la conscience citoyenne de chacun.
Merci à tous de contribuer à cet effort. »
Même en le caressant dans le sens du poil, Ussam le mâle alpha Espace Vert critiquait l’action, par jalousie, incapable d’accepter l’altérité. Toujours en train de critiquer, de reprendre l’actu et de faire les questions et les réponses. Il baignait dans son jus, personne pour le contredire. Il puisait toutes réflexions, tous raisonnements dans son cerveau. Celui-ci étant limité, binaire, manichéen, il se croyait omniscient. Ce genre d’individu au caractère primitif se complaît dans la mauvaise foi. Il allait grossir l’électorat de gauche tout en reprochant aux écologistes leur déconnexion avec le réel.
« Ils nous parlent de la fin du monde quand nous pensons à la fin du mois. »
Ce manque de vision des prolétaires de la ville était accablant. L’ensemble des pauvres demeurés ruraux savaient que l’écologie était au cœur de la survie, parce qu’ils étaient propriétaires, responsables du territoire, ce n’était pas le social qui les aiderait. Propriétaires d’un taudis, souvent, mais en lien direct avec la notion de sobriété. Réduire les dépenses de gaz, de fioul, d’électricité, se chauffer au bois, isoler au maximum, comme jadis dans les bergeries avec de la paille. Économiser l’eau, conscients de son inestimable valeur, de son risque d’épuisement. Espérer une bonne récolte ici, de l’abondance partagée là, des sous-bois chargés de baies sauvages, de champignons, protéger les cours d’eau, manger du poisson pas du poison, réguler le grand gibier pour que la forêt se régénère, manger de la nourriture qui a du sens, du goût, locale, simple.
Quand les locataires des villes, eux, attendaient la becquée.
S’accaparer l’espace comme Misk se l’arroge, sans accord, sans demander l’autorisation aux citoyens du monde ou s’accaparer le vivant en le brevetant est un crime. Respecter une parcelle de la Terre, empruntée à nos enfants est un devoir.
Qui peut reprocher aux uns et aux autres d’être nés quelque part ? Un fou ?
Non, je n’étais pas né pendant la guerre d’Algérie, je n’ai rien à voir avec tout ça !
Quand l’écologie s’effondre, toutes les taxes augmentent, les assurances, la nourriture, les énergies.
Et ce simplet de ne pas comprendre. Heureusement que Mélenchon, on ne pourra pas lui enlever cela, heureusement qu’il a essayé. L’écologie n’appartient pas à une caste de consommateurs, ce n’est pas seulement manger bio, des produits vendus chers en grande surface, réservés aux riches. Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il faut se rendre compte qu’en bouffant de la merde, on perd sa santé, ce qui coûte très cher à la société. Or ceux qui produisent la nourriture saine, bio, sont moins exposés aux produits chimiques toxiques, contrairement à la main-d’œuvre immigrée exploitée en général, à qui on cache les dangers et qui crève en silence.
Enterrerons-nous un jour la hache de guerre ?
Quand les femmes voilées, vengeresses, disent encore aujourd’hui : « Vous nous avez eues par les armes, on vous anéantira par le ventre. »
Que peuvent penser les jeunes, écœurés, comprenant qu’ils ne sont là que pour assouvir la vengeance de leurs parents ?
***
Début 2021, j’apprenais à comprendre mes brebis.
Un ami chevrier, décédé aujourd’hui, qui produisait un excellent fromage, me disait que pour comprendre les Hommes, il faut comprendre les animaux et rien de tel que des chèvres au caractère marqué pour apprécier les différentes personnalités.
Il y a la dominante, toujours devant. L’étourdie, un peu à la traîne. Elle rencontre la gourmande qui se goinfre et ralentit le troupeau. L’exigeante qui ne supporte pas qu’on mange près d’elle. La criarde qui bêle sans cesse. La mesquine, la capricieuse, la voleuse, la feignante, la sournoise, l’espiègle, la testarde, l’affectueuse intéressée et toutes nous font tourner en bourrique.
Le Bouc, lui, peut, défendre, protéger, saillir, son rôle est multiple, ses obligations cachent son véritable caractère.
Mon ami me disait : « Jamais par la force, les chèvres sont testardes et le bouc vicieux, quand je les promène pour varier la nourriture, elles mangent de tout, surtout ce que tu voudrais épargner. Si elles pénètrent dans le jardin n’espère pas conserver des fleurs, elles sont mesquines et roublardes, elles sourient par devant et te grugent par derrière. Le bouc peut te coincer contre un arbre en un éclair et te bousiller une hanche quand ça lui pète les couilles. Quand il les a à l’envers, impossible de l’amadouer. À force de devoir satisfaire le harem, situation totalement artificielle, saillir une cinquantaine de chèvres, les couilles ont doublé de volume et alors quand ça démange, gare aux néophytes. Et pour éviter trop de consanguinité, il va saillir les chèvres du voisin, nous faisons des échanges. Le mieux c’est d’en avoir deux, un qui bourre, l’autre qui se repose et vice versa. Si le vétérinaire vient pour vacciner les petits, je lui dis de se casser sinon je lâche le bouc en rut. Un jour, il va me mettre un procès au cul ce con, au service des labos.
Les brebis c’est un peu plus niais en général, par contre un bélier qui pète les plombs, tu pourras lui casser la tête que ça ne rentrera pas. »
Je comprenais que les caractères trempés ne peuvent être améliorés que grâce à la douceur ; contraints par la force, l’amélioration est un leurre, elle ne dure pas. Trop d’habitudes anormales, vicieuses, perverses ont été prises.
Cette autorité était si mal utilisée par certains, si peu constructive, que je décidais de tenter l’impossible.
J’allais tenir le temps de mon contrat en CDD en essayant d’insuffler du professionnalisme grâce à l’accompagnement, à l’exemplarité, au calme, au don de compassion.
Maintenant à l’heure où j’écris cette nouvelle en fin de parcours, le bilan est très mitigé.
La principale question que j’aurais dû me poser : À quoi bon ?
La partie est perdue d’avance.
Le puits sans fond ne se tarira jamais, il faut juste accepter cette frustration, cette absence de résultats, comme la dure réalité du métier.