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Un petit village paisible, Frasne-les-Meulières, devient le théâtre de récits où chaque rencontre et chaque moment du quotidien révèlent l’essence des relations humaines. À travers des anecdotes simples, le récit explore les liens invisibles qui unissent les habitants à leur environnement, mettant en lumière la beauté des échanges et des souvenirs partagés. Ces chroniques nous plongent dans l’intimité d’une communauté, où les gestes ordinaires prennent une dimension poétique et significative. Le village, témoin des événements passés, devient un personnage à part entière, porteur de mémoire et de sens.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Auteur de plusieurs romans publiés au Lys Bleu Éditions, Pascal Marchand a exercé le métier d’enseignant avant de se consacrer à sa passion pour le théâtre en tant que comédien, metteur en scène et formateur en expression théâtrale. Depuis son adolescence, il écrit de la poésie, des pièces de théâtre, des nouvelles et des romans. Pour lui, l’écriture est une manière d’exprimer ses émotions et de mener une réflexion engagée sur la relation humaine. Cet ouvrage en est une belle illustration.
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Seitenzahl: 138
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Pascal Marchand
Chroniques frasnaises
Petites et grandes histoires
de Frasne-les-Meulières
© Lys Bleu Éditions – Pascal Marchand
ISBN : 979-10-422-7114-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Il existe un territoire singulier qu’il est difficile de définir, même en utilisant les limites administratives définies par le législateur. Quand on descend des collines dijonnaises en direction de la Saône, on traverse la plaine en direction d’Auxonne et Pontailler. Au loin se dessinent les premières hauteurs du massif du Jura qui cachent encore la vieille cité de Dole. Nous sommes alors en Côte d’Or, l’extrême sud du département. En empruntant les petites routes sinueuses après avoir quitté Auxonne dans une longue ligne droite qui mène au Pays Neuf, on traverse une forêt dense où il n’est pas rare de croiser quelques-uns de ses habitants originels, des daims, des chevreuils, des sangliers, des rapaces nocturnes…
Quand on quitte ce grand espace boisé, la route traverse un petit pont débouchant sur un plateau ondulé, dernier vestige de la plaine, où se succèdent une multitude de champs cultivés et des chemins menant vers le bois. Il est fréquent d’y croiser la nuit des animaux de passage. C’est leur voie naturelle d’une zone arborée à une autre. Nous voici alors dans le Jura. Aucun panneau. Aucune indication visible qui indique qu’on vient de changer de département. De l’extrême sud côte-d’orien, on se retrouve dans l’extrême nord jurassien. Seule manière de s’en rendre compte, la route goudronnée qui vient d’être remise à neuf par le département du Jura. Les travaux se sont arrêtés juste avant le petit pont sur le ruisseau de Borne. Le changement de couleur de la chaussée signale la limite géographique entre les deux départements. D’Auxonne, nous venons d’entrer sur le territoire de la commune de Peintre, premier village du Jura au nord de Dole.
Sans repère, il est difficile d’imaginer que la Haute-Saône est toute proche avec son magnifique bourg médiéval de Pesmes et que le Doubs n’est qu’à quelques encablures, après Orchamps et Ranchot sur la route vers Besançon. Nous voici dans un espace improbable où tout est naturellement relié, pourtant tout se divise parce qu’il a été décidé qu’ici c’était la Côte d’Or, là le Jura, de l’autre côté la Haute-Saône et un peu plus loin le Doubs. L’espace naturel s’en moque. Nous sommes dans les premières hauteurs du massif jurassien, les vivants sans papier y poussent et y circulent à leur guise, toujours en alerte de l’automne au printemps. On ne sait jamais, qu’un coup de fusil puisse mettre un terme à leur vie paisible.
À présent, le relief, même s’il n’atteint pas les hauteurs qu’on trouve dans le Haut-Doubs, apparaît davantage dans des volumes plus accentués. Le Mont-Guérin semble servir de sentinelle au grand Massif de la Serre juste derrière lui, cette contrée forestière dans laquelle se cachent croix pattées et grottes comme celle de l’Ermitage, sorte de demeure troglodyte creusée par l’érosion, aussi par quelques groupes ermites qui y ont trouvé protection. Certaines communes appartiennent au Grand Dole, d’autres se sont regroupées ensemble pour échapper à la prééminence de la cité sous-préfecture.
À l’écart des grandes routes comme la départementale qui relie Dole à Gray et Vesoul, se nichent des petits villages hors des voies de grande circulation, Peintre, Pointre, Montmirey-le-Château, Montmirey-la-Ville avec aussi son château, Offlanges, Chevigny et sa fruitière (une fromagerie), Rainans… et Frasne-les-Meulières.
Ah ! Frasne-les-Meulières !
Autrefois, la commune s’appelait Frasne tout court, comme sa jumelle, bien plus grande dans le département du Doubs. Régulièrement, des transporteurs ou des voyageurs se sont trompés de village. Le bois qui devait arriver dans la scierie de Frasne 25 se retrouvait à Frasne 39, un village sans scierie. Imaginez la tête du conducteur qui vient de se rendre compte de sa méprise. Et hop ! C’est reparti pour presque deux heures de route. Et Il n’a pas que ça à faire.
Ces épisodes tragicomiques se sont multipliés. Aussi, il a été décidé de changer le nom de la petite commune. Elle est devenue Frasne-les-Meulières, au moins c’est plus clair. De plus, cela correspond parfaitement à l’histoire singulière de ce petit pays de meules qui servaient à porter les croix pattées, symbole mystérieux de cette partie du Jura nord (il en est question dans l’une des chroniques).
Ah ! Frasne-les-Meulières !
En hauteur sur sa butte, au pied du Mont-Guérin, dominant le village de Moissey depuis sa petite chapelle de la Chapoutote, le village rassemble une centaine d’âmes.
Pourquoi parler de ce village et pas d’un autre ?
Simplement parce que j’y habite, parce que nous y avons été chaleureusement accueillis, parce que nous y sommes heureux.
Oh bien sûr, c’est comme partout. La perfection n’existe pas. Vieilles querelles du passé, désaccords récurrents (mais cela ne fait-il pas partie des richesses de la vie ?), différentes façons de voir les choses. Mais il n’est pas question de cela dans cet ouvrage. Les chroniques racontent ce qui fait le lien entre les gens, ce qui fait qu’un village est bien plus qu’un assemblage de maisons et d’habitants. Il est question de l’invisible quand on traverse Frasne-les-Meulières en se disant que c’est bien mort, qu’il ne doit pas s’y passer grand-chose.
« L’essentiel est invisible pour les yeux », disait le poète-aviateur, c’est bien le cas ici.
Il est très différent de « passer » à Frasne et d’« être » à Frasne. Car il s’agit bien d’être, dans le ressenti, dans le temps des saisons, dans les couleurs variables des jardins, dans les bonjours du matin, dans les sourires qui disent à eux seuls que la personne en face compte pour soi, dans le partage au quotidien, dans la reconnaissance, dans des évènements artistiques et culturels qui s’échelonnent tout au long de l’année, dans ce qui fait qu’on puisse donner un sens à la vie. Et là, « être » prend une tout autre tournure. Même seul, on ne se sent plus seul, même sans visite, on se sent entouré. Même dans le silence, on sait le village habité.
Ces chroniques sont dédiées aux habitants de Frasne, mais pas que. Elles sont aussi dédiées à toutes celles et ceux qui croient qu’on peut vivre ensemble autrement, qu’on peut partager d’une autre façon, avec générosité, avec plaisir. Ces chroniques concernent Frasne-les-Meulières mais je crois que chacun pourrait reconnaître son village, son quartier, son immeuble, sa rue, car partout sur cette Terre, il existe des gens qui se tournent vers les autres, qui bâtissent des vies dans le lien, une sorte de tissage humain qui fait du bien.
On pourrait penser que les petites histoires de gens simples n’ont pas d’importance au regard de la grande Histoire qui se raconte de génération en génération, au regard des nécessités fonctionnelles qui rythment nos jours, face aux grands évènements qui se racontent dans les livres d’histoire. Pourtant tous les vécus qui font partie de la petite vie du peuple d’en bas disent beaucoup de ce qui fait l’histoire de l’humanité tout entière, une sorte de mémoire qui se télescope avec tous les récits de gens ici et là, partout dans le monde. C’est de ces moments de vie que se construisent les réalités humaines de ce monde, bien plus qu’on ne l’imagine. Dans ces narrations singulières se dessine un autre regard sur l’existence, plus ouverte, plus tolérante, plus reconnaissante.
Aussi, dans les lignes qui vont suivre, partez à la rencontre de Frasne-les-Meulières, mais aussi peut-être indirectement de l’autre Frasne et de tous les lieux où vivent des gens qui se parlent, échangent et partagent. Peut-être aussi chez vous ?
Ce sont deux gamins ! Deux vrais gamins ! D’insupportables garnements ! Des presque jumeaux ! D’incorrigibles lurons qui, s’ils se disent joyeux, ne font pourtant pas rire leurs « victimes ». À croire qu’ils sont restés deux petits gosses de crèche qui s’éclatent à exploser une boîte géante de Legos et son contenu sur la surface immense de la salle de jeux. Rien ne les arrête, pas même les hurlements ou les plaintes répétées du voisinage.
Pourtant, au vu de leur âge canonique, rien n’aurait pu laisser présager un tel comportement. Ils sont vieux comme le monde, presque aussi vieux que lui. Certains disent même qu’ils l’ont précédé. Ils auraient pu, avec le temps inénarrable où se sont succédé les interminables ères, chacune plus longue que les autres, accéder à une certaine forme de sagesse. Vous savez, la plénitude et la pondération, comme celles des anciens qui regardent enfin la Terre et ses habitants avec la bienveillance de ceux qui ont bien vécu, avec un amour infini pour cette vie qui a nourri leurs souvenirs.
Eh bien non ! Eux, ils restent les mêmes ! D’éternels agités du bocal qui balancent à tout va ce que les humains ont joliment posé devant chez eux, même les tuiles ou les ardoises des toits que des couvreurs ont soigneusement disposées, avec un professionnalisme qu’il est important de signaler ici par ces temps où l’artisanat a besoin du soutien de tous. Nos énergumènes venteux cherchent, de leur côté, à saboter tout ce qui est sabotable. Une ou deux tuiles en moins ? Mais c’est du pain béni ! Ainsi, une brèche s’ouvrira sur un toit et leur amie la pluie viendra à son tour arroser les cartons de reliques familiales soigneusement stockés et parfaitement rangés dans les greniers, les propriétaires croyant qu’ils étaient là, bien à l’abri.
De tout cela, les zozos en question, ils s’en moquent, comme de l’an quarante. Pas celui de notre célébrissime guerre, mais celui des temps où les humains n’existaient pas encore, quand les météorites s’abattaient monstrueusement sur une planète toujours en fusion d’où émergeait un brouillard de vapeur d’eau précoce, à l’origine de la naissance des nuages et de la pluie, celle qui allait donner naissance plus tard aux océans.
Bardé de ces souvenirs tempétueux de jeunesse, ils bondissent dans les artères de Frasne-les-Meulières, jouant aux terreurs comme les adultes terrifiants de leurs jeunes années, leurs arrière-grands-parents Tremblements de Terre, leurs oncles Météorites, leurs tantes Laves en fusion, leurs cousines Tsunami, leurs cousins Ouragans, tant ils ont agité la planète en d’autres temps, tant ils s’ébrouent toujours en d’autres lieux. Le genre de famille qu’on n’aime pas savoir à proximité de chez soi. À leur niveau, ce que font ces arsouilles, c’est du pipi de chat. Juste quelques rafales bien placées, parfois un peu plus, histoire de rire un peu, au moins pour les deux zigomars, à défaut de faire rire ceux d’en bas qui les voient dévaler les rues sans prêter attention à ceux qui y circulent.
Leur vie éternelle n’est qu’un jeu basique sans états d’âme qui consiste à faire voler tout ce qui n’est pas censé partir dans les airs : les papiers qui traînent par terre évidemment (mais ça, ça n’a rien d’extraordinaire), toutes sortes de feuilles et de branchages qu’ils ont pu extirper aux plantations, la plupart du temps bien enracinées dans la terre (pas toujours, on peut avoir quelques surprises). Les cabanes de jardin ! Ça, c’est leur luxe suprême, la cerise sur le gâteau. Ces petites maisons en bois ou en plastique que les propriétaires croient inébranlables, encore plus quand ils l’ont fixée avec moult attaches dans le sol. Eux, ils s’y reprennent à plusieurs fois, mais au final, la maisonnette s’envole elle aussi comme un simple morceau de papier journal. On pourrait aussi ajouter à cette litanie, les décorations du sapin de Noël de la commune, les odieux personnages jouant plutôt aux fils du père Fouettard plutôt qu’à ceux du père Noël.
Complétons le tableau par les tables et les chaises de jardin, les parasols (de véritables papillons dans l’air), les pots de fleurs bien sûr qui finissent en débris comme si nos lascars voulaient rendre la terre du pot à la terre primitive sur laquelle les humains circulent. Mais cette supposition n’est qu’une simple hypothèse tant il est plus probable qu’ils ne se posent pas de questions philosophiques ou écologiques, la pensée n’étant pas une de leurs qualités premières. N’oublions pas non plus les petits outils qui traînent sur les bords des fenêtres et qu’on retrouve au milieu de la chaussée… Bref, tout un arsenal hétéroclite devenu le temps d’une bourrasque les jouets de ces Messieurs « Je-Souffle-Sur-Tout-Ce-Que-Je-Peux-Et-J’en-Suis-Fier ».
Complètement immoraux ! Ces types sont complètement immoraux ! Non ! Non ! En fait, ils sont plutôt amoraux. Pour eux, la morale n’existe pas. C’est une question qu’ils ne se posent jamais. Souffler pour nos deux larrons en foire est une pulsion naturelle, une addiction irrépressible et inguérissable, mais qui ne peut pas les tuer, bien au contraire. Heureux seraient les fumeurs invétérés si c’était aussi le cas pour eux. Nul doute que, si les finances le leur permettaient, ils passeraient illico d’un à trois ou quatre paquets par jour. Sans parler des buveurs de bière et d’alcool forts, les dévoreurs de plaquettes de chocolat, les avaleurs de bonbons, les dingos de la piquouse, comme les autres déglingués de la caféine et de la théine.
Vous voyez, ces deux types sont du genre de personnes qu’on n’invite jamais. Imaginez la scène (si vous n’êtes pas trop angoissé rien qu’au fait d’y songer)…
Rien que pour les calmer un peu, ou leur donner une modeste petite leçon de savoir-vivre, on les fait entrer chez soi, une fois, une simple fois, une simple petite fois, histoire de leur montrer qu’on n’est pas rancunier, qu’on peut être sympathique à leur égard malgré tout. Peut-être pour leur signifier aussi une autre manière de considérer les choses, plus apaisée, plus compréhensive de ce qui les entoure.
Au début, ils feront les enfants sages, polis et bien élevés (ce qu’ils ne sont pas), un peu comme deux chiens qu’on a fait asseoir avec affirmation et qui cherchent à contenir leur impatience quand seule la queue remue, montrant que l’explosion est proche. En fait, la simple vue d’un intérieur ordonné (même un minimum), quelque peu coquet (même avec un simple vase fleuri au centre d’une table en bois brut), tout cela les fera sortir de leurs gonds. Et eux, les maîtres suprêmes du Royaume du désordre, aussitôt, ils sentiront monter en eux une frénésie incontrôlable qui les transformera en un duo de types furieux renversant tout sur leur passage. Les enfants Hulk des éléments naturels. Ainsi le petit café qu’on leur aura gentiment offert fera un joli arc en cercle rapide et efficace de la table jusqu’au plancher où il atterrira à grand fracas, laissant derrière lui une jolie flaque de liquide brunâtre dans laquelle baigneront les débris de la jolie tasse, la dernière de la série, celle ayant appartenu à la grand-mère ou l’arrière-grand-mère, l’ultime souvenir de famille.
Et ce n’est que le début des ennuis ! Le tourbillon poursuivra ensuite son œuvre dans toutes les pièces dont la porte est restée ouverte. Ni les cris outrés des hôtes ni une conscience potentiellement retrouvée des bonshommes (chose improbable et inespérée) ne pourraient rien y faire. Quand c’est parti, c’est parti ! Il ne restera plus qu’à comptabiliser les dégâts à la fin, au moment où ils auront quitté les lieux, rieurs et satisfaits d’eux-mêmes et surtout de leurs capacités de nuisance. Il faudra alors envisager le temps d’une reconstruction d’après-guerre, un plan d’urgence puis un plan Marshall avec ou sans l’aide des Américains (ça dépend de vos relations personnelles).
Mais tout cela, les humains le savent à l’avance. C’est pour cette raison qu’ils ne les invitent jamais. Dès qu’on devine leur présence par quelques mouvements de branches laissant supposer qu’il ne s’agit que de l’avant-garde, portes et fenêtres se ferment aussitôt, volets aussi parfois quand ils arrivent avec leurs potes, la pluie, le froid et la grêle.
Heureusement, le soleil est là fréquemment, laissant arborer fièrement les couleurs frasnaises comme celles du clocher qu’on peut mirer de loin, venant d’Auxonne et de la plaine.
N’empêche, quand les deux gugusses viennent pointer leur nez, on ne peut pas les ignorer. Ils vous le font savoir…
Bref, on aurait pu résumer toute l’affaire d’une simple phrase :
« Frasne-les-Meulières est le village aux deux vents ».