Complot royal - Gilbert Edward - E-Book

Complot royal E-Book

Gilbert Edward

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Beschreibung

Une jeune fille, désespérée de se retrouver seule et abandonnée de tous, se prépare à se jeter d’une falaise abrupte dans le Jura. Des randonneurs de passage parviennent à la sauver de justesse. Quatre de ses jeunes sauveteurs, avec qui Justine se liera d’amitié, sont des étudiants en généalogie. Ils enquêteront sur ses origines pour tenter de retrouver sa famille. Leurs recherches remonteront jusqu’à 600 ans en arrière, ils découvriront alors un complot sur la naissance d’un roi de France. Suivons-les dans cette aventure troublante.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Entre la randonnée, le VTT et la course à pied, Gilbert Edward trouve l’inspiration nécessaire pour nous offrir des intrigues saisissantes. "Complot royal" est son premier roman publié.

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Gilbert Edward

Complot royal

Roman

© Lys Bleu Éditions – Gilbert Edward

ISBN : 979-10-422-1058-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma petite-fille Carla, passionnée d’herboristerie

La noblesse d’un être ne se résume pas au port d’une couronne sur la tête.

Gilbert Edward

Les historiens puristes me pardonneront les quelques dérives faites à l’Histoire pour la cohérence de ce roman.

Gilbert Edward

Prologue

Château d’Amboise, an 1560

— Non, ce n’est pas possible, vous rendez-vous compte de vos paroles ?

Catherine de Médicis, toujours maîtresse d’elle-même, se lève brusquement de son fauteuil et se prend sa tête entre les mains, en criant : « Non, non, non, je ne peux pas croire cela ! »

Dans son petit salon personnel, orné des nombreuses peintures de ses aïeux, elle se tient en face de son cousin et ami, Ranuccio Farnèse, cardinal de Naples, et d’un vieux moine, le père Grégorio.

Elle va de long en large au travers du salon en gémissant et en maudissant son destin, puis se laisse lourdement retomber dans son fauteuil, face à ses deux interlocuteurs.

— Êtes-vous conscient que j’ai déposé sur le trône de France un bâtard dont j’ignore toutes les origines ? Et pourtant, cet enfant, je l’ai élevé et aimé comme le plus précieux de mes enfants.

— Je comprends votre stupéfaction et votre réaction, ma chère cousine, mais souvenez-vous que vous êtes à l’origine de ce que j’appellerais un complot. Je remercie le père Grégorio qui, malgré son âge avancé, a bien voulu venir témoigner en personne des confidences reçues par l’un de ses frères sur son lit de mort, le père abbé de Clairvaux, dans l’abbaye de Tamié.

— Excusez ma colère subite, ce n’est pas dans ma nature de ne pas me contrôler. Je vous remercie, père Grégorio, de votre franchise malgré la mauvaise nouvelle que vous m’avez transmise.

— J’en suis profondément peiné, Majesté, mais j’avais fait le serment à l’abbé de Clairvaux de vous rapporter ses dernières paroles. C’est pourquoi j’ai avant tout contacté votre cousin, le cardinal de Naples.

— C’était une sage décision, mais je ne peux vous laisser repartir ainsi, je vous dois toute la vérité dans cette affaire. Vous pourrez la retranscrire dans les grimoires de votre abbaye, à la condition que, de mon vivant, vous ne révéliez cette tragique histoire à personne.

Généalogie

Laurent II de Médicis (1492-1515) – épouse Madeleine de la tour d’Auvergne en 1518.

Enfants :

ØAlexandre de Médicis (1510-1537) : enfant illégitime avec Simonetta da Collevecchio.

En 1536, il épouse Marguerite de Parme (fille de Charles Quint), née en 1522.

ØCatherine de Médicis (1519-1589).

Marguerite de Parme – remariée en 1538 à Octave Farnèse, duc de Parme et de Plaisance.

Enfants :

ØCarlo (1544 – mort en 1544). ØAlexandre Farnèse (1545-1592).

Catherine de Médicis (nièce du pape Clément VII – Jules de Médicis)

Mariage en 1533 avec Henri II, duc d’Orléans (fils de François Ier et de Claude de France), roi de France de 1547 à 1559.

Enfants (Famille de Valois) :

ØFrançois II (19 janvier 1544 – 5 décembre 1560). Il épouse en 1558 Marie Stuart, reine d’Écosse.

Roi de France : du 10 juillet 1559 à sa mort.

ØÉlisabeth de France (2 avril 1545 – 3 octobre 1568).

ØClaude de France (12 novembre 1547 – 21 novembre 1547).

ØLouis de France (3 février 1549 – 24 octobre 1550).

ØJeanne de France (mort-née le 24 juin 1556), jumelle de Victoire.

ØVictoire de France (24 juin 1556 – 17 août 1556).

ØCharles IX (27 juin 1550 – 30 mai 1574).

Roi de France : 1560-1574.

ØHenri III (19 septembre 1551 – 2 août 1583). Roi de France : 1574-1589.

ØMarguerite de France (14 mai 1553 – 27 mars 1615). Dite « la Reine Margot ».

ØFrançois de France (18 mars 1555 – 10 juin 1584).

Aucun des enfants n’aura de descendance. La branche de Valois s’éteint au profit des Bourbons.

Jules de Médicis (1478-1534). Cardinal. Oncle de Catherine de Médicis. Pape Clément VII de 1523 à 1534.

Successeur : Alessandro Farnèse (1468-1549). Pape Paul III de 1534 à 1549.

Ranuccio Farnèse (1530-1565). Cardinal de Naples. Frère d’Octave Farnèse, le second époux de Marguerite de Parme. Cousin de Catherine de Médicis.

Première partie

Chapitre 1

Catherine de Médicis

Catherine de Médicis est née le 13 avril 1519 à Florence. C’est la fille du couple formé par Laurent II de Médicis, duc d’Urbino, et la Française Madeleine de La tour d’Auvergne. Orpheline très jeune, elle a été élevée sous la garde de son oncle, Jules de Médicis, qui deviendra le pape Clément VII. Son enfance est celle d’une riche héritière florentine qui cultive les arts : peinture, sculpture, musique et théâtre.

François Ier, qui souhaite étendre ses pouvoirs en créant des alliances, demande sa main au pape Clément VII pour son fils Henri, duc d’Orléans, qui deviendra roi de France sous le nom de Henri II. Le mariage est célébré le 28 octobre 1533. Bien que n’ayant rencontré son futur époux que brièvement deux fois avant le mariage, Catherine s’est très vite attachée à lui, malgré l’ombre omniprésente de la maîtresse de ce dernier : Diane de Poitiers.

Son demi-frère Alexandre, fils illégitime de son père, le duc d’Urbino, et de Simonetta da Collevecchio, est né en 1510. Il sera marié à Marguerite de Parme, fille de Charles Quint, en 1536. Ce mariage avait pour but de renforcer les alliances avec l’Empire germanique. Alexandre, surnommé Alexandre le Maure, est un personnage rustre et peu aimé ; son épouse Marguerite partagera très peu sa vie. Il est assassiné par son cousin Lorenzino de Médicis en 1537. Le nouveau pape Paul III veut remarier, contre son avis, sa belle-sœur Marguerite à Octave Farnèse, duc de Parme et de Plaisance, en 1538. Pour manifester son désaccord, elle se présentera à Rome vêtue tout en noir.

Son union avec le roi Henri II est stérile depuis presque dix ans, malgré toutes les tentatives et l’avis des différents médecins consultés.

En 1543, elle reçoit une lettre de sa belle-sœur Marguerite ; c’est un message plein de désespoir. Alors qu’elle doit, par la volonté du pape, épouser prochainement Octave Farnèse, elle vient de découvrir qu’elle est enceinte d’un de ses amants et ne sait comment gérer cette situation.

À la suite de cette nouvelle, Catherine de Médicis a invité son cousin, Ranuccio Farnèse, cardinal de Naples, à venir la rencontrer dans sa résidence royale de Fontainebleau.

— Mon cher cousin, tu n’ignores pas que malgré nos nombreuses tentatives, Henri et moi n’arrivons pas à enfanter. Henri veut absolument un héritier, et certains de ses conseillers lui suggèrent de rompre notre mariage et de prendre une autre épouse ; j’avoue cousin, que cette possibilité m’effraie beaucoup, raison pour laquelle je t’ai convié pour te demander ton aide dans la réalisation de mon plan.

Il faudra que tu rendes discrètement visite à Marguerite et que tu lui expliques mon plan, puis que tu en organises tout le déroulement dans le plus grand secret.

— Explique-moi ton projet, cousine. Je te donnerai ensuite mon avis et te dirai si tu peux avoir mon aide, mais je ne pourrai pas t’aider si je dois nuire à d’autres personnes proches.

— Bien sûr, cousin, mais avant que je t’en dise plus, sers-toi encore un verre de ce délicieux vin de muscat. Voici mon plan.

Il faut que tu rencontres Marguerite en toute discrétion et que tu lui dises de se faire conseiller par ses médecins une période de repos et de changement d’air. Avec quelques-unes de ses fidèles servantes, elle se rendra au château de ma grand-mère, Jeanne de Bourbon, à la Tour d’Auvergne. Elle sera soignée dans le plus grand secret jusqu’à la naissance de son enfant qui, j’espère, sera un garçon.

De mon côté, je vais également expliquer au roi que j’ai besoin de repos pendant quelque temps et que cela pourra peut-être nous aider à procréer à mon retour, car en ce moment je me sens fatiguée et nauséeuse.

— Jusque-là, ton plan me semble bien réfléchi, je reconnais ton bon sens de l’organisation. Pour ton repos, je vais t’organiser un séjour à l’abbaye d’Hautecombe, au bord du lac du Bourget. C’est une abbaye bénédictine féminine. Mon oncle, Alessandro Farnèse, avait été nommé abbé responsable de cette abbaye entre 1535 et 1538. Il n’a jamais occupé le siège abbatial et ne s’est jamais rendu à Hautecombe, car il se préparait en vue de sa nomination papale. Si je me rends sur place, mon titre de neveu du pape Paul III m’ouvrira toutes les portes, et ton séjour s’accomplira dans le plus grand secret.

— Parfait, cousin, je n’ai jamais douté de ta collaboration et je te remercie de ton aide.

Pour ce qui concerne ma belle-sœur Marguerite, je pense que son séjour au château de la tour d’Auvergne doit se terminer peu avant la date d’accouchement prévue. Ensuite, accompagnée par une nurse qui se chargera de l’enfant dès sa naissance, elle se dirigera vers Moutiers puis se rendra à l’abbaye de Tamié. Je connais la famille de Pierre de Beaufort, curé d’Argonay qui a reçu la charge de l’abbaye de Tamié en 1537.

Elle accouchera dans l’aile réservée aux femmes. L’enfant sera allaité par la nourrice et me sera amené avec le plus grand soin à Hautecombe.

Ma belle-sœur Marguerite, lorsqu’elle sera reposée, retournera à Plaisance par la route de Turin.

— Ton plan a le mérite de bien prendre en compte tous les détails et ne devrait donc pas rencontrer de difficultés dans sa réalisation.

Mettons tout cela par écrit et, dès demain, je reprends la route pour l’Italie, car il faut que je rencontre Marguerite de Parme au plus vite.

— Ce soir, cousin, tu es mon invité. Henri ne comprendrait pas que tu repartes sans partager notre dîner.

— Avec grand plaisir, cousine. Pour cette nuit, si tu peux me sélectionner deux charmantes jeunes personnes pour me tenir compagnie, j’en serais ravi.

— Bien sûr, mon cardinal ! Je connais ton côté dépravé depuis que tu as fréquenté le séminaire.

À la table royale, la conversation tourne principalement autour de la politique menée par le pape Paul III, toujours à la recherche d’alliances pour étendre son pouvoir sur l’ensemble de l’Europe.

Prétextant son voyage du lendemain, Ranuccio demande l’autorisation de se retirer pour aller se reposer, mais il a hâte de découvrir avec quelles jolies nymphettes il va passer la nuit.

Après un long couloir et un large escalier où sont suspendues de nombreuses toiles de peintres célèbres ainsi que de magnifiques tapisseries représentant des scènes de chasses royales, il atteint la chambre mise à sa disposition. Il entre et, à la lueur des chandelles, il aperçoit deux jeunes femmes justes vêtues d’une légère chemise en voile permettant de mettre en valeur les contours de leur silhouette. Le cardinal retire son manteau et s’installe dans un grand fauteuil.

Les deux filles se lèvent, laissent choir leur chemisette et s’approchent de l’ecclésiastique. Lentement, elles déboutonnent sa chemise, puis lui retirent un à un tous ses vêtements tout en le caressant langoureusement. Elles l’attirent sur le grand lit et continuent leur massage de plus en plus intime.

Le lendemain matin, à son réveil, les deux jeunes femmes ont disparu. Il ne se rappelle pas tout ce qui s’est passé, mais se trouve dans une forme très détendue et prêt à affronter le long voyage qui l’attend. Son déplacement en calèche durera une dizaine de jours, un messager envoyé devant lui préviendra Marguerite de Parme de sa venue et de la nécessité d’une rencontre discrète. Plutôt que se rendre dans la demeure ducale, il organise leur entrevue au palais de l’Évêché. Marguerite agira comme si elle se rendait à une messe ou à une confession, mais quelqu’un la conduira dans une petite pièce où l’attendra son futur beau-frère, le cardinal Farnèse.

— Tu es rayonnante, Marguerite. Je suis ravi de te voir en si bonne forme. Je viens de Paris où je me suis longuement entretenu avec la reine Catherine.

— Comment se porte ma chère belle-sœur ? Depuis la préparation de mon mariage forcé avec ton frère Octave, je ne l’ai plus rencontrée. Lorsque j’étais l’épouse de son frère Alexandre, nous étions beaucoup plus proches.

— Elle se porte bien, mais son malheur est qu’elle n’arrive pas à enfanter et qu’elle craint, après dix années de mariage, d’être répudiée par le roi. À réception de ta missive, elle m’a immédiatement contacté pour que je la rejoigne à Paris. Lorsqu’elle m’a mis au courant de ta situation, j’ai compris la gravité de la situation, pour toi et pour mon frère.

— Tu sais que je n’aime pas ton frère et que je dois l’épouser sous la pression de ton oncle, le pape Paul III. Je suis encore jeune et j’ai besoin d’avoir des relations amoureuses. Malheureusement, me voilà enceinte, et très bientôt je ne pourrai plus le cacher.

— Justement, c’est la raison de ma visite discrète. Je vais t’expliquer le plan que nous avons prévu pour te sauver de cette situation.

Tu vas prétexter une grande fatigue et demander à l’un de tes médecins, en qui tu as pleine confiance, de t’ordonner repos et changement d’air. Tu partiras séjourner quelques mois au château de la Tour d’Auvergne, où séjournait Jeanne de Bourbon, la grand-mère de ton mari Alexandre et de ta belle-sœur Catherine jusqu’à son décès en 1511.

Tu seras accueillie dans le plus grand secret et tu pourras te reposer pour que ta grossesse se déroule au mieux. Environ un mois avant l’accouchement, tu te retireras à l’abbaye de Tamié, en Savoie. Tu seras prise en charge et bien entourée pour que ce voyage se passe sans encombre.

Dès que tu auras mis au monde le bébé, tu ne le verras pas afin d’éviter que tes sentiments maternels prennent le dessus et que tu t’attaches à cet enfant. Il sera emmené à ta belle-sœur et deviendra son premier enfant royal.

— Formidable ! Vous êtes mes sauveurs et vous permettez à mon petit bâtard d’avoir une vie privilégiée. Je n’ai pas la moindre hésitation : je participe à votre plan selon toutes les indications que vous allez me consigner.

— Contacte tes médecins au plus vite puis informe ton futur mari de ton départ pour le Massif central où l’air et l’eau sont favorables à de bonnes remises en forme. Dans une huitaine de jours, nous serons partis. Je t’accompagnerai ainsi que les quelques personnes de confiance que tu auras choisies. Je vais envoyer un message à ma cousine Catherine pour qu’elle se prépare également à sa retraite à l’abbaye d’Hautecombe.

En cette fin juin de l’an 1543, deux convois sont en route : l’un au départ de Plaisance, en Italie, à destination du château de la tour d’Auvergne et le second au départ de la résidence royale de Fontainebleau pour se rendre à l’abbaye d’Hautecombe, en Savoie. L’air est doux sans être trop chaud. Les calèches traverseront des contrées très différentes. Partout, les activités sont principalement agricoles, consistant pour beaucoup à couper les foins en prévision de l’hiver. Quelques paysannes font des gestes de salut à ses nobles personnages qui circulent dans des carrosses de grand luxe sans même les apercevoir.

Arrivés à la tour d’Auvergne après plus d’une semaine de voyage, le cardinal organise l’installation de Marguerite et de son entourage. L’endroit est idyllique pour une période de repos. Le château, non loin du Mont-Dore, est entouré de verdure, et l’horizon se limite au sommet des volcans éteints depuis longtemps. Marguerite partagera son temps entre la lecture de nombreux ouvrages de poésie dont elle raffole et les courtes promenades dans les jardins du château. Étant vêtue discrètement, les servantes et valets employés au château ne se posent pas de question sur les motifs du séjour de cette dame discrète. Son ample cape ne laisse pas imaginer son fœtus grandissant de semaine en semaine.

Ses nausées ont cessé dès le deuxième mois. Maintenant, elle est sereine et attend impatiemment sa libération.

Régulièrement, elle communique par courrier avec Octave, son futur époux resté à Plaisance, pour qu’il ne s’impatiente pas trop de son absence. L’éloignement du duché de Parme était choisi par Catherine pour éviter que le duc Octave Farnèse vienne retrouver sa future jeune épouse. Dès son retour, sitôt mariée, elle devra se rapprocher de lui et lui offrir un enfant pour l’an prochain afin qu’aucun soupçon ne puisse voir le jour sur l’aventure vécue.

À Hautecombe, la reine Catherine reste très discrète, toujours vêtue d’une grande tunique à capuche, surmontée d’une cape de laine grise, comme toutes les sœurs de l’abbaye. Elle ne sort que pour marcher sur les berges du lac du Bourget, toujours accompagnée de sœur Benoîte, qui veille sur elle. Ensemble, elles admirent les reflets des montagnes dans le lac ou le lever du soleil qui miroite sur les eaux calmes.

Catherine a transmis à son mari Henri II un courrier lui annonçant que sa récente déprime et les malaises dont elle avait été victime étaient causés par un début de grossesse. Elle est très heureuse de porter un enfant royal, mais encore bien faible, et veut absolument se préserver pour mener à son terme cette grossesse tant attendue. Elle joint à son courrier une note de son médecin qui l’accompagne depuis Paris et qui insiste sur la nécessité du plus grand repos, une visite surprise pourrait créer un choc émotionnel risquant de compromettre l’aboutissement de cette maternité. D’autres rapports suivront pour tenir Son Altesse au courant de l’évolution.

La réponse d’Henri II est un message de joie et de fierté ; il encourage vivement Catherine à respecter les consignes strictes du médecin. Lorsque l’enfant sera né, il fera venir la meilleure calèche et une troupe de chevaliers pour escorter la mère et l’enfant de retour à Fontainebleau.

L’été laisse place à l’automne, aux changements de couleur des feuillages, à ses brumes matinales qui se déchirent lentement lorsque les faibles rayons du soleil arrivent jusqu’au sol. En Auvergne, le froid s’approche du château et Marguerite reste souvent devant un bon feu de cheminée à relire ses poèmes préférés. La grossesse a eu raison de sa taille fine : c’est maintenant une jeune femme légèrement en rondeurs qui se déplace avec moins d’aisance. Le jour du départ pour l’abbaye de Tamié arrive et, entourée de son équipe, elle va prendre la route pour la Savoie. Plusieurs étapes seront nécessaires, mais tous les relais sont réservés et elle sera abondamment couverte de duvet pour ne pas endurer le froid pendant le voyage.

Les secousses causées par les chemins caillouteux ou inondés par de récentes pluies rendent le voyage pénible pour la future mère. Au sixième jour, la calèche s’engage dans un vallon très étroit entre des falaises montagneuses au-dessus du village de Plancherine. Le chemin sinueux monte jusqu’au col de Tamié, à 900 mètres d’altitude. Dans cet univers totalement solitaire, Marguerite découvre le grand bâtiment austère dans lequel son enfant viendra au monde.

Dès sa descente de la calèche, elle est entourée de plusieurs sœurs et nonnes qui l’entraînent dans une aile du bâtiment où elle sera isolée. On la conduit dans une grande chambre chauffée par une cheminée dont le feu crépite et sent la suie de sapin. Deux jeunes novices l’aident à se dévêtir et à s’installer dans le grand lit. Fatiguée par le voyage, elle ne souhaite rien d’autre que du repos. Une troisième nonne revient avec un grand pot d’une tisane de bruyère ramassée dans les environs. Cette chaude infusion la réchauffe et lui permet de s’endormir jusqu’au petit matin.

Après leurs prières matinales, les deux novices se mettent à son service pour l’aider dans sa toilette et refaire son lit, puis une infusion de tilleul lui est servie, accompagnée d’une tranche de pain de seigle beurrée. Elle est très bien soignée, dans la plus grande discrétion, ne sortant plus en raison de sa fatigue et de la fraîcheur du temps.

La fête de Noël se passe. Marguerite assiste à la messe en journée, car, à minuit, elle dormait profondément. Un repas composé d’un potage, d’une terrine maison et d’une assiette de pot-au-feu sera son menu de fête. Elle pense à l’abondance et au gaspillage de nourriture des grands banquets donnés au palais.

Huit jours plus tard, le calendrier bascule sur l’année 1544. Une messe spéciale est dite pour le passage à l’an neuf, souhaitant une année prospère pour toute la population de l’abbaye.

La semaine suivante, les contractions débutent et se font plus fréquentes. Le jour de l’accouchement se rapproche. Marguerite a hâte de se sentir délivrée de ce petit être qui l’a envahie depuis neuf mois.

Le soir du 18 janvier, les contractions se font très fortes. La sœur infirmière est à ses côtés et suit attentivement l’évolution du travail de délivrance. Au petit matin, un petit être malingre voit le jour ; il est très faible. La sœur dit que le cordon ombilical était plié et qu’il ne pouvait être nourri normalement depuis plusieurs semaines. C’est un garçon, qui ne survivra pas à cette première journée.

Le bébé, baptisé Carlo quelques heures avant de s’éteindre, sera enregistré dans les dossiers de l’abbaye et enterré dans le petit cimetière. Sa mère ne sait pas que l’enfant n’a pas survécu. Elle rêve, pour son premier enfant de sexe masculin, d’un avenir florissant puisqu’il est destiné à monter sur le trône du royaume de France.

 

 

 

 

 

Chapitre 2

Émeline – An 1543

 

 

 

— Attention ! Attention ! Ils arrivent ! Courez vite vous cacher dans les bois, emmenez les bêtes et les enfants.

Dans le village de Saint-Jean-de-Gonville, au pied du Jura, proche de la frontière avec le duché de Savoie et le Pays de Vaud, une grande panique circule soudainement au travers de toute la population. Les soldats bernois arrivent pour piller le village, emmener les hommes pour les enrôler de force dans leur armée et les jeunes femmes comme servantes.

En l’an 1536, les Bernois envahissent le Pays de Vaud pour contrer l’influence de la France sur la Savoie. Genève conserve son indépendance, mais Lausanne et tout le Pays de Vaud deviennent des sujets bernois.

Le Pays de Vaud sera totalement ruiné après quelques années d’occupation où les récoltes et le bétail sont en grande partie destinés à nourrir les troupes de l’occupant. Plus d’un tiers de la population est massacrée et les survivants réduits à la misère. Très apeurée, la population ne tentera aucune attaque lorsque les troupes traverseront la région pour se diriger vers le Pays de Gex afin d’augmenter leur territoire.

Après avoir pillé Thoiry et enflammé une partie du village, ils continuent leur avancée vers Saint-Jean-de-Gonville en laissant de nombreux morts derrière eux.

L’armée bernoise est placée sous la direction des capitaines Schwarzenberg et Milken assistés de leurs lieutenants Gambach et Zumholz, une équipe de soldats cruels et sans pitié dont l’objectif est de s’enrichir des biens pillés. Ils sont à la tête d’une armée de quatre-vingts soldats très bien armés.

À Saint-Jean-de-Gonville, un jeune bourgeois nommé Joseph Peray, du hameau de Choudans, prend l’initiative de réunir un groupe de jeunes volontaires pour s’opposer aux envahisseurs. Émeline, la promise de Joseph, veut également se joindre aux défenseurs ; c’est une excellente archère.

Une partie de la population emporte quelques effets, réunit des bêtes et se dirige vers le sommet du Jura pour passer dans la vallée de Chézery. Émeline, perchée sur son cheval noir, encourage femmes et enfants à grimper au plus vite vers les hauteurs.

Dans les heures qui suivent, les Bernois entrent dans le village, stationnent leurs attelages sur la place centrale et commencent à visiter les habitations. Les femmes qui ne se sont pas enfuies sont parquées à côté des chars sous la garde de quelques hommes en armes. Les jeunes filles sont destinées à l’animation de la soirée, lorsque les soldats seront repus et auront bien bu.

Les habitants qui essayent de lutter sont très vite abattus, les plus costauds doivent porter les victuailles pillées et les barriques de cidre et de vin sur les chars bernois. Un grand feu est allumé et des hommes sont chargés de faire rôtir deux cochons bien gras.

Au hameau de Choudans, plusieurs familles ont réussi à s’enfuir avant l’arrivée d’un contingent de vingt soldats. Lorsque ces derniers passent entre deux fermes, une volée de flèches en tue plusieurs, obligeant les autres à se précipiter sous abri. Des archers, debout sur les toits, continuent leurs tirs ; ils atteignent et blessent grièvement le lieutenant Gambach, qui s’écroule de son cheval. Deux hommes se sauvent pour aller chercher des renforts. Émeline, redescendue des pâturages, où elle a aidé des villageois à s’enfuir, se faufile entre des maisons pour cibler des soldats bernois. Elle en surprend deux qui essayent de fracasser une porte à l’aide de leurs mousquets. Le premier s’écroule, une flèche dans le cou, et, avant que le second arme son fusil, une seconde flèche lui traverse le ventre. Son cri alerte ses camarades, qui se précipitent à son secours. Émeline pénètre dans une maison par une fenêtre, mais elle est repérée et trois soldats se ruent derrière elle. Deux défenseurs sautent de la toiture où ils sont perchés, contournent la maison où Emeline s’est réfugiée ; ils pénètrent dans le fenil pour passer dans la partie habitation, prêts à tirer.

Émeline est coincée dans une chambre. Des barreaux à la fenêtre l’empêchent de sauter à l’extérieur. Elle se tient derrière la porte, prête à poignarder le premier qui entre. Deux Bernois se trouvent dans un couloir, face à deux archers. Un coup de mousqueton en tuera un et le second sera blessé. Un soldat ouvre la porte d’un coup de pied violent. Émeline n’a pas le temps de poignarder l’un des agresseurs que son bras est violemment saisi et tordu pour lui faire lâcher son arme. Elle est bien maintenue, les deux bras dans le dos par l’un des soldats, tandis que l’autre lui retire son gilet, arrache sa tunique et pétrit ses seins de ses grosses mains.

— Regarde, camarade, comme elle est bien faite cette donzelle !

— Sûr que nous allons nous en occuper avant de la redescendre aux camarades restés au village.

Le soldat dénoue maintenant le lacet qui tient sa jupe à la taille. Le vêtement tombe au sol, révélant son intimité. Émeline essaye de se libérer, mais l’homme qui la tient est fort et, à chaque fois qu’elle lutte, il la serre un peu plus fort.

Son intimité mise à nu, les deux brutes rient en la voyant gesticuler sans succès. Le soldat qui est devant elle lui passe la main entre les cuisses qu’elle tente de tenir serrées au maximum.

— Allons, ma belle, on va s’amuser un peu avec toi. Je commence, puis ce sera mon compagnon. Ensuite, nous t’emmènerons vers notre chef et ce soir tu seras à la disposition de toute la troupe.

Il dégrafe sa culotte de cavalier mettant à l’air son membre viril déjà en pleine érection.

— Regarde, midinette, elle n’est pas jolie ma petite souris ? Mais elle est très timide, elle veut se cacher dans un petit nid.

Il attrape les cuisses de ses mains et, à l’instant où il va la pénétrer, un couteau lui ouvre la gorge. Son compagnon lâche la fille, il ne peut fuir nulle part, et le poignard lancé violemment par Joseph lui transperce le cœur.

— Vite, Émeline, il faut nous sauver avant que d’autres soldats arrivent.

Elle ramasse ses vêtements, s’habille en vitesse et ils se précipitent dans le fenil pour se sauver par l’arrière. Ils retrouvent leurs chevaux et s’enfuient vers le sommet du Jura. Les soldats ne sont pas montés au-delà de la forêt : ils ont trop à faire au village.

Le couple s’installe pour la nuit dans une grange isolée au milieu des pâturages en dessous du sommet du Reculet, c’est le chalet de Thoiry-Devant.

Bien installés dans le foin, ils savent que les soldats ne monteront pas ici de nuit.

— Joseph, cette nuit, je veux être à toi. Si je suis prise dans les jours prochains, je veux que ce soit toi le premier homme qui aura possédé mon corps.

— Unissons nos corps cette nuit, mais je ne laisserai personne d’autre te toucher. Demain, à l’aube, tu descendras à Chézery et tu iras te mettre à l’abri dans ma famille.

Les deux jeunes gens partagent une nuit de tendresse et d’amour inoubliable. Aucun des deux ne pensait que ce pouvait être aussi merveilleux.

Ils ne sont pas unis devant les paroissiens comme pour un mariage célébré à l’église, mais ils sont persuadés d’être unis devant Dieu.

À l’aube, Émeline prend le chemin des crêtes jusqu’au passage permettant de descendre vers Chézery, c’est un peu avant la grotte située là où un pan de montagne s’est écroulé un soir de Noël, enfouissant le hameau de rivière vers l’an 1400.

Lorsqu’elle chemine sur les crêtes, elle aperçoit un groupe de cavaliers qui se disperse pour encercler Joseph qui redescendait vers Choudans. Un tir de mousquet tue son cheval, qui s’écroule dans la pente, bloquant sous son corps mort une jambe du cavalier. Les Bernois sont très vite sur leur victime. Ils lui retirent ses armes, lui attachent les mains dans le dos, une corde au cou, puis, à l’aide de deux mousquets, font levier pour soulever l’animal et retirer la jambe de Joseph. Il souffre, mais peut se tenir debout. La corde qui lui enserre le cou est attachée à la selle d’un des cavaliers et le convoi prend le chemin qui descend vers le village.

Arrivés à Choudans, les villageois sont consternés. Sans meneur, aucune résistance ne peut s’organiser. Les soldats décident de descendre jusqu’à Saint-Jean-de-Gonville. C’est au capitaine que revient la décision du sort qui sera réservé au prisonnier.

Sur la place du village, un grand feu brûle à nouveau. Aujourd’hui, c’est un jeune bœuf qui est mis à rôtir. Des barriques éventrées témoignent de la soûlerie de la nuit précédente. Les femmes sont toujours parquées sous la garde de soldats dans un enclos fabriqué avec de grosses cordes. Plusieurs jeunes filles, presque nues, sont accroupies, tête baissée, le regard hagard, persuadées qu’elles vont subir à nouveau les mêmes jeux violents de ces rustres soldats avinés.

Toutes les tables et les bancs trouvés dans les maisons ont été transportés sur un côté de la place où se gaveront les soldats devant une population de villageois affamés.

L’entrée sur la place de Joseph lié à un cheval fait comprendre aux habitants que toute résistance est inutile.

Les cavaliers descendent de leurs montures et se dirigent vers le capitaine Schwarzenberg.

— Capitaine, voilà l’homme qui menait la révolte. À lui seul il a tué une douzaine de soldats.

— Cela mérite un jugement exemplaire, il faut que la population se rappelle sa mise à mort et qu’ils en tremblent tous encore dans vingt ans. Dévêtez-le, attachez-le sur une table et amenez-moi le forgeron.

Un grand gaillard costaud est amené sous la garde de deux soldats.

— C’est cet homme, Capitaine !

— Parfait ! C’est toi qui vas faire office de bourreau pour ton camarade. Tu vas faire chauffer à rouge des fers à cheval. Lorsqu’ils seront bien rouges, tu prendras le premier et tu le déposeras sur le haut du torse de ton compagnon. Il faut que ses cris de douleur résonnent dans toute la vallée. Lorsqu’il aura cessé ses cris, tu poseras un deuxième fer à côté, puis un troisième. Ensuite, ce sera en dessous, sur la poitrine, puis sur le ventre, jusqu’au dernier, le douzième, pour son sexe. De quoi venger nos braves soldats tués. Lorsque son supplice sera terminé, nous reprendrons nos joyeuses libations comme la nuit dernière et laisserons le prisonnier agoniser lentement.

Le forgeron active le feu et dépose les douze fers à cheval dans les braises. Chacun attend le moment où il sortira un fer rouge pour le déposer sur la chair du prisonnier. Les villageois sont angoissés et les soldats plaisantent en riant d’avance.

Émeline est redescendue des crêtes du Jura lorsqu’elle a vu que Joseph a été capturé par les soldats bernois. Dans le jour descendant, elle se faufile dans l’ombre jusqu’à sa maison. Elle y entre après s’être assurée qu’il n’y a personne dans les environs. Elle prépare très rapidement un sac avec quelques effets de voyage, une bourse contenant ses économies, son arc et six flèches en métal. Elle pose une large cape noire sur ses épaules et cache sa tête sous le capuchon. Elle fixe son bagage à la selle de son cheval et descend lentement en direction de Saint-Jean-de-Gonville. Tout le monde est regroupé sur la place centrale. Elle contourne quelques maisons, laisse son cheval sans l’attacher et grimpe sur un toit par un escalier qui permet de monter dans les combles. Elle se place sur le faîte, bien dissimulée par une grosse cheminée. De son poste, elle domine toute la place. Elle repère son compagnon dénudé et attaché sur une table. Soudain, voyant le forgeron sortir un fer rougi par le feu à l’aide d’une grande pince, elle comprend le sort réservé à Joseph. Elle bande son arc et vise la tête du capitaine. Un sifflement strie l’air. L’homme atteint s’écroule, le visage traversé par une flèche. Le forgeron lâche sa pince, les soldats plongent sous les tables. Émeline prépare un second tir alors que ses yeux sont déjà tout embués, elle vise le cœur de son amoureux pour abréger son calvaire. Laflèche atteint sa cible, alors que des flots de larmes coulent sur son visage. Elle se précipite vers son cheval et s’enfuit au galop. De la place, les gens ne verront qu’un cavalier avec une grande cape noire, tel un diable s’enfonçant dans les ténèbres. Ses larmes couleront encore longtemps alors qu’elle galope en direction de Bellegarde en se guidant par les étoiles. Elle fera une halte sous un grand hêtre proche du rivage du Rhône pour laisser un peu de temps à sa monture pour se reposer. Pour elle, impossible de fermer l’œil : elle revit tous les événements de ces deux derniers jours qui ont fait basculer sa vie dans l’enfer.

À l’aube, elle reprend sa route en direction de Seyssel, elle traverse le Rhône puis continue vers Rumilly et Annecy. Sur les rives du lac, elle prend un peu de repos pendant que son cheval broute une herbe tendre et fleurie. Son itinéraire la conduit vers Faverges, sa destination. La nuit est déjà tombée lorsqu’elle atteint l’église Saint-Jean-Baptiste de Viuz. Elle pénètre dans le jardin de la cure et frappe fortement à la grosse porte en bois. Un petit volet est ouvert et une forte voix demande :

— Qui va là ?

— C’est moi, Émeline, la fille de votre sœur Louise de Saint-Jean-de-Gonville.

La porte s’ouvre et le curé invite la jeune fille à entrer.

— Que diable fais-tu ici, si loin de chez toi, à la nuit tombée ? As-tu mangé ? Installe-toi, je te verse un bol de soupe et tu vas tout me raconter.

Émeline raconte le drame qui a frappé son village. Elle pense que ses parents ont été tués lors des premiers pillages des maisons. Elle est seule et ne peut rentrer chez elle sans risquer d’être prise par les Bernois lorsqu’ils reviendront.

— Je n’avais point d’endroit où aller me réfugier, j’ai tout de suite pensé à vous. Pouvez-vous m’héberger le temps que je trouve une place de travail comme bonne ou couturière ?

— C’est un drame qui a frappé ton village et ta famille. Tu es ici dans la maison de Dieu, sois la bienvenue.

— Merci, mon oncle. Ma mère me parlait toujours de vous en termes élogieux, j’étais sûre de votre bonté. Où pourrais-je laisser mon cheval ?