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Des dispartions, des meurtres, un piège qui se referme
Das E-Book Black Miaou wird angeboten von BoD - Books on Demand und wurde mit folgenden Begriffen kategorisiert:
crimes, disparitions, enquête, érotique
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Seitenzahl: 162
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Un grand merci à Julien, le coloriste. Merci à Fanette pour son œil de links.
PROLOGUE
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
ÉPILOGUE
Les glaçons fondaient à vue d’œil. Jules en ajouta trois et remua son verre pour le doux plaisir de les entendre s’entrechoquer. Il ingurgita son rhum d’une traite. En cette nuit de juillet, la chaleur écrasante l’avait incité à tomber ses vêtements avant de s’installer sur la terrasse. De là, au dernier étage de l’immeuble, la ligne des toits dessinait l’horizon parisien. Au-dessus, le ciel scintillait d'astres vivants ou déjà morts. Un spectacle qui ne suffisait pas à lui faire oublier un poids sur sa poitrine. Était-ce celui de la culpabilité ou tout simplement de l’ennui ? Un fantôme qui, souvent, s’invitait insidieusement à sa table.
Le deuxième verre, un Don-Papa directement importé des Philippines, allégea pourtant son spleen. Puis il se rappela que sa cuisinière lui avait préparé une salade composée qui l’attendait dans la fraîcheur du frigo. Il choisit de l’accompagner d’un aligoté. Le repas simple se dégusta dehors, dans le salon de jardin. Jules revint ensuite à l'intérieur et entreprit une lecture dans son fidèle Chesterfield.
Il devait être plus de minuit lorsque son téléphone vibra. Zéro heure vingt et une s’affichait sous le prénom de « Pierre ». Un vieil ami, dont il était sans nouvelles depuis des lustres. D’abord heureux de voir ces lettres clignoter, il se ravisa. L’heure tardive ne laissait rien présager de bon.
— Pierre !?
— Jules, j’ai besoin de ton aide.
L’approche était directe, mais la voix hésitante. Cela ne lui ressemblait pas.
— Que se passe-t-il ?
— Je ne peux rien te dire au téléphone. Peux-tu venir à Marseille ?
— Quand ?
— Vite. Demain serait idéal.
— Je t’appelle quand j'arrive !
Ils raccrochèrent simultanément. L'échange bref ne faisait que confirmer l'opinion de Jules sur les appels nocturnes. Pour le contacter ainsi, Pierre avait évidemment des ennuis. Il n'appelait pas à la moindre contrariété.
Rejoindre la ville du Vieux-Port dans les meilleurs délais impliquait de se bouger. Faisant chauffer Internet, Jules dénicha dix minutes plus tard un billet TGV avec départ en matinée de Marne-la-Vallée. Un coup de chance en cette période. Certainement grâce à une annulation de dernière minute pour, en plus, un prix très raisonnable. L’horaire lui convenait parfaitement, ce qui lui laissait une nuit suffisamment longue. Pour peu qu’il réussisse à fermer l’œil.
Une douche presque glacée le réconforta. En s’aspergeant de déodorant devant la glace, il nota que son âge mûr n’altérait pas son corps sec et musclé. Rassérénant. Mais il ne pouvait évacuer une chose : le sentiment diffus, quelques heures plus tôt, d'un truc qui ne tournait pas rond cédait le pas à une inquiétude grandissante.
La chambre était propre et bien rangée. Cela relevait du zèle de Mme Doumergue. N’étant pourtant que sa cuisinière, elle avait une fâcheuse tendance à le materner. Elle n’en était sans doute pas consciente, mais cela irritait Jules qui appréciait de vivre au milieu de son propre désordre. Si l’on peut dire. Il avait pris le parti de ne pas le lui reprocher. Il comprenait cette veuve qui avait, aussi, perdu son fils unique trente ans plus tôt.
Sur le marbre de sa table de nuit d'avant-guerre, la lampe de chevet éclairait un livre de poche, « Les douze péchés de Lola la Rousse » de Jacqueline Deville. Jules ne put réprimer un sourire, se demandant encore où il avait trouvé ce pseudonyme. Il aimait voir ses dernières œuvres traînant dans son intimité nocturne, les imaginant au même endroit chez ses admiratrices. Narcissisme ?
Son éditeur s’était récemment suicidé. Pour la sortie du dernier livre, on lui avait organisé une campagne publicitaire qui avait remporté un certain succès. Jules en éprouvait les bienfaits dans son train de vie. En fait, toute la série des « Lola » et les romans précédents avaient connu la même réussite. Les écrire ne demandait à Jules que peu d’effort ; pour séduire ses lectrices, des femmes mûres pour la plupart, mariées et délaissées, il n’avait qu’à mobiliser son imagination. Leur attente et leur frustration faisaient le reste.
Il s’allongea, éteignit la lumière, ferma les yeux.
Ils s’ouvrirent d’eux-mêmes dix secondes plus tard. Ils s’habituèrent à la pénombre. Le coup de fil de Pierre le turlupinait. Au son de sa voix, oui, ça semblait assez grave. Ça l’était forcément, pour qu’il le sollicite ainsi.
Lorsque le jour filtra au travers des persiennes, Jules n'avait pas assez dormi. Son sommeil avait été haché, ses multiples éveils le ramenaient systématiquement à Pierre. Puis il sombrait à nouveau. Ce manège se renouvela une quinzaine de fois. Le matin arrivait trop vite. Quand il se leva, une brume voilait ses yeux. Une douche et un petit déjeuner copieux préparé par Mme Doumergue furent les bienvenus.
Il se présenta sur le quai trente minutes avant le départ, comme indiqué sur le billet. Il s'inséra dans la file des voyageurs déjà nombreux. Des familles surchargées qui partaient en vacances. De plus jeunes, équipés d’un sac à dos, qui semblaient aspirer à l'aventure. Jules ne portait qu’un jean délavé, une paire de converses et un tee-shirt blanc ; il s’était armé du minimum dans une petite valise à roulettes. Un brouhaha encore discipliné régnait dans le grand hall et sur les quais.
Exactement à l'heure, le train commença à glisser sur les rails, sans aucune vibration. Notre passager, installé à sa place réservée qu'il avait obtenue côté fenêtre, se sentit gagner d'une torpeur bienfaisante. Le relatif silence de la voiture de première et les constantes mais imperceptibles trémulations du convoi y contribuaient. Ainsi, quand le serpent d’acier s’élança vers le sud, le regard peu à peu indifférent de Jules toisa le défilé des banlieues, leurs constructions tour-à-tour entassées ou pavillonnaires. Les grandes et mornes étendues campagnardes suivirent. Dans sa contemplation passive, il fut interrompu par la sonnerie de sa messagerie alors qu’il discernait un village se perdant au milieu d’une vallée, le clocher de l'église pointant le ciel comme si Dieu montrait la direction à prendre.
C’était un SMS de Pierre :
« Désolé pour hier soir. Je n’étais pas dans mon assiette. Tout va bien, ce n’est pas la peine de venir.
Toutes mes excuses pour le dérangement. À plus. »
Un grand soulagement s’empara de Jules.
— Tant mieux, pensa-t-il, il devait être bourré hier soir.
… C’est bien, tout ça, mais je suis dans le train maintenant !
Il lui répondit donc :
« Coucou Pierre. Pas de problème, mais je suis dans le TGV et je devrais arriver à Saint-Charles vers 13h00. Tu es quitte avec un apéro et un bon repas. À tout à l’heure. »
Ne recevant pas de réponse, Jules décida de le rappeler une heure plus tard. Pierre ne se manifesta pas. Jules essaya à plusieurs reprises. À chaque fois, renvoi direct sur la messagerie.
En traversant l’esplanade qui surplombe les escaliers de la gare Saint-Charles, le visage de Jules accueillit avec reconnaissance les caresses d’un léger mistral. Bien que plus chaude, la brise marseillaise était bienvenue après l’air humide et étouffant de la capitale. N’ayant pas réussi à joindre Pierre, il décida de se rendre directement à l’agence immobilière qui appartenait à son ami. Elle se situait avenue de la Corse. Jules préférait descendre à pied le boulevard d’Athènes puis la Canebière pour gravir à nouveau la colline vers Breteuil et Saint-Victor. Il connaissait bien la ville et il estimait qu’il ne lui faudrait pas plus de trente minutes. Mais sa montre indiquait déjà treize heures trente. Les bureaux devaient être fermés en pleine pause déjeuner ; il fit donc un détour par la rue des Capucins.
Sur le marché, il s’imprégna des odeurs d’épices des étals et des mets en préparation des restaurants qui se mélangeaient en une orgie interculturelle. Il traîna ainsi jusqu’à tomber sur une enseigne « Saveur d’Afrique », promesse d'y goûter différentes spécialités de ce continent. Jules s’installa à l’intérieur, au fond d’une salle assez sombre. Un grand ventilateur au plafond invitait les effluves culinaires jusqu’à ses narines. Il opta pour un « yassa » au poulet qu’il accompagna d’une Guinness. Un grand black assez costaud lui servit une assiette contenant une cuisse de poulet recouverte d’oignons fondus et une généreuse part de riz. La sauce sucrait subtilement la viande qui fondait dans la bouche. En la mastiquant, la chair du volatile devenait juteuse et libérait des sucs à la fois citronnés et pimentés. L’amertume de la bière coupait l’extase, toujours pour mieux y revenir. À la fin du repas, s’il avait eu moins de retenue, Jules se serait levé pour féliciter le chef talentueux qui officiait derrière les casseroles. Il se ravisa, et commanda une seconde bière.
Jules se pointa à l’agence un peu avant seize heures. Elle se trouvait au pied d’un immeuble sans personnalité des années cinquante, au milieu d’une grande artère entre platanes et commerces clairsemés. L’enseigne indiquait « Les vieilles pierres, agence Pierre Vielle ».
« Ça sonne toujours aussi bien », se dit Jules.
En entrant, il eut l’impression d’être seul. Le calme régnait. Mais une frange blonde émergea derrière une imprimante. Celle d’une jeune femme qui se leva énergiquement. Elle se dirigea vers lui. Elle devait avoir la trentaine, à peine plus. Plutôt mince. Le short en jean serré, les chaussures d’été montées sur d’épaisses semelles au terme de jambes fines et musclées, le débardeur très échancré laissait entrevoir de jolies formes. Sa peau bronzée contrastait avec la blondeur de ses cheveux remontés en chignon et maintenus par un crayon. Elle mâchonnait sans complexe un chewinggum, ce qui accentuait son air mutin. Après avoir balayé Jules de la tête aux pieds, en s’arrêtant un instant sur sa valise, elle se décida :
— Bonjour Monsieur. Que puis-je faire pour vous ? Elle souriait. Une jolie fossette se dessina sur sa joue gauche. Une innocente spontanéité émanait d’elle. Elle semblait avoir peu conscience de son charme.
— Bonjour Mademoiselle. Je suis Jules Lesquier et je suis un ami de Pierre. Savez-vous où je pourrais le trouver ?
— Aucune idée !
Un silence s’installa. Elle souriait toujours. Un sourire large, quand-même subtilement provocateur.
— Aucune idée ? répéta Jules.
— Non, il m’a dit par sms ce matin qu’il s’absentait quelques jours et qu’il me laissait gérer la boutique. Je ne sais pas ce qu’ils ont tous en ce moment. Vous tombez mal. Vous ne l’avez pas prévenu ?
— Si si ! Enfin non, pas vraiment. Bon… Eh bien, j’essaierai de lui téléphoner. Pardon, de vous avoir dérangée.
— Il n’y a pas de quoi Monsieur. Si vous avez besoin de quelque chose…
Elle avait pris une pose vraiment sexy. « Sait-elle ce qu’elle dit et surtout comment elle le dit ? » pensa Jules.
— Merci, finit-il par conclure.
Alors qu’il s’apprêtait à sortir, la jeune femme l’interpella.
— Excusez-moi Monsieur.
Jules se retourna.
— Donnez-moi votre six. Si j’ai des nouvelles…
— Mon six ?
— Eh bien oui ! Votre téléphone quoi.
Elle laissa échapper une pointe de rire moqueur. Il se sentait largué devant cette jeunesse.
— Oui bien sûr. Vous avez de quoi écrire ?
— Dites-le-moi ! Je le mets directement dans mon répertoire.
Jules se sentait vraiment « out ». Elle reprit :
— Alors, attendez. J.U.L.E.S, … Je vous écoute.
Elle ne se défaisait pas de son sourire sur ses dents blanches magnifiques.
— Zéro sept, … Ah, ce n’est pas un six finalement, tenta de plaisanter l'homme.
Ça semblait fonctionner, le sourire de la jeune femme s’accentua comme si ce fût encore possible.
— Quarante-huit, vingt-neuf, trente-trois, zéro six. Ah … Il est là le six !
— Je vous donne le mien. Moi c’est Samantha.
— Ok.
Le cellulaire de Jules émit une mélodie sans intérêt. Un gloussement aigu s’échappa de la gorge de la blonde.
Jules regarda le numéro s’afficher.
— Ah, c’est vous !
— Oui, répondit-elle. Elle avait défait son chignon d’un geste souple, libérant une chevelure ondoyante sur ses épaules.
— J’y pense maintenant… Tout-à-l’heure, vous avez dit : « Je ne sais pas ce qu’ils ont tous en ce moment ». Pourquoi cela ?
— Vous posez des questions comme un flic. Vous êtes flic ?
Son sourire s'effaça soudainement.
— Dans une ancienne vie, oui, répondit Jules d'une voix neutre.
— Ah bon. Je disais ça, à cause de ma collègue. Elle n’a pas donné signe de vie depuis plusieurs jours. Pierre m’a dit qu’elle devait être malade, mais je m’étonne qu’elle ne m’ait jamais appelée. Nous nous entendions bien.
— Et vous ? Vous n’avez pas cherché à la joindre ?
— Je n’ai pas son numéro. Nous étions collègues, pas des amies. Cela aurait pu se faire avec le temps.
Elle avait dit cela en plantant ses grands yeux bleus dans ceux de Jules. Son sourire était revenu.
Il mit un moment pour se remettre de cette rencontre. Une douche glacée aurait été salutaire. Au lieu de cela, il décida de se désaltérer à la terrasse du premier bar venu. La pression qu’on lui servit l’aida à recadrer ses idées. Le mieux serait de se rendre directement chez Pierre. Peut-être y était-il après tout ! S’il avait des ennuis, peut-être était-il plongé dans une sorte de dépression qui le décourage de tout contact. Pour le moment, c’était la seule explication plausible qui lui venait à l’esprit.
Pierre habitait au Roucas-Blanc, dans le 7éme, sur les hauteurs. Un taxi déposa Jules, en fin d’après-midi, chemin du Souvenir devant un portail en métal noir. Après avoir actionné l’interphone une bonne dizaine de fois, il se résolut à franchir le mur d’enceinte qui ne faisait pas plus de deux mètres. Il se hissa par-dessus sans trop de difficulté. Même s’il savait que la propriété était équipée de caméras de surveillance, Jules se doutait qu’au regard des circonstances l’hôte ne lui en tiendrait pas rigueur.
Il contourna la villa aux lignes contemporaines. La façade principale, sans ouverture hormis quelques fenêtres à l’étage, donnait sur la voie et l’entrée principale se trouvait côté jardin. Le parc arboré disposait d’une vue imprenable sur la mer. Après avoir constaté que tous les accès qui ouvraient sur le rez-de-chaussée étaient fermés, porte et baies vitrées, et avoir toqué vigoureusement à chacune d’elles, Jules abdiqua. Il s’installa un peu en retrait, à l’ombre d’un platane, dans le confortable salon de jardin en contre-bas de la piscine.
Le temps passant, l’anxiété s’installait. Elle atteint son paroxysme quelques heures plus tard, avec le déclin du jour. Un millier d’hypothèses se bousculait dans la tête de Jules. Au vu du peu d’éléments connus, il les envisageait toutes.
Peu après minuit, Pierre avait sollicité son aide. Il semblait alors préoccupé. Plus tard, il s'était rétracté. Le dernier message aurait pu être rassurant si, depuis, son expéditeur avait donné signe de vie. Mais rien ! En quelques heures, Pierre avait changé d’avis, il s’était forcément produit quelque chose … Et si Pierre n’était pas l’auteur du sms ? Mais si, forcément. Qui d'autre aurait pu savoir qu'il avait sollicité de l'aide ? Sauf si cette personne était là lorsque Pierre l’a appelé. Tout se mélangeait dans le crâne de Jules. Pour se connaître assez, il savait qu’une bonne nuit de sommeil pouvait remettre tout cela en ordre.
Depuis plusieurs heures, il regardait sans la voir la dépendance au fond du jardin. Il se rappela que Pierre l’avait aménagée en studio de passage. Il se souvint également où il cachait la clef. Elle se trouvait toujours là, sur le muret qui bordait partiellement la terrasse, sous un pot de cactus nain. Cinq minutes plus tard, Jules avait pris ses aises. Il piqua une bière dans le petit frigo. Il ouvrit les stores et la dégusta devant la fenêtre qui donnait sur la maison. Bientôt il s’allongea et s’endormit profondément.
« — Bonjour Jules !
— Samantha ? Mais vous êtes toute nue ? Que faites-vous ici et surtout comme cela ? Et pourquoi ce couteau avec tout ce sang ? Non, ne le léchez pas, vous allez vous couper la langue. Oh ! Vos seins sont magnifiques !
— Il y a eu un petit accident avec Pierre. Hi hi ! J’ai très envie de faire l’amour avec vous. Mais je vous ai apporté un verre d’absinthe avant de commencer. Oups ! Il est tombé par terre ! »
Le bruit d’une vitre qui se brise réveilla Jules en sursaut.
Jules se leva d’un bond. Il écarta les stores en veillant à rester dissimulé. Deux ombres évoluaient sur la terrasse. L’une disparut à l’intérieur par la porte-fenêtre qui venait de voler en éclats. L’autre attendit jusqu’à que la première ressorte quinze minutes plus tard. Avec une extrême prudence, Jules entrouvrit la fenêtre. Le vent portait les voix dans sa direction.
— Il est pas là, l’bâtard !
— Putain, l’fumier ! Qu’est-ce qu’on fait frère ?
— Ta gueule ! Laisse-moi réfléchir frère. Putain !
Ces deux-là étaient aussi frères que Jules cousin de la Reine d’Angleterre. Ou alors, ils étaient le produit de dégénérés ne permettant pas de différencier une bouse d'une merde.
— On s’casse, finit par ordonner le premier.
Ils disparurent dans la nuit. Jules entama un tour de la propriété. Pour avoir conseillé Pierre à l’époque où il avait installé le système de protection, il savait où se trouvaient les câbles de l’alarme. Ils avaient été sectionnés. Pas étonnant qu’elle soit restée muette. Les deux intrus devaient être plus malins qu’ils ne paraissaient. Ou ils avaient été renseignés sur l’installation. En tout cas, on cherchait Pierre. Et ces zèbres ne lui voulaient pas que du bien. De plus, ils n'étaient pas le genre que son ami fréquentait. Alors, qu’avaient-ils après lui ? Qui étaient-ils ? À leur façon de s’exprimer, certainement des échappés des quartiers nord.
Jules s’introduisit à son tour dans la maison. S’éclairant de son portable, il espérait trouver ce que cherchaient ses prédécesseurs. Il scruta chaque pièce, chaque recoin comme il avait appris à l’école de police. Il termina par la chambre : rien. Pas un objet ni un meuble déplacé, rien de brisé. Les gars n’étaient donc pas des cambrioleurs lambda. C’était bien à Pierre qu’ils en voulaient. Ils étaient venus pour lui. Dans quel but ? Le tuer, l’enlever ou simplement lui casser la gueule ou bien une rotule ou alors les doigts. Selon ce qu’ils avaient à lui reprocher, n’importe quoi dans sa personne serait brisé, broyé, coupé ou arraché... Dans ses suppositions Jules partait en roue libre. Les voyous ont leurs propres règles. Il fallait absolument prévenir son ami, mais il ne décrochait plus depuis presque vingtquatre heures. Réessayer ! Jules s’assit sur le lit et chercha ses derniers appels. Il cliqua sur le nom de Pierre. Pas de réponse. Mais, il regarda soudain autour de lui, alerté : il venait d'entendre lors de l'appel un bourdonnement vers la table de nuit.
Le téléphone de Pierre était là, dans le tiroir.
Jules se sentit soudainement abattu. Partir sans son cellulaire, personne ne le fait sans raison majeure. Cette fois c'était vraiment grave. Prévenir la police fut sa première option. Mais s’il n’amenait pas d’arguments concrets attestant d’une affaire sérieuse, on ne lui ferait déposer qu'une main courante qui finirait au fond d’une corbeille. Il lui fallait plus d’éléments. Samantha était la seule à pouvoir le renseigner sur les habitudes et les fréquentations de son patron. Et ainsi lui fournir des pistes.