Caramel - Marie Pra - E-Book

Caramel E-Book

Marie Pra

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Beschreibung

Caramel était un chat présentant une caractéristique particulière : sa capacité à articuler des phrases. Cet ouvrage relate son vécu et nous livre une histoire d’amour entre l’animal et son maître ; un récit à travers lequel tous les passionnés de félins pourront se reconnaître.


À PROPOS DE L'AUTEURE 


Marie Pra, dessinatrice et cofondatrice du « Parti des Enfants du Monde », est auteure de plusieurs ouvrages dont Caramel est le sixième. Sensible à la cause animale, elle milite pour l’amour et la compréhension des chats.

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Seitenzahl: 69

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Marie Pra

Caramel

© Lys Bleu Éditions – Marie Pra

ISBN : 979-10-377-7654-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Dans mes souvenirs, Caramel est sur un caisson à livres.

Elle ne dort quasiment pas. C’est une vieille chatte qui ressemble à une enfant. Elle a un poil bien lustré et puis elle n’a pas plus de treize, quatorze, quinze ans, c’est mon adolescente. Sur ce caisson, elle ne fait rien. Elle laisse les jours filer.

La brûlure est là, dans mon dos, comme si elle m’observait toujours. Je me retourne : Caramel n’est plus là.

Caramel est donc une chatte. Une tigrée brune. Une Européenne à coussinets noirs et à fines moustaches très fournies. Elle a le nez roux, la gorge blanche. Ses yeux sont verts comme ceux de Scarlett, l’héroïne d’Autant en Emporte le Vent. Elle est très jolie.

Elle aura passé quelques années sur cette terre et marqué ma vie à jamais. Si je me permets de le dire, c’est parce que ma chatte avait une particularité qu’aucun autre chat, à ma connaissance, n’a jamais possédée : Caramel parlait.

Je sais qu’en révélant cela, je vais au-devant de bien des silences et des déceptions. Les gens ne me croiront pas. Jamais les scientifiques n’ont révélé des cas de chats parlant le langage humain. Il est évidemment impossible dans la vie quotidienne de dire à quelqu’un : « mon chat parle », sauf à un amoureux des chats qui s’imaginera que votre chat communique en miaulant de façon plus expressive que la moyenne. On a rendu compte d’oiseaux qui parlaient – mais aucun cas de chat n’a été détecté et étudié à ce jour. Pourtant, je ne peux pas nier que, durant cinq ans, j’ai entendu ma chatte articuler des mots.

Beaucoup de chats sont devenus célèbres par d’autres exploits. Vedettes d’Internet pour leur physique très particulier, héros de livres comme Bob le chat des rues, ils réjouissent la vie quotidienne de millions de fans et font enfler la demande de joliesse sensationnelle. Mais, parmi eux, nul ne trouvera Caramel, la seule chatte qui parlait. Cet oubli me semble une injustice. Je veux, moi, dire, qui fut ma compagne et ce qu’elle a pu m’apprendre sur ce qui se passe dans la tête d’un animal.

Ma prunelle, à présent, nous t’écoutons.

Le témoignage le plus mignon de ta bonne volonté fut ce soir où, allongée devant la télévision, je regardais un reportage sur les anguilles. Tu t’approchas de moi, me léchas le visage et dis : « J’aime les anguilles », comme une petite fille méritante qui veut faire plaisir à sa maman.

C’est toujours la première parole que je rapporte de toi quand je veux me lancer dans le descriptif de ton intonation et ton vocabulaire. Dans l’histoire de ta pensée.

Tu as gardé de nombreux replis de silence où tu restes encore, recroquevillée, dans une obscurité choisie. Je t’ai maintes fois supplié de me parler, j’ai souvent attendu tes réparties. Tu étais peu loquace et tes sorties impromptues en étaient d’autant plus comiques. Quand tu parlais, c’était toujours rare et inattendu.

Depuis que j’ai quitté l’enfance, les chats ont toujours fait partie de ma vie.

J’avais onze ans quand deux petites filles frappèrent à la porte de ma maison. Adoptées dans les premières années de leur vie, elles venaient nous apporter un chaton, trouvé dans un hangar, et nous le proposer à l’adoption.

Nous nous laissâmes, ma mère et moi, convaincre de prendre la bestiole pour une nuit, afin d’évaluer ensuite si nous la garderions. Or, le chaton, qui était une petite femelle tigrée, nous attendrit tellement, en tirant sur un jouet au bout d’une ficelle, que nous consentîmes à le garder. Ce petit chat possédait de grandes oreilles, « comme s’il allait s’envoler avec ». Ma mère, sans doute frappée par les couleurs sombres de sa robe, eut la bonne idée de l’appeler : Mouche.

Et Mouche fut mon premier chat.

Elle devint une belle adulte. Les jolis contrastes de sa fourrure révélaient, en dessous de son corps, un grand espace neigeux. Ses yeux étaient de couleur noisette. Quand elle faisait sa toilette, elle retournait ses deux oreilles en même temps. Il lui arrivait de prendre des mines précieuses, gracieuses, pour exprimer les courants de volupté qui la traversaient.

Elle disposait d’une maison, d’un potager et d’une terrasse, dont elle pouvait sans peine franchir les lignes, comme territoire. Nous ne la suivions pas dans ses promenades, il ne lui arrivait rien ; elle était craintive. Je regrette que nous l’ayons forcé à sortir plusieurs fois de chez elle, pour un séjour dans un village perdu des Cévennes, d’où nous la ramenâmes mordue à une patte et pour des séances chez le vétérinaire qui la mettait au bord de la crise de nerfs. C’est là que nous lui fîmes des piqûres au cou, soi-disant nécessaires pour sa santé mais qui devaient déclencher, des années plus tard, le cancer des vaccins, une excroissance poussant juste à l’endroit où la cible a été prise.

J’étais jeune et Mouche s’éprit d’une amitié spéciale pour moi. De même, je l’aimais beaucoup. Malgré quelques sottises au départ, comme rire d’elle et la poursuivre dans la maison, je me mis à la dessiner et à l’associer à toutes sortes d’aventures imaginaires.

En soirée, elle venait souvent s’étendre sur le canapé de la salle à manger. Elle passait aussi le soir dans ma chambre. Je finissais toujours par la houspiller parce qu’elle voulait aller et venir, ne parvenant pas à ouvrir la porte par elle-même : aujourd’hui, je regrette ce genre d’emportements. Il eût fallu être un ange tous les soirs et ne jamais lui crier dessus. Mouche avait un miaulement plaintif et il se peut que son cœur sensible ait souffert de mon impatience. Comme j’aimerais la revoir pour ne lui faire vivre que du bon temps !

Cette vie de chatte dura onze ans. Le plus inacceptable en est la fin : l’excroissance sur le cou de Mouche était devenue purulente et nous jugeâmes, peut-être à tort, que c’était suffisant pour la croire finie. Or, Mouche a eu conscience de la mort et elle ne voulait pas mourir. À son tempérament ordinairement craintif, s’ajouta son pressentiment : son euthanasie fut une catastrophe. Elle s’enfuit, fut prise en embuscade, trépigna, se débattit de terreur, me supplia, résista, réagit mal à l’anesthésie – je la revois, les yeux louchant, tirant la langue, moi devant ce spectacle, en larmes – et elle mourut après un combat horrible, dans lequel elle n’avait pas eu toute sa dignité, ce qui est encore plus déchirant. Ce fut une disparition très dure que la sienne, et, aujourd’hui encore, je regrette que tout se soit si mal passé.

Son existence avait été un peu courte mais elle avait fait le printemps avec calme et gentillesse. Elle m’a tout montré des chats, ce qui était faisable et difficile avec eux. Elle est la première de ma série des chattes tigrées, car toutes furent choisies ensuite sur le même modèle.

Quand je revois la vie de mes chats, à présent qu’ils m’ont tous été pris par la mort, il me semble que, tant qu’ils sont en vie, nous sommes là pour les aider à vivre, mais que quand ils s’en vont, c’est pour décorer un autre point du monde de leur sublime présence, remplir une autre mission ; et là nous ne sommes plus rien, qu’un dé jeté dans les souvenirs.