Bonheur où es-tu ? - Scott Roncin Sailley - E-Book

Bonheur où es-tu ? E-Book

Scott Roncin Sailley

0,0

Beschreibung

David, jeune provincial, cherche à échapper à l’obscurité de son existence, pourtant marquée par une succession de drames qui font naître en lui un mal-être profond et insurmontable. Éperdument amoureux de son meilleur ami Hugo, dont l’affection lui échappe irrémédiablement, il s’enfonce dans une routine accablante, où se tissent désillusions et incertitudes. Déchiré par les tourments de son âme, il oscille sans cesse entre une tristesse abyssale et une folie grandissante, plongeant dans une lutte intérieure dévorante. Ce roman explore avec une finesse les ardeurs du cœur et les affres de l’esprit, offrant une immersion dans la lutte sans répit d’un homme face à ses désirs inaccessibles et à ses tourments insondables.

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Fasciné dès son jeune âge par les œuvres de maîtres tels que Dostoïevski, Tolstoï, Proust ou Kafka, Scott Roncin Sailley développe une profonde admiration pour l’art littéraire. Les ouvrages, véritables refuges, l’aident à traverser une période de dépression, se révélant pour lui des outils précieux pour appréhender le monde avec lucidité, sans succomber au désespoir.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 191

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Scott Roncin Sailley

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonheur où es-tu ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Scott Roncin Sailley

ISBN : 979-10-422-5591-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie I

 

 

 

 

 

Chapitre 1

 

 

 

Le désir de maîtrise de soi me paraissait obscur, non pas, par sa raison, mais plutôt par sa pratique. Ainsi, quand mes émotions se déchaînaient en moi, le combat tant attendu et discuté me semblait insurmontable.

Il y eut un matin où je partais en retard de chez moi pour me rendre à mon poste. Je travaillais en tant que fleuriste. Je m’occupais de couper le bout des tiges. Je changeais l’eau des vases d’exposition. À l’occasion, je composais de glorieux bouquets, mélangeant de grosses tulipes roses et blanches avec des camélias. Mes fleurs avaient de la forme, de la teneur.

Ma responsable allait me taper sur les doigts si je n’accélérais pas le pas.

Bon, si je raconte ma vie, autant être honnête, vous m’excuserez de mon mensonge. En réalité, je n’étais qu’un agent d’entretien. Je travaillais bel et bien chez un fleuriste, mais seulement pour les ménages. Je n’ai jamais tenu un seul bouquet à vendre aux clients dans mes mains. Pour ma défense, j’ai trouvé cela un peu humiliant de vous dire que je travaillais comme agent de nettoyage. Mais enfin, que voulez-vous, c’est la vérité aussi douloureuse qu’elle puisse être.

Ce qui ne changeait pas par contre, c’était que j’étais bien en retard. Alors, je courrais un maximum.

Je ne vous ai pas expliqué la raison de mon retard. Mais oui, je suis bien sot, autant commencer par le début. Bien, ce matin-là, j’ai dû nettoyer le vomi de mon chien. Ça m’avait paru horrible, je ne vous le cache pas, mais c’est comme ça. Il faut s’occuper de son compagnon.

Passer le coup de serpillière, ensuite l’éponger dans la baignoire puis rincer la baignoire. J’eus cependant de la chance dans mon malheur. D’habitude, mon chien vomissait en plusieurs vagues.

Le temps de se préparer, de s’assurer de l’état du toutou et de partir. Et voilà ! J’avais perdu une quarantaine de minutes.

 

J’arrivai après une longue course, enfin pas si longue. Je n’étais simplement pas très endurant.

Ma responsable me regarda de façon sévère. Je baissai la tête l’air de rien et enfilai ma tenue. Une fois de retour dans la pièce principale avec mon balai, je remarquai encore une fois le regard lourd de sens de cette vieille femme.

Cette sale oie m’a paru froide et austère dès notre première rencontre. J’avais alors à ce moment-ci vingt-deux ans, il me semble.

Ses cheveux grisés à la racine et noirs sur le reste, attachés de façon très serrée. Ses petits yeux aux pupilles très pointues, telles des petites graines. Sa bouche sans lèvres. Ses joues ridées et tombantes m’avaient dépeint un personnage vraiment peu agréable à voir.

Est-ce moi qui avais des a priori sur les personnes âgées. Oui, mais la vraie question, c’est sur qui n’avais-je pas d’a priori ?

Ce mauvais trait s’est estompé avec l’âge. Malheureusement, il m’avait coupé l’herbe sous le pied avec bien des gens.

Premièrement, avec les femmes, j’étais adolescent. Une jeune demoiselle de mon âge était venue me voir un beau jour. Enfin bon ! Je rectifie, un terrible jour pour me demander de sortir avec elle. Crédule, j’ai accepté. C’est après coup que j’ai compris ce que cela impliquait. Donc je l’ai vite exclue de ma vie. Dès notre première discussion, j’ai ressenti un malaise. Elle était si peu distante, voyez-vous.

Après cette période de quelques semaines. Donc, rien de bien long, j’ai craint les femmes, en généralisant leurs caractères trop intéressés et trop proches. L’expérience de la vie réelle changea tout naturellement cette vision mal définie.

Quand je dis trop proche, c’est à double sens, car d’une certaine façon, j’ai reconnu une part de moi en cette amourette de jeunesse.

J’ai ensuite eu une relation avec un homme vers mes dix-neuf ans. C’était une agréable période, j’en garde une certaine nostalgie, je dois l’avouer.

Je vais arrêter de parler de mes histoires d’amour passées, car il y aurait plus de faits tristes à dire qu’autre chose.

Bien loin des collines couvertes d’un tapis vert, bien loin des plaines drapées du jaune des champs de colza, bien loin de l’horizon fendant l’espace, se trouve peut-être le vague souvenir d’un réel amour, telle une petite plante qui jadis avait de belles couleurs. Cependant, ce n’est plus qu’une vieille pousse morte tenant debout, par chance.

Les épines des roses piquent. C’est bien connu, mais ma mémoire n’a pas décidé de couvrir mes souvenirs avec. Elle a préféré les chardons. Ils sont moins jolis et délicats que les belles fleurs rosées, mais plus dangereux.

Pour revenir à la situation initiale, la vieille oie qui me servait de responsable partit vaincue par mon silence. Je ne pouvais m’empêcher de la regarder avec mépris. Vous me trouvez immoral de me montrer si dur avec une personne plus âgée que moi. Mais qu’importe, car je n’ai pas été quelqu’un de moral dans ma vie, ou en tout cas dans des parties de ma vie. Alors ce n’est que le début, accrochez-vous.

Je finissais ma journée. Il était environ dix-huit heures, quand j’ai aperçu mon grand ami. L’homme avec qui je partageais de merveilleux souvenirs d’amitié depuis maintenant dix ans : Hugo.

Il était l’un de ces bonhommes toujours joyeux, une pile toujours pleine d’énergie, une boule de nerf prêt à rire, à se battre, à danser, et à jouer à tout moment du matin au soir.

Ses cheveux noirs étaient coiffés en arrière avec une espèce de gel les rendant brillants. Il était en chemise avec un pantalon droit en tissus gris. Il tenait sa veste sur son épaule comme toujours, car il avait tout le temps trop chaud.

Hugo m’avait semblé un peu bourru dès notre première rencontre, mais ce trait de caractère assez singulier me plaisait.

Je lui fis signe à travers la baie vitrée de la boutique et partis à toute vitesse pour m’habiller afin de le rejoindre.

Une fois dehors, on se fit la bise, puis je le regardais avec incompréhension.

— Bah alors, Hugo, tu fais quoi ici ?

— Gros bêta ! on avait une sortie de prévue au fort, tu te souviens ?

— Oh que suis-je bête, bien oui ! Heureusement que tu m’as directement rejoint à mon travail, sinon je ne m’en serais jamais souvenu…

— Oui et je t’aurais attendu mille ans pour rien. Je me doutais que tu oublierais, tête en l’air que tu es !

Nous nous sommes mis à marcher lentement vers le fort.

— Alors avec Laura, comment ça marche ? Tu as réussi à l’inviter à manger, qu’elle est têtue celle-là.

— Tu dis bien, elle a encore refusé, pourtant au départ c’est bien elle qui m’a proposé ! M’enfin ! Je ne vais pas forcer les choses, ça serait déplacé…

— Oui, tu as bien raison.

— Et toi ?

— Comment ça et moi.

— Eh bien et toi ! tu n’as trouvé aucune femme à ton goût ?

— Oh… je, non, non aucune.

— Bah ne t’en fais pas mon vieux, je vais t’en trouver une. Ta petite bouille d’ange va en faire craquer plus d’une, j’en suis sûr !

— Haha, allez, arrête…

— Bien non, c’est vrai, t’es tout mignon, y en a bien une qui peut t’apprécier !

— Oui, si tu le dis…

— Et oui, je le dis, et si je le dis, c’est que je le pense !

Je lui renvoyais un sourire timide, sur mon visage crispé. Je grimai une expression de tristesse, comme une vieille souffrance auquel on s’est habituée ; auquel on ne porte plus aucune défense ; plus aucun combat. Je sentis une larme s’échapper sur le coin de mon œil ; une goutte concentrée de mélancolie, d’amertume, d’aigreur face à cette triste vie, aussi les larmes sont pour moi une forme de joie. Elles sont la preuve physique de ma tristesse.

Je la pris délicatement sur mon doigt et la goûtai, une petite bille d’eau toute salée.

Hugo ne s’aperçut de rien. Il passait son temps à me raconter ses petites histoires avec untel, et untel, comme le boulanger avec qui il s’est disputé pour une baguette pas assez cuite, ou encore avec son voisin qui salissait la cour de son immeuble avec ses mégots de cigarettes. Ensuite, cette grande pipelette me reparla de ses anciennes conquêtes amoureuses en ponctuant ses phrases avec des : « Oh qu’elle était jolie ! » « Celle-là, c’était une vraie tigresse ! » Ou bien avec : « Une vraie chaudasse celle-là. » Je l’écoutais sans réelle attention trouvant son approche vulgaire.

Je trouvai cependant cela bien drôle qu’à chaque fois qu’il me radotait ses souvenirs, il trouvait de nouveaux commentaires.

Hugo n’avait pas vraiment de gêne. C’était selon moi son pire défaut, mais aussi sa meilleure qualité.

Une fois arrivé au fort, on s’installait à la terrasse d’un bistrot. Le coucher de soleil se reflétait en de magnifiques taches dorées sur la mer qui ondulait au rythme des vagues.

Les lampions des restaurants éclairaient les rues comme des petites étoiles dans un espace sombre et mouvementé. Les gens marchaient lentement, profitant de cette soirée d’été si douce et agréable. Les femmes pour la plupart avaient les cheveux détachés, bougeant à chacun de leurs pas. Les enfants jouaient entre leurs fratries. Les hommes quant à eux regardaient fièrement les autres, marchant d’un pas assuré et fier. Ils disaient du regard : « Regarde-moi, j’ai une belle famille, je suis fort ! »

Le bruit de fond des vagues frappant doucement au loin les murailles du vieux fort à l’abandon berçait chacun de ces êtres. C’était un doux pouvoir d’apaisement pour cette petite foule au nerf tendu de joie grâce à leurs bonnes journées, mais aussi tendu de colère par la chaleur et par l’agitation.

Ce souvenir est pour moi l’image d’une soirée d’été.

Enfin, pour revenir à mon repas avec Hugo, je vais abréger, car c’était à mon goût décevant, et c’était ma faute.

Si dans mon esprit ce repas n’était qu’un moment amical. Il aurait été ô combien merveilleux, mais j’avais sans le vouloir un désir intrinsèque de plus. Alors, ce repas n’était à mes yeux qu’une pure déception, une longue torture me laissant agoniser en silence, sans pouvoir ni me plaindre, ni même ne serait-ce que montrer une légère froideur toute naturelle à mes émotions au risque de gâcher cette amitié.

Un peu plus tard dans la soirée, on se rendit sur l’endroit le plus haut du fort qui était accessible légalement. En bas de cette longue falaise de brique salie de mousse et de diverses saletés dues à la mer, j’aperçus des vagues puissantes frappant violemment ces mêmes murs, mais aussi des rochers saillants poussant comme des cornes venant du fond de ce mystérieux endroit qu’est l’océan. J’essayai tout d’abord de m’imaginer ces grosses pierres poussant d’un fond sombre et rempli de créatures étranges, puis soudainement une pensée incontrôlable passa dans ma tête comme un éclair laissant derrière lui une terrible brûlure : je me vis mort sur ces mêmes rochers le crâne ensanglanté. Je voyais Hugo me pleurant d’en haut.

Je ressentis un frisson par l’horreur d’une telle idée, qui de normal pourrait songer à de telles choses, et puis, imaginer voir mon ami que je désirais tant me pleurer avait nourri mon ego de façon malsaine. Je me sentais alors si honteux d’avoir eu un tel songe.

Quand je vous disais plus tôt que je m’étais montré assez immoral par moments, en voilà la preuve.

Nous partions du haut point où nous nous situions. Les vieilles marches de pierres épousaient la forme de nos pieds. Elles avaient été foulées par tant de monde alors, un creux se formait sur chacune d’entre elles. Aussi, j’admirais la trace d’une action, comme si ce simple détail physique en disait plus sur les pas qu’avaient subis ces marches. Comme si les actions passées étaient mieux décrites de par leurs conséquences que par elles même.

Hugo insista pour prendre une liqueur et fumer chez un de ses amis, le père Moreaux, un vieux monsieur peu agréable à mon goût. Il disait un tas d’ânerie complotiste. Un jour, il était marxiste, puis impérialiste communiste, pour finir par se décrire comme un nihiliste « tel ce brave et incroyable Sartre », disait-il. À défaut d’être réellement cultivé, il me faisait bien rire.

On s’installa à une table, Hugo posa sa veste sur le dossier puis s’assit en me regardant d’un air étrangement sévère. Il alluma sa cigarette puis la mienne. Je le regardai à mon tour, ses mains, ses avant-bras, son cou et son visage. Il m’avait oublié au profit d’une jolie touriste. Bien oui ! Elle était jeune, fraîche, pulpeuse et surtout c’était une femme. Alors, vous pourrez, et sans trop m’avancer, comprendre ma tristesse en contemplant d’un point de vue extérieur, la scène. Est-ce là tout le tragique de l’amour, aimer sans l’être en retour ?

Cette femme, comme la plupart d’ailleurs, remarqua, grâce à son attention pour les détails, mon regard désespéré envers cet homme que j’aimais en secret. Je ne voudrais pas faire là un pas de trop, pensais-je. Alors, je tournai avec désespoir ma figure vers la mer en tentant d’y trouver un refuge. Oui vers cet infini espace où je pourrais disparaître sans que les conséquences soient assez importantes pour être prises en compte.

Elle me dit alors des yeux : « Ô, mon pauvre, je te comprends », car, que ce soit la femme forte et indépendante, que ce soient les mères, les sœurs, les grands-mères, elles ont toutes ressenti un jour ou l’autre la peine que procurent les hommes de par la sottise de leur immaturité émotionnelle.

Hugo me raconta encore une flopée d’anecdotes folles, puis il commença à me parler de sa nouvelle passion pour le bilboquet. La semaine dernière, il m’avait parlé de pétanque. Celle encore d’avant de fléchette, et celle encore d’avant de pêche, était-ce un épicurien ou un indécis, car ces passions ne duraient guère plus d’une semaine. Il savait tout faire sans trop savoir non plus. Il effleurait en hurlant d’avoir touché.

 

Le reste de la soirée se déroula à peu près normalement. Hugo, comme à son habitude, se prit le bec avec un serveur, nous marchâmes ensuite vers chez nous. Les petites rues étroites formaient un labyrinthe bien trop connu. La nuit était épaisse. Le ciel paraissait sans fin, comme un drap noir ou violet couvrant le ciel. Je me sentis si petit face à cette grandeur infinie. Les ruelles éclairées par des lampadaires dépeignaient de magnifiques décors ; des chemins sombres parsemés de faisceaux lumineux laissant esquisser des petits bâtiments et tout autre détail que comporte une rue.

Je m’amusais à marcher sur le rebord fin du trottoir. Je bougeais tel un funambule sur sa corde cherchant un équilibre, tant bien sûr ce passage que dans ma vie.

Je fis la bise à Hugo qui me regardait étrangement.

— David ?

— Oui.

— Dis-moi… euh, on s’est promis de ne rien se cacher, alors tu n’as rien à me dire ?

— Bien non… pourquoi ?

— Non comme ça, bien bonne nuit mon frère…

— Oui, bonne nuit.

Je n’avais eu le courage de lui dire l’horrible vérité, ses yeux pleuraient et suppliaient un fait qui ne m’était pas favorable, son regard craignait ma réponse qu’il connaissait déjà. Avait-il vu mes yeux se poser inconsciemment sur des hommes, avais-je instauré sans le savoir une proximité à cause du désir ?

Je ne savais pas, mais une chose me parut évidente ce soir-là, il savait, et ne voulait pas l’accepter, mon cœur se brisa et n’attendait plus que le terrible moment qui finirait obligatoirement par venir où il exploserait en mille morceaux.

 

Couché sur mon lit, je regardai par la fenêtre afin de me perdre dans le ciel, apaisant ainsi mon crâne des diverses pensées qui se battaient en moi dans un terrible duel.

Avais-je déjà perdu mon ami ?

Peut-être…

Le sommeil vint me prendre. Alors je me perdais dans la nuit pour me rendre vers des rêves étranges. Telle Alice, je partis dans un monde dont je ne garderais que de vagues souvenirs à peine perceptibles.

 

Il y eut bien des fois où la mélancolie s’empara de moi, de longues nuits où les songes d’un passé romantisé par la douceur des souvenirs me berçaient dans des flots de larmes, mais aussi dans l’incapacité à me laisser aller dans le cocon d’un sommeil, vous savez ces nuits où nos pensées ne veulent pas sortir de nos têtes, ces nuits où nos idées se battent dans un duel flou et burlesque.

La nuit était pour moi fascinante, elle semblait dans l’idée collective être le moment de paix. Les Hommes se mettent en danger, car la composante principale de la nuit est bien le sommeil en général, alors ce même sommeil est connu aussi pour être un moment d’ultime faiblesse n’étant plus libres de nos mouvements ni de nos discernements, nous nous mettons en face du danger. Cependant il sera facile de remarquer en se documentant un minimum que le sommeil est bien plus que ce qu’on pense.

Il est le reflet de façon assez commune de nos sentiments, certains le rongeront jusqu’à la moelle, profitant du repos pour décomposer la pensée du corps, séparant l’outil de la souffrance du corps, séparant l’esprit du corps. Notre conscience est la cause de nos souffrances, nous souffrons selon moi, car nous pensons, si les maux du corps ne nous étaient pas traduits par notre conscience alors nous n’en aurions tout simplement pas connaissance.

Mon discours est sûrement dangereux, mais il est bel et bien celui que je théorisais dans ce sombre passé, j’en garde quelque élément à l’heure tardive où je vous parle, mais il est bien évident que vu que je n’étais qu’un simple Homme, mais aussi un simple homme, je n’avais et n’ai la science infuse, alors mes propos sont sûrement à modifier.

Pour revenir aux évènements cités précédemment, quelques jours avaient passé, mes congés étaient posés, alors les vacances s’offraient enfin à moi, l’idée d’un repos à mon goût bien mérité rajoutait du baume à mon cœur.

J’étais dans mon petit appartement, non loin, de la place centrale de la ville, donc juste à côté de la mairie, de ma fenêtre j’apercevais une large zone où des arbres étaient plantés depuis bien longtemps en deux colonnades distinctes menant vers cette fameuse mairie faite de briques rouges et de moulures beiges, le toit était de couleur foncée, comme fait d’ardoises et remontait en hauteur permettant la disposition de plusieurs carreaux ornés de dorures somptueuses. De ces vitres, la vue était magnifique, disait-on.

Maintenant en ce qui concerne mon petit logis, il était assez minable pour ne rien vous cacher, les pièces étaient très petites, j’en comptais d’ailleurs que trois, une grande chambre comme celles des bonnes, une cuisine qui faisait aussi salle à manger, et une salle de bain. Ma chambre était petite, mais joliment décorée, j’avais disposé deux vases trouvés en chinant sur des brocantes, j’y avais mis des pivoines volées au magasin. Ma salle à manger était bien laide, le papier peint aux motifs fleuris se décollait par endroit, le plafond était marqué par des taches de gras, et mon mobilier paraissait au premier coup d’œil d’un autre siècle tant il faisait vieillissant. Quant à ma salle de bain, elle était bien classique, un bidet, un lavabo et une baignoire. Cette pièce remplie de carrelage était toujours savonnée avec soins, j’appréciais qu’elle soit propre.

Mon chien Pedro, mon fidèle ami, protégeait de ses crocs pointus et de ses griffes acérées mon chez-moi.

Bon, pour vous dire la vérité c’était en réalité une petite boule de poils et d’amour qui n’aurait fait de mal ni à une mouche ni à un humain.

Malgré la précarité de mon appartement, il me convenait, j’étais parti de chez mes parents vers mes dix-sept ans, j’avais trouvé un boulot de serveurs, pour économiser afin de louer mon premier logis.

Je vous mentirais cependant si je vous disais que je ne rêvais pas à mieux, car au fond de mon cœur, aussi puérile et bête que ça puisse être, je rêvais à un château, oui, à la plus jolie des demeures ornées de moulures sur les façades, des sculptures diverses de style romantique, gothique, de style Art déco, ou même, arts nouveaux, peu importait, je voulais de grandes pièces aux plafonds sans fin. Je rêvais des soirées sombres où mes lieux seraient éclairés aux lampes à huile et aux feux de cheminée, cheminées où je m’assiérais en leur faisant face, je lirais des livres, des livres où l’idée du décrépi ne pourrait qu’être dans un roman, où le meurtre, le désir de puissance, les dilemmes moraux et les désillusions ne seraient que des idées vaguement étranges, mais tout à fait intéressantes, mais que dans ces livres.

Ma vie pourrait être un livre, me dis-je alors, car je regroupais tout cela, enfin presque.

Le décrépi, je connaissais ça trop bien, car je n’avais absolument pas les moyens de réparer mon logement, je voyais ainsi mes murs s’effriter, et pourrir.

Le meurtre me semblait être qu’une vague idée étrange, mais assez attrayante sur certains abords, la curiosité morbide m’entraînait dans des cheminements de pensées sombres sans aucun sens.

Le désir de puissance, ô que pouvais-je le vouloir, cependant, et c’est là tout le ridicule de mon être, je ne le comblais que par ma lâcheté, je n’allais que rarement au bout de mes projets.

Les dilemmes moraux, c’étaient bien là encore toute ma vie, chacune de mes pensées me semblait immorale, ainsi en défense face à la culpabilité je développais une répulsion pour les biens pensants.

Pour finir, les désillusions me pendaient au nez et me frappaient de violents coups chaque année.

Vous dire ces choses, c’est bien, mais vous les prouver grâce à des souvenirs concrets c’est bien mieux.

 

Pendant mon congé, je passais mes journées à lire, diverses œuvres, littérature française, comme anglaise, mais aussi Russe et Allemande, tant que c’étaient des livres tragiques et classiques cela me convenait. Ainsi je me retrouvai à relire, Anna Karénine, Crime et Châtiment, Bel-Ami, Madame Bovary, La Métamorphose, Les Misérables