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1981. Ciprian, 23 ans, poursuit ses études supérieures à Nice et profite de l’opulence de sa famille. Alors que tout dans sa vie semble présager de bons auspices, il est accusé d’un crime terrible : l’assassinat de sa famille. À partir de là, il est contraint de quitter son pays et de se réfugier à Nashville où il fait fortune. Trente ans plus tard, à la suite d’un drame personnel, il revient en France afin de blanchir son honneur et de reconstruire sa vie. Il y retrouvera ainsi famille, amis et vieilles connaissances qui lui permettront d’échafauder un plan qui promet de nombreux rebondissements…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Grâce à la rédaction de documents commerciaux et techniques au sein de son entreprise,
Bruno Personnat découvre sa passion pour l’écriture. Durant le confinement de 2020, il entreprend le projet de
Ciprian - Itinéraire d’un homme déterminé (1981-2020) dans lequel il raconte l’histoire d’un homme sur quarante années de sa vie. De culture cinématographique plutôt que littéraire, il entraîne ses lecteurs dans les contours d’une narration qui leur permet de visualiser les événements de l’intrigue.
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Seitenzahl: 338
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Bruno Personnat
Ciprian
Itinéraire d’un homme déterminé (1981-2020)
Roman
© Lys Bleu Éditions – Bruno Personnat
ISBN :979-10-377-6451-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le petit village de « Cagnol », situé au-dessus de Nice, abrite en son cœur une auberge typique appelée à juste titre « Plaisir de partager ». Le 16 juin 1981, le maire, Jacques Pastorelli, la belle cinquantaine et figure de la région était attablé en attendant son fils aîné, Ciprian, pour un déjeuner « en copain » comme ils aimaient le faire quand le père n’était pas retenu à Paris pour ses affaires.
Jacques était le fils d’un berger des Alpilles, ingénieur agronome, il avait gravi progressivement les marches de la réussite et s’était enrichi dans la fabrication et la commercialisation de nourritures pour les animaux, il était aujourd’hui actionnaire majoritaire et président de la multinationale « Gastranim » spécialisée dans le bien-être animal. Étant attaché à ses racines, il souhaitait s’engager plus avant dans la politique et briguait en cet entre-deux tours des élections législatives la fonction de député de sa région.
Afin de se consacrer à son nouveau projet, il se retirait progressivement de son empire et laissait son directeur général Georges Desmond aux commandes.
Il était marié depuis 24 ans à une amie d’enfance, Michèle, qui, après avoir connu un succès d’estime dans la chanson, se consacrait maintenant à sa fondation pour les animaux.
Ciprian était, à 23 ans, un étudiant passionné d’informatique qui profitait des moyens de sa famille. Son humour et sa joie de vivre faisaient de lui un camarade extrêmement apprécié.
Il arriva au volant de sa Renault 5 turbo rouge et s’installa avec son père.
Il portait un pantalon rouge vif et un polo aux couleurs du « Club France de ball-trap », activité qu’il pratiquait depuis son enfance et dont il était alors l’un des meilleurs Français.
Ciprian
Jacques
Les deux hommes s’embrassèrent en éclatant de rire.
Le ton monta rapidement :
Jacques
La serveuse, Valentine, qui n’était autre que la fille du restaurateur et amie d’enfance de Ciprian, assistait à cette joute verbale que les clients du restaurant écoutaient sans en perdre un mot.
Comprenant qu’ils se montraient en spectacle, les deux hommes baissèrent le ton et changèrent de sujet.
Jacques
Le ton monte de nouveau à la vue de tous.
Le fils se leva, quitta l’auberge, monta dans sa voiture et démarra en faisant crisser ses pneus.
Le père regarda son fils partir d’un air surpris et contrarié, il découvrait que sa progéniture était devenue un homme volontaire qui ne se laissait pas impressionner. Dans son for intérieur, il en fut même fier et heureux. Il ne put cependant pas croire à une rupture brutale, les liens entre les deux hommes étaient trop forts et il n’osait pas imaginer la réaction de sa femme lorsqu’il lui annoncerait qu’il est fâché avec leur fils en raison de son refus de le laisser poursuivre ses études à l’étranger. À la réflexion, il en venait même à penser qu’une expérience dans une autre société et dans un autre pays pouvait être bénéfique.
L’héritier était désappointé par son déjeuner, il tenait à son projet d’expatriation et ne comprenait pas l’attitude de son père qu’il ne pensait pas, à la réflexion, être manipulateur au point d’avoir inventé de tels mensonges, uniquement pour garder son fils auprès de lui. Ses parents avaient toujours été compréhensifs et avaient élevé leurs enfants dans la liberté de pensée. La position de Jacques, ce midi, n’était absolument pas cohérente avec son éducation. À la réflexion, il imaginait même que les menaces pouvaient être réelles.
Il passa l’après-midi dans un amphithéâtre à suivre une présentation magistrale de programmation système, mais perdu dans ses pensées et ses remords, il n’en retint rien. En fin de journée, il décida de retourner à l’auberge pour consulter sa confidente et amie Valentine.
Il aimait particulièrement cet endroit plein de nature et de témoignages historiques. Valentine et lui s’installèrent sous un avant toi arboré et celle-ci lui apprit qu’après son départ, son père s’était effondré en prenant sa tête dans les mains et semblait avoir très peur. Ciprian tenta de le joindre avec le téléphone du bar sans succès, il décida de lui laisser un message au travers de son secrétariat.
« Papa, nous ne pouvons pas en rester là, nous devons parler, si tu as un problème, nous pouvons en discuter et trouver ensemble une solution, je te propose d’en discuter au petit-déjeuner avec toi après-demain. »
Afin de lui changer les idées, Valentine lui proposa d’aller dîner avec des amis dans une paillote de plage très à la mode.
À leur arrivée, Natacha, une serveuse très originale et pleine de vie, les accueillit, Ciprian fut aussitôt subjugué par sa beauté sans formes à la fois sauvage et distinguée. Réciproquement, elle remarqua le charisme et la désinvolture travaillée du jeune homme qui faisait passer un dîner détendu à ses amis. Son humour et sa capacité à faire revivre des scènes de la vie courante firent de lui, un convive très apprécié. Ainsi, il se levait et se mettait à décrire le personnage typique de sa nounou qui était toujours l’employée de maison de ses parents. D’origine italienne, elle les considérait, lui et sa sœur Catarina, comme ses propres enfants. Tous les clients du restaurant étaient au cabaret lorsqu’il raconta entre autres, avec accent et mime en prime, sa réaction lors de son retour alcoolisé de sa soirée d’obtention du bac avec chute dans la piscine et autres effets de l’abus d’alcool. Natacha était sous le charme et cela semblait réciproque si l’on observait leurs échanges de regards. Valentine en était témoin, et d’un œil amusé, et satisfaite, elle s’imaginait spectatrice d’une comédie romantique américaine.
En ces années, où l’insouciance était de mise, sans pudibonderie et crainte du SIDA, la fin de la soirée continua naturellement par un bain de minuit auquel Natacha fut conviée, les deux tourtereaux apprenaient à se découvrir et la nuit se termina dans le petit studio de la serveuse. Ce fut une nuit magique ou leurs corps se mélangèrent avec une alchimie parfaite et un plaisir réciproque qu’ils n’avaient jamais connu avec leurs partenaires précédents. Aucune barrière de pudeur et de timidité ne résista, ils ne faisaient plus qu’une seule entité respirant le bonheur et l’oubli de tout.
Le lendemain, Natacha se fit porter pale, ils passèrent la journée à se renifler, s’imaginer, se surprendre, ils étaient en totale osmose intellectuelle et humoristique.
Ciprian lui fit découvrir la beauté de l’arrière-pays et des multiples virages des petites routes qu’il aimait tant parcourir au volant de son bolide. Dans les hauteurs de Nice, sur un rocher avec un panorama exceptionnel, il s’ouvrit sur sa dernière conversation paternelle et ils échafaudèrent les prémices d’un avenir commun en France ou ailleurs.
Ciprian
En soirée, ils empruntèrent le bateau familial, un splendide Riva qui filait à toute allure sur la mer bleutée, ils s’arrêtèrent dans une petite crique isolée, se baignèrent dans la tenue d’Eve et firent l’amour sur les coussins du bateau.
Après une nuit blanche, entrecroisée de câlins et de discussions, Ciprian se leva de bonne heure pour rejoindre ses parents au petit-déjeuner.
Ils se donnèrent rendez-vous pour déjeuner sur la promenade des Anglais et Natacha le regarda partir avec un regard traduisant son amour naissant.
Jacques termina son après-midi avec son équipe de campagne et prépara son meeting du soir au cours duquel il devait présenter son programme.
Il savait que ses paroles étaient très attendues, notamment en ce qui concernait sa position et ses promesses d’intervenir sur le mal qui rongeait la région gangrénée par la grande délinquance. Malgré son aisance financière et sa réussite sociale, il n’avait pas oublié ses origines modestes et militait dans un parti social-libéral ayant signé l’union de la gauche. Sa position était complexe, tout en revendiquant une économie plutôt sociale, il souhaitait garder des entreprises indépendantes et demandait un renforcement des moyens juridiques et sécuritaires.
Au fur et à mesure de l’écriture de son discours, le spectre des menaces dont il était le destinataire avançait dans ses réflexions à tel point qu’il changea certains passages de multiples fois.
Il repassa chez lui pour se changer, il habitait un domaine privé abritant un mas provençal typique et une dépendance dans laquelle il rangeait sa collection de véhicules qu’il chérissait. Après avoir revêtu un costume sobre, il monta dans sa voiture et fila vers son meeting.
Il fut accueilli par une foule de partisans innombrables et commença son discours sous de nombreux applaudissements, lorsqu’il monta sur scène, il n’avait toujours pas décidé quelle version de son discours il allait faire. Celle, modérée, dans laquelle il expliquait qu’il allait appliquer la politique du président Mitterrand fraîchement élu ou celle où il expliquait que l’état de sa région nécessitait une politique sécuritaire extrêmement répressive.
Sous l’allégresse de ses spectateurs, il oublia les menaces, et choisi ses convictions ; il menaça la pègre, et se positionna pour une police criminelle et financière compétente, mieux équipée, et plus nombreuse.
L’allégresse de la foule le renforça dans la légitimité de ses positions et de ses convictions.
Le lendemain, les journaux nationaux publiaient ses positions en détail, le petit journal local évoquait son altercation publique avec son fils, il décida de ne pas répondre sur cette dernière et passa sa journée en interview et à organiser sa probable vie de député de sa région, il s’imagina même entrer au gouvernement dans un futur proche.
Le lendemain, au petit matin, il était impatient de prendre son petit-déjeuner en famille avec sa femme et son fils, il fit le tour de sa propriété et observa sa collection automobile, il se remémora les moments passés avec son fils à choisir les modèles et à leur donner à chacune d’elles un prénom d’actrice avec lesquels elles avaient des similitudes esthétiques.
La Jaguar type E découvrable était ainsi surnommée Jane pour ces lignes plates.
La Ferrari 250 GTO était Gina en raison de ses formes arrondies.
La Mercedes 300 SL était Catherine, etc.
Ce petit jeu était secret entre les deux hommes, ils ne s’en vantaient pas devant leur mère et épouse qui, féministe, n’appréciait pas l’assimilation entre la beauté d’une femme et un « tas de ferraille ».
Ciprian se dirigea vers la demeure familiale, il repensait à Natacha et enchaînait les virages de montagne à une vitesse inavouable à notre époque.
À la sortie d’une épingle, il faillit percuter une BMW Alpina bordeaux qui descendait à vive allure.
Il arriva dans la propriété et aperçut ses parents attablés sur la terrasse proche de la piscine en train de prendre le petit-déjeuner.
Les deux chiens de berger couchés autour de la table étaient proches de leurs maîtres.
Plus il avançait, plus il s’étonnait du manque de réactions de sa famille. Les chiens, qu’il avait connus enfant, ne venaient pas lui faire fête. Aucune conversation n’était audible. Le silence en était même pesant.
À un mètre du salon de jardin, il découvrit l’horreur, ils avaient été abattus d’un coup de fusil. Le cadavre de l’héroïne principale de son sketch gisait au travers de la porte, elle avait le combiné du téléphone dans la main et avait marqué sur le sol de son doigt les deux lettres CI avec son sang.
Après un moment de stupéfaction, de pleurs et de cris, Ciprian reprit ses esprits en entendant le gyrophare de la police, il se souvint de sa dernière conversation avec son père et pensa que la peur de son père n’était pas veine, affolé, il décida d’aller voir le message dans la bergerie.
Il courut jusqu’à sa voiture et sorti de la propriété, a l’épingle à cheveux, il faillit percuter l’estafette de la gendarmerie comme l’avait fait précédemment la BMW.
Arrivé à la bergerie, il enleva la pierre devant la cache et découvrit le message suivant :
« Mon fils, si tu lis ce message, cela veut dire qu’ils ont gagné, et que je ne suis plus de ce monde, toute la famille est en danger, je te confie ta mère et ta sœur, éloigne-les et protège-les, restez dans l’ombre le temps qu’il faudra. J’ai déposé à la consigne de la gare de Nice une somme d’argent et des papiers pour vous trois, le numéro de la consigne est l’année de Sophia, celle de Romy, le code. Je compte sur toi, adieu, je vous aime. »
Ciprian prit alors conscience de l’amour et de la confiance de son père, il voyait en lui, effectivement, son successeur.
Il remonta dans sa voiture et repartit à la gare, il chercha les consignes, repéra le numéro 66 qui correspondant à l’année Lamborghini Miura surnommée Sophia, positionna les numéros du cadenas avec la séquence 1971 correspond au millésime de la Citroën SM surnommé Romy.
Il découvrit alors trois passeports au nom de Victor, Ghislaine et Marjorie Dumont, ils étaient accompagnés de 500 000 F en grosses coupures de 500 F et d’un numéro de compte en Suisse, il était précisé que le mot de passe était la marque de Silvia.
Il se précipita chez Natacha qui était absente, puis à la paillote qui était fermée, lui laissa un message lui indiquant qu’il devait partir, qu’il l’aimait, qu’elle devait lui faire confiance et qu’elle ne devait parler à personne de leur amour.
Il se dirigea chez Valentine, l’aperçue en pleine conversation avec les gendarmes, avec son regard et un signe de tête, elle lui fit signe de partir et instantanément, il décida de s’enfuir.
Il parcourut la distance qui le séparait de l’aéroport en pilote automatique, il se remémorait les bons et les mauvais souvenirs de son enfance, la mort de ses grands-parents, la fierté de son père lorsqu’il avait gagné son premier concours de ball-trap, sa mère sur scène, chantant son tube « Mon guide » qui était un hymne à sa propre mère, il laissa sa voiture à l’aéroport et prit le premier vol pour Genève sous sa fausse identité afin de retrouver sa sœur Catarina.
Arrivé tard dans la nuit, il prit une chambre au Hilton et passa une nuit très agitée. Toute sa vie repassait en boucle devant ses yeux.
La naissance de sa petite sœur,
Les câlins de sa mère,
Les balades en voiture avec son père,
Les sorties en bateaux de la famille,
Les reproches de son père sur ses carnets de notes,
Le regard de ses chiens sous ses caresses,
Les blagues qu’il aimait faire à sa nounou pour faire rire sa sœur.
Le lendemain, les journaux télévisés annonçaient le meurtre de ses parents et le présentaient comme le principal suspect.
Il appela l’école de sa sœur qui l’informa qu’elle était partie d’urgence en France.
Dépité, il prit le premier avion pour les États-Unis, ce fut New York puis sans savoir où aller, il fit du stop en s’arrêta à Nashville où il loua un modeste appartement.
Il avait choisi cette ville pour son côté provincial et calme, il se souvenait être venu dans cette ville enfant avec sa mère pour enregistrer un disque de reprises américaines et trouvait que la capitale de la country offrait la modernité avec son centre d’affaires et l’authenticité avec son centre-ville et ses quartiers résidentiels typiques.
Les jours suivants, il acheta les journaux français pour se tenir au courant des avancées de l’enquête.
Son absence avait aussitôt orienté les forces de l’ordre vers lui :
Pour les forces de l’ordre, l’affaire était donc bouclée, il avait abattu ses parents pour réaliser ses projets.
Une interview de sa sœur le perturba énormément. Elle précisait ne pas comprendre le geste de son frère aimé, mais qu’aux vues des preuves, elle ne pouvait que se soumettre à la réalité des faits, elle précisa qu’elle ne lui pardonnerait jamais et qu’elle souhaitait poursuivre l’œuvre de leurs parents.
Il avait le regret de ne pouvoir se défendre, mais se rassura par la satisfaction d’avoir suivi les instructions paternelles.
Ciprian était seul sans réelle identité dans un pays et une ville qu’il ne connaissait pas. Il resta trois mois dans un profond mutisme à faire le deuil de ses parents, de son amour naissant et de son avenir rêvé.
Le soir, il découvrait la ville et aimait boire une bière dans les bars ou des groupes de country se produisaient.
Sa mère, l’avait toujours initié à son art, la musique avait par conséquent toujours fait partie de sa vie, très jeune, il avait appris le solfège, à jouer du piano et de la guitare. Le spectacle de ces mini concerts lui permettait de s’évader et d’oublier.
Un sentiment de solitude ne le quittait pas :
Dans les premiers temps, il imagina et usa de stratagèmes pour communiquer avec son passé afin de prouver son innocence sans se faire repérer.
Conscient que les meurtriers de ses parents étaient puissants et dangereux, il craignait que ceux-ci ne le recherchent afin de l’éliminer pour effacer toutes traces. Étant le seul à connaître son innocence, il ne prit pas de risques, aucune de ses tentatives n’aboutir.
Il était le seul à pouvoir prendre en main sa destinée, après ces trois mois de deuil, il décida de reprendre sa vie en main en commençant par perfectionner son américain jusqu’à souhaiter gommer intégralement son accent et ses origines. Pour cela, il s’adressa à une professeure française originaire de Tours qui avait rencontré un soldat noir américain à la fin de la guerre et s’était expatriée par amour. Ceux-ci avaient eu un fils, Harvey qui terminait ses études de droit. Les deux jeunes gens sympathisèrent et devinrent les meilleurs amis.
Un homme rencontré dans un bar lui procura des nouveaux papiers au nom de Charles Pierce, il se fit surnommer Charly et sous cette nouvelle identité, il put commencer à vivre normalement.
Il modifia son apparence :
Il ne fit qu’une exception en gardant la chevalière que ses parents lui avaient offerte pour sa communion.
Le modeste logement fut changé pour une petite maison isolée au bord d’un lac proche du Elm Hill Park, il tomba immédiatement amoureux du lieu calme et paisible. Le nom de cette maison était « renaissance », un signe du destin pour ce mot qui s’écrit de la même façon dans les deux langues.
Il acheta un vieux pick-up Chevrolet qu’il nomma Brigitte en raison de ses formes gourmandes.
Au bout d’un an, il était devenu méconnaissable et possédait alors tous les marqueurs des jeunes Américains du Tennessee, il avait réussi à gommer parfaitement son passé, lorsqu’il rencontrait des Français, il parlait américain et faisait mine de ne pas connaître le vieux continent.
Afin de suivre avec minutie les informations françaises et en particulier des entreprises de son père, en ces temps sans Internet où il n’était pas aisé de le faire sans se faire repérer, il s’était donc abonné à tous les journaux et magazines français sous de multiples noms qu’il avait domiciliés dans différents boîtes postales et immeubles sordides.
Deux ans après, le procès eu lieu, son père étant une personnalité, celui-ci fut relaté par les journaux télévisés, il parvint à se faire envoyer une copie de ceux-ci en se faisant passer pour un journaliste américain qui s’intéressait à la carrière de son père.
En visionnant ces cassettes, il aperçut le visage défait de Catarina au bras de Georges, le directeur du groupe Gastranim. Valentine était interviewée et exprimait son profond désarroi.
Le verdict fut expéditif, il fut condamné à la réclusion à perpétuité sous contumace avec prolongation de la prescription à 30 ans en raison du caractère violent et odieux du crime.
Pour occuper son temps, il entreprit de reconstituer la collection de voitures de son père en miniature, il acheta des modèles du marché au 1/43e, les démonta et les refit à l’identique de celles de son enfance. Une fois terminées, celles-ci furent installées dans une reconstitution à l’échelle du garage de la propriété familiale.
Au début de la troisième année de son exil, son pécule commençant à diminuer, il trouva du travail dans un studio de musique comme technicien chargé de l’installation et de la maintenance du matériel. Cette fonction lui correspondait totalement, il pouvait allier sa culture musicale à ses connaissances électroniques et informatiques dans un milieu festif.
Progressivement, il se fit des relations et sympathisa en particulier avec un ingénieur du son, Steve Bird qui lui apprit toutes les clés de son métier. Le studio était fréquenté par une multitude de jeunes artistes féminines avec qui il avait beaucoup de succès grâce à sa compétence, son humour et à sa prestance.
Charly eut même une aventure avec une star de la country, mais celle-ci prit fin rapidement lorsqu’il s’aperçut que les paparazzis les poursuivaient pour obtenir une photo de son nouvel amant.
Il vivait ainsi une vie simple sans contraintes, mais n’oubliait pas son passé et repensait très régulièrement à Natacha, qui même s’il ne l’avait connue que deux jours était, pensait-il la femme de sa vie.
Pour le cinquième anniversaire de la mort de son père, Paris Match publia une interview de sa sœur. Le journal la présentait comme la plus jeune femme présidente d’une multinationale et la montrait dans le bureau de son père avec son nouvel époux, Georges Desmond, de 15 ans son aîné et directeur général du groupe.
Cet article le replongea dans son passé, il constata, non sans fierté, que son héritage virtuel était bien géré et avait doublé en très peu d’années. Sa sœur se consacrait totalement aux entreprises, et semblait heureuse. Elle parlait de son enfance avec nostalgie et du drame de la mort de ses parents avec beaucoup d’émotion et d’incompréhension. Même si les preuves contre son frère étaient nombreuses, elle n’arrivait pas à comprendre, elle lui en voulait énormément, mais il restait dans son cœur.
Charly fut très troublé et décida qu’il était temps de sortir de sa vie sans relief et de construire quelque chose.
Il ne voulut cependant pas laisser sa sœur sur ses questionnements et décida de lui écrire en usant d’un subterfuge pour lui faire parvenir sa missive.
Grâce à la nouvelle technologie de l’Internet, il chercha le domicile de Catarina et découvrit que celle-ci habitait dans l’appartement parisien de leurs parents près de l’Arc de Triomphe. Elle était toujours propriétaire de la propriété de Cagnol, mais ne l’habitait pas, lorsqu’elle était dans le sud, elle préférait la maison de ses grands-parents qu’elle avait rénovée.
Il devait aller la semaine suivante à Dallas pour une formation sur un nouveau matériel, il posa des jours de congé dans la continuité, loua une voiture sous un faux nom et traversa la frontière pour se rendre à Mexico. Grimé, il, trouva des touristes français en partance, leur proposa 1000 dollars pour poster à Paris un exemplaire de sa lettre aux deux adresses de sa sœur.
La semaine suivante, celle-ci, de passage dans le sud, reçut la lettre. Elle fut tout d’abord envahie par des sentiments contradictoires : la peur, le contentement et enfin l’espoir.
La belle brune lut la lettre en retenant ses larmes.
« Ma sœur chérie,
Comme j’aimerais être avec toi et te serrer entre mes bras, mais le destin en a décidé autrement.
J’ai lu l’article de Paris-Match et tu m’as beaucoup impressionné par ta réussite et la poursuite de l’œuvre de nos parents, je te félicite, tu es devenue une femme magnifique avec de la personnalité et de la respectabilité. Je suis très fier de toi.
Je comprends parfaitement ta rancœur et je penserais certainement la même chose si la situation était inversée.
Sache seulement que j’étais au mauvais endroit au mauvais moment et qu’une accumulation de faits m’a désigné comme coupable alors que je ne le suis pas, je ne suis pas un parricide et j’aime notre famille de toutes mes forces.
Durant le repas, la dispute avec papa concernait mes souhaits d’avenir qu’il ne partageait pas, il m’a annoncé être menacé et en danger, pour cela, il avait caché un message que je devais récupérer s’il lui arrivait une mort violente. J’ai pris cela à tort pour une intimidation de sa part. Je te communique avec cette lettre une copie de ce message que j’ai récupéré trente minutes après la découverte de leurs cadavres.
Comment aurais-je pu tuer notre père si attentionné, notre mère si aimante, notre nounou que nous considérions comme une seconde maman ? Nos deux chiens “Canigou” et “Royal” dont notre papa aimait tant interpeller avec le nom de ses concurrents.
Je suis arrivé 3 minutes après leur exécution, j’ai certainement croisé leurs assassins dans le même virage où j’ai vu l’estafette de la gendarmerie dans ma fuite.
Le fusil est certainement celui qui m’a été volé dans la voiture la semaine précédente.
En revanche, je ne comprends pas pourquoi les chiens ne sont pas intervenus et la raison pour laquelle notre pauvre Sylvia a écrit les deux premières lettres de mon prénom.
Lorsque Valentine m’a fait signe de ne pas venir, j’ai aussitôt compris que je devais partir, j’ai tenté de te retrouver à Genève, mais tu étais déjà auprès de nos morts.
Rassure-toi, notre père avait fait le nécessaire financièrement pour assurer notre avenir en cas de fuite, je reconstruis péniblement mon existence, mais ne peux vous oublier.
Je suis convaincu que la politique et les prises de position de notre père sont à l’origine du drame.
Ses ennemis sont toujours à l’affût, méfie-toi et ne fais jamais de politique. Ne les réveille pas, ils sont puissants et dangereux.
Pour ma part, je me reconstruis, nous ne nous reverrons probablement pas avant la prescription de mes crimes supposés.
Je t’aime et je t’embrasse très fort, si tu la fréquentes toujours, passe mon amitié et mes remerciements à Valentine.
Ton grand frère, Ciprian, qui t’aime »
Catarina posa la lettre, consulta le message de son père, reconnut son écriture et éclata en sanglots.
Elle relut la lettre plusieurs fois à l’affût d’une réponse, d’un indice, d’une preuve et s’arrêta sur le passage où son frère lui parlait du signe de Valentine qui le fit partir.
Son amie ne lui avait jamais parlé de la présence de son frère à l’auberge après le drame, elle sauta dans sa Jeep décapotée et fila cheveux aux vents vers l’auberge. Elle arriva en plein service, alpagua Valentine entre deux plats et lui demanda pourquoi elle ne lui avait jamais parlé de cette partie de l’histoire.
Valentine fut désorientée et botta en touche en lui disant que ce n’était ni le moment ni le lieu pour en parler, et lui promis de venir chez elle après son service pour en discuter.
Catarina repartit sans réponse et passa la soirée à relire le dossier qu’elle avait constitué sur le meurtre de ses parents.
Après son service, Valentine monta dans sa Citroën Méhari et se dirigea vers le domicile de son amie, en passant devant la propriété, la nostalgie de leurs moments autour de la piscine l’envahit. Elle repensa à son ami, au drame, s’interrogea sur le bien-fondé de son geste.
À son arrivée chez Catarina, celle-ci était très énervée, étant encore sur la découverte du silence de Valentine sur la fuite de Ciprian.
Catarina
Et alors, que s’est-il passé.
Valentine découvrit la lettre, ce qui eut pour effet de déclencher une accolade pleine de larmes entre les deux femmes.
Elles détaillèrent ensemble la missive, et étaient très heureuses d’avoir des nouvelles de Ciprian et rassurées de le savoir en vie et à l’abri du besoin. Catarina avoua qu’au fond de son cœur elle ne croyait pas en la culpabilité de son frère. Elles décidèrent qu’il était inutile de se battre et que cette lettre serait leur secret.
Elles avaient le regret de ne pas pouvoir lui répondre ou lui faire un signe.
Le stage de Dallas concernait les nouvelles technologies informatiques autour de la numérisation de la musique. Celui-ci passionna Charly qui, de retour à Nashville, décida d’explorer ce domaine, il consacra le reste de son pécule à s’équiper des micro-ordinateurs les plus puissants de l’époque et de synthétiseurs programmables.
Sa grange fut transformée en véritable laboratoire informatique et musical. Son idée était de créer une couche logicielle complémentaire aux systèmes d’exploitation du moment se chargeant de gérer les échanges musicaux. Ainsi, il permettrait aux musiciens de se désasservir des marques d’instruments de musique.
Durant trois ans, il passa tout son temps libre dans son laboratoire, il abandonna ses multiples conquêtes, se sépara de sa Dodge Charger pour reprendre son pick-up et continuer à investir.
Il réussit à développer un système novateur capable de rivaliser et de s’interfacer avec les plus grands constructeurs d’instruments de musique numériques du marché.
Son projet était resté secret, personne ne connaissait ses activités durant son temps de loisir, il était maintenant temps de présenter son invention.
Dans le studio où il travaillait, la star de la country Georges Strait enregistrait son nouvel album Livin’it Up. Un morceau nécessitait une instrumentation complexe faisant appel aux instruments les plus modernes.
Lors de l’enregistrement, la console du studio tomba en panne et le chanteur en fut fort mécontent. Le producteur lui assura une réparation dans la nuit et Charly fut chargé de l’opération.
Le lendemain matin lors d’une nouvelle séance, le chanteur et le producteur furent enchantés, les instruments avaient une profondeur et une musicalité exceptionnelles, le copain de Charly, Steeve, devenu directeur du studio ne comprit pas, il n’avait jamais obtenu de tels résultats avec son installation pourtant à la pointe de la technologie.
Une fois seul, il interrogea Charly qui lui avoua avoir interfacé son propre système avec la console du studio. Le responsable était stupéfait et enthousiasmé, en toute confiance, Charly l’emmena dans sa grange et lui présenta ses travaux.
Le lendemain, à son arrivée au studio, il fut convoqué par le propriétaire, Guillaume Nomis qui avait été informé par Steve des travaux de Charly.
Charly était stupéfait par la trahison de son ami.