Confettis - Udo K. - E-Book

Confettis E-Book

Udo K.

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Beschreibung

Un homme de culture et de pouvoir, Max Delarge, directeur du Big Smac, et sa femme Maya, psychothérapeute énergéticienne, organisent des rites sexuels dans sa propriété, la Box. De jeunes femmes y participent, parmi lesquelles Mina, la fille de Maya, une autre jeune femme, que Delarge aimerait bien « fluider »… Tout bascule, tout s’agite et s’excite parmi des flots d’impressions superficielles, artificielles.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Udo K. conçoit la littérature comme un jeu de massacre instructif et un moyen de légitime défense, depuis l’adolescence, pour sauvegarder sa vie intérieure. Avec Confettis, il met en avant son univers littéraire, tous les coins de son esprit, des plus sombres aux plus clairs.

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Seitenzahl: 206

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Udo K.

Confettis

Roman

© Lys Bleu Éditions – Udo K.

ISBN : 979-10-377-5201-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Pour Fabrice W.

Dans l’espace vide du désir, les places sont chères

Jean Baudrillard

Tu dis que tu sais, et tu n’agis pas en conséquence ?

C’est que tu ne sais pas.

Proverbe Chinois

De temps à autre, une ligne de description physique

Du mouvement faciliterait beaucoup l’intelligence.

Stendhal

Préface

Confettis…

Confettis… dites-vous ? C’est tout à fait ça !

Dans confettis il y a – fetis et dans culture il y a – ture… Le con et le cul… tout est là.

Permettez-moi une étymologie toute personnelle et néanmoins pertinente concernant l’objet de ce roman : Con-Fettis bien sûr peut signifier Avec la Fête. Mais dans confettis il y a surtout ici CON et FETTIS : les fêtes du con, sexuellement parlant et la fête des cons intellectuellement parlant cette fois. Les deux s’y retrouvent célébrés dans cette œuvre aux vertus non seulement littéraires mais aussi historico-sociale ou devrais-je dire hystérico-sociale.

La fête du con et le dîner de cons réunis et feti/la fête mais une fête triste désespérante, désespérée et sans joie comme celle d’un mauvais carnaval macabre. C’est une partouze mais triste car sans sincérité, sans véritable désir car elle n’est pas une fin en soi mais un moyen pour autre chose, intéressée et par conséquent vouée à la frustration et l’aigreur. Des cons fétides…

C’est une prostitution mondaine et pas seulement des corps mais aussi des âmes auxquelles elles sont reliées.

Vous aimerez ou vous n’aimerez pas ce roman de Daniel Dienne.

Oui, vous avez bien lu. Vous l’aimerez ou pas. Vous avez encore le droit de ne pas aimer quelque chose, de le penser certes et de le dire. Je vous assure que vous le pouvez, même si aujourd’hui cela paraît incongru et politiquement incorrect. Ce n’est pas un drame. Par contre, ce serait un signe inquiétant que tout le monde l’aime ou le déteste comme un seul homme… consensuellement… surtout sans l’avoir lu ! Et parce qu’on vous aurait dit de le faire… en s’en tenant à l’avis « d’experts », de Télérama, et/ou autres professionnels du prêt à penser…

Qui est Daniel Dienne ?

Une énigme.

Il est entré en écriture comme on entre en religion. C’est un moine… non, plutôt un ermite, car son travail est solitaire, il est loin des communautés littéraires partagées. Ascète de la plume et du papier, tout est sacrifié à sa pratique. Écrire c’est pour lui comme prier. Un besoin et une discipline. C’est le centre de gravité de ses préoccupations et de toute sa vie. Il écrit. Dès qu’il rentre de son travail. Je le soupçonne d’être un peu bénédictin : Ora et Labora.

Comment écrit-il ? C’est un auteur très documenté qui glane toutes sortes de traces, d’objets (photos, dessins, tickets de caisse, coupures de presse, reçus) tout lui est bon comme pense bête qu’il exploitera plus tard lors de ses séances d’écriture et qui ressortiront sur le papier. L’image comme support d’inspiration. Il en a des cahiers ! C’est un tailleur de pierreries, un orfèvre des phrases. C’est un style.

Le roman de Daniel m’a replongé avec jubilation dans une époque peuplée d’inconsistance triomphante. L’université de Valenciennes où je l’ai connu a été un merveilleux miroir de cette société montante, un microcosme représentatif de toute cette décadence et de cette dévirilisation de notre temps. Et je vous assure que déjà à cette époque je connaissais certaines femmes qui contrairement à bien des hommes en avaient, elles ! Quelle drôlerie ! Un spectacle tragi-comique car tout de même c’était l’institution universitaire française dont il était question. Paradoxe : à part de rares locaux mis à l’écart, seul un groupe d’enseignants parisiens perpétuaient quant à eux la tradition. C’est-à-dire qu’ils étaient enseignants et qu’ils trouvaient normal d’être là d’abord et seulement pour enseigner et exercer leur profession voire leur sacerdoce, tandis que les autres, installés ou de passage promotionnel, n’avaient pour but et occupation principale l’activisme politico-socialo-culturel. Leur métier n’étant que secondaire, un gagne-pain, une rente mais aussi un titre de gloriole injustifié. Paradoxe disais-je ? Vous ne croyez pas si bien lire. Peut-être pensiez-vous que les Parisiens en question étaient des réactionnaires de droite ? Détrompez-vous ? Eux étaient d’authentiques professeurs de gauche, mais pas la même, la gauche sérieuse, la gauche historique, celle qu’on peut respecter. Eux étaient de vrais intellectuels qui avaient connu en Live mai 68 en tant qu’étudiants à Paris, leurs parents avaient connu la guerre. La Culture, ils savaient ce que c’était eux. Pas les autres.

Remettons-nous dans le contexte.

C’était une époque où le parti socialiste était la Doxa. Et Bernard Tapie, sa nouvelle égérie… (Vous voyez mieux le grand-écart…) La gauche caviar et des régions bercées aux subventions européennes. Maastricht était passée par là. Nous étions alors en pleine Tonton mania hystérique. Une gauche qui n’en avait déjà plus que le nom. Les cocos étaient tolérés, les écolos surveillés du coin de l’œil, l’extrême gauche vue comme un éventuel recours, au cas où, mais en se pinçant le nez. Et tout ce qui existait à partir du P.S. sur sa droite était du néo-fascisme (je n’exagère rien) voire du nazisme si on avait le malheur d’être Chiraquien… Une gauche qui cocufiait ses électeurs avec la bonne conscience de ceux qui savent qu’il n’y a rien d’autre à faire dans l’intérêt supérieur de l’État. Les pauvres militants virulents mais sincères des jeunesses socialistes n’avaient pas encore compris qu’ils servaient un parti bourgeois qui mettait au chômage leurs parents en privatisant à tout va le service public. D’autres cocus… Où cela se passe-t-il ?

En France. Partout en province. Pauvres cocus rejoignant la foule immense des cocus de l’Histoire. Pour les calmer, ils inventèrent la promotion de cette même culture moribonde sous forme d’évocations, de souvenirs, de mémorial et de musée avant même que le corps ne soit froid. Une nécrophilie anticipée d’enterrés vivants. Des mots d’ordre génériques circulaient déjà : il faut faire court, des brèves, la forme, surtout privilégier la forme, pas le fond puisque c’est entendu qu’il est acquis et qu’on ne le remet pas en question. Une fois la B.A. de ce devoir de mémoire accompli, on passa aux choses sérieuses et Jack Lang et Séguéla furent clonés en province…

La Culture est une tarte à la crème.

Une décentralisation (nous sommes dans les années fin 80 début 90) culturelle (soi-disant) qui singe le milieu parisien en tout point au lieu de trouver sa spécificité, son originalité et qui a occulté, amnésié l’histoire culturelle locale, ou n’en fait qu’une sous-culture attendrissante par son exotisme au regard de la Capitale, mais qui fait une bonne place à toute culture d’importation qui est somme toute envisagée uniquement sous l’angle de sa forme car qui serait capable d’y voir autre chose, n’ayant pas les codes symboliques de cette culture artistique étrangère. Mais pourquoi le milieu parisien n’aime-t-il pas la province ? Mais parce qu’elle lui renvoie son image, celle d’un Dorian Gray devant son tableau. C’est du déni. Et cette province lui rappelle aussi d’où il vient… et il n’aime pas le passé le parisien nouveau, son passé. À Paris, le frais parisien nouveau peut légitimement faire les mêmes choses qu’il faisait en province mais sans être méprisé, il est désormais du cercle et ce qui paraissait ridicule là-bas, ici c’est tendance. Une Culture d’État qui tendait à pallier le retrait de celui-ci de la vie économique, et qui n’a pas besoin de censure puisqu’elle est « démocratique » et peut donc prétendre respecter et qui plus est incarner la liberté (toute républicaine cela va sans dire) d’expression. Alors qu’elle s’autocensure, se mutile se bâillonne, se castre, s’excise volontairement pour passer sous les fourches caudines de la sacro-sainte SUBVENTION ! Il n’y a pas pire esclave que l’esclave consentant (avec ou sans jeu de mots) avec le joug consenti et soumis et content de se soumettre (un vrai BDSM de la culture avant la mode). Dans ce monde, la Culture se résume en fait plus à l’Art. Et l’art lui-même est réduit souvent à de la peinture et au happening conceptuel… Cette soi-disant culture est au cœur de ce roman.

De quoi s’agit-il ?

D’une société qui a substitué l’Art à toute Culture, un remplacement subtil qui consiste à faire passer pour culture l’Art mais pas n’importe lequel, le plus vague possible, creux, vide qui n’a surtout pas de sens (et donc insignifiant), qui n’est pas explicite, au contraire, qu’on peut interpréter de multiples manières (et donc aucune), lui donner le sens qu’on veut et de préférence celui du vent (qui peut tourner). Pourvu qu’il ne soit pas polémique, il sera adoré, validé, authentifié… subventionné. Nous étions (et nous sommes encore) dans l’éphémère et l’inconsistant glorifié. Soit. Pourquoi pas ? Mais les fleurs des cerisiers au moins contiennent plus de substance que ces soi-disant œuvres toutes ensembles réunies. Un Art qui se réduit à sa forme, son apparente apparence, son contenant étant son contenu, bien suffisant à lui-même. Un art qui ne dérange pas, bien-pensant, encourageant ce que chacun se doit de penser, du moins en société. Humaniste évidemment, un art politiquement correct, ou « softement » subversif, d’une subversion surannée qui n’a plus cours et donc bien inoffensive. Consensuelle surtout (et pas sans jeu de mots) car c’est ce qui peut rassembler le plus, ratisser le plus large. Le sexe rassembleur, il n’y a plus que ce vecteur social à leurs yeux… le mythe du « tous d’accord », la pseudo communion universelle. Le sexe était omniprésent et déjà l’abus de pouvoir de DSK locaux se savait et était déjà passé sous silence. Un silence entendu et compris, complice La culture d’entreprise aussi avait envahi la Culture et la promotion canapé désirée ou subie s’était invitée avec elle.

Évidemment, cela attire les ratés de tout poil en mal de reconnaissance indue, de pouvoir illusoire, d’amour factice, de sexe fictif et de fric facile… C’est d’eux dont il est question dans ce roman.

De qui parle ce roman ? Mais de cette « Elite » auto-proclamée voyons, de qui d’autre ? Des « Artistes » ? Un peu… Mais surtout de tous ceux qui gravitent autour, parasites indispensables. Communicants, escrocs, publicitaires, gourous, pervers, chargés culturels, dealers, attachés de presse… Un microcosme consanguin qui se jalouse, se déteste, s’envie et se hait mais joue le jeu du bal des hypocrites pour avoir sa part de gâteau. C’est l’autocongratulation, ou plutôt les félicitations réciproques. Chacun allant au vernissage de l’autre qui vous rendre la politesse. On se rend un culte. Le milieu pornographique en comparaison est plus sain d’un point de vue moral et hygiénique, plus convivial, moins vulgaire, moins vénal et moins pathétique… Le sexe ? Mais le sexe ici est triste et avec l’alibi d’une libéralisation des mœurs, d’une émancipation de la femme, de la libération sexuelle enfin démocratisée dans l’hexagone, il est de bon ton de baiser et de citer Sade souvent en ultime référence littéraire. Il faut montrer qu’on est cultivé. C’est à s’en taper le cul par terre et la queue sur la table… de rire ! Les incultes, les inconscients, les ignorants… les CONS, ou plutôt les connards ! Aucune lecture lucide, juste l’écume des choses et de ce qu’en dit la rumeur… (pardon… la critique). Des orgasmes sans plaisir… des étreintes sans désir… juste. Sans communion, sans partage, sans échange… de la consommation, de la distribution, de la manipulation, du troc. Sans amour et sans âme, avec l’arrogante certitude faussement convaincue de la ringardise des sentiments… à part celle compatissante de la solidarité avec la faim dans le monde…

Faut-il prendre en pitié ces fats et vains individus sous prétexte qu’au fond d’eux ils n’étaient que des insatisfaits et malheureux tristes sires ? Je ne sais pas. Ce serait peut-être donner à leur existence « polaroïdesque », en même temps que jetable, un halo de drame shakespearien qu’ils ne méritent pas. Tout cela relevant au final d’une affligeante banalité humaine basée sur la vanité, somme toute très répandue ici-bas. Seule différence, ici, les paillettes de pacotilles liées à la fonction. Les confettis…

Moi qui adore les mondanités, les cocktails, les vins d’honneur (ou d’horreur) pour ce qu’ils sont le thermomètre d’une société, tellement révélateurs. D’autant que le thermomètre, vous savez où on se le met… C’était un bonheur de voir ces comportements dignes de participants à une télé réalité (alors que le concept n’existait pas encore), comme si des dizaines de caméras filmaient en permanence leur vie alors que tout le monde (réel) s’en foutait (au propre si c’est possible, et au figuré). Persuadés qu’ils étaient d’être importants et qui ont tous disparu de la scène, comme évaporés avec les alcools servis à l’occasion des vernissages, inaugurations ou autres signatures…

Ces personnages, Daniel Dienne les a vus. Il s’en souvient.

Ce roman est un document historique qui n’en a pas l’air. Une tranche de société dans un espace-temps. Une époque où l’argent public (et privé) coulait à flots pour financer tout ça et qui sentait bon la pourriture… Voilà, nous y étions. La révolution culturelle pouvait commencer. Et elle ne fait que commencer…

Daniel Dienne a saisi la quintessence de cette période urbaine. Il était là.

Jean Herbert, 2018

Le spa, le spot et la soie or

Gigi ô Gigi

Baiseuse adorable

Lune creuse admirable

As-tu pleuré, dis

As-tu pleuré,

Le libre Max ?

L’as-tu pleuré, dis, le libre Max,

Héros culturel de Monstenval,

Ton pygmalion mystagogue ?

Lui qui ─

Le troisième jour suivant la nouvelle lune

Parmi les volutes d’encens d’Abral

Les effluves de musc et de santal ─,

Te sacra :

D’un yoni d’argent

Orna ton front d’abord,

Puis

Sur ton plexus solaire promenant un œuf en cristal

─ de roche, te dénoua les chakras,

Te relaxa,

T’ouvrit à la fin,

T’offrit pour finir,

─ Dès les premiers signes que tu donnas d’une forte exaltation ─

Aux lingas longs violets et forts,

De sorte qu’à bonne fin ton étude fut menée…

Ah, l’as-tu pleuré, dis,

Le libre Max,

─ Flottant au petit jour,

Comme en apesanteur

Dans les douze hectolitres de son spa,

De son kimono de soie or juste revêtu,

De son kimono de soie or ─

(Sa pudeur de mort était donc sauve)

─ Flottant comme en apesanteur, le libre Max,

Son visage tourné vers le faisceau du spot

─ subaquatique

Au fond de la cuve d’un blanc perlé,

Et ─

Et sa courte queue de cheval grise nouée

D’un catogan bleu noir ─

D’un chauve l’aigrette dérisoire ─

Comme une laminaire ondulant selon la fantaisie du courant,

Ô Gigi !

L’as-tu pleuré, dis

─ Le libre Max,

Flottant agité par les 700W du blower et les 1500 des deux pompes à eau,

Flottant agité parmi ses totems et ses fétiches,

Flottant cool et alternatif,

Sans gravité ─

Ô Gigi, Gigi…

1

Max Delarge est mort. L’heure de ses funérailles spectaculaires est déjà consommée. Le tapis roulant du spectacle est comme l’univers, en permanente mutation. Toute l’énergie de ceux qui ont organisé la cérémonie des adieux s’est perdue. Du héros culturel de Monstenval ne subsiste plus, dans la brillance électronique des écrans, que la réfraction en images liquides de ses multiples apparitions sur le front des événements culturels de la ville.

« Il y a partout, quelque part, un incendie à allumer », était sa phrase fétiche.

Une virtualité digitale comme cénotaphe. Du sarrancolin aux formes féminines comme tombeau et un cercueil biodégradable pour entrer dans le tunnel blanc. Terminé.

« Notre peine est inconsolable. Sa disparition, brutale, injuste, révoltante, laissera un grand vide à Monstenval. Max était un homme droit, rare, précieux. Un humaniste, au sens le plus noble du terme, un poète », a déclaré Marnix, le maire de la ville au bronzage impeccable : « une figure incontournable de la politique culturelle de la ville. Faut-il rappeler que Max avait choisi de suivre et poursuivre sa carrière à Monstenval afin d’y infiltrer l’art dans le quotidien de ses habitants ? Aussi devons-nous rendre hommage à cet éternel jeune homme qui a choisi de se dévouer corps et âme à notre ville sur le chemin de la modernité en œuvrant pour que rayonne la culture dans notre région, dont le déficit en ce domaine est abyssal, comme vous le savez. »

« Sans Max, acteur clé chargé de la mise en œuvre du projet scientifique et culturel de Monstenval », a conclu Marnix, l’édile au brushing impeccable, « sans Max notre ami, mon ami, qui aura été à l’origine dans tous les azimuts de toutes les avancées en matière de culture, sans cet homme ouvert, exigeant, engagé, passionné, rebelle et généreux, Monstenval n’aurait pas le visage qu’elle offre aujourd’hui : vivante, dynamique, festive. »

« Max aura été un inégalable catalyseur des énergies, un magicien dynamogène ainsi qu’un combattant dynamiteur, qui aura fait de la culture à Monstenval un lieu enchanté d’ouverture, d’échanges multiples et fructueux. »

« Max, enfant prodige de ton époque, jeune pour toujours, tu as sauté d’un pas vif les barrières sociales et culturelles, tu as fait bouger les lignes, tu n’as pas craint de dépasser les limites : nous t’en remercions. Tu as renforcé la conscience humaine, encouragé une civilisation éthique et humaniste, célébré l’humain dans toute sa diversité : nous t’en remercions. C’est le cœur serré, brisé qu’en ce jour de grand beau temps, nous te rendons hommage, portons témoignage ensemble de l’homme formidable, exceptionnel que tu as été. Max, enfant génial de la culture, je sais que tu nous entends et que tu nous vois depuis l’autre côté de la barrière d’où tu nous fais signe ; je vois ton sourire, ton regard qui furent toujours bienveillants. Bon voyage, Max. À bientôt, là-bas, au jardin des délices infinies. Salut, Max ! » 

Marnix s’avance alors vers Maya la veuve en robe ponceau, lui fait l’accolade dans les formes que le rituel exige. Quelques jours plus tôt, au cours d’une orgie, il l’enculait sous le regard de son ami.

Sur l’esplanade du Big Smac, le public a applaudi l’orateur à tout rompre.

Aussitôt elles sont surgies dans une lumière presque irréelle de jaune cadmium et d’orange clair : de ravissantes hôtesses d’accueil en stretch et lycra roses : elles ont invité ceux qui le désirent à se rassembler autour d’un pick-up rose sur la plate-forme duquel vient de se réceptionner, en tenue d’Ève, une acrobate qui a dansé dans les airs pour tous les regards, des plus innocents aux plus coquins, celui de Maldoror oscillant entre les deux catégories.

Dans la file de badauds en train de se former, il s’est glissé.

Le cortège fait un demi-huit sous le fronton d’acier rouge du Big Smac.« Ses salles modulaires rendent enfin possible l’impossible, a dit lyriquement Delarge le jour de son inauguration. C’est un espace conçu pour toutes les hybridations, toutes les transversalités, a-t-il ponctué d’une virgule d’arcade sourcilière : installations immersives, sons spatialisés, vidéos et images de synthèse 3D, excusez du peu… de nouvelles voies s’ouvrent, de nouvelles perspectives… »

S’enlevant sur un fond d’air légèrement empuanti par des miasmes d’égout, quelques réactions et commentaires audio parviennent à Maldoror. S’opposent énergiquement ceux qui saluent et ceux qui applaudissent. — Inouï ! s’exclament les uns. — Énorme ! renchérissent les autres. — Mortel ! lance une femme plus audacieuse.

Comme ils sont loin pourtant d’être au bout du tunnel féérique dans lequel ils se sont engagés ! C’est maintenant que l’acrobate, mamelons et sexe épilé peints or, s’enveloppe dans la bâche noire qui dérobait aux regards le cercueilrose bonbon biodégradable galbé comme un beau derrière de femme.

Des salves de sifflets et d’applaudissements éclatent de partout, parcourent en ondes délirantes le public comme une suite d’orgasmes.

Un cosmonaute en or et alu a tout à coup bondi sur la plate-forme du pick-up. D’une voix éraillée, il s’est mis à beugler dans un mégaphone. Ses phrases sont inaudibles. A-t-il trop de ressort ? Mal réglé ou défectueux, l’appareil crachote comme un larynx de gros fumeur. L’artiste interventionniste tient son rôle jusqu’au bout. Personne ne l’écoute attentivement de toute façon. À la fin, Le beugleur balance le mégaphone en parabole qu’un type en combinaison rouge récupère. Comme il reste deux bonnes minutes avant la suite, le beugleur en profite pour se muer en danseur. Son corps se met à onduler depuis la base fixe de ses pieds joints. Son intervention a déjà dépassé sa fin, il le sait. Le public scanne les alentours. La nouveauté passe vite. Même les filles en rose n’accrochent plus le regard des types… Ou alors il faudrait qu’elles montrassent davantage leurs avantages. Comme l’acrobate. Tiens, où est-elle donc passée ? se demande Maldoror. Dans son coin de plate-forme, le beugleur s’enrythme, augmentant sa consommation d’énergie jusqu’au bord de l’essoufflement. La performance tourne à vide qui vide sa tête vide. Fin de la danse, fin de la transe. On l’appelle : un homme en imper beige qui lui donne une petite tape sur l’épaule. Tapis roulant. Il quitte la scène, transpirant, perspirant, expirant… Satisfait. Allez, laissons-le prendre sa douche, se restaurer, se retaper pour sa sortie au Banana’s Republic où il va s’éclater à l’alcool et à la fumée d’abord, au sexe ensuite, peut-être avec la nana edie-sedgdwickoïde rencontrée la veille, dont le string noir à l’élastique plat siglé Calvin Klein galonné de dentelle optimisait les grâces culbutables. Saluons-le et oublions-le, car voilà les suivants, meute disparate qui produit un concert d’enfer à base de vrombissements et zeugmes de marteau-piqueur : des karts, des stock-cars, des side-cars, des quads, des motos, et même une bétaillère, lessivée, récurée pour l’occasion, son plancher recouvert d’un beau tapis rouge.

Un gros cumulus isolé intercepte un moment le soleil d’or au-dessus des têtes ravies de profiter d’une si belle fête. Oui, une belle journée, songe Maldoror. Max Delarge aura réussi sa sortie, à n’en pas douter. ─ Et je l’y aurai bien aidé !

Un chien ripe. Deux chats détalent. Moineaux, pigeons et tourterelles jouent les filles de l’air. Fumées et brumes de gaz. Quelques enfants sacrés s’expriment ─ un bébé, une fillette, deux garçonnets : le premier vagit ; la seconde pleurniche pour envie de pipi ; le binôme braille ─ ce raffut de pétrole en phase terminale les terrorise. Mais ceux qui les cornaquent n’ont pas envie de prendre le large et entendent profiter au maximum de l’aubaine du spectacle que n’ont annoncé ni affiches ni flyers. Flot montant des sanglots et crispations à cris suraigus, les tentatives d’amadouement échouent. Les enfants ne marchent pas dans le désir de leurs parents. Progéniture, progéniture ! Les guili-guili et les mimis, rien n’y fait. Tout le monde à la maison. Les enfants ont quelquefois raison, se dit Maldoror, surtout avant qu’ils n’aient atteint l’âge de raison. Ensuite, les rapports se compliquent sérieusement…

Rangés en files parallèles, êtres obtus et grossiers qui veulent à tout prix gueuler leur ambition limitée, les machines rongent leur frein. Parfois, l’une d’elles lâche un gros pet qui perce le bourdonnement d’ensemble.

Marnix et Maya la veuve suivis de tout un ensemble VIP de costumes et tailleurs de marque engagés dans la lutte contre le sida ou le racisme disparaissent derrière une toile rayée façon Buren. Dans le mouvement, Maldoror avise une jolie petite tête rouquine, Gigi, l’ex-assistante de Delarge, collée de près par Simon Fabre, un cadre du Big Smac aux fonctions floues. Maldoror a déjà croisé Gigi sur sa route. Il l’a vue rompre avec Dan Argo en direct, un soir, au Bateau ivre. Une prédatrice fragile donc brutale, a-t-il pensé, comme le sont toutes les sentimentales.