Bép-Bép et le tirage au sort - Michel Latimer - E-Book

Bép-Bép et le tirage au sort E-Book

Michel Latimer

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Beschreibung

Lorsqu’on découvre une technologie permettant de contrôler un être humain, que fait-on ? On opte pour un tirage au sort à l’échelle mondiale pour désigner la personne qui en sera la victime. L’agent spécial Bép-Bép, face à cette situation, ne choisit pas la voie du hasard. En tant que tireur d’élite, il décide de prendre les choses en main, déterminé à ne pas manquer sa cible.

 À PROPOS DE L'AUTEUR 

Pour Michel Latimer, l’acte d’écrire revient à décrire le monde qui est en marche, celui qui ne s’arrêtera plus. Avec "Bép-Bép et le tirage au sort", l’auteur veut divertir le lecteur, mais également participer à son édification de manière constructive.

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Seitenzahl: 539

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Michel Latimer

Bép-Bép et le tirage au sort

Roman

© Lys Bleu Éditions – Michel Latimer

ISBN : 979-10-422-0102-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Lala

Le présent ouvrage fait référence à un fait réel, la découverte, par un grand galeriste parisien, du tableau, le Verrou de Fragonard, en 1969.

Mais tout cet ouvrage n’est qu’une fiction. Les noms et prénoms des personnages sont inventés de toutes pièces. Personne ne peut donc s’y reconnaître.

Chapitre 1

Number three

BUENOS AIRES, ARGENTINA, Sommet du G 20, samedi premier décembre 2018

Les vingt pays, membres du G20, qui représentent pratiquement les deux tiers de la population mondiale, font plusieurs déclarations, comme à l’accoutumée après ce genre de petite sauterie. Dont une sur leur désir de lutte commune contre le banditisme sans frontières . Et contre le financement du banditisme.

Ce qui n’est pas annoncé, c’est une des décisions prises par le G20 que l’ensemble des pays ont acceptée sous le nom de résolution Number OO Agent.

Cette résolution a été discutée directement par les plus hautes autorités de chaque état, les présidents et les chefs de gouvernement avec leurs staffs respectifs, comprenant surtout leurs experts compétents en la matière.

Elle a été proposée par l’Australie. Qui a fait sa proposition début novembre.

Cette proposition a été soutenue d’emblée par la Chine, les États-Unis d’Amérique et la Russie.

Tous les autres pays, plus l’UE, se sont plaints du manque de temps pour la préparation de ce dossier. Qui exige la présentation de C. V. édifiants. Et vérifiables par tous les participants du G20. Et qui deviennent ipso facto partenaires de ce projet.

Ce projet consiste en l’établissement d’une liste. Une liste comprenant des femmes et des hommes ayant des compétences particulières dans le domaine de la sécurité. Ces femmes et ces hommes pouvant être sollicités pour des opérations spécifiques par n’importe quel membre du G20.

À charge pour le pays solliciteur de justifier sa demande. Trois noms avaient été proposés. Sans ordre hiérarchique.

Un homme. Américain. Directement sous l’autorité de la Maison Blanche.

Une femme. Russe. Proche de l’agence Wagner.

Un homme. Camerounais. Directement sous l’autorité de l’état camerounais.

Problème. Le Cameroun n’est pas membre du G20.Mais le soutien de cette candidature par la Chine et la France régla le problème.

Après examen approfondi en amont du sommet de ces trois candidatures par les membres du G20, la liste a été adoptée à l’unanimité. Avec respectivement les dénominations de Number One, Number Two, et Number Three.

Les membres du G 20 ont été dans la triste obligation d’évoquer que, sans une clause particulière, cette liste n’avait aucune utilité.

D’une manière officieuse, il a été voté, et validé, que Number One, comme le Two et comme le Three, pouvait tuer si nécessaire.

Leur inscription sur cette liste fut rapidement communiquée aux trois intéressés.

L’inscription de Jeannot Bép-Bép, Number Three, fut fêtée par le gouvernement camerounais, et par son Spécial Service. Dans un cas comme dans l’autre, une obligation de discrétion fut de mise.

Avec une inquiétante préoccupation. Car Bép-Bép, ayant été nommé Number Three pour la qualité de son travail, semblait avoir un intérêt pour quelque chose d’autre.

Que fait Bép-Bép, qui ne s’intéresse plus à son travail ? Alors que sa compétence unique se voit reconnue mondialement, lui, il fait le lambda, il fait le quidam, le parfait petit John Doe.

VALLÉE DE LA MORT, USA, jeudi 13 décembre 2018

Foxie Fox-Wolf, le teint hâlé par son exposition régulière au soleil, responsable de la sécurité informatique du plus grand casino de Las Vegas, le Rockin'turi – T – Salutant sortit de son boulot à 15 h 30 pétantes. Elle venait de faire les transmissions des bugs du matin, à son collaborateur, responsable de l’équipe de l’après-midi. Conjointement, ils venaient d’arpenter la grande salle du casino, qui était semblable à une arène de gladiateurs. Deux kilomètres carrés de machine à sous, les fameux bandits manchots. Ce que Foxie appréciait le plus, c’est que cette arène était entourée de quatre fosses aux lions. Avec de vraies lionnes et de vrais lions derrière des vitres blindées à l’épreuve d’un tir de mortier.

Bon d’accord, ils étaient onze, répartis dans les quatre fosses. Que de vieux lions et de vieilles lionnes. Dont l’activité principale était de bailler plusieurs fois par jour. Et quelquefois, les lions montaient sur les lionnes, sous un tonnerre d’applaudissements et avec les encouragements du public tout acquis à leur cause.

Foxie retrouva au garage des professionnels du casino sa dernière acquisition. Une Husqvarna TE 125 qu’elle commençait simplement à découvrir. Elle démarra et prit la direction de Bakersfield. Ouais, ouais, pour les amateurs de country music, c’est de ce Bakersfield-là, que vient le Bakersfield country style. Qui a consisté à mélanger la country la plus trad qui soit à un rock’n’roll des plus électrique. Et qui a donné la musique des hors-la-loi.

C’est qu’à Bakersfield elle avait un deuxième boulot. Son VRAI boulot. Que ses employeurs du Rockin’turi-T-Salutant ne connaissaient pas.

À Bakersfield, elle possédait une start-up de produits informatiques. Avec deux employés. Qui ne savaient pas qu’elle avait un autre boulot.

Mais ce jour, c’était un jour particulier. Elle n’allait pas à Bakersfield, même si elle allait rencontrer ses deux collaborateurs.

Elle fit le plein de sa moto trail à la dernière station-service avant Badwater. Au moment opportun, elle bifurqua justement en direction de Badwater. Qu’elle traversa sans s’arrêter. Elle était sûre que ses allées et venues avaient déjà dû être remarquées à Badwater. C’était un risque.

Elle s’enfonça dans la Vallée de la Mort. On était fin décembre et la température était au-dessus de vingt degrés Celsius. Elle traça la route pendant une trentaine de miles. Puis tourna dans un chemin pierreux qui serpentait sur une colline. Au bout du chemin pierreux, rien. Enfin rien, une paroi, haute de quelques mètres. Un premier p’tit coup de télécommande et la paroi s’ouvrit sur une galerie de mine désaffectée, datant probablement approximativement de 1850, car il y eut une ruée vers l’or dans la Vallée de la Mort à cette période. À nouveau, un p’tit coup de télécommande pour refermer derrière elle.

Au bout de la galerie, deuxième p’tit coup de télécommande. Ouverture d’un pan de mur. Sur un abri antiatomique datant des années soixante. Un énorme bunker de sept pièces.

Elle connaissait l’existence de cet abri depuis un moment. Elle avait hackée le cadastre, le Public Land Survey System et les services des impôts de Californie. Elle avait voulu voir ce qu’il était possible de faire. Les services des impôts connaissaient l’existence de cet abri. Il y avait eu une autorisation de construction donnée nominalement à quelqu’un. Ce quelqu’un avait disparu en 1989. Une procédure pour décès avait été initiée par le service des impôts. Qui avait voulu s’approprier l’abri antiatomique. Ça ne s’est pas fait. Puisque la procédure semblait ne pas avoir être poursuivie.

Elle avait donc « visiter » l’abri. Qui lui plut immédiatement. Comme un endroit qu’on a jamais quitté.

Elle fit disparaître tous les documents relatifs à l’abri. Au cadastre, aux impôts. Elle s’auto-octroya cet édifice. Et décida de l’aménager à sa convenance.

Foxie Fox-Wolf fit refaire le soutènement de la galerie par quatre traîne-savates européens sans-papiers, qui zonaient à Vegas et qui l’avaient approché sur le thème de la madame qui peut-être aurait des travaux à faire et justement la vie est bien faite, car ils étaient tous les quatre du bâtiment. Ils avaient mis quinze jours pour faire le soutènement. Et à faire les deux portes coulissantes, actionnée par télécommande. Ce à quoi la madame a demandé de doubler le soutènement de par le principe de précaution. Quinze jours de boulot en plus. Personne n’avait renâclé.

À la suite de quoi, elle avait invité les quatre traîne-lattes à occuper chacun une concession à perpétuité dans des trous dans le mur de la galerie. Cela avait été tout un cirque de faire entrer les cadavres dans les sus-cités trous-dans-le-mur. Car de leur vivant, ils avaient vivement opposé une fin de non-recevoir à sa proposition d’y entrer sur leurs pieds. Parce que les pieds devant après que chacun ait été mouché à bout portant par les deux Desert Eagles de Foxie, c’était impossible.

Impossible de porter les cadavres.

Elle avait mesuré sa chance d’être Américaine, ce qui, pour elle, avait signifié une familiarisation de l’enfant qu’elle avait été au maniement des armes à feu. Elle se souvenait des Bar-B-Q entre voisins, tout au bout des prés, avec de délicieux T-Bones steaks, cuits à point sur le charbon. Les réjouissances culinaires se terminaient par des séances de tir ou tout le monde rivalisait d’adresse. Elle se souvenait du recul de l’arme la première fois où on l’avait autorisée à se servir d’une Winchester. Elle avait sept ans.

Ado, elle avait eu sa période « Hand guns are made for nothing, just to shoot you man ».

À l’âge d’adulte, elle était revenue de tout ça. Donc l’élimination des ouvriers d’Europe centrale s’était, somme toute, faite facilement. C’est après que c’est devenu compliqué. Elle n’avait pas imaginé la lourdeur d’un cadavre. Elle les avait tirés jusqu’à leur trou-dans-le-mur respectif.

Elle avait pensé à Archimède et son fameux, donnez-moi un levier et je soulèverai le monde. Elle avait dans la galerie, une brouette qui devait dater de 1850. En couchant sa brouette sur le côté, elle arriva à fourrer son premier cadavre dans la brouette. Et ensuite, elle balança celui-ci dans un des trou-dans-le-mur. Elle apprit à faire du ciment. Ça lui plut de suite. En fait, elle avait passé l’essentiel de sa vie d’adulte la tête dans un laptop. Donc bricoler, le fait de faire des choses réelles, ça la bottait plutôt pas mal. Elle devint bricoleuse. C’est fou comme ça sert quand on vit dans un bunker.

Son smartphone sonna. C’était un de ses collaborateurs qui l’avertissait de leur arrivée au bout du chemin pierreux. Elle reprit l’Husqvarna pour aller ouvrir et refermer.

C’était les deux seules personnes, en plus d’elle, au courant de l’existence de cet abri antiatomique. Ce soir, ils allaient être là, tous les trois.

Ils entrèrent tous les deux avec leurs motos trails tous les deux, et donc les trois repartirent de concert à vitesse réduite dans l’ancienne galerie de mine. Et hop, tout le monde dans l’abri antiatomique

Le plus vite descendu de sa Yamaha Tracer 700 fut James Woodny, un encore jeune Afro-American, âgé d’une trentaine d’années. C’était le genre salle de muscu. De temps en temps, il s’autorisait une p’tite cure de stéroïdes, juste histoire d’entretien de la gonflette. Avec un temps de retard, ce fut au tour de la doyenne, Leocadia Przywronyna, la cinquantaine bien tapée, mais la cinquantaine sportive, de descendre de sa Husqvarna. C’est qu’elle était accro aux endorphines, celles dont vous bénéficiez après une heure de course à pied. Une marathonienne, trois, quatre fois l’an, voilà ce qu’elle était.

Pour des raisons évidentes, tout le monde hormis les Polonais l’appelait Nyna. C’est elle qui avait fait découvrir à Foxie la Husqvarna TE 125.

Tous les trois étaient détendus. C’est que c’est la fête, car les grands jours vont débuter. Maintenant, ce soir.

CHANTILLY, les Aigles, jeudi 13 décembre 2018

Il commençait à y avoir de plus en plus de monde. Dont un homme noir, africain, de presque quarante ans, qui revenait d’un galop d’entraînement d’un lot de l’entraîneur de Sa Majesté, en selle sur des chevaux de Sa Majesté.

Sa Majesté, qui régnait sur un état du Moyen-Orient, dont le père et le grand-père avaient pu exprimer leur passion du cheval de course au cours du siècle précédent, était sur la planète Terre un des hommes les plus connaisseurs de tout ce qui concerne le pur-sang anglais. Il semblait avoir une connaissance encyclopédique des principaux étalons et des lignées maternelles comme de toute la filière. Ses lads disaient qu’il devait manger la même avoine que ses bourrins, tellement il pouvait prévoir si ça allait plaire à ses gayes.

Eh bien, ce matin, avec ses deux amis monarques d’un émirat, Sa Majesté, complètement estomaqué, assista au retour de son lot.

Bép-Bép descendit de son bourrin en faisant le saut de l’ange. Presque aussi bien que l’original. Il arriva, salua Sa Majesté et les deux monarques, et l’entraîneur des chevaux de Sa Majesté. Et il fit son compte rendu :

— Au départ, comme vous m’aviez recommandé, je l’ai retenu. Il s’est tout le temps battu avec son mors. Il voulait aller en tête. Il a tellement tiré, que bien vous m’ayez demandé d’attendre la borne pour le lâcher, j’ai été obligé de le laisser partir aux sept cents premiers mètres. Il est remonté en tête comme une flèche, il a caracolé devant jusqu’au douze cents mètres et il s’est éteint comme une chandelle. Mon impression c’est que c’est un flyer,un vrai sprinter.

— Mais, fit Sa Majesté, je l’ai engagé dimanche sur le mile. Et il se tourna vers l’entraîneur, bouche bée.

— Monsieur Bép-Bép, quand je pense qu’il y a deux mois, vous ne saviez pas distinguer le poitrail de l’arrière-train. Et maintenant, vous éclairez notre lanterne.

— Pourtant, chez la mère, reprit Sa Majesté, il y a eu des milers. L’entraîneur reprit.

— Oui, mais il y a aussi des sprinters. Et donc la conclusion de Monsieur Bép-Bép est tout à fait réaliste. Il faut le supplémenter sur la ligne droite. 900 mètres, ça paraît bien.

— On va donc le déclarer forfait pour le mile et le supplémenter pour la course pour flyers. Monsieur l’entraîneur, on va de ce pas faire tout ça. Venez-vous avec nous, Monsieur Bép-Bép ?

— Non merci, Votre Majesté, je dois faire fissa, je dois monter le dernier lot pour l’écurie AA Darley. Qui est l’écurie des monarques.

PALAIS DE L’UNITÉ, DOUALA, dimanche 16 décembre 2018, réunion en urgence

— Mais qu’est-ce qui se passe à la fin avec le dénommé Bép-Bép ? demanda le Chef de gouvernement. Le prési renchérit.

— D’habitude, on le retrouve au bout de trois jours maximum, quand il en a marre des femmes avec qui il était. Mais là, j’en… Il chercha les mots les plus appropriés.

— J’en… J’en perds, non, il en a perdu son latin, fit-il en désespoir de cause. On dirait qu’il est tombé amoureux. Mais d’après ce que vous me dites, c’est bien ça, il est amoureux, mais pas du tout d’une go (« fille noire ») quelconque. Il serait amoureux des chevaux de course. Et du monde du cheval de course.

Incroyable !

— On me dit, Monsieur Wang Gang, poursuivit le chef de l’état, que c’est vous qui dirigez le service en l’absence de Monsieur Bép-Bép. Je vous remercie pour votre investissement. Quand je pense à mon hostilité en ce qui concernait votre naturalisation, voire même votre présence dans notre pays, je suis heureux que Monsieur Bép-Bép ait été persuasif. Bon, que peut-on faire par rapport à lui ?

Wang Gang parla :

— Je pense que la raison prendra le pas de la passion. La fibre nationaliste de Bép-Bép ne peut que revenir. Et j’ai une réflexion en forme d’interrogation. Pour reprendre le vocabulaire de Bép-Bép, il serait vierge depuis deux mois. Donc, je propose que pour les fêtes de Noël, ou pour la Saint-Sylvestre, on lui balance des filles qui lui feront passer le goût du cheval, mais pas de la monture.

Alors, la toute jeune ministre du Débat public, Katarina Kate Woman, une bamiléké comme Bép-Bép prit la parole d’une petite voix timide

— Il faudrait lui proposer un pique-nique moquette. Toutes les gos (« filles noires ») disent qu’il aime les pique-niques moquette.

VALLÉE DE LA MORT, USA, dimanche 16 décembre 2018, dans la soirée (heure locale)

Leocadia Przywronyna, James Woodny et Foxie Fox-Wolf sirotaient du champagne californien, dans de grands gobelets en plastique, tout en ajoutant du coca zéro selon la convenance. La convenance, c’est éviter le goût acide du champagne. À servir frais avec un peu de glace pilée et avec une grande paille.

Ils devisèrent tranquilles, cool dans leur abri anti atomique. Avec des murs de plus de deux mètres d’épaisseur, ils ressentaient un grand sentiment de sécurité. Ils se surprenaient à s’imaginer comme derniers survivants de l’humanité en cas de dinguerie nucléaire. En riant, James Woodny finit son deuxième gobelet de coca zéro, agrémenté de champagne du coin et souligna qu’en cas de cataclysme, ils seraient, eux trois, une catégorie spéciale. Des vrais élitistes.

Ils seraient les derniers des vrais snobs.

Foxie Fox-Wolf ouvrit une commode et en sortit un grand boîtier gainé de cuir teinté de parme. Leocadia Przywronyna et James Woodny reconnurent le Loovaglio de la bosswoman. Ils virent le diamant bleu qui servait à allumer et éteindre le Loovaglio.

Le Loovaglio est l’ordinateur portable le plus cher au monde. Pas tellement par des specs hors norme. Mais par l’utilisation d’or, de platine, d’argent et de ronce de noyer, plus différentes pierres précieuses dans la réalisation du PC. Au final, un objet de luxe, valant un million de dollars, pas plus performant qu’un autre PC haut de gamme.

Les deux collaborateurs de Foxie Fox-Wolf se demandaient à chaque fois quelle mouche avait piqué la bosswoman quand elle avait dû sortir le million du cochon.

Celle-ci ne pouvait répondre la vérité. Qu’elle avait serré au Casino un mec qui avait tenté de faire sauter la banque en truandant. Elle l’avait vu à la surveillance vidéo. L’homme avait provoqué une panique à une table de roulette en balançant un scorpion. Lors de l’agitation qui s’en est suivie, l’homme avait pris la boule d’ivoire qui tourne sur la roulette, la remettant aussitôt sur la roulette. Puis, il a gagné plusieurs fois. Pas tout le temps, mais souvent.

Foxie Fox-Wolf avait passé la séquence comportementale dans ses banques de données. Et bingo. En 2006, dans un casino en Europe, un homme avait réussi à mettre un peu de peinture de la même couleur que la boule. Et la peinture contenait des éléments ferromagnétiques. C’est-à-dire du Cobalt, du Nickel et du Fer. Avec un aimant puissant caché dans son vêtement, en se tournant de manière adaptée, il avait réussi à ralentir la boule et à la stopper. À peu près en face de lui.

Le tout est de faire comme l’homme au Rockin’turi-T-salutant. Pour que ça marche, il faut se tourner au bon moment pour stopper l’aimantation, pour éviter d’attirer la boule en dehors de la roulette. Ce que faisait ce type à chaque fin de roulette. Ce qu’avait fait le type en Europe. Et les services de sécurité ont su de suite qu’il y avait quelque chose. Ils ont fouillé le type, ont découvert son aimant et ont reconstruit à l’aide de la vidéo les étapes de l’arnaque.

Donc, elle avait mis la sécurité du casino sur le type. En théorie pas de fouille en dehors des cops. Mais là, le type s’est mis à dégouliner de sueur. Elle a fait entrer le type dans la première salle venue. Qui n’a pas de surveillance vidéo, ce qui est une faute professionnelle. Mais ça arrange bien. Et a demandé au type son aimant. Qui lui a répondu comment elle savait. Foxie Fox-Wolf lui a rétorqué que c’est son travail.

Il a donné son aimant, et il a rendu l’argent qu’il avait gagné. Elle allait pour sortir quand il l’a rappelé. Il a alors sorti le Loovaglio. Et lui a proposé pour se faire libérer. Avec la facture et les certificats d’authenticité.

Elle lui a expliqué qu’il fallait qu’elle appelle le Las Vegas Metropolitan Police Department. Mais qu’elle allait prendre l’aimant. Puis elle nettoya les doigts du type avec des produits démaquillants qu’elle avait dans son baise-en-ville.

Foxie Fox-Wolf trafiqua toutes les bandes vidéo. Ceux de la salle de jeux, notamment. Elle avait effacé les bandes ou le type balance le scorpion. Puis celles, juste après, où il se saisit de la boule, la garde dans ses mains. Tout ceci juste avant l’arrivée des schtarpones.

Ceux-ci avaient fouillé le type. N’avait rien trouvé. Tout était clean. Donc le casino avait dû laisser repartir le type. Et elle avait gagné un Loovaglio. Plus la somme en liquide extorquée à la roulette grâce à l’aimantation.

Le type était revenu trois jours après. Il l’avait suivi avec son pick-up truck et il l’avait coincé sur sa moto trail. Ils étaient descendus. À trois, avec des Baseball bats.

Son Desert Eagle a neuf balles dans son chargeur. Cinq suffirent pour régler le problème. En femme d’expérience, se remémorant le coup de la brouette, elle les fit d’abord monter dans la benne, avant le coup de grâce. Elle vit leur surprise avant de mourir. Jamais ils n’avaient envisagé ça.

Elle fit monter sa moto par l’arrière abaissé du pick-up truck. Comme elle sortait de sa période apprentissage du ciment, elle reprit sa brouette et prit ses sacs en ciment. Elle connaissait un petit étang entre Bakersfield et Reno. Invisible de la route, car à l’intérieur d’un bosquet. Cela lui fit perdre du temps, mais elle réussit à balancer les trois mecs dans l’étang, là où il y avait quelques mètres de profondeur. Elle laissa sa brouette dans un bosquet un peu plus loin.

Après leur avoir concocté de belles chaussures en ciment.

Puis elle dut rouler jusqu’à Frisco, en espérant ne pas se faire contrôler par les flics. Elle abandonna le pick-up truck dans le quartier des drop-outs, San Francisco Haight. Elle descendit sa Husqvarna. Elle fonça sur Bakersfield. Au milieu de la nuit, une douzaine d’heures après sa sortie du boulot, elle put se coucher à Bakersfield. Dans la toute petite chambrette attenante à son local professionnel. Le lendemain, elle loua un petit pick-up truck et elle alla récupérer sa brouette, qui, par un petit miracle, était toujours à la même place.

C’est que on peut jamais savoir de nos jours. Une brouette, ça facilite la vie.

Bon, Leocadia Przywronyna et James Woodny s’étaient repris un fonds de champagne.

QUELQUE PART DANS LA BANLIEUE DE PARIS, mardi 18 décembre 2018, 8 h du matin

Il se connecta sur Bravostriit Belgique. C’est là qu’il allait depuis l’interdiction de Bravostriit France. Il se rendit à la rubrique Rencontres occasionnelle. Et il mit le filtre homme cherche homme. Puis il parcourut les annonces, en commençant par les plus récentes. Il en vit une qu’il avait déjà vue.

« Mon nom est Nique-Ta-Lope, j’ai trente-quatre ans, je suis célib, je suis brun aux yeux marrons, je suis bodybuildé, j’ai vingt-deux centimètres de poésie et de chaleur humaine pour vous les meks. Mon type d’homme est multiple, polymultiple. Et si j’ai une inclinaison pour les blonds aux, yeux bleus, je suis ouvert à tous les souchiens, comme à tous les meks issus de la diversité, surtout les Arabes et les noirs. Je suis disponible en général le week-end, à Bruxelles, à Lille ou à Paris. Et je peux parfois me libérer le soir en semaine, mais juste à Paris. Annonce non vénale. Vérifié par le staff de Bravostriit. »

Il se connecta à son compte dont les identifiants étaient son pseudo, P’tit Loup Phoque et son méél. Puis il mit son mot de passe, Klégrosses944 !

C’est bien ce mardi 18 décembre 2018 que P’tit Loup Phoque contacta pour la première fois Nique-Ta-Lope. Il lui adressa un message :

« Salut Nique, mon blaze, c’est P’tit Loup-Phoque, je revois ton annonce pour la deuxième fois. J’ai apprécié ta façon de parler avec cette tonalité guillerette. Juste ce que tu aimes, je suis blond aux yeux bleus. J’espère que tu aimes te taper des encore jeunes, car j’ai trente-trois aux prunes. Je sens que je vais apprécier ta poésie et j’espère que tu seras à même d’apprécier ma prose. Ou mon prose, c’est selon. Je suis dans la banlieue de Paris. Je suis dispo au même moment que toiiiii. J’te donne mon numéro. Tu m’appelles quand tu veux. Now, now, je suis single. Signé, ton P’tit Loup Phoque. »

Chapitre 2

Le tirage au sort

VALLÉE DE LA MORT, USA, toujours le mardi 18 décembre 2018, en soirée (heure française), dans l’après-midi (heure locale)

Foxie Fox-Wolf ouvrit son Loovaglio et vérifia ce qu’elle avait reçu de la part de Leocadia Przywronyna et de James Woodny. Eux-mêmes avaient leur propre PC. Et chacun avait un PC de secours si besoin. Celui de Foxie était plus classique, naturellement.

En fait, ça allait être Noël. Les trois membres avaient collégialement décidé que le tirage au sort devait être mondial. Pour des raisons évidentes, il ne concernait que les adultes d’au moins dix-huit ans. Il savait tous les trois que la faisabilité des conséquences de ce tirage au sort ne pouvait se faire qu’en Amérique du Nord et en Europe, sûrement en Amérique du Sud, sûrement en Inde, presque sûrement dans les Caraïbes, mais en pratique, c’était quasi impossible dans le reste du monde.

Néanmoins, tous les trois avaient spontanément décidé du caractère planétaire de ce tirage au sort. Pour le fun d’abord, mais aussi il faut bien le dire par superstition. Car, comme ils comptaient défaire des règles établies par Dieu, ils en étaient devenus paranos. Donc, ils, en quelque sorte, sollicitaient l’intervention de Dieu, dans le tirage au sort. Oui, ils voulaient l’implication de Dieu dans leur tirage. La main de Dieu.

Foxie Fox-Wolf prit la parole :

— Bon, je rappelle ce qui se passe. Nous devons choisir un heureux élu ou une heureuse élue. Ça doit être un ou une adulte vivant bien sûr. Le fichier le plus complet qui existe sur tous les membres de l’humanité, c’est le fichier informatique, accessible à tout le monde, de ce groupement religieux, ou de cette secte, faites votre choix m’sieurs-dames, de Salt Lake City. J’ai nommé les Mormons.

— Peut-être y aurait une autre façon, poursuivit Foxie Fox-Wolf, de trouver l’ensemble des humains vivants, notamment par l’addition des états civils de tous les pays de la planète.

James Woodny réprima un bâillement, et, dès qu’il put, il abrégea ce fastidieux rappel.

— Ouais, bosswoman, on a bien taffé là-dessus. Mais il y a des pays qu’on n’a pas réussi à se faire sauf partiellement comme le plus grand pays du monde. Ni moi, ni vous, ni Nyna. Donc retour à la case départ.

— Vous avez raison, Monsieur Woodny, fit Foxie Fox-Wolf, retour à la case départ, c’est-à-dire le fichier des Mormons. Et ça pose deux problèmes. Premièrement, faire l’addition de toutes les personnes contenues dans ce fichier. Car l’accès aux personnes se fait par batch, c’est-à-dire par lot. Nous avons réussi à programmer l’addition des batches, et nous avons la liste des êtres humains, et donc la somme totale des êtres humains, de moins de cent ans.

— Et, poursuivit-elle, deuxièmement, l’autre problème, c’est, si vous me permettez l’expression, d’éliminer les personnes décédées. Je vous avais demandé de compulser le maximum de banques de données à ce sujet. Où en êtes-vous par rapport à ça ?

James Woodny parla :

— C’est pas difficile globalement, c’est approximativement 60 millions de personnes qui décèdent par an dans le monde. C’est nominativement que c’est difficile. On a essayé avec Nyna de recenser tous les actes de décès de par le monde depuis le début de l’année. Puis on a rajouté les décès antérieurs, que l’on comptabilise plus facilement. On s’est partagé la planète. Je vous envoie mes résultats.

Leocadia Przywronyna fit de même.

— Bon, fit Foxie Fox-Wolf, voici ce que j’ai en détournant les voies d’accès aux gens de Salt Lake City. Et en les repassant dans vos programmes des décès. Il y aurait six milliards six cents millions d’adultes de plus de dix-huit ans, plus quelques unités, de vivant actuellement.

Bon, le moment attendu arrive. Le tirage au sort va avoir lieu. On va voir qui va gagner. On y va !

Sur l’écran du Loovaglio, un programme effectué par Foxie Fox-Wolf donnait à ce tirage au sort l’apparence d’un tirage du loto, avec des boules qui se mélangeaient et qui s’entrechoquaient. Sauf que là, il y avait six milliards et quelques de boules en compétition.

Encore une dizaine de minutes et une boule porteuse d’un nom apparaîtra sur l’écran. Ils se penchèrent tous les trois sur celui-ci.

DANS UNE GRANDE STATION DE MÉTRO DE PARIS, mercredi 19 décembre 2018, minuit et une minute

Mon dossier de prise en charge par Un-Chez-Soi-D’abord est passé en commission le dix-huit décembre. J’ai eu le résultat de la délibération aujourd’hui et mon dossier a été accepté. Je dois bientôt rencontrer les gens de l’association qui vont m’expliquer la suite des choses. En même temps bien sûr, je suis content et en même temps maintenant je suis obligé de ne plus être totalement dans l’excitation des événements de la rue. Bref, je vais me confronter à moi-même. Quelle sorte d’homme j’aurais été pour avoir besoin de tout ça ?

Ces derniers jours, j’ai revu Edwige, qui poursuit ses études d’infirmière à Saint-Denis. Elle est en deuxième année. Tout se passe bien pour elle. Qu’est-ce qu’elle est bien foutue ! Quand je pense à son investissement religieux, je me dis qu’elle va en allumer des incendies aussi bien chez les fidèles que chez les religieux et que chez les patients. Elle revient voir ses anciens collègues. Et elle revient me voir par la même occasion.

Elle est venue me voir à plusieurs reprises avec une autre Camer, Marie Kawa, étudiante en sciences éco à Créteil. Je connais bien, ou plutôt je connaissais bien, car c’est là que j’ai fait mes études.

Superbe femme également. Qui attend, si j’ai bien compris, pour donner son berlingot à l’homme de sa vie.

Je suis devenu copain avec Georges, le contrôleur qui m’a sauvé la vie. Le SDF que je SUIS ne peut que rendre grâce à tous ces gens-là.

VALLÉE DE LA MORT, USA, mercredi 19 décembre 2018, juste après minuit (heure française), juste après 15 h (heure locale)

Six milliards et quelques de boules dont il faut en extraire une et une seule. Voilà la tâche ingrate du Loovaglio. Après au moins une dizaine de minutes, et où les trois étaient littéralement hypnotisés.

Tous étaient happés par la solennité du moment. Un tirage mondial. Un gagnant sur la planète, personne ne l’avait fait.

Sauf Dieu.

Lui, bien sûr, c’était même son quotidien. Tout le monde le sait. Lui seul peut prendre une personne et lui faire la distribution avec une paille, une petite cuillère, à la louche, avec le camion-benne ou mettre cette personne carrément dans la fosse à purin. Et des fois, c’est dur d’admettre que Dieu a des desseins que lui seul connaît.

Surtout si tu es dans la fosse à purin. Tu attends avec impatience le camion qui vient nettoyer les fosses septiques.

Sur les six milliards et quelques boules, il n’en reste plus qu’une dizaine. On ne peut apercevoir les noms sur les boules, tellement elles tournent vite tout en s’entrechoquant entre elles. Maintenant, elles ne sont plus que cinq. Pareil, sauf que ça va encore plus vite à cinq. Plus que trois. Plus que deux. Pitié pour la boule, celle qui est la dernière à disparaître, et qui laisse une boule qui tourne à toute allure. Cette dernière boule au bout d’une longue minute commence à ralentir. Elle ralentit, ralentit, et finit enfin après quelques oscillations à se stabiliser. Zoom sur la boule. Et le nom écrit sur celle-ci apparaît en gros :

EDWIGE JADWIGA MAGDALENA KAIECKA.

Les trois se penchèrent. À la vue du nom, Leocadia P. s’exclama :

— C’est une Polonaise. Avec une curiosité dans son nom.

— Ah bon, fit James W. Parce que, dès fois, je dis juste dès fois, parce que, dès fois, il n’y a rien de curieux dans un nom polonais ?

— Ah, ah, ah, répondit Leocadia. Sérieusement, Jadwiga, c’est Edwige en polonais. Donc ses prénoms, c’est Edwige Edwige Madeleine.

Foxie Fox-Wolf entra le nom, tel qu’apparu sur la boule victorieuse dans les programmes élaborés par ses collaborateurs. Le but c’est de faire entrer ce nom dans le plus grand nombre de banques de données sur la planète, pour voir à qui et à quoi correspond ce nom.

Le Loovaglio était en train de charger les résultats, tous les trois étaient sur des charbons ardents. Et finalement, apparu ce que le Loovaglio avait trouvé :

Edwige Jadwiga Magdalena Kaiecka, née le 4 octobre 1984, à Rabat (Maroc). Mais elle est camerounaise, pas polonaise. C’est une :

Bassa, sur le plan ethnique.

Venue en France (Europe) en 2002.

Un garçon, né en 2003, une fille née en 2006.

Allait se marier en 2007, quand son futur mari, le père de ses enfants est décédé, fauché par une voiture, alors qu’il marchait tranquillement pour rentrer le soir chez lui.

Entrée à la RATP, fin 2007, comme agent administratif.

A été reçue en juin 2017 au concours d’entrée de l’école d’infirmière de Saint Denis. A réussi brillamment la première année, étant admise en seconde année en très bonne place. Effectue actuellement sa seconde année.

A commencé à suivre le cursus qui mène dans plusieurs années au prononcement des vœux. A commencé le noviciat à la Congrégation des Sœurs Aimantes de Jésus-Christ de Douala.

La photo d’Edwige apparut. Leocadia Przywronyna se mit à rire.

— Une femme, noire, avec deux prénoms polonais, on dirait une blague.

Mais tout fut vérifié. Et revérifié. C’était toujours le même compte-rendu. Tous furent rassurés, car Edwige vivait en France. Ou tout peut facilement s’organiser, et donc l’annonce fut faite, officiellement par Foxie Fox-Wolf.

— Et c’est parti, dit-elle, en sortant son smartphone.

QUELQUE PART EN BANLIEUE PARISIENNE, jeudi 20 décembre 2018, une heure du matin

Nique-Ta-Lope venait juste de voir l’alerte. Il avait reçu un message d’un certain P’tit Loup-Phoque. Intéressant. Un mec de Paris, et en plus un blond aux yeux bleus. P’tit Loup-Phoque avait laissé son phone. Mais il préférait chatter un peu avant d’appeler. Il envoya un mot par la messagerie de Bravostriit :

— Salut P’tit Loup, merci pour ta réponse qui me plaît beaucoup. Est-ce que tu serais d’accord pour chatter un ou deux jours, avant de se prendre un p’tit rendez-vous ? Je te souhaite une bonne soirée, Nique.

AÉROPORT DE ROISSY-CHARLES DE GAULLE. Jeudi 20 décembre 2018 sept heures du matin

L’avion Douala Paris d’Air France vient d’atterrir. Avec Mademoiselle Katarina Kate Woman, ministre du Débat public à son bord. Le vol a duré près de neuf heures. Elle a dormi du sommeil de la juste pendant au moins sept heures. Elle est en pleine forme. Le seul truc peut-être, c’est qu’elle a fait un rêve érotique dans l’avion. C’est pas qu’elle aime pas, mais une petite douche serait bienvenue.

Katarina Kate Woman est en service commandé. Un service tout à fait spécifique.

Sa proposition d’organisation d’un p’tit pique-nique moquette a été retenu et a été étudiée au maximum. Le Chef de gouvernement lui a rendu hommage en faisant le parallèle entre un soldat, un bon soldat, un de ceux qui ne plient pas, qui reste debout malgré la mitraille, quitte à ne plus espérer faire ses petits projets tant adorés, qu’à titre posthume. Ce que l’on appelle, pour les amateurs d’exactitude, endosser le costume du posthume.

Car, souligne le Chef du Gouvernement, son initiative, prise en faveur d’un pique-nique moquette risque, si ça venait à se savoir, de lui attirer les foudres d’une certaine partie de la population, nommément ceux que le Chef du Gouvernement désigne sous l’expression les coincés.

Ce même Chef rappela que le don du corps était source d’une reconnaissance de la Patrie.

Ce à quoi Katarina Kate Woman, qui commençait à en avoir plein le dos, lui fit remarquer d’une manière glaciale que le sacrifice demandé n’était pas que réservé aux dames, mais que certaines figures pouvaient requérir la participation d’un ou deux hommes, voire plus. Ce qui n’avait pas été accepté.

Une étude sommaire, non expéditive, non lapidaire, mais brève, rapporta qu’il fallait deux autres filles d’un point de vue logistique. Après activation des réseaux de la diaspora parisienne, deux noms furent retenus et contactés.

Le premier nom fut celui de Lacrimas Leswaysforts, une go (« fille noire ») âgée de trente-sept ans qui possédait un restaurant clandestin dans un duplex, ouvert le jour d’après l’obtention de ce duplex dans le seizième arrondissement parisien. Cette obtention s’était faite dans le cadre de la réglementation pour les personnes en situation de handicap. En fait, Lacrimas Leswaysforts avait une fille, maintenant âgée de seize ans, devenue paraplégique à la suite de séquelles de prématurité.

Le projet pour sa fille était une orientation en ESAT. Cette orientation était avalisée. Dès que possible, elle se mettrait en place. En attendant, sa fille faisait le service en fauteuil dans son restaurant clandestin.

Les gens de la diaspora, les VIP’s qui pouvaient payer l’addition, étaient ravis de la présence de cette fille en fauteuil. Les femmes venaient facilement, car elles n’avaient pas à surveiller si les serveuses montraient, sans le faire si intentionnellement que ça, les charmes qu’elles avaient sous leurs jupes. Charmes qui permettaient d’envoûter un diplomate ou un spécialiste du fameux chuté du camion, spécialiste ayant les dos (« argent »), mais pas le kaolo (« titre de séjour »). Les hommes, eux, étaient ravis d’aider cette famille monoparentale, dont la mère pouvait, occasionnellement, mais d’une façon efficiente, démontrer aux heureux élus que maturité et lubricité étaient les mêmes petites lèvres de la volupté.

L’autre femme était une white (« femme blanche »), âgée de trente et un ans. Elle répondait au doux nom de Darlingue Durande. Personne n’était sûr du nom. Par contre, en bonne petite fille de soixante-huitarde, elle avait eu des parents pour qui l’instruction n’avait pu être faite de manière semblable aux générations précédentes. En effet, ses parents n’avaient pas pu l’accompagner dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Notions qui ne s’imposaient plus parce que répressives de la vérité. Car la vérité est nue.

Du coup, ses parents ont vécu tout nus, en écoutant des disques de Bob Dylan et Joan Baez à fond les ballons.

Du coup, un dénuement intellectuel s’est finalement imposé. Et quand leur fille chérie est venue, et qu’il a fallu trouver un prénom, un hommage à l’Amérique des hippies de San Francisco se devait d’être fait. Ses deux parents savaient que chérie, en anglais, se disait darling. Problème. Pour eux, ça s’écrivait comme parking.

Sauf qu’eux, parking, ils l’écrivaient parkingue.

Darlingue, avec bon sens, se disait qu’elle avait échappé à des trucs genre Déglingue ou Schlingue. De plus, elle en avait chié pour rattraper tout ce qu’elle n’avait pas appris durant l’enfance.

Katarina Kate Woman, ayant récupéré son bagage, sortit enfin de l’espace des Douanes à Roissy et se trouva confrontée à la centaine de gens venus accueillir les passagers en provenance de Yaoundé et de Douala. Elle chercha les deux femmes dans les personnes qui attendaient.

DANS UNE GRANDE STATION DE MÉTRO, À PARIS, jeudi 20 décembre 2018, 7 h du matin

Bon, les gens du réseau social arrivent. Je les vois sur le bout du quai. Ils réveillent doucement les SD Oufs endormis et leur proposent de monter (sortir de la station de métro) rejoindre le bus social de la RATP. Direction le centre social à Charenton, dont le nom est Accueil Liberté.

Bon, je roule mon duvet et je le mets dans mon keuss et je monte.

DANS UN JOURNAL PARISIEN, Édition nationale, comme dans l’édition régionale, jeudi 20 décembre 2018. Édition du matin

Étrange fait divers. Un bloc opératoire aurait été utilisé sans autorisation par des gens venus de l’extérieur cette nuit au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, à Paris 13e.

Quatre personnes, dont deux armées d’AK 47, seraient entrées dans un bloc opératoire de neurochirurgie cette nuit vers deux heures du matin. Ces quatre personnes transportaient une personne sur un brancard. Les deux brancardiers, et la personne transportée dans le brancard seraient restés dans le bloc pendant une demi-heure.

C’est le témoignage de Mme Mireille D… 42 ans, aide-soignante de nuit qui permet d’avoir un éclairage sur ce qui a bien pu se passer à la Pitié. Cette aide-soignante, comme chaque nuit, prépare le matériel médical, utilisé par les infirmières le matin, pour les patients en attente d’interventions chirurgicales.

En arrivant dans le service, elle a été mise en joue par deux hommes armés de Kalashnikov. Qui ne lui ont quasiment pas adressé la parole. À part lui dire que si elle ne faisait rien, elle n’aurait rien. Et que ça n’allait plus durer longtemps.

Un petit quart d’heure après, deux hommes en tenue opératoire sortaient avec un brancard, avec quelqu’un de perfusé sur le brancard. Elle a dû accompagner ces gens, toujours sous la menace des armes à feu. Toutes ces personnes ont marché jusqu’à l’endroit où une ambulance les attendait.

Mme Mireille D. revint vers son service de chirurgie, où elle vit avec stupéfaction, une salle d’opération qui n’était pas nettoyée après usage. Elle n’avait pas de souvenir de situation similaire.

Nous avons fait des recherches et nous n’avons rien trouvé de semblable.

Une intervention chirurgicale pirate, jamais personne n’avait entendu parler de cela.

Néanmoins, nous avons eu le plaisir de revoir les lieutenants Delbarre et Niatkowski, à qui l’affaire a été confiée. Petit rappel, les officiers de police judiciaire sont les deux héros de la résolution de l’affaire du Chirurgien démoniaque.

Les lieutenants Delbarre et Niatkowski ont donc commencé leur enquête. Ils sont aujourd’hui, en train d’interroger une partie du personnel hospitalier présent durant la nuit où a eu lieu l’intervention pirate.

Ils nous ont affirmé leur souhait de transparence pour que les citoyens puissent savoir qui a détourné un hôpital public. Ils nous ont évoqué aussi les entretiens avec le personnel administratif présent la nuit dernière à la Pitié-Salpêtrière. Il y a, chaque nuit, un administrateur de garde à la Pitié-Salpêtrière. Cet administrateur de garde fait partie de l’équipe de direction de l’hôpital. Hier, c’était Monsieur Beyerou, directeur adjoint, qui était là. M. Beyerou n’a appris les événements de la nuit que lorsque ceux-ci étaient terminés. Il espère que la lumière sera faite le plus rapidement possible sur cette intervention pirate.

Nous avons pu nous entretenir avec le chef de pôle, responsable de l’unité de neurochirurgie, où s’est déroulée ce qu’il a lui-même appelé une manifestation de piraterie chirurgicale.

Nous reprenons l’expression à notre compte, car elle nous paraît à la fois décrire avec réalisme ce qui s’est passé, et à la fois évoquer cet événement avec un parfum de mystère et d’aventure, et qui, s’il n’y avait eu un être humain opéré pour de bon, nous aurait fait presque penser à un scénario de bande dessinée.

Le chef de pôle, le Professeur Traoulitout, nous a assuré, non pas sans une certaine ironie, que les seuls, entre guillemets, ennemis de l’hôpital public, et donc de son service, qui fait partie intégrante du service public, ce sont les décideurs gouvernementaux.

Le Professeur Traoulitout a cependant tempéré ses propos en précisant que, même en faisant toutes les hypothèses possibles, il ne voyait pas les têtes de nœud du gouvernement actuel avoir l’intelligence requise pour organiser cette intervention pirate.

Le Professeur Traoulitout est bien connu pour son franc-parler dans une bouche libre, expression qu’il avait utilisée, lorsqu’au sortir d’un Conseil Administratif de la Pitié-Salpêtrière, il avait rapporté les propos d’un élu écologiste qui avait fait part de son dégoût et de sa tristesse, car il avait constaté que dans un service de chirurgie, il y avait un vocabulaire hérité du passé guerrier de la France et qu’il fallait que ça change.

En effet, avait dit l’élu écologiste, il y a cet ustensile appelé pistolet. L’utilisation du mot pistolet lui paraissait à proscrire d’une manière urgente dans l’espace public.

Rappelons que le pistolet est cet objet en plastique, ou ces messieurs hospitalisés font leur petite commission, pistolet vidé ensuite dans les toilettes du service par le personnel hospitalier.

L’élu écologiste avait proposé de genrer cet objet en plastique. Son initiative, c’était de l’appeler reservette à pipi les mois pairs, et réservoir à pipi les mois impairs.

Le Professeur Traoulitout avait alors balancé que l’élu écologiste aille se faire voir chez Jules César.

La proposition de l’élu écologiste n’avait finalement pu être adoptée, car il s’est avéré chez les partisans de l’écologie au sein de la Pitié-Salpêtrière qu’impair et pair renvoyaient à un vocabulaire de jeux d’argent, notamment à la roulette. Et c’est bien sûr impossible de cautionner des jeux d’argent.

Notre journal avait appris, avec effarement que l’élu écologiste s’était discrètement renseigné pour savoir dans quel club de la capitale, il pouvait rencontrer ce Jules César.

Ces dernières anecdotes sont là un peu pour faire sourire après cette piraterie chirurgicale.

Chapitre 3

Le pique-nique moquette

PAS LOIN DE CHANTILLY, jeudi 20 décembre 2018, en fin de matinée

Toutes plus nyanga (« coquettes ») les unes que les autres. Elles avaient fait connaissance ce matin à Roissy lors de l’arrivée de l’avion de Yaoundé/Douala-Paris Charles de Gaulle. Lacrimas Leswaysforts a phoné son taxi mafia préféré, Jaguar Le Léopard. Qui arriva effectivement avec une vieille jaguar.

Darlingue se mit à l’avant. Bien après le départ, elle vit avec stupéfaction d’abord, puis avec horreur au fur et à mesure que la vitesse augmentait que le voyant brakes s’était mis à clignoter tout rouge. Darlingue n’était ni comme ses parents ni comme ses grands-parents. Elle croyait aux vertus de l’apprentissage et de l’éducation, du travail et de l’effort. Le seul point commun avec ses parents et ses grands-parents, c’est qu’elle aimait se déshabiller.

Pas de faux-fuyant s’il vous plaît, elle aimait baiser.

Pour l’instant, elle avait l’impression que ce vieux tacot, avec son conducteur qui plaisantait avec les deux sœurs, comme il les appelait, était totalement irréel. Elle décida d’intervenir.

— Hey chauffeur, tu sais ce que ça veut dire brakes ?

— Oui, répondit celui-ci, ça veut dire braques. Et justement, il tourna dans une rue. Et il éclata de rire.

— Tu essayes de me faire passer pour celui qui ne connaît pas brakes. Alors que je connais. Par contre, je peux te signaler la faute d’orthographe. Ce n’est pas un k, mais q et u qui devrait être marqué. C’est braques, q-u-e, comme dans braquemart.

Alors, les deux passagères de derrière éclatèrent de rire. Et elles dirent en chœur.

— Quoi, qu’est-ce que tu as de marqué dans ta voiture ?

La ministre du débat public se pencha pour regarder le tableau de bord. Alors Jaguar Le Léopard se déplaça vers le milieu, pour autant qu’il put le faire, limité qu’il était par sa ceinture de sécurité. Ses efforts de contorsionniste furent récompensés. Katarina Kate Woman ne put voir le clignotant d’alerte. Alors se produisit l’élément salvateur. Jaguar Le Léopard put dire :

— Regardez mes chéries, on voit l’hôtel.

Effectivement, la silhouette de l’hôtel se profilait. Avec ses nombreux étages. L’hôtel, cinq étoiles, dans une chaîne française bien connue dans le monde, avait été réservé pour deux nuits. Aujourd’hui le vingt et un, et demain le vingt-deux. À la suite de quoi, madame la ministre du Débat public devait rentrer passer Noël à Douala.

Jaguar Le Léopard réussit à manœuvrer de telle façon à être garé au plus près de l’entrée. Il s’arrêta complètement, alors que bien sûr, il n’était pas autorisé à le faire, le panneau de stationnement interdit en faisant foi. Il se tourna vers ces dames et dit :

— Tout le monde descend, je vais vous aider à porter vos bagages jusqu’à l’entrée de l’hôtel.

Ces dames descendirent de suite, mais pas lui. Elles étaient debout devant le coffre à l’arrière. Elles virent Jaguar Le Léopard se pencher , elles crurent voir qu’il remontait une jambe de son pantalon, puis très vite l’autre jambe de pantalon. Finalement, il réussit à trouver le sparadrap qu’il s’était collé sur une jambe, suite à une égratignure qu’il s’était faite en mimant un geste de Cristiano Ronaldo, mouvement non totalement contrôlé puisqu’il s’était fini dans le pare-chocs arrière de sa voiture. Il se souvint qu’il pesta de colère, en espérant ne pas avoir endommagé cette occasion qu’il s’était procurée sur un marché automobile en Belgique.

Deux mille euros pour une Jaguar. Bon, le vendeur avait été honnête. Il lui avait dit :

— Tu sais, on sait qu’elle a fait deux fois le tour du compteur. Au minimum. Parce qu’après le compteur a dû être bloqué en 2016. C’est pour le pays ?

— Non, répondit Jaguar Le Léopard, c’est pour Paris.

— Ah bon, fit le vendeur en fronçant les sourcils, tu sais, je t’avertis qu’elle peut s’arrêter au bout de la rue, peut-être avant. Ne dérange pas si ça se produit. Pour tes dos (« argent »), il y a des voitures qui peuvent rouler au moins trois ou six mois.

Jaguar Le Léopard le savait bien. Mais c’était la seule Jaguar qu’il ait jamais vue sur les marchés. Il répondit qu’il était prévenu. Le vendeur comprit. Il savait qu’un rêve qui devient réalité est parfois un moment de pur plaisir et qu’on ne pouvait lutter contre. Jaguar Le Léopard, lui se disait qu’à la fin il allait correspondre à son nom.

Enfin, il trouva son sparadrap sur son mollet droit. Il le décolla et il le recolla sur le voyant où il avait marqué brakes. Puis il descendit et se dirigea vers le coffre arrière.

Il les aida pour les bagages de l’hôtel. Les filles se virent dans l’obligation d’attendre que les chambres soient prêtes.

Il était triste pour sa voiture et inquiet par rapport à ses freins. Il gara sa Jaguar sur le parking de l’hôtel. Les seuls dos (« argent ») qu’il avait, c’était le prix de la course, plus la moitié d’une course hier. Il lui fallait prendre une décision. Quelqu’un lui avait dit qu’il aimerait bien avoir sa bougna (« voiture »), il l’avait même essayé. Mais il lui avait dit mille huit cents euros et ça avait fait reculer Jaguar Le Léopard. Mais il avait eu tort. Il le rappela.

L’homme se sentit en position de force pour avoir une Jaguar. Il voulut profiter de ce que la vie lui offrait. Lui-même arriva avec un taxi mafia. Il dit que maintenant, c’était mille cinq cents. Bon, en négociant, Jaguar Le Léopard en obtint mille six cents euros que le nouveau propriétaire de la Jaguar lui donna rubis sur l’ongle en espèces. Jaguar Le Léopard, avec l’accord du nouveau propriétaire, stipula sur la facture, vendue en l’état.

L’homme appela sa compagnie d’assurance. Il put monter dans sa bougna (« voiture ») de suite. Il voulut manœuvrer pour sortir du parking, mais les freins lâchèrent. Il s’emplâtra dans un mur du parking. Jaguar Le Léopard courut pour voir si l’homme était blessé. Heureusement, non. Par contre, il était choqué. Il sortit hagard de la voiture. Jaguar Le Léopard se pencha à l’intérieur de la bougna et arracha le sparadrap. Ni vu ni connu. Pas d’embrouille.

Bon, l’homme essaya de récupérer, dans une vaine et tentative désespérée, son argent. Jaguar Le Léopard lui rappela de consulter la facture ou il acceptait la voiture en l’état. L’homme dut se résoudre à accepter sa déveine. Il demanda à Jaguar Le Léopard de l’aider à pousser la voiture dans un coin du parking.

Pendant ce temps, les deux gos (« filles noires ») et la white (« femme blanche ») poireautaient dans le hall d’entrée le temps que la chambre soit prête après un nettoyage. Les chambres étaient libres à partir de midi, mais vu que la chambre était finie nettoyée à onze heures trente, les employés de l’hôtel autorisèrent l’accès à cette chambre bien en avance.

Dès leur arrivée, premiers préparatifs. Épilation obligatoire pour le pique-nique moquette. Katarina Kate Woman avait essayé de se renseigner sur les goûts de Jeannot Bép-Bép en matière de pilosité pubienne chez les gos (« filles noires ») qui avaient Jeannot Bép-Bép à leur palmarès. Le sondage qu’elle avait effectué disait qu’il semblait aimer un peu de pilosité pubienne. Les gos (« filles noires ») dirent qu’elles n’auraient pas osé présenter un minou trop touffu.

Madame la ministre opta pour un fin trait vertical de pilosité. Comme elle avait parcouru Freud, elle aimait se dire qu’un symbole phallique comme ce simple trait de pilosité pouvait être une bonne entrée en matière d’harmonie commune.

Lacrimas Leswaysforts fit le choix d’un discret, mais seyant, petit triangle pubien fait d’une pilosité modérée.

Quant à Darlingue Durande, qui contrairement à ses collègues utilisant un rasoir jetable, utilisait une crème épilatoire, elle ne s’embarrassa pas de procédés. Épilation totale.

Le principal étant décidé et effectué, elles purent prendre leur douche en utilisant savons au karité ou autres savons doux, suivis de crème ou de gel hydratant pour les peaux noires, et un gel gras pour la peau blanche.

Puis vint le choix des sous-vêtements. Pour madame la ministre, le choix d’une culotte fendue lui parut indispensable, vu la forme de pilosité qu’elle avait choisie. Sans être influençable, Lacrimas décida de porter une culotte aussi fendue que celle de Katarina. Et la logique fut respectée avec le port d’un string noir pour Darlingue.

Bien sûr, ensuite elles s’habillèrent pour tuer. Et quand on les voit, le feu sort.

QUELQUE PART DANS LA BANLIEUE PARISIENNE, vendredi vingt et un décembre 2018, 8 h

Par la messagerie Bravostriit Belgique :

— Salut P’tit Loup, j’espère que tu vas bien. Est-ce que tu as entendu parler de la méga teuf de ce soir dans un hangar en Belgique, juste derrière la première station-service à se présenter après les panneaux qui annoncent l’entrée en Belgique si tu viens de France ?

La participation financière est forte, cinquante euros, mais c’est too much une fois que t’es dedans. J’ai été à la dernière fête, il y avait deux cents mecs ensemble. Ça m’a drôlement bien plu. En tout cas, j’y retourne avec plaisir. Si tu allais à la méga teuf, on pourrait se rencontrer là-bas. Nique.

— Salut Nique, merci pour ton msg. J’ai bien checké l’annonce avec la méga teuf et ça a l’air pas mal. Je pense que je vais y aller, comme ça je ferais ta connaissance. P’tit Loup.

— Wow, ça serait super de se retrouver là-bas. J’ai très envie de te connaître. Nique

— Humm, moi aussi, j’ai très envie d’enfin te connaître. P’tit Loup.

VALLÉE DE LA MORT, USA, DANS UN ABRI ANTI-ATOMIQUE, vendredi vingt et un décembre 2018

Il y a neuf heures de décalage horaire entre Paris et la Californie et Paris est en avance.

Foxie Fox-Wolf, assistée de Leocadia Przywronyna et de James Woodny sont prêts pour le premier essai. Il est deux heures du matin en Californie. Ils sont émus tous les trois. Peut-être vont-ils passer à la postérité de leur vivant. En même temps, ce n’est absolument pas l’objectif principal. De plus, pour l’instant, un anonymat est requis pour la bonne marche de leur entreprise.

Bon, le Loovaglio est chaud. Eux aussi.

CHARENTON, Accueil Liberté, vendredi vingt et un décembre 2018, dix heures du matin

J’ai dormi un peu plus d’une heure dans la salle de repos. Ça m’a fait du bien. Je suis moins crevé. Maintenant que je sais que je vais sortir de la rue, je me sens moins investi dans les affaires de la rue. Bon, je n’arrive plus à dormir. Je regarde ce monde que je vais quitter.

Comment qualifier ma situation ? J’ai tout perdu. Famille, travail, argent, j’ai des dettes énormes. Je n’ai plus d’honneur. La mort viendra à point nommé. Dans ma tête, j’ai composé les paroles d’une chanson, qui s’intitule Sur ma tombe.îk.

Sur ma tombe, il y aura écrit :

Qui j’aurais été trois ans dans ma vie Personne ne rappellera ce que j’ai fait Cinquante ans durant, s’il vous plaît sur ma tombe, il y aura marqué :

Qui j’aurais été trois longues années.

Personne ne se demandera, ce qu’il y eut pour en arriver là. Ce que j’ai traversé, supporté, ce que j’ai dû endurer.

Sur ma tombe, il n’y a personne qui viendra. Et si quelqu’un vient, il dira : Tu sais, tu sais, ce gars-là, il avait quelque chose qui n’allait pas.

PARIS, PORTE DE LA CHAPELLE, vendredi vingt et un décembre 2018. Dix heures du matin

Tout le monde dans le tramway essaye de ne pas s’approcher d’elle. Elle n’a même pas esquissé un geste pour faire semblant de valider un titre de transport, un ticket ou un Navigo Pass. Elle n’a pas répondu au salut du conducteur. Qui allait pour protester. Mais comme tout le monde, il l’a entendu rire. Et il l’a vue à ce moment. Elle riait du fond de sa gorge, mais son visage restait impassible. C’était totalement discordant.

Elle alla au milieu du tramway, enlaça la barre d’appui du milieu. De la bave sortit de sa bouche. Elle n’avait pas soif, mais elle commençait à avoir faim. Elle était hirsute. Ses extensions se mélangeaient, lui donnant un air ubuesque. Son jeans Versace avait des poches aux genoux. Ses gros seins débordaient de son polo croco, car les boutons de son polo n’étaient pas fermés.

C’était une go (« fille noire ») magnifique. Complètement déglinguée. Une femme noire osa s’approcher d’elle.

— Est-ce que tu as besoin de quelque chose, ma sœur ?

— Non fut la réponse.

— Tu es bien sûre, ma sœur ?

— Oui, fit-elle. Et elle montra ses dents et mima le geste de mordre. Ce qui mit fin à la conversation.

Le tramway arrive à la station Porte de la Chapelle. La femme descendit. Elle avait très, très mal à la tête. Et puis elle l’entendit encore. Cette voix qu’elle avait dans la tête. Elle prit une position complètement folle. Un pied sur la pointe des pieds et un pied sur le talon. Avec ses deux mains qui enserraient ses oreilles, comme un de ces efforts puérils où les enfants se bouchent les oreilles en pensant se protéger des paroles de colère de leurs parents.

Elle ne fit pas attention aux gens qui la regardaient. Parmi ceux-ci, elle ne remarqua pas deux mecs. Elle marcha en direction de la station Diane Airbus, le long du trajet du tramway. En passant sous le passage couvert et à moitié fermé, elle vit une voiture s’approcher. Un homme, noir, descendit de la voiture et dit :

— Viens avec nous, chérie de moi, avec mon pote, je te promets que tu vas la voir, la tour Eiffel.

Elle, elle ne prononça pas un mot, elle vit la portière arrière ouverte, elle entra. Le mec s’assit à côté d’elle. Un autre mec conduisait. Il lui dit :

— On voit bien que tu cherches, et bien tu viens de trouver.

— J’espère que t’es contente d’avoir rencontré deux mecs comme nous. T’aurais pu rencontrer pire. Regarde-nous, on est plutôt pas mal, fit un des mecs.

Elle regardait fixement devant elle. Sans répondre. Alors, il s’enhardit et vint lui toucher un sein. Ils arrivèrent à destination. Dans le parking d’un immeuble. La voiture descendit au dernier étage. Le conducteur sortit et monta à l’arrière. La femme faisait la tranche de dinde dans le sandwich. Le conducteur se déboutonna et présenta son instrument en érection. Elle eut comme un spasme, regarda l’homme dans les yeux, attrapa son membre viril et le cassa en deux, comme quand on veut casser du petit bois. Ça lui fit tout drôle. Il se révéla petite nature dans l’adversité. Et il quitta la piste momentanément, car il tourna de l’œil. Avant qu’il n’arrive par terre, elle balança son coude dans la physionomie de son autre agresseur que tout faisait rire, en bon petit sociopathe. Il se recula en riant et le coude de la fille lui fit juste du vent.