Ça ira - Cécile Hauttecoeur - E-Book

Ça ira E-Book

Cécile Hauttecoeur

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Beschreibung

Amarella est une âme en quête d’absolu et d’amour. Pourtant, aimer de manière inconditionnelle s’avère bien plus complexe qu’il n’y paraît… Guidée par les conseils de son mentor spirituel, elle s’incarne dans plusieurs vies pour apprendre cette leçon essentielle. Pour cela, elle devra affronter les lois du karma et les embûches semées par l’ennemi universel : cette force opposée à l’amour, déterminée à mener une guerre sans merci contre le créateur de l’univers…

À PROPOS DE L'AUTRICE 

L’écriture s’est imposée chez Cécile Hauttecœur comme une nécessité. Auteure du recueil de fables "Piqûre de rappel", paru en 2019 aux éditions Amalthée, elle prête également sa plume à la musique en tant que parolière. Son roman "Ça ira" ambitionne d’explorer et de transmettre quelques-uns des multiples chemins menant à la paix intérieure et à l’amour inconditionnel.

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Seitenzahl: 290

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Cécile Hauttecœur

Ça ira

Roman

© Lys Bleu Éditions – Cécile Hauttecœur

ISBN : 979-10-422-6421-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Fais bien et tu trouveras bien.

Marie Laigle

Remerciements et hommage

Merci à mes fidèles et meilleurs amis, Bettina, Emilie et Xavier, ainsi qu’à mes merveilleux parents, Thérèse-Marie et Frédéric. Vous êtes les piliers de ma vie, je ne l’imagine pas sans votre douce présence, je vous aime inconditionnellement.

En ton hommage, E.D. : le 17 décembre 2021 n’aurait jamais dû exister. Souvent, tu me manques et j’entends alors ton rire raisonner comme s’il ne nous avait jamais quittés. En même temps, tu n’es jamais loin, c’est vrai… Ce livre t’est dédié. En espérant que celui-ci apaise ton âme là-haut pendant que les nôtres patientent et œuvrent en bas. Je t’aime mon Âmidéal.

Note de l’auteure

Ce que nous appelons « Il » et « Elle » ne sont ni hommes ni femmes. Ce sont des forces à la fois contraires et complémentaires, mais dans tous les cas, essentielles. Le masculin n’est pas un exemple, le féminin n’est pas une ennemie. Ensemble, ces éléments façonnent l’équilibre que chaque âme cherche à retrouver au sein de ce roman.

Ce roman est une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles n’est que fortuite ou involontaire.

Chapitre 1

L’IL paradisiaque

Cellule de l’univers, je ne suis rien et je suis un tout.

Je n’appartiens à personne, mais je dépends de cet ensemble auquel je me voue.

J’y suis une goutte d’eau dans l’océan, un grain de sable sur une plage au soleil levant. À la fois insignifiant comme essentiel à leur existence.

Et… J’y ai ma place ! Alors je flotte, je stagne, je m’envole et je voyage ! Je suis libre… Libre du choix de mes envies, car s’il existe un endroit où tout est possible, sans aucun doute, c’est bien ici.

Autour de moi, des vagues sonores s’invitent. Leurs rythmes cycliques attisent et exaltent mon énergie. Je tournoie et j’avance dans des couloirs aux mille couleurs et sans limites. Ce sont des camaïeux rêveurs produits par les étoiles, ces douces lucioles qui peuplent tout cet espace qui nous accueille. Mais il faut avouer que j’ai des difficultés à gérer la beauté et la puissance de ces lueurs parce que parfois, l’émotion peut aussi être un écueil…

La vitesse de mon avancée ne procure aucune brûlure, aucune gerçure. La température est parfaite et sa sensation loin d’être muette ! Elle ressemble à la caresse d’un « je t’aime », à la vibration chaleureuse d’une berceuse qui enveloppe et emmène.

Sur des airs de musique et verni d’amour luminescent, je danse par amusement, par appétit, mais surtout par innocence. Je suis un enfant qui n’a pas d’âge. Parfois beaucoup trop jeune, parfois trop vieux, voire plus du tout à la page. Cela dépend du contexte, de ma quête et de Sa requête. Et Sa demande est toujours adaptée, IL sait toujours ce qu’il faut pour magnifier chaque être.

Dieu, Élohim, Allah, Yahvé et j’en passe… Tous ces noms désignent en fait la même personne, cette puissance évidente que je vous évoque. Il n’a besoin d’aucun texte, d’aucun représentant officiel en dehors de la bienveillance…

Maître de l’authenticité et non du paraître, Il est beau et entier. Préférant la pieuse justesse à la scabreuse richesse, Il est bon et généreux, mais sans jamais en abuser. Il sait tellement être lumineux ! En fait, Il est tout… Il est tout ce que je veux.

IL. Je dis « il », mais ça pourrait être « elle » ? Tout ce que j’en sais là-dessus, c’est qu’il sait donner des ailes. Et c’est ce qui me transcende et m’interpelle.

Dans tous les cas, je me sens bien, oui, mais sa compagnie constante me plongerait dans une éternelle et paisible jouissance. Ressentir cette chair de poule tout le temps, ce bien-être global et intense qui n’amène qu’amour et lâcher-prise ! J’aimerais tant être en Lui et qu’Il soit en moi pour me laisser aspirer par cette fusion infinie. Il m’écoute patiemment lui dire et Il m’y invite. Océan primordial, il me laisse nager dans sa création en y prenant plaisir, mais moi, je n’arrive pas à m’épanouir… Il m’explique que tant que j’aurai des angoisses, nous n’arriverons pas à nous unir…

Il me conseille de travailler encore, me rassure en me confiant qu’Il a hâte de m’accueillir : « Si tu dis que tu m’aimes, je te crois. Et moi aussi. Je t’aime jusqu’au point de te désirer tout entière, de t’amener à illuminer toute ton âme, à resplendir chaque jour, chaque minute, chaque seconde. Je te rêve dans un éternel bonheur sans condition. »

Et Il a encore une fois raison. L’amour ne survit pas avec des demi-mesures et des faux-semblants. Il n’existe pas pour s’utiliser, mais pour s’aimer entièrement. Comment savoir aimer autrui quand on ne sait pas s’apporter à soi-même ce sentiment ? Comment le recevoir quand de part et d’autre on s’inflige des jugements ?

Alors en attendant qu’Il m’emporte plus loin, plus profondément, plus intensément, mon âme prend à cœur ses saints accords et j’accepte donc de m’incarner dans un corps. Seule l’épreuve de l’apesanteur peut amener expériences, questions et solutions. Je veux apprendre à aimer comme Lui, à savoir aimer à l’infini !

Il m’encourage et me dit : « Amarella, mon enfant, je serai là à t’attendre dès que tu auras fini. »

Alors je le fais. Je le fais pour moi et je le fais pour Lui. Pour ce doux rêve de paix et d’étreinte ultime.

En un mouvement, je quitte mon couloir aux mille couleurs pour rejoindre ma famille de cœur. Ils sont tous là, ils savent déjà. Pas besoin de réseaux sociaux, la puissance de notre amour nous fait communiquer sans même un mot. Je ne veux pas partir, je ne veux pas les quitter, ni eux, ni Lui. Mais si je souhaite continuer à évoluer, je n’ai pas d’autres choix que de m’en aller…

Alors au sein d’une grande bibliothèque que je rencontre pour la première fois, les sages et les livres me guident à choisir la meilleure incarnation possible. À subir parfois le pire pour en tirer le meilleur, à le ponctuer de rires et de moments de tendresse qui sauront nettoyer ma tristesse. À trouver les personnes qui me feront grandir, les rencontres qui permettront mon avenir, les évènements qui m’amèneront à m’unir. À moi, à l’univers, à Lui.

C’est l’aventure que je m’apprête à vivre.

***

— Amarella, as-tu déjà une envie, des idées concernant ta première vie ?

— Pourquoi première ? Combien sont-elles ?
— On ne peut pas te répondre… Cela dépend de ta compréhension et de ton évolution.
— Je n’ai pas vraiment d’idée, je veux juste savoir aimer comme notre Créateur, je suis si pressée !
— Oh… Tu ne peux pas sauter les étapes au risque de te brûler, ce qui est vraiment déconseillé. Aller trop vite te ferait tomber au sein des pièges de la Terre, terrain d’éveil. Sache que si tu commets des erreurs, si tu blesses quelqu’un ou quelque chose, tu provoques un déséquilibre à réparer, donc une autre vie s’impose. Et si tu accordes trop aux autres en oubliant de te donner le meilleur, que tu ne te respectes pas, ces malheurs te reviendront en boucle jusqu’à ce qu’ils t’écœurent. Il dit que toutes les âmes sont belles, elles ne méritent que plaisir et douceur, mais qu’il faut les éduquer à cela.
— Je ne suis pas sûre de réussir…
— Aie confiance… Il connaît le chemin adapté à chacun pour rejoindre l’Amour. Tu as déjà réalisé les premières étapes, celles des règnes végétal et animal. Tu connais déjà la planète, tu as ressenti son énergie, son tellurisme. En cela, tu seras moins surprise.
— Mais vous avez vu mes difficultés lors de mes incarnations en tant qu’animal ! Mon instinct était si basal et brutal ! J’y ai été impulsive, j’ai chassé, j’ai tué et pire, j’ai aimé le sang de mes victimes !
— Et c’est bien normal Amarella ! C’est la nature animale, et cela ne signifie pas que c’est mal ! Il nous demande de passer par tous ces états, car ils nous permettent de comprendre toute la complexité des émotions du vivant. Ce cheminement est nécessaire pour s’ouvrir complètement ! La première vie humaine a pour but d’expier les instincts primaires que tu as pu découvrir avant. C’est à la fois l’œuvre du karma et une transformation au-dedans. Ne juge rien de ce que tu as pu être, vivre ou faire, chaque âme a des intensités différentes, chaque moment a sa raison d’être, même s’il y a parfois souffrance.
— Aidez-moi à accepter… Comment puis-je y arriver ?
— Nous sommes là pour t’aider. Peut-être pourrais-tu tester une vie qui te proposerait la violence ou tu la refuserais ? Si tu prends cette décision alors tu pourrais être en paix avec le passé.
— C’est une bonne idée. Mais j’ai peur de me laisser envahir par ces anciens fantômes… Il faut que je sois en contact avec vous, je ne veux pas être seule face à l’adversité !
— L’incarnation provoque une amnésie, c’est une des règles qu’on ne peut changer sinon l’expérience serait trop superficielle et facile. Les communications avec l’univers existent, elles dépendent de l’ouverture du cœur que tu auras sur Terre. Un autre facteur prend également part : l’époque que tu auras choisie. La qualité du lien est meilleure dans les débuts de l’humanité, car la spiritualité est aussi un art de vivre, mais elles sont plus intenses vers la fin des temps, car elles sont si difficiles à établir qu’une fois retrouvées, elles sont d’une puissance infinie ! Quel que soit ton choix, sache que tu ne seras jamais seule, car à toutes les époques, tu peux nous capter si tu écoutes ton cœur… On pourrait finalement appeler cet émetteur : un émécœur.
— Je suis rassurée sauf sur un point. Je n’ai pas de patience et je ne veux pas que ma réussite soit trop longue à obtenir… D’autant plus que vous avez parlé de la fin des temps, c’est qu’il est justement compté !
— Amarella, le temps n’existe pas en réalité ! Une éternité dure une seconde, comme une seconde sait durer une éternité ! Nous savons voyager dans le futur, le présent et le passé ! Pour ce qui est du terme de l’humanité, c’est encore trop tôt pour en parler. Nous te l’évoquerons au fur et à mesure de ton avancée. La patience… n’est-ce pas la science du pas finalement ? Es-tu désormais prête à nous faire confiance ?
— Oui, c’est le moment.
— Alors, nous te souhaitons bon voyage et bel abandon de ton instinct animal quand tout deviendra évident !

Chapitre 2

Tu-er qui ?

Mon âme volait à toute vitesse au-dessus de la mer. Elle était appelée à un endroit bien précis. Je ne le connaissais pas encore, mais je cheminais vers ce lieu sans réfléchir.

Le vent était présent pour me soutenir, les embruns me ravivaient et les oiseaux se précipitaient à mes côtés, tous euphoriques. Leurs cris m’enivraient jusqu’au moment d’entendre ceux de ma mère. En effet, mon âme fut aspirée et j’étais maintenant propulsé de son ventre qui ne demandait qu’à me donner naissance. De toutes ses forces, perdant eaux, sueur et sang, elle y arriva et je connus ce qui m’entourait. Le soleil m’aveugla, l’oxygène brûla mes poumons en y entrant pour la première fois. J’étais là, j’étais en vie.

Pendant des mois, je découvris ce nouveau monde. Je n’avais aucune idée de ce que j’y fabriquais et je me sentais exténué. Quand je ne dormais pas, tout ce qui m’entourait m’ahurissait. Et c’était certainement ce flot d’informations qui me fatiguait. Ça et le lait que je tétais. Je le sentais glisser en moi pour soulager la crampe au creux de mon estomac. C’était si doux que je m’endormais à chaque fois.

J’observais tout ce qu’il se passait autour de moi pour tenter de comprendre ce que je faisais là et ce que j’étais. Je cherchais des réponses à mes questions, mais je me retrouvais toujours avec davantage d’énigmes… Beaucoup de personnes vivaient avec moi, mais qui étaient-ils, que se disaient-ils ? Je ne savais pas. Ils semblaient se comprendre entre eux, mais ce n’était pas encore mon cas. J’entendais des sons, parfois des cris et je scrutais leurs gestes. J’essayais de faire pareil, mais ça ne donnait pas le même résultat… Ma phonation et mes mouvements étaient maladroits, cela faisait rire cette communauté. Alors, avec tendresse, on me prenait et on me décortiquait les gestes pour que je réussisse. Je recommençais et je leur souriais en retour, mais sans en être vraiment sûr, car je ne pouvais pas voir mon visage. Seulement mon corps. Tout comme les autres, il était doté de quatre membres. Ma peau, chaude et poilue, était capable de ressentir les éléments venant de l’extérieur : je découvrais les sens qui m’étaient donnés et ces sensations étaient très variées ! J’éprouvais une intarissable curiosité pour l’ensemble de ces découvertes, mais ce que je préférais était de rester contre ma mère le soir devant le feu. Sa présence et sa force me rassuraient, son regard était rempli d’un amour inconditionnel. Alors au creux de ses bras et sous le bruit des voix et des crépitements, le sommeil m’emmenait rapidement sur des territoires merveilleux. Parfois, quand je me réveillais la nuit, j’étais encore blotti contre ma génitrice, alors son odeur me rendormait immédiatement.

Nous étions entourés de magnifiques paysages. La journée, je les observais et je voyais le ciel bleu, les montagnes aux sommets blancs et toute sorte d’arbres nous entourant. Des pins, des noisetiers, des amandiers, des chênes et des genévriers. Au fur et à mesure, je constatai qu’ils produisaient de petits fruits secs que certaines personnes cueillaient pour agrémenter les repas de tous. Chacun semblait avoir une fonction à réaliser chaque jour, tout était organisé à l’intérieur de notre lieu de vie. Mais aussi en extérieur, bien que je ne susse pas ce qu’ils faisaient vraiment. Je constatais simplement qu’ils ramenaient des corps d’animaux qui ne bougeaient plus, puis les découpaient de leurs outils saillants. Je me sentais mal à l’aise face à cette scène : les images et leurs émanations m’écœuraient… Je fus heureux de pouvoir m’enfuir dès que la marche me fut acquise.

Les années passèrent et mon corps se transforma. Je grandissais et je m’épaississais. Ma mère était fière, car j’étais naturellement musclé et je savais courir très vite.

— Tu seras un très beau chasseur, Macalinka !

Tout le monde l’applaudit et se languissait des proies que je pourrais ramener une fois que le chef aurait fini de me former. Quant à moi, j’étais très mitigé, cela ne m’attirait pas, mais je n’osais pas les contredire, car mon esprit était absorbé par d’autres préoccupations…

Depuis quelque temps, je commençais à sentir les hormones de mes congénères femelles et cela engendrait en moi beaucoup d’envies. Surtout pour l’une d’entre elles : Rabitaan. Nous avions le même âge et nous avions grandi ensemble. Notre entente avait été presque innée, j’avais beaucoup de souvenirs avec elle, même si le temps et les occupations nous avaient écartés l’un de l’autre depuis. Notre tribu aussi, car nous rigolions tellement que cela nous avait fait commettre quelques erreurs d’enfant… Nous nous étions fait prendre en train de lancer des bouts de viande aux loups, qui commençaient donc à ne plus vouloir chasser. L’adulte que j’étais devenu riait en silence de cette bêtise bien que nous ayons dû subir les réprimandes de nos camarades.

J’avais toujours aimé la regarder. D’abord avec tendresse puis depuis quelques semaines, avec un désir physique. Ses cheveux, son regard vif et doux à la fois ainsi que sa beauté me donnaient envie de la toucher. Toujours souriante, Rabitaan était l’une des femmes les plus gracieuses du groupe et je n’étais pas le seul à la convoiter… Ses gestes méticuleux lui permettaient de réaliser la confection de nos vêtements faits de peaux et de lin. Elle était douée et aimait ce qu’elle faisait donc elle prenait aussi plaisir à aller jusqu’au bout de son art : elle ajoutait de petits coquillages et des pierres que d’autres avaient taillées. J’aurais aimé être l’un d’entre eux.

Le climat s’était réchauffé d’après la tradition orale des anciens, il était beaucoup plus clément désormais. Lors des journées ensoleillées, Rabitaan se dénudait, alors on pouvait voir l’ensemble de son corps. Selon la période, ses chairs étaient gonflées… Elle aussi semblait découvrir ses hormones… Une sorte de boule de feu grossissait en moi, je savais que je devais commencer à approcher et retrouver celle qui m’enivrait jour et nuit…

— Macalinka, suis-moi et viens te mettre au travail !

Mes fantasmes furent interrompus par le chef de la chasse, Kan Adag. Grandir voulait aussi dire prendre part aux activités de notre société. Me voulant tous chasseur, on m’apprenait les fondamentaux de cette tache depuis quelques mois. Kan Adag avait commencé par la découverte officielle des loups, me retraçant tout l’historique de la relation entre eux et l’humain avant de les approcher.

Leur regard me saisit : malgré notre domestication, ils gardaient cette puissance sauvage et profonde… Je sentis mon cœur battre et certaines images me revinrent à l’esprit. Plus jeune, je rêvais souvent d’être un loup. Je me voyais courir, traquer et égorger des animaux, non pas pour me nourrir, mais par pur sadisme… Je me réveillais en sueur avec la profonde sensation que cela s’était vraiment passé et j’étais terrorisé d’y avoir pris autant de plaisir… À tel point qu’une cérémonie fut organisée par la tribu pour m’exorciser de cet esprit primaire. Le sage disait que cette énergie s’était éprise de mon âme pour m’appeler à la vocation de chasseur, ce qui m’imposa le chemin actuel… J’eus ensuite beaucoup plus peur de ce vieillard que de mes cauchemars, car mon intime conviction était que j’avais réellement vécu cela un jour et que c’était bel et bien pour cela que je ne voulais plus recommencer… Était-il possible de vivre avant sa vie ? N’osant en parler à qui que ce soit, je me remis à écouter les explications de Kan Adag sur le comportement des loups. Leur instinct restait sauvage, mais ils répondaient aux ordres et suivaient toujours la troupe de chasse, ce qu’il me prouva en lançant notre première battue. Trois autres chasseurs vinrent avec nous.

Nous marchâmes un moment tout en prêtant une oreille attentive à notre chef. Il nous décrivait le territoire où nous vivions. Celui-ci abritait beaucoup d’animaux, et de toute taille, c’est pour cela qu’il n’était plus nécessaire d’être nomades depuis plusieurs dizaines d’années. Le réservoir se portait bien.

Nous bravâmes une colline puis les loups se mirent à renifler tout autour pour disparaître et suivre l’odeur de la proie repérée. Nous montâmes alors à un arbre pour nous cacher. Kan Adag parlait tout doucement désormais et il me fit comprendre qu’il faudrait immédiatement se taire si une bête se présentait. Être invisible et silencieux était la première règle du chasseur. J’acquiesçai de la tête et lui demandai tout bas ce que nous chassions aujourd’hui. Il m’expliqua que le but était de ramener un gros gibier, mais que si cela s’avérait impossible, on pourrait aussi traquer des lapins et des oiseaux. Ils étaient beaucoup moins dangereux, mais il y avait moins à manger que sur des ours, des cerfs, des chevaux, des chevreuils ou des sangliers. Cependant, si les loups étaient partis de la sorte, c’est que la bête était plutôt grosse. Notre chef me décrivit chaque espèce, avec les points forts dont je devais me méfier, mais aussi leurs points faibles, là où nous nous devions d’attaquer pour les remporter.

L’adrénaline et la curiosité laissèrent alors place à la perplexité… D’un côté, j’avais envie de réussir, de tuer le plus gros pour le ramener à la tribu et ainsi honorer leur envie de me voir exceller dans la chasse. Je me rappelais aussi que cela pouvait impressionner Rabitaan… Mais d’un autre, le doute me déstabilisait profondément : les techniques de chasse avaient pour but de piéger l’animal, d’appuyer sur ses faiblesses pour le tuer. On ôtait la vie. Je n’aurais pas aimé qu’on me fasse cela. Sous ma force se cachait aussi la douceur. Et pour le moment, je n’avais jamais pu l’exprimer… Étais-je vraiment capable de tuer ?

Kan Adag ordonna d’un geste le silence. Chaque chasseur saisit une des flèches de son carquois puis arma son arc. Leurs paupières clignaient à peine. En face, je vis les loups à la poursuite d’un cheval, ils grognaient et hurlaient pour l’effrayer et le forcer à se diriger en direction de l’arbre où nous étions. Leur intelligence était impressionnante. Une fois à portée, la troupe lâcha la corde et les flèches fusèrent vers l’animal où deux d’entre elles le touchèrent au flanc. Il se cabra et hennit de douleur. Nous descendîmes à toute vitesse, Kan Adag tira une nouvelle flèche qui, cette fois-ci, transperça la gorge du cheval qui s’écroula sur lui-même. Les loups l’entourèrent puis se reculèrent à notre arrivée. La bête vivait encore. Paniquée par l’agonie, sa respiration était rapide et sifflante, lourdement entravée par la flèche. Le son était fort et abominable, je fus saisi par l’horreur.

Ce pauvre cheval et moi nous nous regardâmes. Je ressentis sa souffrance. Le chef saisit un biface en silex et l’égorgea. Je vis la vie quitter la prunelle de ses yeux… Le cri de guerre des chasseurs fut proclamé, tous étaient heureux de ce qui venait de se passer. Sauf moi. Ils découpèrent quelques parties de l’animal pour le ramener plus facilement à nos habitations et j’eus la même nausée que je ressentais en étant petit. L’odeur du sang me donna envie de vomir, mais je tins bon, bien que je découvrisse de près l’anatomie. La lame trancha la graisse, les muscles, les tendons et tout ce qu’on pouvait finalement trouver dans un corps. Le sang se déversa par litre sur le sol qui l’absorba immédiatement. Je ne savais pas comment ça se passait à l’intérieur. Et je ne savais pas non plus ce que ça faisait de voir la mort…

Chargés des restes de l’animal, nous repartîmes vers nos compagnons. À l’arrivée, Kan Adag relança le cri des chasseurs auquel les autres du village répondirent en chœur. Bon nombre d’entre eux avancèrent pour découvrir le menu du repas de ce soir, écouter notre chef raconter le déroulement de la chasse et célébrer notre force et notre courage. On m’encouragea au passage, en me disant que la prochaine fois, ce serait mon tour. Je souris et je ris, feignant d’être dans mon élément alors que je n’avais aucune envie de participer à cette mascarade qui ne m’évoquait que violence.

Je surpris Rabitaan à me regarder. C’était toujours l’inverse habituellement. Cette évolution me redonna le moral, je bombais le torse en me rappelant mon obsession à la séduire. J’avançai donc vers elle et lui offris une des flèches que j’avais taillées la veille. Tout comme elle, j’aimais améliorer des éléments basiques, je m’étais donc amusé à sculpter quelques dessins dans la pierre et le bois.

— C’est beau ce que tu as fait !
— Merci. J’ai vu que toi aussi, tu réalises de très belles créations !
— Oui, viens voir !

Elle m’emmena et me montra les nouveaux habits qu’elle avait confectionnés. Je tentais de garder mon regard sur ce qu’elle avait fait, mais je ne pouvais m’empêcher de regarder son visage, les mouvements de sa poitrine et ses hanches alléchantes. Elle le remarqua et rit. Elle me demanda ensuite de lui raconter mes ressentis lors de cette battue. J’hésitai à lui dire la vérité, mais voyant ses yeux impressionnés, je mentis et me lançai dans un discours bien loin de mes réelles émotions. Je voulais qu’elle aussi me désire, alors je mis en avant les vertus viriles du chasseur que je n’étais pas. Plus j’en ajoutais, plus elle se rapprochait et sans que je ne m’y attende, elle s’avança vers moi pour m’embrasser. Le contact de ses lèvres était telle une décharge électrique, j’en voulais plus et je lui pris vigoureusement la taille pour lui faire ressentir tout mon désir. On resta ainsi un instant puis elle me repoussa en rigolant. Il fallait encore que j’attende… Visiblement, elle n’était pas en chaleur actuellement, mais j’étais heureux, mes objectifs avançaient !

Plusieurs jours passèrent avant mon prochain départ. Les autres partaient sans moi, car je devais d’abord apprendre à tirer à l’arc. Chaque jour, j’allais voir Rabitaan pour retrouver notre moment de complicité et ne pas rater le moment où elle serait prête. Le reste du temps, je m’entraînais avec vigueur donc j’arrivai vite à une précision intéressante.

Kan Adag le constata et me sonda du regard, auquel je répondis d’un air déterminé. Il sourit et me dit de les accompagner.

Nous partîmes à cinq comme la dernière fois. Il me confirma qu’aujourd’hui, j’avais le droit de tirer avec eux et que ce serait moi qui ferai la mise à mort du gibier. Je me sentais prêt. Chaque soir, je me préparais à cette idée, je ne voulais décevoir personne.

Cette fois-ci, nous parcourûmes une pinède. Nous regardions le sol à la recherche de pas quand nous vîmes ceux des sabots d’un ou deux sangliers, accompagnés de leurs petits. On me mit en garde sur l’agressivité de ces bêtes quand ils avaient une portée. Nous avançâmes prudemment puis Kan Adag indiqua de se rabattre derrière un pin et de ne plus bouger. Plusieurs minutes défilèrent, elles m’étaient interminables, puis on commença à entendre des bruits : une respiration puissante et rauque. Nous étions tous aux aguets. Les flèches étaient sorties, les arcs bandés. Soudain, une tête noire déboula d’un buisson, l’animal entama une course rapide comme l’éclair. J’en étais le plus proche et le mieux placé, mais je n’arrivai pas à tirer. L’un des sangliers eut donc le temps de percuter l’un des nôtres. Kan Adag hurla, les autres tirèrent à l’unisson pendant que je restais sidéré, totalement bloqué dans la même position. Ils touchèrent grièvement l’un des sangliers pendant que l’autre put s’enfuir avec ses bébés.

Notre chef vérifia l’état de Huray, notre homme touché. Il portait une profonde entaille à la cuisse et perdait beaucoup de sang. Il souffrait, mais gardait la force de la comprimer. Kan Adag s’approcha de moi et me cria dessus :

— Macalinka ! Tu n’as pas tiré ! Tu as fait prendre des risques à tout le monde, y compris toi ! N’as-tu pas écouté mes conseils ? Le sanglier est rapide, tenace et agressif, il fait partie des animaux où on ne peut se permettre de défaillir ! De ta faute, un homme est désormais blessé !

J’étais honteux. Je souhaitais disparaître, partir en courant et ne jamais revenir… Je me sentais coupable et inutile.

Kan Adag me demanda de tuer l’animal qui gigotait encore à terre, bien qu’il lui fût maintenant impossible de s’échapper. Je m’approchai et je retrouvai ce regard apeuré et perdu de la bête qui s’apprêtait à être tuée. Et de nouveau, j’étais tétanisé. J’entendais mon cœur me dire que je n’avais pas le droit de faire ça, que ça ne correspondait pas à qui j’étais. Quatre paires d’yeux me scrutaient avec pression… J’imaginais la réaction de notre tribu si je refusais cet ordre, mais aussi celle de Rabitaan… Les larmes me montaient, mais je ne voulais pas perdre la face, je ne voulais pas passer pour l’élément faible alors dans un geste impulsif et déraisonné, je tuai le sanglier.

— Pendant un instant, j’ai cru que tu allais dire non ! Tu as encore tes chances avec nous. Rentrons maintenant.

Kan Adag découpa grossièrement l’animal en trois parties qu’il confia à chacun d’entre nous. Il porta Huray jusqu’au village.

Comme toujours, nous étions chaleureusement accueillis. Notre chef commença sa narration et je le vis hésiter en racontant la façon dont notre ami fut blessé. Il me regarda avec rancœur et noirceur, mais tut mon erreur, préférant dire qu’ils avaient eu affaire à une bête bien malicieuse, mais que nous avions, en groupe, réussi à venir à bout de celle-ci.

Quelque part, je lui étais reconnaissant de ne pas me stigmatiser, mais au fond de moi, je me sentais profondément perdu… Ma prétendante me fit à nouveau tout oublier et je repris le rôle de ce personnage téméraire et dur qu’on voulait de moi…

Les jours suivants me furent très désagréables, le remords et la culpabilité m’envahissaient… Des cauchemars me perturbaient, je retrouvais ces anciennes images où je me voyais en loup violent et assoiffé de sang. Je me transformais, mes canines triplaient, je bavais abondamment. Je me réveillai systématiquement en sursaut, couvert de sueur.

J’en parlai à ma mère qui ne me comprenait pas. Elle restait axée sur la prédiction passée de ce sage désormais mort. Et elle était formelle : une grande carrière de chasseur m’attendait, les esprits cherchaient simplement à me tester par le biais de ces rêveries. Je me sentais totalement incompris.

Je rendis alors visite à Rabitaan qui ne me trouvait pas dans mon assiette. Je lui expliquai que je dormais mal, que je rêvais de chasse, mais je n’osai pas lui parler de l’ensemble de mes sentiments sur ce sujet. Je craignais qu’elle se détourne de moi. Je tâtai tout de même le terrain en essayant de lui montrer un autre aspect de ma personnalité afin de voir sa réaction. Je lui exposai mes créations et lui parlai de ma passion à tailler les pierres et le bois. Elle semblait intéressée, mais je ne voyais pas l’étincelle qu’elle présentait lors de mes récits belligérants… Alors je vacillai et je repris la prestance du vaillant chasseur, triomphant coûte que coûte… Elle me regardait avec désir et se dandinait devant moi. J’oubliais tout, je l’embrassai et cette fois-ci, elle me laissa enfin aller plus loin.

Cette première expérience sexuelle me ravit au plus haut point. C’était un réel soulagement. Toutes ces envies enfin réalisées, ce plaisir ressenti… J’explosai en elle rapidement. Nous étions tous deux heureux, elle me laissa dormir avec elle et nous recommençâmes sans cesse.

Ces nuits torrides contrastaient avec mes journées tragiques. Nous partions régulièrement chasser, ce que je vivais de plus en plus mal. Bien que je fusse un excellent tireur, je ratais toutes mes cibles et Kan Adag le voyait. Alors à chaque animal qu’ils abattaient, il me demandait de l’achever moi-même. Gorge après gorge, il me testait, je m’exécutais et je me détestais de plus en plus. J’entendais quelque chose en moi crier d’arrêter, que je n’avais pas à me forcer pour contenter les autres. Certains le faisaient et tant mieux, car nous devions nous nourrir. Mais en ce qui me concernait, ce n’était pas ma place, je n’étais pas né pour ça…

Alors un jour, de nouveau face à un sanglier, je ne m’exécutai pas. Notre chef haussa le ton pour m’amener à l’acte, mais je refusai ouvertement. Tous me regardèrent les yeux écarquillés, surpris de mon refus. Mon compagnon de droite s’agenouilla pour achever la proie et nous la répartir. Kan Adag et les deux autres étaient chargés pour retourner au village, sauf moi, qui fus désormais rejeté.

À l’arrivée, cri de chasse, arrivée des habitants, narration du récit, rituel habituel. C’est alors que ma prise de position fut rendue publique. En colère, le chef revint sur son précédent discours et raconta le réel déroulé de la battue où Huray fut blessé. Tous me dévisagèrent d’un air effaré. Il surenchérit en disant que je n’étais pas digne de confiance, que je leur avais fait prendre d’énormes risques et que je ne pouvais plus faire partie du groupe des chasseurs.

J’étais désormais observé de tous avec étonnement et peur. Je ressentais leurs pensées, certains craignaient que je puisse un jour les mettre en danger, d’autres estimaient que j’étais fou. Ils ne comprenaient pas mes actes, ils ne voyaient ni ma douceur ni l’intelligence émotionnelle qui m’amenait à être empathique envers les animaux. Ils ne voulaient pas admettre que je n’étais pas quelqu’un de fourbe, mais au contraire, quelqu’un de fiable qui respectait toute vie…

Fatigué par ces aventures, je m’apprêtais à me retirer quand je croisai le regard de Rabitaan. Elle aussi m’observait d’un air surpris. Je voulus m’avancer vers elle, mais elle partit dans la direction opposée d’un air désormais désintéressé. Le désespoir me prit, je lui courus après.

— Rabitaan, attends !
— Tu as menti Macalinka ! Tu as prétendu être quelqu’un que tu n’es pas !
— Je ne voulais pas te décevoir, je suis si bien près de toi…
— Tu n’y seras plus à cause de tes mensonges !
— M’aurais-tu accueilli si je t’avais parlé de mon aversion pour la chasse ?
— Cela n’a plus aucune importance désormais ! Va-t’en !
— S’il te plaît…
— Va-t’en !

Je ne la reconnaissais pas. Elle dont j’aimais tant la douceur de son regard et de ses gestes. Désormais, elle me chassait en me hurlant dessus.

De mon plein gré, mais aussi par la force des choses, je restai seul. La seule personne que je voyais était Huray. Depuis l’accident, j’allais chaque jour à son chevet pour voir son évolution et excuser mon manque de bravoure. L’hémorragie s’était tarie depuis longtemps, mais pas la douleur, alors le guérisseur du village lui réalisait des cataplasmes analgésiques. Mon ancien compagnon me disait de ne pas m’inquiéter, qu’il s’en sortirait. Il se faisait davantage de soucis pour moi, maintenant que l’histoire était rendue publique… Il me confia qu’il avait toujours su que la chasse n’était pas faite pour moi. Il ne m’en voulait pas contrairement aux autres alors qu’il était pourtant le seul à avoir de vraies raisons de me détester. Il sourit en me disant que j’étais bien plus talentueux dans l’art de la taille et qu’il était préférable que je me concentre là-dessus.