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Tout homme sécrète-t-il fatalement en lui une violence dirigée vers les femmes ? Voici une réflexion motivée en réponse aux attaques des féministes. Cette humble diatribe explore la psyché féminine avec quelques mots sur le mystère et l'ambivalence, sans accorder la moindre excuse aux hommes pervers, brutaux ou criminels. Nous tentons d'imaginer les raisons qui peuvent conduire à des actes irréparables et fatals, tout en examinant les relations à la fois passionnées et conflictuelles entre les cœurs masculins et féminins.
À PROPOS DE L’AUTEUR
Par l’écriture, Théodore Thorent apprivoise ce qui le hante, que ce soit de la passion, de la nostalgie, des complexes ou encore de la fantasmagorie. S’identifiant à un homme à paradoxes, il titille la gent féminine dans cet ouvrage afin de lui rendre hommage.
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Seitenzahl: 194
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Théodore Thorent
Contre-offensive
Essai
© Lys Bleu Éditions – Théodore Thorent
ISBN :979-10-422-0124-1
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À Paul, mon neveu
À Paul R. et Thomas B., mes anciens petits camarades du cours de théâtre, jeunes gens aussi exigeants, absolus et intransigeants que moi, qui rêvent d’un idéal féminin et à qui je souhaite de trouver un jour le grand amour.
… Enfin l’amour, l’amour ramené à la nature ! Non pas l’amour d’une « noble jeune fille » ! Pas de sentimentalité à la Senta ! Mais l’amour comme fatalité, cynique, innocent, cruel – et voilà justement la nature ! L’amour dont la guerre est le moyen, dont la haine mortelle des sexes est la base !
Friedrich Nietzsche, à propos du Carmen de Bizet,
dans Le cas Wagner, traduction Patrick Wotling
Ah, elles veulent en découdre ? Avec nous, les garçons ? À leur guise ! J’en ai autant à leur service et je vais de ce pas le leur montrer… Il est facile de diriger les lumières sur les forfaits masculins. Effectivement, ils s’étalent, scandaleusement. Mais moi, je vais décliner devant vous toute la palette des férocités féminines. Et je vous promets que vous serez édifiés ! Il y a certes beaucoup moins de garçons qui périssent sous les coups de leur compagne que le contraire. « S.O.S – hommes battus » est une association qui reste confidentielle. Les victimes masculines de coups assénés par des femmes restent minoritaires (11 %, d’après des estimations récentes). La pierre d’achoppement est que le droit, notamment pénal, ne s’attache qu’à la matérialité des faits. Et un crime physique (viol, violences aggravées avec coups et blessures ou meurtre) est évidemment beaucoup plus spectaculaire. Il marque les esprits et horrifie. Pourtant, il, peut y avoir en face, du côté de la rive féminine, sans que cela soit systématique, à l’égard des hommes, de surcroît de manière gratuite, une violence insoupçonnable et inimaginable mais invisible, car cette fois-ci sur le plan moral et psychologique… On me fera remarquer à coup sûr que, réciproquement, les actes de cruauté mentale et de harcèlement moralperpétrés envers leurs femmes par des époux toxiques sont légion. Sans doute et nul n’aurait l’impudence de le mettre en doute. Je laisse néanmoins aux femmes le soin de mener le combat contre ce fléau et de brandir l’étendard de la cause. Chacun son métier.
À cause de la révélation de sordides affaires et depuis l’affaire Weinstein qui a tout déclenché, à savoir la déferlante Me too, une nouvelle guerre a été déclarée aux hommes par les femmes. Le terme « continuum » a été mis à la mode par une armée d’amazones, sans d’ailleurs qu’il soit certain qu’elles en maîtrisent la signification… Il va sans dire que règne une météorologie plus que défavorable pour quelques pauvres amoureux transis de sexe masculin, sincères et désemparés, qui seront mis par la gent féminine dans le même sac que brutes, reptiliens frustrés du fin fond des hameaux perdus, ou bien phallocrates nauséabonds, ou encore psychopathes et autres violeurs « en puissance ». Éclaboussés par des rétorsions consécutives à ce qu’ils n’ont jamais voulu, tels des élèves timides du fond de la classe atteints eux aussi par une punition destinée à une meute de chahuteurs, ils entreront dans la catégorie de ce qu’un euphémisme pudique et malhonnête appelle dommages collatéraux…
Ont donc été avérées, entre autres méfaits, des « affaires » de viol, de droit de cuissage d’un autre temps pratiqué dans certains milieux fermés, de fréquents traquenards dont sont victimes de très jeunes filles – trompées sur la nature d’une séance de poses en studios – ou de violences (y compris morales, comme dans le harcèlement) faites aux femmes en général. Les féministes radicales en ont bientôt déduit qu’avait perduré, en plein XXIe siècle, une phallocratie systémique, peut-être même aggravée, avec un sentiment d’impunité absolue chez les mâles, tous potentiellement immondes, prédateurs et criminels. C’était, il faut croire, l’occasion rêvée pour que harpies et gorgones sortent du bois et sonnent le tocsin, ce qui les démangeait depuis belle lurette, en vue du règlement de comptes définitif, du Grand soir et du Jugement Dernier. Sous l’effet de la sirène et de l’alarme, la méfiance féminine est à son comble, les filles d’Eve sont plus que jamais sur leurs gardes, en vigilance écarlate, toutes griffes dehors.
Entendons-nous bien : il est hors de question de nier que le féminicide, beaucoup trop fréquent, est une abomination ; c’est surtout une atrocité qui n’a même plus rien à voir avec une régression. Car ce terme serait impropre : le tueur de femmes n’est ni un néandertalien ni un pithécanthrope. En effet, en aucun cas un pithécanthrope (aussi appelé par les paléontologues homme deJava) ne se serait abaissé à tuer une femme, pour la simple raison qu’il avait l’instinct de la perpétuation de son espèce : il s’agissait donc pour lui en premier lieu de sauvegarder… les génitrices.
Jean-Jacques Rousseau n’a pas connu la science préhistorique : son fameux bon sauvage ou homme à l’état de nature n’est donc que fiction théorique. Rousseau parlerait ici d’amour de soi, qui, chez le bon sauvage hypothétique, inclut la pitié et l’instinct de conservation : non seulement la vie est précaire et précieuse, mais l’autre, même extérieur à son cercle immédiat et à sa famille nucléaire s’il en a une, est comme une partie de lui-même et l’autre moitié de sa propre humanité. Le terme « empathie », en vogue aujourd’hui, est ce qui caractérise l’homme à l’état de nature, capable de ressentir la souffrance d’autrui au moment même où celui-ci l’éprouve. Plus encore s’il s’agit de celle qui partage ses jours. Attenter à sa vie serait donc impensable. Qu’on en arrive pourtant à cette aberration monstrueuse signifie le délitement d’un fondement essentiel. C’est pourquoi, en pensant non particulièrement aux meurtres de femmes, mais à des crimes également affreux, Joseph de Maistre dira par la suite : « la barbarie n’est pas un rudiment, c’est une ruine. »
Les incivilités et les violences (y compris invisibles) envers les femmes, sans pour autant constituer un fait anodin, sont déjà un symptôme dont la gravité en fonction des cas précis peut être discutée, mais, dans tous les cas, il est légitime qu’elles soient objet de plainte ; quant au viol, il est non seulement, comme le meurtre, un crime (si bien qu’au regard de la loi, si une femme est violée puis tuée, il y a double crime), mais encore une preuve de sottise abyssale. Même à supposer que l’on mette par parenthèses toute considération d’ordre moral ou pénal, le viol est pitoyable par l’absence totale d’estime de soi, d’amour-propre et de fierté de la part du violeur : violer, c’est en effet avoir reconnu un échec cuisant et s’être déconsidéré de la pire des façons. La civilisation, dans ses plus hautes manifestations, a inventé le rituel de séduction et de galanterie, qui passe par diverses subtilités. En France, le marivaudage en a été une expression privilégiée.
Or, le viol est aux antipodes. Passons sur le cas sinistre des derniers outrages perpétrés lors d’une guerre par des soudards, par exemple à la faveur de l’invasion d’un village, puisqu’alors ce sont des sévices organisés : le reître se laisse glisser sur une pente en donnant libre cours à ses pulsions, mais c’est délibérément qu’il leur laisse libre cours, tout comme dans un rituel sadique ou dans une torture. Il s’agit, pour semer la terreur, la sidération et la désolation, depuis les hordes hunnites, magyares et tartares jusqu’à aujourd’hui, d’un procédé parmi d’autres. Un Turc à l’assaut de la Bessarabie à l’époque de Vlad Tepes, un dragon de Louis XIV ou encore un Cosaque, savaient hélas très bien ce qu’ils faisaient. Tout comme les spadassins dépêchés par Vladimir Poutine.
Ici s’applique alors avec précision, comme une véritable formule mathématique, la sentence de Joseph de Maistre : la barbarie arrive à l’issue d’un processus de désescalade, quand le tissu social se déchire ou qu’une convention minimale, éthique et sociale, sur laquelle repose l’humanité depuis des siècles, paraît caduque, lors d’une crise extrême par exemple, ou d’une guerre totale, au cours de laquelle les règles élémentaires volent en éclats ; la barbarie va être en fait proportionnelle, en négatif, au degré supposé d’évolution de la civilisation où la « ruine » se produit : l’humanité se décompose en retournant contre elle-même une énergie agressive, avec une imagination morbide dont l’intensité égale celle des efforts qui l’ont amenée vers les hauteurs où elle se trouvait jusqu’à présent. Dans Le monde d’hier, Stefan Zweig est on ne peut plus lucide à ce sujet…
Or, au lieu de simplement s’effondrer, à la façon par exemple d’une pyramide qui tomberait en poussière, cette humanité défigurée va continuer, d’une façon incendiaire et exponentielle, sa course vers le bas, vers un abîme dé-civilisateur, mais abîme qu’elle creuseelle-même, en se niant, en se déchiquetant consciencieusement. Comme dirait le romancier américain Bret Easton Ellis : « moins que zéro ». En l’occurrence, autant, en dessous de zéro, qu’il n’y avait au-dessus, auparavant… Pour avoir une idée de la béance introduite, il suffirait de penser, en mathématiques, au monde des entiers relatifs, ou bien, si l’on poursuit la métaphore filée, aux abysses, à la fosse de Guam au large des îles Mariannes, un peu équivalente, en profondeur, de ce qu’est l’Everest en altitude sur la terre ferme… Enfin, si l’on peut dire, puisque 8 800 mètres dans un cas et 11 000 mètres dans l’autre… Il serait alors possible de noyer l’Everest dans le Pacifique, ce qui d’ailleurs va comme un gant à notre propos.
Ne parlons donc que du simple violeur désigné dans un fait divers, ou à la rigueur – cas fâcheux souvent occulté par les soins du ministère de l’Intérieur – des adolescents masculins en centre fermé, mal surveillés par leurs éducateurs spécialisés et apercevant une homologue féminine dans les couloirs du foyer : eux, en passant à l’acte, avouent par là même que jamais, au grand jamais, ils n’auraient su ou puobtenir le consentement de la belle. On ne peut par définition violer que celle qui ne veut pas de vous, qu’on ne sait pas civilement aborder en raison d’incapacités et de carences mentales, donc qu’en aucun cas on ne saurait a fortiori séduire par étapes, ou dont on subodore que jamais il ne sera question qu’elle vous accorde ses faveurs, de même qu’une effraction ne peut s’accomplir que dans un endroit dont la porte est close. Je ne parle bien sûr que de sujets qui se connaîtraient, se croiseraient pendant la journée ou se côtoieraient déjà. L’inconnu nocturne et pulsionnel, mauvaise rencontre du coin de la rue, de la plage déserte ou du parc de stationnement souterrain, ne prend évidemment pas la peine de savoir si une liaison eût été possible, il se sert spontanément. Mais dans le cas antérieur à celui-là, ne reste à l’importun déjà familier cherchant sans succès à passer à une étape supérieure, comme dernier recours auquel il s’accule lui-même, qu’un passage en force pour satisfaire un besoin purement physique, comme pour l’inconnu criminel, ce qui relève de la plus basse misère.
Mais justement, à propos des rapports sexuels contraints ou extorqués, Cynthia Fleury, invitée dans une émission radiophonique récente pour parler de la révolution féministe dont le thème avait à voir avec son avant-dernier ouvrage (Ci-gît l’amer, guérir du ressentiment, 2020), dit que le viol n’est pas une simple affaire de désir irrépressible qui romprait les digues ou passerait par-dessus une fin de non-recevoir, mais de violence pure exercée sur le corps d’une femme : « Le viol n’est pas une affaire sexuelle, mais sexiste », précise Cynthia Fleury : il reviendrait à rappeler au bon souvenir d’une personne ravalée au rang de femelle animale qu’à tout moment le mâle se réserve la prérogative de la mater et de disposer d’elle. Mais c’est alors une vieille histoire : cet acte brutal récurrent se produit dans un monde où la domination masculine n’est pas l’affaire des seuls hommes héritiers d’un patriarcat odieux, mais une construction culturelle, historique et collective, comme c’est le cas dans la mentalité coloniale. D’où le concept de prédateurs masculins sans scrupules, se croyant tout permis et protégés par le nimbe de leur statut d’intouchables, au sein des hautes sphères du pouvoir, de la création ou du spectacle. Cette construction serait indépendante de la volonté ou de l’approbation des garçons pris individuellement, même si elle profite aussi aux individus masculins les plus frustes. La thèse de Cynthia Fleury est sans nul doute à prendre en considération et elle a son poids et sa cohérence. Mais n’en demeure pas moins que, de surcroît, la misère affective et sexuelle, au sein des grandes villes où règne une solitude inédite, ou de la ruralité délaissée où suinte une détresse palpable, est une réalité qui, pour le dire sommairement, rend, par frustration, beaucoup d’hommesfous. Ce qui en aucun cas ne peut constituer une excuse.
Si je ne devais convenir que du caractère inadmissible des crimes, voies de fait et actes violents, je serais bien jésuite et laxiste, car je laisserais entendre que tout le reste est véniel et tolérable. Je précise donc que l’inégalité de traitement dans de nombreux domaines, la difficulté d’accès à certains postes et certaines carrières (ce qui tend heureusement à singulièrement s’estomper), la goujaterie ordinaire constituant mainte incivilité envers les femmes et le parti pris qui consiste à ne pas prendre au sérieux d’une manière générale l’avis, les œuvres, la pensée ou la parole d’une personne du sexe dit faible sont des réalités plus que déplaisantes, qui non seulement doivent être corrigées au plus vite, mais qui auraient dû même ne jamais apparaître.
J’ai, jusqu’à présent, admis ce qu’il y avait à admettre, volontiers, et point du tout à contrecœur. C’est bien le moins que je puisse faire, ne serait-ce que pour dissiper à l’avance tout malentendu possible au sujet de mes convictions. Pour finir d’ôter toute ambiguïté, je dirai que mon meilleur ami, un jour stupéfié par la brutalité d’un individu séparé de sa compagne qui se querellait avec elle au sujet de la garde de leur petit garçon, m’a dit, indigné : « mais enfin, voyons, une femme est un être aérien : en aucun cas on ne porte la main sur elle ! », faisant écho en cela au précepte : « il ne faut jamais frapper une femme, même avec une fleur ! » Or, j’y ai immédiatement souscrit. Rassurez-vous, jamais je ne changerai d’avis. Mais toutes les femmes ne sont pas des anges ni des saints. Philip Roth et Milan Kundera se sont permis de le signifier indirectement et ils ont payé le prix fort pour une telle audace : les groupes de pression féminins, surtout américains, savent excommunier, entendez ici, en l’occurrence… interdire de Nobel…
Il n’est pas nécessaire d’être un Dom Juan ni un homme qui aurait eu l’occasion d’expérimenter la cruauté féminine dans toute son épaisseur ou ses dimensions, comme c’est le cas du personnage dénommé Roberti dans le roman de Jean Dutourd Les horreurs de l’amour. L’on peut apercevoir sans cela certains aspects de cette cruauté et être même en mesure de témoigner de son ampleur. Il est possible de simplement décrire ce que l’on a subi accidentellement ou observé, pour en tirer des enseignements.
Évoquer des rebuffades encaissées par nous, les garçons, quand nous étions plus jeunes, serait superflu, d’autant plus que ces jérémiades seraient inaudibles ; et après tout, les dames répliqueraient qu’elles ne font que nous rendre la monnaie de notre pièce, puisque, diraient-elles, nous sommes aussi souvent enclins à leur briser le cœur, qu’elles, le nôtre. Cependant, au passage, j’énumérerai brièvement les différents modes de gifles appelées aujourd’hui familièrement râteaux, que nous, les mâles, nous encourons de recevoir, puisque nous y exposer est en quelque sorte notre métier (« l’homme propose, la femme dispose »). En effet, selon toute logique, même un séducteur aguerri enregistre beaucoup plus de râteaux que de conquêtes. Il serait étonnant qu’il gagne à chaque essai. Sans pour autant aller jusqu’à la collection fantasmagorique évoquée dans l’air du catalogue du Don Giovannide Mozart (« Mille e tre »), avec la cadence infernale que cela impliquerait, mettons qu’il se targue d’une quinzaine de conquêtes en un an. C’est déjà une excellente moyenne. Mais, pour parvenir à un tel score, il aura au moins connu en parallèle une cinquantaine d’échecs et c’est grâce à la quantité de tentatives qu’il engrange autant de succès, dont le nombre peut paraître à première vue considérable.
Voyons donc à quoi les femmes recourent pour nous éconduire. Ce sont des procédés propres à leur sexe. Ce ne sera qu’un petit florilège à titre indicatif, donc par définition non exhaustif.
« Tu sais, je sors d’une histoire “compliquée”, je ne suis pas prête à m’engager à nouveau tout de suite » : mais bien sûr ! C’est cela, oui… Ce genre de cas de figure est possible. Chat échaudé craint l’eau froide. Mais nous connaissons tous ce refrain commode, éculé comme un pantalon rapiécé et éventé comme une piquette. Il a été pour tout dire mille fois entendu et il empeste l’alibi misérable… Par miséricorde, passons.
« Euh,je suis très occupée aujourd’hui… J’ai beaucoup à faire toute la semaine et tous ces jours-ci… Mais, dis-moi, au fait, ça va ? Tu m’as l’air nerveux et fébrile. Tu as essayé les huiles essentielles ? Le yoga ? La sophrologie ? »
C’est insidieux au possible, sous une allure apparemment paternaliste ou… maternaliste (je me permets de créer un néologisme). Alors, à insidieux, insidieux et demi. Je vais donc poser une question : à Brad Pitt, au moniteur de ski suédois de Val d’Isère, au surfer australien apollinien, au malabar de service, croyez-vous que votre « interlocutrice » leur préconiserait les huiles essentielles ou le yoga, à eux ? Vous voyez ce que je veux dire… Comment cette femme s’y prend-elle ici ? Tout d’abord, elle diffère, esquive comme en Kung-fu ou en rhétorique, gagne du temps. Ensuite, ce qui l’autorise (croit-elle) à adopter cette attitude condescendante au possible, c’est la psychologisation à outrance de tout. Elle vous regarde de haut, avec compassion, elle brise votre élan, vous ramène d’autorité au statut grotesque de la pauvre petite chose vulnérable, en mal d’équilibre et se débattant : DONC le contraire del’hommefort, sûr de lui et tranquille, dont le seul abord est pour elle grisant… De facto, vous voilà déchu, débouté de votre prétention à toute séduction… Et voilà, le missile a atteint sa cible, sous le prétexte sournois de la fameuse prétendue bienveillance. Moralement, vous avez été atomisé. Nota bene : la fragilité masculine, prétendument charmante et attendrissante pour une femme, n’est qu’une légende urbaine et moderne. C’est un énorme racontar…
Aguichante ou super-midinette avec les uns, macramé-Larzac et anguille avec les autres qui n’ont pas l’heur de lui plaire, experte en gymnastique du double visage et du détournement de conversation avec vous : ainsi est-elle… La perfidie et la duplicité féminines se déploient ici, comme les ailes d’un condor ou d’un albatros en grande forme ! De sa part, autant vous dire : « coucouche panier »… Entre nous, ce serait plus honnête. Vous êtes en colère ? C’est à étudier sous un angle clinique. Vous êtes triste ? Cela mérite une thérapie. Vous êtes attiré par elle ? Mais ce n’est qu’un accident cortico-viscéral ! D’ailleurs, avant de faire une rencontre réellement fructueuse, vous répliquerait-elle sans doute, il est judicieux d’avoir préalablement pratiqué une introspection. Ben voyons ! De quelle durée, au fait ? Ce n’est pas précisé… Après, on s’appellera, on se téléphonera, on en reparlera, d’accord ? En attendant, essayez l’aromathérapie, le travail sur vous-même (!), la méditation transcendantale… ou le yoga… cher ami !
«J’ai beaucoup d’estime pour toi » : bien sûr ! Comme Roxane en a pour (son ami) Cyrano, à qui elle confie l’amour qu’elle éprouve… pour un autre ! Cette déclaration est un grand classique parmi tous, elle signifie que la partie est perdue, d’une manière qui est sans appel… Bien pire : vous êtes catapulté, avec condescendance là aussi et sans aucun ménagement, sur une planète aride et sinistre, dans une dimension où rien de sexuel ni de sentimental ne peut exister… C’est un exil. Une femme n’a d’estime que pour un homme que justement elle ne désire pas et elle a parfois le front de substituer l’une à l’autre en guise de lot de consolation, sans que la pensée ne l’effleure un seul instant que sa parole pourrait être perçue comme humiliante… comme dans le cas précédent ! À mon humble avis, l’un est exclusif de l’autre. Un désir charnel qui serait constitué par l’estime est une utopie vénusienne, ou alors une plaisanterie plus que douteuse… Quant à l’amour d’estime, il a pu éventuellement naître, de la part d’une femme envers un homme, à raison d’environ trois fois en deux mille ans. Une très belle histoire, qui se termine tragiquement, est relatée dans la coproduction internationale Vatel, film avec Gérard Depardieu et Uma Thurman. La marquise de Montauzier (Uma Thurman) admire François Vatel (Gérard Depardieu), qu’elle vient de rencontrer au domaine somptueux du prince de Condé, homme au service duquel se trouve François Vatel. L’admiration de la marquise se mue bientôt en amour. Donc, il serait a priori fondé de parler d’amour d’estime.
Mais alors il me semble que conclure de la sorte serait aller bien vite en besogne ; c’est oublier en effet que cette anecdote, qui est peut-être déjà embellie et romancée, s’inscrit dans un contexte très spécifique : la marquise se sent oppressée par les usages, les obligations de la Cour, la concentration d’individus infâmes dans un périmètre restreint. Or, François Vatel survient dans sa vie comme une providence et un air frais du large : lui, authentique et passionné, se comporte en fait, bien que plébéien de naissance, comme un vrai gentilhomme, qui aime son métier et qui, en passant par une galanterie épurée et sincère, fait renaître à son tour la marquise à une vie authentique. Par sa simplicité, il est pour elle le chevalier servant inattendu, qui la délivre d’une léthargie mortifère et la révèle à elle-même, comme dans le conte de la belle au bois dormant… Cet amour éprouvé par la marquise équivaut donc à une gratitude sublimée, multipliée par une considération déjà existante.
Je crois qu’il n’est pas indifférent que le réalisateur, Roland Joffé, ait choisi le XVIIe