Cendrillon, l'Albatros et le père Noël - Jan Bodin - E-Book

Cendrillon, l'Albatros et le père Noël E-Book

Jan Bodin

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Beschreibung

Comme il est passionnant, pour un professeur, d'entraîner ses élèves dans un projet théâtral ! Mais c'est une aventure au long cours qui peut comporter des périodes de doute, des phases où plus rien ne va, et où domine une seule envie : abandonner. Ce soir, Albert traverse l'un de ces passages à vide et vient de prendre une grave décision, qu'il a décidé d'annoncer à son groupe d'acteurs. Mais a-t-il choisi le bon moment, alors que tout le monde n'a en tête qu'une seule chose : Noël qui approche ! Noël qui, dans ce collège de campagne, coïncide avec des traditions étranges... Sans compter que la neige, depuis quelques heures, s'est mise à tomber à gros flocons... à très gros flocons...

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Seitenzahl: 93

Veröffentlichungsjahr: 2024

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PERSONNAGES

Albert Hosse, professeur de lettres modernes.

Marc Lassouche, professeur de maths.

Martine Ducroc, professeur de lettres classiques.

Poupette, première de la classe.

Léon, cancre.

Guenièvre Ducroc, fille de Martine.

Mme Dogue, principale du collège.

M. Dogue, mari de la principale.

Décor :Une salle de répétition vide, sans autre mobilier qu’une série de chaises rangées dans le fond.

Des voix joyeuses retentissent en coulisses, faisant varier la même phrase :

VOIX 1 : Bonnes vacances de Noël, Monsieur, et joyeuses fêtes !

VOIX 2 : Bonnes vacances de Noël, Monsieur, et joyeuses fêtes !

VOIX 3 : Bonnes vacances de Noël, Monsieur, et joyeuses fêtes !

Marc entre à reculons, souriant vers la coulisse. Il porte un cartable orné d’une guirlande et de boules de Noël.

MARC : Merci, les enfants ! Je vous souhaite, moi aussi, de bonnes vacances de Noël... et de joyeuses fêtes !

Albert entre brusquement, dépassant Marc.

ALBERT(l’air sombre) : Oui oui d’accord bonnes vacances !

UNE VOIX : Et joyeuses fêtes !

MARC(toujours souriant) : Oui oui ! Et joyeuses fêtes !

UNE AUTRE VOIX : Monsieur ! Monsieur !…

MARC (se rapprochant de la coulisse) : Oui ?

LES TROIS VOIX(en chœur) : Et ça commence ce soir !

MARC : Eh oui ! Ça commence ce soir !

UNE DES VOIX : Monsieur ! Monsieur !…

MARC : Oui ?

UNE VOIX : Nous allons avoir une visite !

MARC : Tu en as l’air bien sûr ?

UNE AUTRE VOIX : Si, M’sieur, ils ont annoncé vingt centimètres de neige !

UNE AUTRE VOIX : Au minimum !

MARC : Alors, c’est sûr, ça commence vraiment ce soir !

UNE DES VOIX : Mais M’sieur, M’sieur !… Gare au père La Charrette !

MARC : Oui ! Gare au père La Charrette !... Comme disait mon grand-père : « amuse-té, mais muche-té ».

UNE DES VOIX : Ma mère, elle le dit aussi : « amuse-té, mais muche-té » !

Les trois voix s’éloignent, répétant joyeusement cette dernière phrase.

ALBERT : « Gare au père La Charrette », « Amuse-té mais muche-té »! Si un étranger surprenait cette conversation, il se demanderait où il a atterri !

MARC : C’est le folklore local, mon cher Albert : « Amuse-té mais muche-té », ça veut dire : « amuse-toi mais cache-toi ».

ALBERT : Merci, Marc, je connais en détail les mœurs très particulières de ce trou perdu…

MARC : Trou perdu ! Trou perdu !

ALBERT : Ah pardon, de Trou-le-Petit, perle du Choutrouxois, enchâssée dans sa forêt domaniale !…

MARC : Recelant des sites remarquables !

ALBERT : Oui, La Perdurie-Les-Errants, le Ravin des Mésaventurés…

MARC : Le Marais des Engloutis !

ALBERT : Rien qu’à évoquer ces lieux, on comprend bien pourquoi ici, ça ne suffit pas d’arroser copieusement Noël et Nouvel An : il faut commencer à se bourrer la gueule dès la nuit du solstice !…

MARC : Eh bien alors, si tu connais, pourquoi tu fais cette tête ? La grande nuit de la Choutrouille, c’est quand même quelque chose d’unique ! La nuit du solstice d’hiver où l’on attend la visite du Choutroux, le dieu de la forêt, qui, va venir frapper à nos portes de ses grandes mains de neige !...

ALBERT : Si neige il y a…

MARC : T’as pas entendu ? Ils ont annoncé plus de vingt centimètres… Non mais, si encore tu étais comme moi dans l’organisation de la soirée… Mais là, tu n’as rien à faire, alors lâche-toi… Ah au fait, il faut que j’aille voir Antoine avant qu’il s’en aille…

Il sort. On entend de nouveau une voix d’élève : Bonnes vacances de Noël, Monsieur, et joyeuses fêtes !

MARC : Oui, toi aussi !

ALBERT : Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à se souhaiter bonnes vacances, alors qu’il n’est que (regardant sa montre) trois heures et demi !... Trois heures et demi ! Ils vont arriver ! Je vais préparer les chaises !

Il installe quelques chaises puis se met à compter :

Olympe, Guenièvre, Rictrude, Poupette, Léon, Jacky… plus les quintuplés (il compte sur ses doigts) Allan, Donovan… Ben forcément, il sont cinq, j’suis bête, plus moi et Marc, ça fait cinq et deux sept et six treize !... Treize ! Ça porte malheur ! (Il compte les chaises) Déjà, je n’ai pas assez de chaises !… Allez, pour les quintuplés, une ça suffit… (Il s’apprête à sortir une nouvelle chaise mais se tourne soudain vers l’une de celles déjà installées) Qu’est-ce qu’il y a, Poupette ?… Tu ne veux pas être à côté de Léon… Eh bien, on va mettre Olympe à la place de Léon… Et Léon va venir ici… (il intervertit les chaises) Voilà… (satisfait, comme s’il avait déjà terminé sa tâche) Bon, ils vont arriver… (un temps) Mais non, quel idiot, quelqu’un est déjà là ! (parlant à son cartable) Inutile de te cacher !… Je sais que tu es là !… Allez ! Sors de ta cachette !… (un temps) Tant pis, tu l’auras voulu !…

Il prend son cartable, l’ouvre et en sort une marionnette fabriquée sommairement avec une chaussette, du carton (pour la langue) et deux balles de ping-pong (pour les yeux)… Il enfile celle-ci sur une de ses mains.

Alors, petite canaille, tu crois que j’ai le temps de jouer à cache-cache ? La prochaine fois que je t’appelle, tu viens !

LA MARIONNETTE(dont la voix est contrefaite par Albert) : Oui, mais c’est parce que j’ai peur…

ALBERT : Peur ? De quoi ?

LA MARIONNETTE : Des élèves.

ALBERT : Pourquoi donc ! Ils ne vont pas te manger !

LA MARIONNETTE : Je n’ai jamais parlé en public…

ALBERT : Je t’ai dit que tu ne parlerais pas… C’est moi qui te présenterai…

LA MARIONNETTE : Et si ça tourne mal ?

ALBERT : Pourquoi veux-tu que ça tourne mal ?

LA MARIONNETTE : On ne pourrait pas faire une petite répétition ?

ALBERT : Encore une !

LA MARIONNETTE : Oui.

ALBERT : Bon allez, viens là… (Il s’assoit) Non reste cachée ! Attends mon signal pour te montrer.

(La marionnette se cache, par exemple sous son bras gauche s’il est droitier) Bien. (Il commence un discours) Mes amis…

LA MARIONNETTE : Tu ne trouves pas que c’est un peu hypocrite, « mes amis »? Surtout avec ce que tu dois leur annoncer !

ALBERT :« Les enfants » ?

LA MARIONNETTE : Très bien « Les enfants » !

ALBERT : Les enfants, je suis heureux de vous retrouver pour vous annoncer une excellente nouvelle : l’arrivée au sein de notre équipe d’une nouvelle actrice. (Il montre la marionnette) : Cochetta. Le prénom Cochetta vient du nom « cauchette » qui dans notre patois, vous le savez, signifie chaussette. Mais Cochetta n’est pas une simple chaussette, Cochetta est une grande actrice, et même une actrice parfaite. N’est-ce pas, Cochetta ?

LA MARIONNETTE : Non.

ALBERT : Comment ça, non ?

LA MARIONNETTE : J’ai un gros défaut.

ALBERT : En plus elle est modeste ! Et quel défaut ?

LA MARIONNETTE : Je n’ai pas de rôle, et ce n’est pas drôle !

ALBERT : Mais détrompe-toi, ma chère Cochetta ! Tu as un rôle ! Tu as même TOUS les rôles !… (Silence théâtral) Voilà, vous avez entendu ? C’est elle qui prend tous les rôles… Et vous, c’est fini : vous pouvez partir… C’est tout ce que j’avais à vous dire. (Il se lève, sinistre, et sort. Puis revient, furieux et, s’adressant aux chaises…) Quoi ? Vous ne comprenez pas ? Vous ne comprenez pas ! Je vous avais pourtant prévenus que je vous remplacerai par des marionnettes !… Pourquoi ?… Mais vous le savez bien pourquoi ! Les retards ! Les absences ! Le manque de sérieux ! Avec elle, tout ça, c’est fini ! Elle sera aussi ponctuelle que moi. Et au moindre problème dans sa famille, j’en serai averti, parce que sa famille, c’est moi !… Et maintenant, regardez ce qu’elle fait… (avec la bouche de la marionnette, il saisit une chaise et la soulève) Elle range ! Et alors, pour ce qui est du travail théâtral, attention ! Écoutez-la !

LA MARIONNETTE : Je ferai tout ce que tu me demandes ! Je m’investirai à fond ! Je ferai corps avec tes idées, avec ton âââme !

ALBERT : Ça, c’est du bon esprit : volontaire, ne contestant aucune décision… Ni le texte… Et en parlant de texte, je peux vous dire qu’elle en connaît un rayon ! Aussi bien que moi !… Voilà, j’ai fini, la réunion est terminée... Ah si, une dernière chose, quand même... MERCI... Merci et bravo pour votre nullité ! Qui m’a libéré ! D’habitude, la nullité des élèves m’empêche d’avancer, mais la vôtre était tellement énorme qu’elle m’a projeté en avant, me forçant à affronter mon destin d’artiste. Qui, rassurez-vous, n’est pas un destin solitaire : grâce à Cochetta, et à toute sa famille. Car elle a une famille, une grande famille…

LA MARIONNETTE : Tout un tiroir de garderobe.

ALBERT : Et moi j’ai deux mains et deux pieds, de quoi animer un super club de marionnettes !

Retour de Marc.

MARC : Ah les marionnettes ! Tu vas encore leur parler des marionnettes !… Tu trouves pas que c’est un peu répétitif ?

ALBERT : Oui, mais cette fois…

MARC : Non, mais, si c’est pour remettre ça sur le tapis, je peux m’en passer… Et ça tombe bien parce que je dois aller à La Perdurie…

ALBERT :À La Perdurie ?

MARC : Ben oui, à cause de la Choutrouille : je dois superviser la fabrication de la bouillasse !… Ils sont pas cools, ils m’avaient promis d’attendre dixsept heures et je viens d’apprendre qu’ils avaient commencé !

ALBERT : Mais pourquoi tu dois superviser la fabrication de la bouillasse ? Tu n’es pas le Barbouilleux ?

MARC : Mais si, cette année, c’est moi !

ALBERT : Toi, le Barbouilleux !? Mais c’est incroyable ! Qu’est-ce qui s’est passé ?

MARC(tragique) : Je me suis porté volontaire.

ALBERT : Quelle idée !

MARC : En tant que représentant du corps enseignant, je me dois de défendre la culture, dans une période où la société est de plus en plus tournée vers le…

ALBERT : Non, mais arrête !… Toi, le boute-entrain, l’animateur vedette de la Choutrouille des sept vallées, le champion du lancer de tartes à la bouillasse, tu acceptes de te mettre à part pour jouer le rôle du Barbouilleux, le trouble-fête qui passe la soirée dans son coin à lire les auteurs à voix haute ?

MARC : Il en faut bien un…

ALBERT : Ah oui ! Ce serait dommage de se passer de ce moment hautement culturel où tout le monde lui jette des tartes à la bouillasse en pleine figure !

MARC : Pas que !… Pas que !… À la base, il faut pas oublier que le Barbouilleux sert de garantie au cas où le père La Charrette ferait une descente…

ALBERT : Le père La Charrette ? Mais c’est une légende !

MARC : Fondée sur des faits réels ! Romuald m’a passé un bouquin où l’on raconte que lors du solstice d’hiver de 1462, qui était tombé un 23 décembre, la fête de la Choutrouille avait généré un tel déchaînement de bestialité qu’un bûcheron s’était transformé en sanglier !

ALBERT(inquiet pour la santé mentale de son collègue) : Oh là là…

MARC : Si si !... Même que l’évêque a réclamé des secours de Rome, qui a envoyé une sorte d’inquisiteur, un moine très cruel qui faisait rôtir les condamnés à la broche ! Il s’appelait El Caretto, mais on l’a vite appelé « Le père la Charrette », ou « El père El Kérette », parce que les moins fautifs, il les mettait dans une charrette pour les conduire à l’abbaye de Saint-Pierre-Aux-Bois, afin de leur apprendre à lire et à compter… D’où son deuxième surnom : l’Institueur…

ALBERT : Tu veux dire l’instituteur ?

MARC(dramatique) : Non : l’Insti-TUEUR : en dessous de dix de moyenne, couic ! (geste de l’index coupant la gorge)

ALBERT