Auto stoppe - Michel Garrigue - E-Book

Auto stoppe E-Book

Michel Garrigue

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Beschreibung

2038. Dans un monde dominé par les véhicules autonomes et les réseaux routiers intelligents, deux anciens amis d’université, John et Brandon, se retrouvent après des années de silence. L’un, prodige de la technologie, gravit les échelons d’une entreprise innovante ; l’autre, brisé par un licenciement, dérive dans les zones d’ombre de la société. Mais lorsque le corps sans vie d’un homme est découvert à l’arrière d’une voiture de luxe, abandonnée sur une sortie d’autoroute de banlieue, le vernis de ce monde ultra-connecté se fissure. Qui était réellement la victime ? Et quel terrible secret unit les trajectoires opposées de John et Brandon ? Entre trahisons, ambitions et manipulations, une vérité glaçante s’apprête à éclater.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Maître chocolatier pendant près de cinquante ans à la célèbre Maison Darricau de Bordeaux, Michel Garrigue s’est tourné tardivement vers l’écriture. Son imagination débordante lui permet d’explorer des univers variés, allant du monde du rugby à l’observation d’une nature exubérante, tout en revisitant des épisodes marquants de l’histoire de France.

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Seitenzahl: 173

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Michel Garrigue

Auto stoppe

Roman

© Lys Bleu Éditions – Michel Garrigue

ISBN : 979-10-422-6911-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

San Mateo Road

28 août 2038

La voiture roulait sans bruit sur l’asphalte comme une pantoufle glissant sur un parquet ciré. Constellée de petits points blancs, microémetteurs intégrés dans le goudron, la route envoyait en permanence des milliers d’informations aux récepteurs dont le véhicule électrique était bardé sur toute sa carrosserie. On était entré depuis une dizaine d’années dans l’ère du réseau routier intelligent.

L’avantage avec ces automobiles à conduite autonome était de pouvoir faire tout autre chose que de conduire. Pour la police de la route, cela permettait à l’officier en charge du véhicule de se concentrer sur les multiples informations qu’il recevait sur son écran digital sans se soucier du pilotage. Le potentiel des équipes de surveillance de la police avait ainsi été doublé puisqu’un seul agent pouvait se déplacer en toute sécurité tout en récoltant, outre les appels reçus du commissariat central, tous les indices troublants que lui délivraient caméras de tout genre et micros hypersensibles, rassemblés sur le toit dans le boîtier des gyrophares.

C’est ce que faisait le sergent Watkins, mais en consultant plutôt ses mails perso que les infos délivrées par toute la batterie d’appareils dont il était entouré, en s’engageant sur San Matéo road. La jolie départementale traversait la sierra Morena entre Bella Monte, banlieue sud de San Francisco et Half Moon Bay sur la côte Pacifique. Il pouvait se permettre cette légère digression au règlement tant cette route était toujours calme et qu’il la connaissait au mètre près depuis dix ans qu’il la parcourait. À part quelques daims effarouchés qui détalaient dans les buissons et les détritus encore sauvagement abandonnés sur les bas-côtés, rien ne le perturbait dans sa routine quotidienne.

Pourtant, ce jour-là, à quelques centaines de mètres après la sortie de l’autoroute, son œil averti nota une large tache brune inhabituelle sur le bas-côté, en même temps qu’un bip discret lui signalait sur son écran cette anomalie.

Watkins fit un premier passage à vitesse réduite et aperçut un véhicule garé sur le côté dans un renfoncement, le long de la route et d’où semblait provenir le liquide rouge brun qui s’écoulait jusqu’au bord de la chaussée.

Il fit demi-tour un peu plus loin et revint se garer en face, sur la bande d’arrêt d’urgence, gyrophare allumé. Il traversa la route et s’approcha de la voiture en évitant de marcher dans la flaque gluante.

C’était une AEV 6, dernier modèle de la société LX3CT qui construisait ses Autonomous Electric Vehicule à Fremont au sud de San Francisco. Ce dernier modèle, qui concentrait toutes les connaissances technologiques connues à ce jour, était sorti des chaînes de montage, il y avait à peine six mois. Elle ressemblait à une petite cabine de téléphérique sur roues. Plancher assez haut pour les moteurs électriques et les batteries, canapé en demi-cercle à l’arrière et face à la route devant. Plus aucune présence de volant, de leviers, de pédales, tout était encastré, au cas où il faudrait revenir en manuel, seuls quelques écrans indiquaient le bon déroulement du voyage à l’utilisateur qui en avait fait la demande. Plus salon roulant que voiture, celui-ci était particulièrement cossu : cuir souple, coussins moelleux, écrans vidéo, vitres fumées, table-bar en acajou, la totale.

La porte-glissière était ouverte. Watkins jeta un œil à l’intérieur.

— Mon Dieu, ne put-il s’empêcher de s’exclamer devant l’horreur étalée sous ses yeux.

Un homme d’une quarantaine d’années gisait comme un pantin désarticulé entre banquette et plancher recouvert d’une épaisse moquette imbibée de sang. Un caillot commençait à se former sur la large plaie qui s’ouvrait sous sa barbe rosie par l’hémoglobine. Égorgé comme un lapin.

La lutte avait dû être rude à en voir son costume lacéré, le mobilier saccagé et des traces de sang jusqu’au plafond. Plusieurs coups de couteau avaient été portés avant que la lame ne s’enfonce dans la gorge. Watkins reteint un haut-le-cœur avant de sortir pour regagner son véhicule. Il lança un appel radio au commissariat de Palo Alto dont dépendait son secteur.

Il finissait à peine de sécuriser la zone quand deux véhicules et une ambulance arrivèrent sirènes hurlantes.

La capitaine Marjorie Highland, commissaire principale de Palo Alto, descendit de son véhicule, moulée dans un chemisier qui ne cachait rien de ses formes généreuses, colt et badge à la ceinture d’un pantalon bleu marine, casquette vissée sur une chevelure blonde relevée en vague chignon. Derrière des Ray Ban, ses yeux bleu turquoise étudièrent la scène de loin, puis elle s’approcha du sergent qui attendait ses ordres. Âgée d’une quarantaine d’années et une des rares femmes du commissariat, elle s’était peu à peu imposée depuis l’école de police jusqu’à la plus haute marche du district de Fremont, puis elle avait été nommée commissaire principale de Palo Alto. Son allure de femme mûrie au machisme de la profession en imposait. Elle savait se battre à mains nues, tirait juste et vite. Elle osait tenir tête sans vergogne aux plus hauts gradés aussi bien qu’aux truands les plus infâmes. Mais c’était surtout la justesse de ses enquêtes qu’elle tenait à conduire seule et jusqu’au bout qui lui avait valu le respect de tous. Et si cela ne suffisait pas, elle savait aussi jouer sans vergogne de ses charmes qu’elle ne cachait guère.

Elle procéda aux premières constatations depuis la porte ouverte. Elle nota la position du corps, examina les plaies béantes et les giclées de sang dans l’habitacle sans qu’une ride de dégoût ne vienne altérer son visage placide. Elle fit prendre une flopée de photos par une jeune policière qui l’accompagnait, appela les services techniques pour les relevés d’empreintes au sol et demanda que l’AEV 10 soit transportée au laboratoire d’analyses pour une inspection minutieuse à l’intérieur.

Elle remonta alors nerveusement dans sa voiture, quelques gouttes de sueur pas seulement dues à la chaleur perlaient sous les bords de sa casquette qu’elle jeta nerveusement sur le siège passager et fixa la route.

Elle avait tout de suite reconnu le macchabée.

Chapitre 2

John et Brandon

2035

John Cullingan et Brandon Percy s’étaient connus à la prestigieuse université de Stanford, au sud de San Francisco dans les années 2010. Tous les deux suivaient un cursus d’ingénieur en informatique.

John y excellait et sortait régulièrement major de sa promotion. Son père, également informaticien, avait travaillé avec Bill Gates, fierté de la famille, et avait inculqué à son fils la passion du numérique. John présenta très vite une grande facilité à comprendre le langage binaire et à dix-huit ans, il intégrait la plus renommée des universités dédiées à cette science sans avoir eu à batailler vraiment. Ses facultés naturelles et sa mémoire prodigieuse lui permettaient d’intégrer des tonnes de connaissances absolument indigestes pour le commun des mortels.

Brandon, deux ans plus âgé, était moins doué de nature et dut cravacher dur les premières années de fac surtout avec ses penchants pour les fêtes où son charisme à la Brando faisait fureur auprès des filles, masquant à travers le nombre de ses conquêtes la tristesse du seul véritable amour perdu.

Les parents des deux amis avaient baigné toute leur enfance dans la nostalgie des années Peace and Love du San Francisco hippie des années 68 que leurs parents avaient traversé, joint au bec et fleur dans les cheveux pour dénoncer la guerre du Vietnam ou participer aux grands concerts de l’époque. Ils y emmenaient leurs enfants encore petits pour cinq jours de défonce musicale, et à travers deux générations, il était resté profondément ancré dans les deux familles cette philosophie de la non-violence, couplée depuis quelques dizaines d’années à la certitude de l’essor social par le progrès technologique.

Imprégnés de ces théories, les deux jeunes universitaires avaient vite trouvé leurs nombreux points d’affinité et une belle amitié était née dans les gradins des amphithéâtres de Stanford pour les années qui suivirent. Ils logeaient ensemble sur le campus, partaient en vacances dans leur van retapé des années 90 à la poursuite des vagues sur la côte californienne, partageaient leur famille respective comme s’ils étaient frères. John aidait Brandon dans les matières les plus complexes, Brandon aidait John à trouver des fiancées dans les soirées étudiantes. La cinquième année, ils connurent en même temps leurs futures épouses dans les bars de Sausalito. Elise pour John, étudiante infirmière, qui le charma de ses grands yeux bleus pleins de douceur, et Ronnie, inscrite en histoire de l’art à Berkeley, pour Brandon qui succomba à ses accoutrements gothico-punk provoquant à souhait, mais cachant une sensibilité exacerbée.

À la fin de leurs études, John, avec son palmarès élogieux, fut tout de suite ciblé par les chasseurs de têtes de TESLA, première usine au monde de fabrication de voitures électriques et à la pointe de la recherche sur l’autonomie des déplacements. John ne quittera jamais son premier employeur malgré la grande crise des années 2030 où elle fut rachetée par une société spécialisée dans les batteries et les panneaux solaires sous le nom de LX3CT basée à Fremont aux portes de la Silicon Valley. En quinze ans, il devint le directeur du département informatique pour la gestion et la sécurité de la conduite autonome sans chauffeur.

Brandon fit aussi partie du wagon d’embauche de TESLA dans les années 20. Mais après quelques années, rattrapé par ses démons festifs, arrivant régulièrement en retard, le nez encore poudré et les yeux injectés de pilules roses, il fut renvoyé, non sans esclandre, ce qui froissa quelque peu son copain qui s’était démené pour le faire embaucher. Brandon revint à ses premiers amours et monta une plantation de marijuana dans la sierra à l’est de Fremont, sur les collines du Canyon de Niles. . Il vivait là avec Ronnie qui testait régulièrement la qualité de leur production, dans une vieille hacienda à quelques kilomètres de chez John.

Lui, avait déjà transformé un ancien bâtiment agricole en une magnifique demeure à flanc de vallée. Récupérant les panneaux solaires déclassés par LX3CT, il avait fini par rendre son habitation énergiquement indépendante, poussant son projet d’autonomie de vie en plantant un potager programmé à distance dont il était fier de partager les fruits et légumes avec son entourage.

Alors que John grimpait à grands pas dans la hiérarchie de LX3CT, Brandon s’enfonçait dans les méandres d’une activité, certes légale, mais qui l’amenait à fréquenter une frange de la population peu recommandable. Leurs liens se distendirent peu à peu. Cependant, même s’ils se voyaient moins souvent, Brandon était toujours invité aux fêtes de famille où il arrivait les mains pleines de cadeaux pour son filleul Charles et sa petite sœur Debbie. Ronnie débarquait dans des tenues extravagantes, les mains toujours gantées à cause d’une maladie de peau affectant ses phalanges, dont elle n’arrivait pas à se débarrasser mais elle faisait rire aux éclats les deux enfants quand, dans son accoutrement elle imitait à merveille les sorcières de livres de contes pour gosses en mal de sensations fortes.

Ils fumaient des joints, buvaient quelques bières en se remémorant leurs souvenirs d’université ou la folie des quatre années de chaos. Ils se retrouvaient aussi lors de réunions associatives de défense de la nature à laquelle ils étaient tous attachés. L’écologie était certes à la grande mode depuis les années 20, mais le constat du dérèglement climatique toujours visible jusque dans leur jardin ou leur plantation, les poussait à adhérer à des associations pour la mise en place des mesures environnementales que tous les gouvernements issus de la grande révolution avaient votées, mais n’appliquaient pas toujours.

La population mise à rude épreuve pendant la « guerre verte », comme on l’avait surnommée, s’impatientait devant la lenteur du renouveau du climat tant espéré. L’inertie du mal fait à la Terre depuis deux siècles traînait en longueur et les soubresauts de la planète ravageaient encore des régions entières.

John et Brandon avaient décidé d’apporter leur soutien en prêchant la bonne parole de la persévérance.

Leur engagement allait être mis à rude épreuve.

Chapitre 3

La révolution 2028/2032

À la fin des années vingt, on comptait toujours plus d’inondations désastreuses, de sécheresses impitoyables, de typhons gigantesques, de tornades surgissant du néant, d’incendies ravageurs et une montée des eaux dramatique pour des milliards d’habitants, ultimes victimes de ce lourd héritage du siècle dernier. Le dérèglement climatique imprimait sans relâche sa facture que la terre devait payer pour l’inconséquence de ses dirigeants abonnés au profit permanent depuis deux cents ans. Merci pour l’aveuglement suicidaire des Trump, Xi Jiping, Poutine et autres potentats régionaux qui détournèrent le regard devant les appels pathétiques de Gé meurtrie.

La fameuse mondialisation que les grandes nations avaient mise en place soi-disant pour le progrès et le développement social de la planète n’avait servi que les intérêts de grands groupes financiers et des dictatures obnubilées par un expansionnisme forcené. Corruption et despotisme étaient les seules règles de gestion de ces gouvernements qui cachaient leur mépris du respect de la nature derrière de vagues plans de sauvegarde jamais mis en œuvre. L’Amazonie brûlait toujours plus, le CO2 grimpait toujours en flèche, les pollutions se multipliaient, la terre s’essoufflait malgré les avertissements de quelques courageux muselés par des services d’État aux ordres. La population asservie subissait en première ligne les affres du climat changeant à vitesse exponentielle.

Peu après le début du siècle, les mouvements écologistes réussirent à faire entendre un peu leur voix, mais leurs interventions en ordre dispersé n’apportaient pas l’aide souhaitée. Les cataclysmes sous leurs formes les plus variées continuaient à décimer les populations de plus en plus révoltées par l’inaction des pouvoirs, quels qu’ils soient. Au milieu des années vingt, certains mouvements écolo-pacifistes prirent de l’ampleur, mais furent vite débordés par des éléments plus radicaux qui prônaient des actions violentes et ciblées. Des usines furent incendiées, des centres administratifs envahis, des voies de communication bloquées, des banques saccagées… La répression se fit de plus en plus féroce, engendrant le cycle infernal des manifestations gigantesques et des rétorsions meurtrières jusqu’à l’été 2028.

La température était montée de 5° en deux décennies, même les pires projections ne l’avaient pas envisagé. Mais ce qu’ils avaient encore moins envisagé, ce fut la révolte mondiale du peuple, des peuples, de tous les peuples de la terre, sans exception et en même temps.

Cet été-là, la succession ininterrompue de cyclones démesurés, d’ouragans emportant tout sur leur passage, de tornades aspirant les forêts, de pluies diluviennes inondant des régions entières, fit descendre dans la rue une population mondiale exaspérée, n’ayant plus rien à perdre.

La mondialisation du commerce, des communications et de l’internet, qui avaient fait les beaux jours des castes dirigeantes, se retourna contre elles. Cette masse hurlant vengeance et démission put enfin s’organiser grâce à la vitesse des réseaux sociaux. Les associations écologiques les plus représentatives surent enfin coordonner leurs actions, voyant là une occasion unique de renverser enfin le courant des choses quitte à mettre entre parenthèses pour l’instant leur pacifisme au bout de ses limites.

Tous les pays de la planète, petits, grands, blancs, noirs, jaunes, démocratiques, populistes, tous sans exception furent touchés. Aucune alliance d’opportunité, aucune intervention de forces extérieures, aucune ingérence au détriment du plus faible ne fut plus possible, chacun devant faire face à ses propres démons.

Quatre ans d’insurrection civile mondialisée.

Brandon, délaissant ses plantations, était de tous les combats, tous les rassemblements et les marches gigantesques auxquelles John se joignait plus timidement pendant les périodes de grèves. Ronnie les accompagnait parfois, Elise préférait rester à l’abri pour garder ses enfants en bas âge. L’amitié des deux garçons se ressouda devant les casques de la garde civile et les bombes lacrymogènes. Brandon, plus aguerri, sauvant même la vie de John lors d’une bataille rangée sanglante sur le Golden Gate où les manifestants avaient décidé de jeter à la mer au travers des balustrades démontées tous les véhicules fonctionnant encore à la combustion thermique. Il s’était interposé sans hésiter entre son ami et un groupe de CRS matraquant tout ce qui bougeait. John lui en serait reconnaissant à vie, mais il avait été marqué durant toute cette période par le plaisir que semblait trouver son ami dans la violence de ces combats.

Toutes les structures politiques et de pouvoir s’écroulèrent assez rapidement suite aux défections massives des hommes et des femmes qui en tenaient les remparts et qui se sentaient plus proches des insurgés que de leur chef. Sang et larmes coulèrent à flots, les morts se comptèrent par millions. Les pays les plus démocratiques évitèrent les massacres que subirent les populations soumises au joug de dictatures officielles ou masquées, pour laisser place à une succession de gouvernements écologistes incapables de tenir plus de six mois.

Les « environnementistes » du monde entier remplacèrent les écologistes, trop politisés et dogmatiques et qui avaient failli dans la construction d’un monde nouveau. Leurs batailles internes n’intéressant plus un monde qui souhaitait vivre sans pouvoir.

L’autogestion fut la voie qu’empruntèrent de nombreuses nations. Comités, assemblées et commissions remplacèrent ministres et chef d’État. Les grands pays se morcelèrent, laissant place à des décisions locales plus adaptées aux besoins des populations. Le pouvoir, économique, politique ou religieux ne fut plus le seul moteur des responsables de ces nouvelles sociétés civiles. Comme les grands groupes politico-financiers avaient disparu dans le tsunami de la révolution, il était plus facile de reconstruire sur de nouvelles bases de proximité et de respect de la nature et de l’humain. Seuls les enjeux climatiques firent l’objet de décisions mondiales tant les survivants de cette révolution planétaire avaient expressément conscience de cette nécessité vitale. Sans décisions drastiques, c’était la fin promise, et à court terme.

Le pétrole, le charbon, le gaz furent interdits d’un commun accord. La déforestation bannie, la pollution sous quelque forme fortement réprimée.

Le commerce mondial fut réduit de trois quarts, les économies se basèrent sur le local et la durabilité. L’énergie sur le solaire, l’éolien et l’hydraulique terrestre ou marin. Le nucléaire ne servant plus que de solution de transit. Chaque pays essayait maintenant de subvenir à ses propres besoins sans chercher une exportation à outrance avec des prix toujours plus bas au mépris du bien-être de leurs propres citoyens. Après ces années de crises et de violence, le monde avait retrouvé un calme fragile et les institutions étatiques avaient pu reprendre leurs activités sous des formes participatives et humaines, moins autoritaires.

John avait sauvé son emploi malgré tous les aléas de la révolution. LX3CT qui, en avance sur son temps, avait tout misé sur l’électricité et la technologie avait pu sauver les meubles malgré de multiples changements de propriétaire. Elle n’avait jamais cessé de fabriquer ses panneaux solaires et batteries pendant la crise, avec des hauts et des bas affectant surtout la production des voitures. Maintenant aux mains de Normann Forbes, ancien cadre de Tesla, la Société avait axé ses investissements sur la conduite autonome des véhicules, chasse gardée de John chez LX3CT.

Brandon, lui, n’en finissait plus de fêter en boucle l’arrivée d’une nouvelle ère. Il replongea avec délectation dans ses addictions artificielles. Son engagement dans la gestion communautaire du district fut conflictuel. Ses discours trop emportés pour prêcher la patience et son comportement erratique hors des micros, l’empêchèrent de gagner la confiance des organisateurs. Peu à peu, on le mit au placard. Il ne supporta pas cette mise à l’écart de la société et avec Ronie, ils s’enfoncèrent dans des paradis au goût acidulés. Tous leurs maigres revenus y étaient engloutis, laissant la propriété à l’abandon. Les factures impayées s’amoncelaient, entraînant des coupures d’électricité et d’eau. La plantation battait de l’aile, subissant les affres d’une météo encore chaotique.

Certes, les phénomènes climatiques commençaient à baisser en nombre, mais leur intensité était toujours plus violente et soudaine. Le paroxysme de la crise climatique était derrière nous, disaient certains ; ceux qui vécurent les événements de juillet 35 ne furent pas de cet avis.

Chapitre 4

San Francisco, 26 juillet 2035