Creepy World - Fabrice Vannier - E-Book

Creepy World E-Book

Fabrice Vannier

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Beschreibung

Créatures cauchemardesques, pouvoirs dépassant l'entendement, futur apocalyptique, divinités trompeuses, humains n'ayant rien à envier aux horreurs commises par des monstres de tout bord. C'est tout ceci qui vous attend dans les 10 histoires de ce recueil. Une plongée dans la psyché humaine et des lieux où le danger et la terreur ne sont pas forcément là où on les attend.

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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TABLE DES MATIERES

RED LADDER-La Drogue des Morts

L’AUTRE

CHANGELING

MURMURES

VOYAGE EN ENFER

SAIKAI-Les Retrouvailles

PERSECUTION DEMONIAQUE

LA CITE DES FANTÔMES

PREMONITIONS

LE SECRET DE NANA

AVANT-PROPOS

J’ai mis un peu plus d’un an pour écrire ce recueil, que j’ai voulu plus abouti que le précédent, et surtout ancré dans un même thème, celui qui m’est cher : la creepypasta.

Ceux et celles qui sont familiers de mon blog et ma chaîne YouTube ont déjà l’habitude de mon univers. Alors, je m’adresse plus particulièrement aux nouveaux lecteurs.trices pas encore familiarisés avec mes écrits.

Les histoires qui suivent, bien que différentes l’une de l’autre ont toutes en point commun l’attachement que j’ai à distiller l’angoisse à partir d’évènements ayant une crédibilité la plus proche possible. Si tant est qu’on croit au surnaturel comme moi, bien sûr. Je mets un point d’honneur à construire des développements de personnages approfondis et des créatures se basant sur des possibilités morphologiques empruntés à la science et aux mythes de tous pays. Le but étant d’offrir la plus grande immersion possible.

J’espère que vous aimerez vous perdre dans ces lieux qui portent l’empreinte de mon imagination (presque) sans limite…

RED LADDER-La Drogue des Morts

Je suis trop jeune pour avoir vécue les détails du commencement, le point de départ de ce qui a amené notre monde à devenir ce qu’il est. Je n’en connais que ce que j’ai découvert sur les quelques livres obtenus par l’intermédiaire de Cal, le dirigeant de la Patrouille 27. Celui qui est responsable des vérifications sanitaires obligatoires dans notre quartier, à raison de 2 fois par semaine. Une des rares personnes qui m’aie donné la motivation de continuer à vivre, contribuant à ce que je persévère à m’occuper de mes parents.

Ils sont l’autre raison m’ayant incité à ne pas me jeter dans la rue pour subir la Death Rain. Cette foutue pluie nous obligeant à rester cloitrés chez nous ou à faire partie d’une des colonies érigées sous terre, au cœur des galeries qui étaient autrefois les égouts de la ville. De véritables camps de concentration où se retrouvent parqués ceux et celles qui recherchent un havre de sécurité, sans risque de devenir un de ces malheureux contaminés qui submergent les rues du dessus.

J’aurais dû rejoindre l’un de ces camps. Cal me le demande souvent, usant du prétexte que ça permettrait de nous voir plus souvent. Mais ma réponse est la même à chaque fois. Mes parents ont un âge trop avancé. Ils ne supporteraient pas de ne plus voir la lumière du jour. Même le peu que ces nuages de morts nous permettent de recevoir, traversant les fenêtres au vitrage renforcé de notre maison.

Une sécurité au cas où un des Helpers, le nom qu’on donne aux contaminés de la Death Rain, chercherait à entrer dans une maison, dans le but d’y trouver une trace de ce qui a constitué leur vie avant de devenir des parias. C’est comme s’ils se raccrochaient à l’espoir qu’en pénétrant dans des maisons où se trouvent encore des habitants, ils pourraient guérir. Ou au moins y recevoir de l’attention. Ça fait partie des ravages de ce mal disséminé par cette pluie tombant au moins une fois par jour.

Des averses capables de dissoudre la peau en portions de plus ou moins grande importance, suivant l’épaisseur des habits portés ou la matière de ceux-ci. En règle générale, les mains sont les parties touchées en premier. Et dès lors qu’on a reçu ne serait-ce qu’une goutte de ce véritable acide, il est souvent trop tard.

Sans soins immédiats, dans un délai de deux heures après avoir été atteint, les tissus organiques sont rongés, s’étendant de façon exponentielle tout autour de la zone où la pluie s’est abattue sur le corps. Mais ça, ce sont pour les plus chanceux. Il suffit d’une amputation, pratiquée par un des docteurs des centres de soins, pour obtenir une place dans un des camps souterrains parsemant les sous-sols des villes. Là où ils seront pris en charge par des équipes médicales pouvant subvenir à leurs besoins. Il n’est pas rare de voir des estropiés, des manchots errer dans ces camps. Certains étant même quasiment réduits à des troncs humains, dépendant des autres membres de leur famille, et enfermés à vie chez eux.

Les amputations se font en surface, dans des lieux stériles et prévus pour ça. Les centres dont j’ai parlé précédemment. Véritables forteresses pour parer à toute tentative d’introduction des Helpers, qui, eux, contrairement aux futurs infirmes remplissant près de 40 % des camps, n’ont plus d’échappatoire. Soit ils sont abattus en cherchant à s’approcher trop près des bâtiments, soit ils sautent sur les mines disposées autour des centres d’amputations.

Les Helpers, ce sont ceux qui ont été touchés à la tête par la Death Rain et le poison qu’elle renferme. Les tissus cérébraux sont liquéfiés en grande partie. Ce qui leur enlève toute lucidité, en plus de leur procurer une énorme souffrance au fur et à mesure que l’acide ronge leur crâne. Quand le cerveau est atteint, c’est Game Over. Ils tombent comme des masses sur le sol. Leurs dépouilles sont récoltées par des équipes spécialisées, afin d’être brûlés dans des fours crématoires. Une opération qui demande certaines précautions à suivre, selon une procédure stricte.

Ces équipes de « nettoyage » portent des combinaisons intégrales, ressemblant pratiquement à des cosmonautes. Là aussi, c’est une sécurité : cela permet d’éviter d’être contaminé après avoir touché une zone de peau infectée. Car oui, même morts, les Helpers peuvent contaminer quiconque aura le malheur de les effleurer.

C’est comme un virus. Il suffit d’être en contact physique, avec une portion d’épiderme rongée par la Death Rain, pour prendre le risque d’être porteur de la pathologie à son tour. Une simple coupure au doigt, une écorchure, est suffisante pour transmettre le mal en eux. Même si elle est cicatrisée. Des habits ou des gants trop fins, ayant une matière ne pouvant empêcher cet acide de les ronger également, sont autant de facteurs de risques à ne pas négliger. C’est pourquoi il est interdit de s’approcher et toucher les cadavres, même s’il s’agit d’un membre de sa famille à qui on a envie de faire un dernier adieu physique.

Pour en revenir aux amputés dans les centres, ceux-ci sont ensuite envoyés dans un des camps, en suivant les tunnels reliant l’un et l’autre. Ceci afin d’éviter des voyages inutiles, économisant ainsi le carburant des rares véhicules utilisés par les corps militaires. La norme est à peu près la même dans chaque pays du monde, à quelques exceptions près. Certains sont plus stricts et appliquent une quarantaine après amputation. L’objectif étant d’être sûr qu’il n’y aura aucun risque de contamination. Quarantaine où les hommes, les femmes, et même les enfants, sont enfermés dans une pièce où ils sont scrupuleusement observés en permanence par le biais de caméras, afin de surveiller toute anomalie de comportement.

Il y a souvent des bavures lors de ces périodes d’observation. Des mères deviennent folles de se voir séparées de leurs enfants, sans aucune nouvelle d’eux. Elles finissent souvent par s’auto-mutiler avec l’un de leurs bras, resté valide, s’arrachant la peau avec leurs dents ou se frappant la tête sur un mur.

Quand il ne s’agit pas d’un des rares meubles autorisés au sein de ces espaces confinés. Comme une table, une chaise, ou encore un lit fixé sur les parois, de la même teneur que ce qui compose une cellule de prison. Les hommes montrent parfois des signes de claustrophobie chronique, avec les mêmes résultats. Ces signes de folie sont plus rares chez les enfants. À cause de ce comportement, pris pour une expansion du mal provoqué par la Death Rain, des exécutions sommaires sont ordonnées. Sans prendre le temps de vérifier ce qui a provoqué leur accès de rage.

Ce n’est qu’après vérification, par le biais d’une autopsie effectuée par les médecins du centre, que sont constatées les erreurs. Une étape obligatoire, pratiquée avant l’évacuation du corps. Ceci dans le but de rassembler des éléments pouvant permettre de créer un vaccin, ou toute autre solution pouvant contrer les effets de la pluie mortelle. Une opération difficile, car ce virus d’un nouveau genre mute constamment, compliquant le travail des chercheurs. Des altérations dues au climat, lui-même provoqué par les actions de la Death Rain sur l’environnement. Un cercle vicieux dont il n’existe pas de remède à ce jour.

Mais comme vous l’avez compris, car je fais partie de cette catégorie et refusant que ma mère se retrouve dans un de ces camps, il y a ceux et celles ayant choisi de rester vivre en surface en procédant à quelques mesures sécuritaires. Les patrouilles régulières, deux fois par semaine, permettent de ravitailler ces familles, ces personnes isolées, en plus de vérifier que leur état de santé ou psychologique ne s’est pas dégradé.

C’est à l’issue de ces visites que j’ai rencontré Cal. Il était différent des autres chefs de patrouille. Plus humain dans son comportement, plus attentif à notre bien-être précaire. Parfois, il prenait même le temps de nous demander si on avait un besoin spécifique. Ce qui m’a permis d’obtenir des livres venant de la bibliothèque du camp dont il était issu.

Un système d’échange. Il m’amenait des livres, et moi je lui rendais ceux déjà lus. Ou des œuvres pour lesquels je ne m’intéressais plus, afin qu’ils changent le quotidien de quelqu’un d’autre. Je ne peux pas cacher qu’il me plait beaucoup. Mais notre relation ne pourra jamais aller au-delà du simple flirt. Ceci à cause du secret que je cache et qui me ferait mettre aux arrêts, pouvant provoquer l’envoi de ma mère loin de moi, au sein d’un de ces camps où je sais qu’elle se laisserait mourir, car elle ne supporterait pas d’y vivre seule.

Un secret qui permet de donner du rêve à ceux et celles qui ont choisis de vivre à la surface, malgré les risques. Sortant parfois à l’extérieur de leurs demeures pour ne pas devenir fou à cause de l’enfermement, après avoir vérifié au préalable l’état du ciel ou en écoutant les bulletins météos émis depuis les camps, anticipant ainsi toute chute de la Death Rain.

Une drogue. Une drogue qui plonge ses utilisateurs dans un rêve faisant ressurgir leurs souvenirs, et en créant d’autres, à cause des composants de ce que l’on appelle la Red Ladder, « L'Échelle Rouge ». Elle se nomme ainsi à cause de la graduation de sensations ressenties après absorption. La Phase 1, survenant après 4 à 6 minutes, fait ressentir un effet d’extase légère.

La Phase 2, se déclenchant environ 5 à 20 minutes après une dose, provoque des hallucinations intenses puisées dans nos souvenirs, les imbriquant l’un dans l’autre. La Phase 3, enfin, qui démarre après environ 20 Minutes, est la plus forte. Elle donne une impression de réalité, à l’image d’un casque virtuel. Toucher un mur, un meuble, ou un quelconque objet, transforme ce geste, le mélangeant à ses souvenirs les plus profonds, et y rajoutant ceux extraits des personnes qui ont permis la création de cette drogue unique. Sa matière première est le corps cellulaire des neurones, prélevé par l’action d’une seringue spécifique sur la matière grise du cerveau d’un corps fraichement décédé.

Pour mieux comprendre la suite, je dois préciser que mon père est mort depuis 2 jours à l’instant précis où j’écris ces lignes. J’ai caché cette mort, car je savais que celle-ci pourrait servir au groupe dont je dépends pour la fabrication de la Red Ladder. J’ai intégré ce groupe il y a maintenant plusieurs semaines, à la suite d’une sortie où j’ai surpris l’un des revendeurs de cette drogue auprès d’un de ses clients. Celui-ci s’avérant être un ami de ma mère.

Je venais voir ce dernier pour lui demander des suppléments de nourriture. Mes parents et moi avions du tenir pendant toute une semaine sans être ravitaillé par les patrouilles. Un fait occasionné par une pénurie. Plusieurs camps avaient dû faire face à une perte de stocks. En cause : une panne de plusieurs heures des chambres froides où était entreposée la nourriture.

Par conséquent, la population des camps avait été privilégiée au détriment des habitants de la surface. Ces derniers n’eurent alors d’autre choix que de se rationner encore plus. Je pensais que cet ami, connu pour être un survivaliste, pourrait m’aider. Il avait sa propre chambre de survie au cœur de son sous-sol, où il avait stocké pendant des années d’immenses réserves d’alimentation. J’avais toujours caché, tout comme ma mère, que je savais ce qu’Ethan dissimulait chez lui. Celui-ci nous avait demandé le silence concernant cette information, car il craignait que ses provisions soient réquisitionnées par l’armée.

Bien malgré moi, je découvrais donc cette transaction. Ethan m’avait fait rentrer avec son fournisseur. Ceci afin d’assurer à ce dernier que je ne cafterais pas ce que j’avais vu. J’ai cru comprendre qu’Ethan était un bon client, et l’autre homme accepta de me faire confiance, moyennant une condition : celle de rejoindre son groupe. Ce qui lui permettrait de vérifier ma sincérité.

S’il y avait une alerte, une visite d’une patrouille au sein de leur petit labo, situé dans la cave d’une maison abandonnée, il comprendrait que j’en serais la cause. En ce cas, Ethan serait sanctionné en n’étant plus approvisionné, une fois que le groupe aurait changé de planque.

Il y avait d’autres labos secondaires en prévision de ce cas de figure. J’avais vu le regard qui était à la limite du désespoir d’Ethan, et je ne pouvais décemment pas le trahir à ce niveau. D’autant qu’il nous avait dépanné bien des fois par le passé, mes parents et moi. Alors je donnais mon accord, et j’intégrais le groupe.

L’homme ayant proposé le deal, répondant au nom de Flag, me fit ainsi découvrir le monde du trafic de Red Ladder. Ce palliatif à la morosité du monde nous entourant. Seul remède pour oublier la folie qui le composait, tels que les patrouilles, les contaminés et le reste, pendant un temps défini. La Phase 3 de la drogue pouvant s’étendre sur 2 à 3 heures, avant « décompression ».

À l’insu de mes parents, mon père étant encore vivant à ce moment-là, je participais à des opérations de « pompage » de cerveau sur des corps décédés depuis peu. Des personnes ayant achevées leur vie de manière naturelle, ou bien l’ayant abrégée volontairement, car ne supportant plus ce qui les entourait.

Le groupe fonctionnait grâce à un réseau de surveillance bien établi, connaissant chaque maison ou immeuble où habitaient des « Surfacistes ». C’est ainsi qu’on nomme ceux et celles ayant renoncé à vivre dans les camps souterrains. Des sortes de petits micros, placés à des endroits stratégiques de ces lieux, permettaient de détecter tout signe de vie à l’intérieur. Des déplacements, des sons divers d’appareils électroniques, des bruits de coups ou de chutes…

Tout était transmis à une sorte de centre de contrôle. Dès qu’une demeure ne faisait plus entendre le moindre son indiquant une présence après 24 heures, ça devenait le but d’une opération « prélèvement ».

En peu de temps, je suis devenue familière de ces opérations, devenant un membre à part entière du groupe. Il ne me considérait plus comme la « petite nouvelle », mais comme une véritable amie avec qui chaque membre partageait un peu tout et n’importe quoi. J’organisais ma vie : le jour je vivais officiellement avec mes parents. Je m’occupais en matant des vieux films et des séries sur DVD. Parfois, il s’agissait de diverses émissions TV n’existant plus depuis de longues années, du fait de l’expansion de la Death Rain à travers le monde.

La nuit, j’allais en duo avec d’autres membres du groupe pour revendre de la Red Ladder à nos clients, ou bien pratiquer des prélèvements. En général, dès qu’un corps à pomper se manifestait, on remplissait plusieurs fioles, de manière à obtenir le plus gros stock possible. Car on était conscient que l’armée se rendrait compte de la mort par la visite d’une patrouille. On ne pouvait prendre le risque de se rendre au même endroit plusieurs fois, à cause du risque important d’alerter les militaires. On avait beau faire attention à ne pas se faire repérer par une des nombreuses caméras disséminées dans la ville, la prudence était de mise.

Quand mon père fut mort, la situation s’avéra différente. En découvrant ça, ma mère était en larmes, et surtout, elle craignait d’être plus ou moins forcée par l’armée de rejoindre un des camps. Les militaires ayant un comportement social machiste, le fait de savoir deux femmes vivant désormais seules, sans la protection d’un homme, ça servirait de prétexte au « transfert » à un camp. Je ne pourrais pas m’opposer à ça, et ma mère encore moins. Alors, j’ai fait un pari : j’ai tout expliqué à cette dernière de mes activités nocturnes avec le groupe. Je lui ai proposé une solution à notre problème. Solution qui m’avait été indiquée par Flag, voyant ma peur d’être obligée de partir de chez moi. Je pense aussi que perdre un membre aussi actif que moi le gênait fortement. Ce qui l’a conduit à trouver une parade, impliquant de mettre ma mère « au parfum ». C’était un gros risque, mais Flag savait que je trouverais les mots pour la convaincre.

Ce ne fut pas évident, mais je parvenais à rallier ma mère à notre cause. Toujours sur les conseils de Flag, qui me fournissait le matériel, on installa mon père sur son fauteuil préféré, dans la chambre parentale. On plaçait ce dernier en direction de la fenêtre, comme s’il observait au-dehors. Un petit appareil fut disposé sous sa main.

Le but était de faire bouger cette dernière, par l’action du pressage du bouton d’une télécommande que je garderais sur moi en cachette, pouvant ainsi déclencher le mécanisme à distance, même étant au creux d’une poche. Comme ça, si la patrouille de Cal venait et s’étonnait de l’absence de mon père, il suffirait de lui montrer qu’il était toujours « vivant », en le faisant monter à l’étage, dans la chambre, préalablement plongée en grande partie dans l’obscurité.

La pénombre permettrait de masquer les détails du corps décédé. En particulier ceux des doigts, positionnés sur les bras du fauteuil, et visibles depuis l’arrière. Je devrais m’assurer que seul Cal viendrait avec moi pour la « vérification », ce qui m’assurerait de me placer derrière lui. Il me suffirait ensuite d’actionner le petit appareil destiné à bouger artificiellement la main de mon père.

Il me suffirait de lui indiquer que mon père dormait, et qu’il ne fallait pas faire trop de bruit pour éviter de le réveiller. Ça servirait de prétexte à l’obscurité de la pièce, seulement éclairée d’une lampe de chevet. En voyant la main bouger, Cal aurait la preuve recherchée, et devrait logiquement s’abstenir de s’approcher dans le but de vérifier que mon père était en vie. Je jouais aussi beaucoup sur le fait que Cal n’était pas insensible aux regards que je lui portais à chacune de ses visites, et sur la confiance qu’il me vouait.

Et effectivement, le plan se déroula à la perfection. Quand Cal et la patrouille vinrent à la maison par la suite, ils ne soupçonnèrent rien d’étrange ou inhabituel. Mais je dois bien avouer que je respirais un grand coup après ça, soulagée. Cependant, moi et Flag savions qu’il faudrait trouver une solution par la suite pour masquer l’odeur qui risquait de se dégager du corps de mon père. Ceci au cas où le subterfuge devait durer.

Ma mère m’avait impressionnée. Vous n’imaginez pas à quel point je craignais qu’elle craque durant le passage de la patrouille, avouant le décès, et tombant en larmes. Au lieu de ça, elle a montré un calme olympien que je n’aurais jamais cru être possible de sa part. Elle me confiait qu’elle avait déjà pleuré toutes les larmes de son corps en découvrant le corps inanimé de mon père, constatant sa mort : elle avait dû épuiser toute sa réserve.

Quoiqu’il en soit, l’opération était auréolée de succès. Provisoire, mais succès quand même. Cependant, ce qui suivrait ferait oublier notre réussite du jour, et ferait basculer la ville dans un cauchemar encore pire que les contaminés du dehors, de la Death Rain, des centres d’amputation, ainsi que des camps souterrains et ses restrictions.

Une horreur qui déclencherait une apocalypse en devenir, que je n’aurais pensé n’appartenir qu’aux films de George Romero. Une catastrophe causée par la volonté de Flag de vouloir satisfaire toujours plus ses clients. On ne peut même pas parler d’avidité à ce niveau : tout système monétaire n’existant plus depuis bien longtemps. Depuis les ravages de la Death Rain et l’instauration du contrôle militaire et sanitaire des villes dans tous les pays du monde.

Flag et notre groupe nous faisions payer en nourriture, ainsi que d’autres besoins. Comme du pétrole pour le chauffage, notre local étant dépourvu d’électricité dite classique. Le détournement des branchements électriques de la maison abritant notre groupe était proscrit, pour ne pas alerter la présence suspecte de ce dernier au sein d’une maison supposée abandonnée.

L’armée avait les moyens de constater l’utilisation d’électricité par le réseau de la ville très facilement. Le combustible, ça servait aussi pour alimenter un générateur, afin d’obtenir malgré tout de l’énergie pour certains de nos appareils. Ces derniers étant pourvu d’un dispositif spécial, non raccordé au reste de la maison. C’était un peu sommaire, et on devait constamment faire gaffe où on mettait les pieds pour ne pas buter dans les fils au sol, mais c’était efficace.

Et surtout ça suffisait pour faire également fonctionner notre petit laboratoire servant à la fabrication de la Red Ladder. Ainsi qu’une petite serre artisanale où poussait des plantes spécifiques. Des éléments de base, indispensables à l’élaboration de la drogue. Après l’alerte de mon père, dont le cerveau avait permis d’alimenter un peu plus notre réserve de matière première, on pensait être à l’abri de tout danger pouvant mettre en péril notre petite entreprise. Nous nous trompions lourdement.

Avant de continuer mon histoire, je pense qu’il est nécessaire de vous expliquer comment notre monde est devenu une terre d’apocalypse. Une partie habitant sous terre comme des rats ou des taupes, parquée dans des camps de plus ou moins grande envergure selon les pays. Une autre vivant en surface, bénéficiant d’une semi-liberté, mais étant soumise à la présence des Helpers. Ces personnes contaminées par la Death Rain, contagieuses, pouvant transmettre le mal, même en étant mortes, par simple contact avec le sang d’un non-contaminé.

Un monde où les seules formes de communication restent la radio, du fait de l’entretien des relais des tours pour leur fonctionnement. L’utilisation de la TV est vite devenue non primordiale, et la plupart des stations de diffusion de programmes ont été abandonnées. Il subsiste des stations dans quelques pays, mais elles sont sous le contrôle des armées. Celles-ci ayant la fonction de gouvernement provisoire, elles ne diffusaient que des bulletins d’infos sur la situation du pays concernant les Helpers, ainsi que la chute des pluies mortelles. Des eaux pluviales qui sont aléatoires, mais se limitant malgré tout à une ou deux par jour, à de rares exceptions.

Les autres moyens de communication, tels que les téléphones mobiles, sont réservés, là aussi, aux militaires. Ainsi qu’aux scientifiques. Cela dans un souci de contrôle des informations mensongères. Ces dernières pouvant créer des paniques ou envoyer des familles à la mort en évoquant des zones non-contaminées, alors qu’elles grouillent d’Helpers, les armées de chaque pays, d’un commun accord, ont restreint l’utilisation des portables. Toute personne surprise à en avoir un en sa possession le verra automatiquement confisqué lors de son arrivée à un camp, ou au moment des visites régulières des patrouilles. Les propriétaires en faute, à qui il avait été accordé de vivre en surface, sont alors directement relégués en camps souterrains et surveillés de près lors des 20 premiers jours de leur séjour en ces lieux.

La moindre récidive entraîne un enfermement, voire une exclusion des camps temporaires, puis renvoyé au-dessus. Le « banni » devra se débrouiller sans être ravitaillé par les patrouilles en nourriture et en eau, et se retrouvant à la merci des Helpers. Même en trouvant refuge dans une maison abandonnée, il arrivera forcément un moment où il devra s’alimenter et donc sortir pour cela, tout en faisant attention aux chutes de Death Rain lors de ces sorties.

Tout moyen de communication étant systématiquement retiré de toute demeure laissée à l’abandon, les bannis ne peuvent donc être informés des chutes. Comme je l’ai déjà évoqué, celles-ci peuvent être anticipées par le biais des services météorologiques présents dans les camps, annonçant chaque jour l’heure de chute des pluies par le biais des radios, un appareil autorisé à être présent dans les foyers.

Les TV sont également admises, bien que notre pays n’ait plus de diffusion d’émissions. Elles servent principalement pour regarder des programmes enregistrés sur différents supports. La seule alternative pour ces personnes exclues que sont les bannis, est de trouver une âme charitable acceptant de prendre le risque de l’héberger pour survivre. Si, lors d’une inspection de patrouille, la présence d’un banni est constatée, ce dernier sera condamné à subir la Death Rain, en étant attaché publiquement à un poteau prévu à cet effet. La famille l’ayant hébergé sera sanctionnée d’une semaine sans ravitaillement en punition. Parfois plus, s’il s’agit d’un foyer sans enfants.

De plus, dans certaines villes, un couvre-feu est instauré. Toute personne ne le respectant pas encourt également des sanctions, ainsi que sa famille. Cela peut aller de privation de ravitaillement pendant un temps donné, mais aussi de l’impossibilité de soins dans les centres médicaux où sont pratiquées les amputations, pour toute maladie ou accident ménager ayant entraîné des blessures.

Dans ces cas-là, seuls les enfants sont exclus de la punition familiale, et peuvent être soignés. Les transports maritimes et aériens n’existent plus, du fait de l’abandon des raffineries fournissant le carburant pour les faire fonctionner. De rares véhicules sont malgré tout encore en état de marche, du fait de bricoleurs ayant refaits des moteurs de telle sorte qu’ils acceptent des carburants particuliers. Comme l’huile végétale ou l’alcool.

Les engins motorisés utilisant du gaz, de l’électricité ou d’autres formes classiques de carburant restent bloqués dans les rues, du fait de la loi martiale appliquée par l’armée au niveau mondial. Les usines de traitement du gaz et les centrales électriques sont réquisitionnées par les forces militaires pour l’usage des camps, et autorisent l’accès à des fonctions limitées de ces moyens d’énergie au sein des foyers pour les Surfacistes.

A noter que parmi les sanctions appliquées à ceux qui accueillent des bannis peut s’ajouter le blocage d’électricité durant une période déterminée, pouvant aller de 5 jours à 2 semaines, suivant le temps d’hébergement. Comme vous pouvez le voir, cette nouvelle société, née des conséquences de la Death Rain, oblige à une dépendance totale du bon vouloir des autorités militaires en place dans les villes.

Les campagnes sont laissées à l’abandon total, et possèdent le taux d’Helpers le plus élevé. Ceci à cause de familles n’ayant plus aucune source de nourriture, et dans l’obligation de se déplacer, sans la moindre information pouvant les prévenir de la chute des pluies mortelles. Ce qui provoque invariablement des dizaines de drames humains lors de ces tentatives de migration.

Des familles peuvent se retrouver frappées de plein fouet par les pluies, sans possibilité d’abri, avec des habits non adaptés pour supporter l’acidité des précipitations, avant que leur peau et leurs chairs soient touchées. Ceci amenant, dans 95 % des cas, à une mort lente et horrible, ponctuée de souffrances qu’il est difficile d’imaginer…

Mais vous devez vous demander comment notre monde en est arrivé là ? Je vous ai dit que j’étais née alors que cet environnement existait déjà. Les camps étaient construits depuis longtemps, les Helpers pullulaient dans les rues, et je devais accepter des lois drastiques mises en place par l’armée. Donc, je n’ai pas connu la naissance de ce mal venu du ciel.

Ma connaissance, je la dois aux livres apportés par Cal, de la part d’auteurs ayant rapporté comment tout a commencé à travers des essais, ou bien des articles de journaux conservés dans les camps et prêtés amicalement par la même source d’infos qu’est Cal. J’ai eu plus de détails par la suite de la part de Flag, qui a connu l’internet avant la chute des réseaux de communication pour le grand public et son accès réservé, là encore, par les instances militaires.

Ce n’est pas vraiment un secret : tous ceux et celles ayant vécus à cette période s’étant déroulée il y a maintenant 25 ans, n’ignorent rien du point de départ de ce fléau qui a transformé à jamais la vie sur Terre, nous reléguant à des marionnettes soumises à l’autorité des armées. Les prémices de cette situation ont débuté en 2045. À cette époque, nombre de pays du monde étaient en guerre.

Une situation due à ce qui se passait en Europe, en 2025, à la suite de la coalition d’une majorité de nations s’étant regroupées pour mettre fin aux conflits opposant plusieurs pays de l’Est, et initiée par ce qui se passait en Ukraine. Les batailles du Moyen-Orient s’étaient amplifiées, ravivant les querelles entre les différents peuples de cette partie du monde.

L’Asie n’était pas en reste, après qu’Hong Kong et le Népal aient cherché à obtenir l’indépendance, déclenchant des altercations majeures de la Chine à grande échelle. Le japon, la Thaïlande, le Laos, le Cambodge, l’Indonésie et Taïwan se rangèrent sous une seule bannière pour soutenir les deux anciennes contrées qui dépendaient de l’égide chinoise.

Les deux Corées se déchiraient au milieu de tout ça, pendant qu’en Amérique du Sud, les cartels de drogue se livraient à une autre forme de guerre pour le monopole de vente de leurs stocks. Ils soudoyaient des gouvernements voyant leur avantage à financer ces réseaux, pour mieux se préparer à ce qui se passait dans l’autre partie de l’Amérique.

Le traité de paix entre Cuba et les USA avait été rompu, à cause d’expériences agro-alimentaires sur les cultures cubaines de la part d’industriels avides de profits, ceci à l’insu des deux gouvernements. Le nouveau président Cubain n’ayant pas voulu croire que les dirigeants américains n’étaient pas au courant de cette crise majeure ayant détruit une grande partie de l’agriculture cubaine. Des actionnaires du pays ayant pris part à cette catastrophe écologique, le Canada fut pris pour cible également, car considéré comme complice par Cuba.

Les alliés du régime dictatorial, situés en Amérique centrale et au Sud du continent, fournissant en armes l'île, furent pris à partie par le gouvernement américain, lançant des frappes sur ces états, et causant des dommages collatéraux aux pays neutres. Ces derniers n’ayant d’autre obligation que de se défendre, sans prendre parti pour l’un ou l’autre camp.

La situation en Afrique et en Océanie était au plus mal également. Les différentes ethnies du continent africain multipliant les agressions entre états, mêlant L'Égypte, le Maroc et l’Algérie à ces guerres intestines, alors que ces derniers étaient endeuillés par les répercussions européennes.

Du fait des conflits entre la coalition européenne et leurs cibles pour préserver une paix de plus en plus illusoire, la population souffrait de retombées économiques graves, provoquant des révoltes contre leurs gouvernement. Ceux-ci refusant des sanctions contre les entreprises ressortissantes venant d’Europe s’étant implantées en Afrique, et profitant des ressources du continent pour alimenter la guerre de l’autre côté de l’océan. Les antis et les Pro-européens trouvèrent chacun des oreilles attentives aux groupuscules armés du reste de l’Afrique, transformant le continent en un vaste champ de bataille.

En Océanie, l’Australie fut très vite en proie à une opposition entre partis politiques sur la manière de régler la crise économique. Tension survenue du fait des frappes entre Cuba et les USA, amenant à des insurrections dans plusieurs villes, et provoquant chaos et désordre jusque dans les contrées les plus reculées, comme celles habitées par les aborigènes.

La planète tout entière, au fil des années, ne ressemblait plus qu’à un immense échiquier, où chaque action d’une pièce maîtresse provoquait des remous sur les autres, et, par effet de domino, sur le plateau de jeu meurtrier qu’était devenue la Terre. Les marchands de guerre profitaient de tout ça, obtenant des associations contre nature de la part de scientifiques.

Des maîtres dans les domaines de la biochimie, de la génétique et de la robotique. Les avancées technologiques en termes d’armes chimiques et bactériologiques causèrent bientôt encore plus de dégâts à travers le monde.

Des drones mitraillaient des zones sans se soucier de faire la différence entre soldats et civils. Ces mêmes soldats comptant dans leurs rangs des troupes d’élite à qui on avait injecté des produits capables de faire disparaître leurs émotions, pour accentuer leur efficacité au combat. Ils ne ressentaient ni peur, ni fatigue, ni remords sur le fait de tuer tout ce qui se trouvait dans leur ligne de mire. Tout ce qui comptait pour eux, c’étaient d’avoir des cibles en face d’eux.

Mais ce manque d’humanité avait un revers : ces « super soldats », véritables machines de guerre vivantes, ne faisaient plus la distinction entre ceux de leurs camps et les autres, tirant invariablement sur les militaires de l’armée ennemie, les civils pris entre les deux, et même parfois leurs propres camarades. Dès lors que ceux-ci montraient des signes jugés incompatibles avec leur mission première, à cause de leurs cerveaux lobotomisés par les produits.

C’est ainsi que certains soldats non dopés, tentant de protéger les civils, se voyaient pris pour cibles par leurs homologues devenus des êtres dépourvus de compassion, transformant des zones de conflits en charniers à ciel ouvert de toutes parts. Pour autant, ces soldats ne ressentant aucune émotion n’étaient pas invulnérables.

Nombre d’entre eux finissaient sur le sol, soufflés par des bombes ou des rafales de l’armée en face. Quand ce n’étaient pas des civils armés cherchant à protéger leur famille. Tout militaire était devenu un danger potentiel, quel que soit son camp. À cause des réactions chimiques provoquées par la putréfaction des corps de ces soldats sans âme, des modifications environnementales eurent lieu un peu partout sur le globe.

Les corps laissés sur le bitume des villes, en se décomposant à l’air libre de manière encore plus rapide que la normale, laissaient échapper des vapeurs dangereuses à plusieurs niveaux. Elles pouvaient être toxiques pour tous ceux et celles se trouvant dans un périmètre proche, provoquant des brûlures à la gorge, des saignements du nez, des maux de tête et des insuffisances cardiaques, et pouvaient mener à la mort dans la majorité des cas.

Mais bien que ces émanations obligeaient la plupart à se déplacer munis de masques en quasi-permanence dans les zones où les cadavres des super soldats s’accumulaient, ce n’était pas le pire. Les civils ayant été contaminés pour s’être trouvés à proximité de ces corps, ayant respiré les vapeurs toxiques et décédant après avoir réussi à fuir les villes où les batailles faisaient rage, devenaient à leur tour des vecteurs d'empoisonnements hautement actifs.

Beaucoup de familles voyaient un père, une fille, un grand-père tombé sans vie, après avoir succombé aux toxines s’attaquant aux voies respiratoires et au sang des victimes. Afin d’offrir une sépulture digne de ce nom à leurs morts, ils les enterraient sommairement en pleine nature.

Dans des champs, des forêts, des clairières, près de rivières, d’étangs, sur une plage. Devant fuir les affrontements, ces civils n’avaient d’autre choix que de procéder de cette manière, devant aussi penser à protéger les vivants et leur propre vie. En conséquence, ces corps infectés déversaient un mal invisible, par la décomposition des corps placés à même la terre. Ce qui détruisait la vie animale et végétale irrémédiablement, à plus ou moins grande vitesse, suivant le degré de contamination du corps enterré.

Ces réactions chimiques s’étendaient dans le sol, infectant aussi les insectes nécrophages ou les charognards, attirés par les corps décimés par la maladie dont ils se nourrissaient. À leur tour ils transmettaient ce mal à d’autres, le déposant dans d’autres zones par leur décès, provoquant toujours plus de nouveaux cas, rendant les cultures impropres à la consommation. Même placées à des dizaines de kilomètres des conflits, du fait de l’expansion des porteurs du mal.

Se rajoutait à cela le fait que les vapeurs, venant de la décomposition des corps, s’élevaient dans les airs, s’imprégnant dans les nuages, avec des conséquences désastreuses.

Les premières pluies mortelles firent leur apparition un an après la constatation du problème des toxines libérées par ces corps, et étant à l’origine de la déflagration des cultures qui dépérissaient les unes après les autres. Ce qui infectaient ceux et celles qui les avaient consommées. C’était un effet boule de neige qui ne semblait pas avoir d’issue.

Pour parer à ça, on brûlait les champs infectés, les forêts, les animaux, et même les corps humains. On semblait revenir aux périodes dramatiques des grandes épidémies de l’histoire, comme celle de la Peste Noire, La Grippe Espagnole, le SRAS ou encore la crise du Covid. Mais en pire, car affectant aussi l’agriculture.

Petit à petit, les conflits du monde baissèrent d’intensité, après que cette pandémie montrait un visage de plus en plus meurtrier. Des discussions entre les continents eurent lieu afin de trouver une solution. Les marchands de guerre, ainsi que les chimistes responsables de l’origine de cette situation étaient traqués. Les travaux de ceux-ci furent détruits, leurs dossiers informatiques et papiers de même, avant que les responsables soient emprisonnés. Mais le mal était fait. Irrémédiable. Irréversible. Destructeur. Enveloppant le monde de son voile de mort.

Son seul bénéfice avait été de faire cesser les guerres, rapprochant les nations de la Terre, formant des regroupements politiques, et faisant oublier les querelles d’autrefois pour mettre au point une parade. On créait des serres où étaient ensemencées des plants, des graines, des semences venant de cultures saines, à l’abri de toute forme de contamination. Mais les morts s’accumulaient toujours plus.

Des fosses communes virent le jour, où s’entassaient des milliers de corps de toutes races, de toutes espèces. Hommes, femmes, enfants, oiseaux, insectes, reptiles, mammifères : rien n’était oublié. Les abords de villes passèrent sous la loi martiale. Personne ne pouvait entrer sans examen préalable dans des centres conçus pour parer à toute infection. Les sorties étaient strictement interdites.

On creusait d’immenses tranchées autour des cités dans le monde entier, brûlant toute végétation se situant dans le périmètre de celles-ci. Même à l’intérieur des villes. Les arbres, les fleurs, et toutes les formes de plantes faisaient l’objet de destructions massives, car pouvant porter des germes du mal, infectés par les corps des contaminés, qu’ils soient conscients de leur infection ou non. Des consultations obligatoires furent mises en place chaque semaine, afin de veiller à ce qu’aucun nouveau foyer de contamination ne s’installe dans les villes ultra-sécurisées, où étaient instaurées des lois de plus en plus strictes.

C’est au milieu de cette folie que la première Death Rain se fit connaître. Ça s’est passé en Inde, durant la mousson, et causant une hécatombe. La population des villes n’était pas préparée à affronter cette « punition divine », telle que le prônaient certains mouvements sectaires ou religieux qui proliféraient, regroupant toujours plus d’adeptes et s’opposant à la loi militaire en place.

Des images de personnes voyant leur peau se détacher, après avoir été touchées par la pluie, inondaient les écrans du monde entier. Un nouveau palier de l’horreur se mettait en place.

Des scènes de panique, où on observait des dizaines de personnes hurlantes, leurs chairs montrant leurs os, devenaient l’objet de vidéos virales sur les réseaux. Les villes de l’Inde parvinrent à gérer la situation, tuant sans remords toute personne ayant été touchée par ce qui fut vite appelé la « Death Rain » à travers le monde, demandant à la population que chacun reste enfermé chez soi, ceci pour éviter d’être en contact avec cette pluie mortelle.

Des séquences horribles furent diffusées partout sur Internet, tournées par des rescapés de leur fenêtre, se relayant de pays en pays, utilisées par les journaux télévisés. Mais on ignorait encore que ce n’était que le début…

Djakarta, Kyoto, Séoul, Moscou, Paris, Londres, Madrid… Chaque grande ou petite ville, chaque village : tout endroit habité eut droit l’un après l’autre aux mêmes scènes d’apocalypse, avec des conditions d’enfermement identiques pour pallier la menace, attendant de savoir comment faire face à ces pluies aux effets dévastateurs pour l’homme.

Des pluies qui contribuèrent à mettre à mal les champs restants n’ayant pas été contaminés par la première vague d’infection. Fort heureusement, à ce moment, des dizaines de milliers de serres artificielles, composées de terres et de semences saines, étaient installées dans les villes, au sein de bâtiments dont la structure résistait à ce fléau tombant du ciel.

Quand cette eau tombée du ciel des villes touchées cessait, les corps étaient récupérés à l’aide d’engins de chantier afin d’éviter de les toucher, car le risque de contamination par contact était trop grand. Les cadavres étaient jetés en dehors des villes, dans des décharges ou des fosses communes immenses, avant d’être brûlés, une fois établi la certitude que la pluie mortelle avait cessé.

Ce n’est qu’après ces premières « étapes » de la catastrophe que du matériel capable de parer à son effet furent créés. Des tests furent effectués sur des corps à l’extérieur. Principalement des personnes venant des campagnes et n’étant pas protégées par le système mis en place dans les villes. Cela permit la confection de tenues spéciales, après étude des tissus n’ayant pas résisté à la pluie.

Certains corps furent rapatriés dans des centres spécialement étudiés pour éviter toute contamination extérieure au bâtiment. L’étude des victimes de la pluie donna des réponses sur son action. Des prélèvements de l’eau de celle-ci, présente dans des flaques au sol, put résoudre le mystère de sa composition, et se rajoutant à ce qu’on savait déjà sur ce virus d’un nouveau genre venant de la première vague.

C’est également à la même époque que les premiers camps souterrains furent érigés. Les galeries des égouts furent modifiées, transformées, creusées, de manière à construire de véritables fortifications sécurisées, dotés de fondations empêchant d’éventuelles proliférations du mal par les couches du sol sous les camps.

Les pluies, qui, au départ, étaient distantes les unes des autres, se limitant à des chutes aléatoires mais malgré tout pouvant être anticipées par les services météorologiques, devinrent très vite régulières. Passant de 3 ou 4 par mois à 2 par semaine, puis une tous les deux jours, avant de devenir journalière. Avec des périodes où deux chutes de pluie tombaient dans la même journée.

Vint ensuite la pénurie des carburants, mettant fin aux voyages maritimes et aériens. Le risque encouru pour l’extraction des matières premières en vue d’un raffinement étant trop élevé. Les centrales nucléaires furent mises au rebut, leur exploitation hors des grandes villes étant trop complexes à gérer.

Cela comprenait aussi celles situées dans un périmètre trop proche de tout lieu d’habitation, qui furent donc également proscrites d’utilisation. L’alternance des équipes et des tenues à utiliser, différentes de celles devant parer aux pluies, étant jugée trop difficile à établir en adoptant une sécurité du personnel de manière optimale, tout comme pour les habitants.

Seules subsistaient les centrales électriques implantées en périphérie des villes, car les consignes de sécurité pour celles-ci étaient moins compliquées à superviser. Des véhicules étudiés pour supporter les pluies furent construits, vu qu’il fut constaté que certains métaux présents sur des engins classiques étaient aussi affectés par l’acidité des pluies. Pour limiter l’usage de l’électricité, qui devenait une énergie indispensable, la restriction de l’utilisation des portables, gourmands en énergie par leur rechargement, fut mise en place par la suite.

Mais comme peu de personnes parvenaient à accepter ces consignes, les lois et règles de vie au sein des villes s’endurcirent, interdisant de se servir des téléphones mobiles, qui devinrent l’exclusivité de l’armée ainsi que des services de santé et de secours. Les camps étant établis, les premiers résidents de ces derniers furent ceux et celles ne parvenant pas à se conformer à ces restreintes.

Des camps extrêmement élaborés, où furent construites des habitations évoluant avec le temps. Au départ, il s’agissait de simples tentes. Puis, peu à peu, elles devinrent de véritables maisons, faisant de ces camps de véritables petites villes souterraines sous le contrôle de l’armée.

Les lois suivantes donnèrent le choix aux populations des villes d’intégrer les camps, ou de rester vivre à la surface. Auquel cas, des ravitaillements seraient livrés aux Surfacistes, le nom qui fut donné aux personnes ne voulant pas s’enterrer comme des taupes, quel que soit le confort des camps s’améliorant chaque mois. La motivation principale de ne pas rejoindre ces camps était que les ceux vivant « en haut » voulaient garder une forme de liberté. Ce qui n’était pas le cas dans les camps où tout était régi de manière très stricte par les militaires.

Malgré tout, vivre en surface était soumis à certaines obligations, comme accepter de se contraindre à des inspections régulières pour des raisons sanitaires et de sécurité. Du moins, c’était la version officielle. Dans les faits, c’était surtout une forme d’intimidation et de contrôle, pour forcer, tôt ou tard, à ce que les Surfacistes rejoignent les camps. Les centres d’amputations furent créés 3 ans plus tard, après qu’il fut observé que les victimes de la pluie n’ayant pas eu leur tête touchée, et atteintes sur de petites zones, pouvaient être sauvées. Mais cela impliquait la déportation vers les camps, en se servant du prétexte de suivi médical.

Moi, je suis née, comme je vous l’ai déjà évoqué, 25 ans après les premiers effets dévastateurs de ce mal créé par l’homme de manière indirecte. Mais ce n’est pas nouveau.

Cela fait des siècles que l’homme est son propre ennemi, en mettant au point des inventions destinées à détruire toujours plus. La Death Rain a mis fins aux guerres les plus fratricides. Mais à quel prix. Les habitants des campagnes ont été sacrifiés au profit des citadins.

Je vous ai dit que les examens d’entrée dans les villes étaient obligatoires. Il faut savoir que tout nouvel arrivant doit accepter une période de 10 jours d’observation, dans le but de vérifier qu’il ne porte aucune trace d’infection, aussi minime soit-elle.

De plus, ces nouveaux venus n’ont pas le choix : ils sont systématiquement envoyés dans un des camps situés sous terre. C’est une condition non négociable de la part des militaires postés à l’entrée des villes, qui furent entourées de murs sur tout leur périmètre.

Une opération longue et fastidieuse, pratiquée à l’aide de tenues intégrales supportant l’action des pluies, et avec du matériel étudié pour résister également. Ce qui fait qu’il est impossible, à moins de savoir voler, de pénétrer dans les villes en dehors de l’entrée désignée, aux allures de château-fort.

Je dis ça parce qu’il y a un pont-levis qui ne peut être franchi qu’après avoir été abaissé. Ce qui permet de franchir les tranchées entourant les fortifications des cités. Des bâtiments où sont positionnées des sentinelles renseignent celles-ci de l’arrivée d’un nouvel arrivant demandant l’asile. Un émissaire est alors envoyé auprès du demandeur, afin de faire les premières observations sur le corps de l’arrivant.

S’il ne présente pas de traces de brûlures apparentes, il est alors autorisé à accéder au bâtiment d’examen pour des tests plus approfondis. Rien n’est laissé au hasard. C’est ce système féodal, adapté à cette crise, qui a conduit à élaborer la Red Ladder, afin de donner l’occasion à ses acheteurs de trouver une échappatoire, par le rêve, à ce mode de vie devenu le quotidien de l’être humain. Faute de savoir comment éliminer la menace permanente de la Death Rain, ainsi qu’une solution pour rendre les cultures contaminées à nouveau fiables et sans danger.

À dire vrai, plus personne ne croit qu’il sera possible de retrouver le monde d’avant. On ne peut rien faire contre les forces de la nature qui se sont installées sur le globe, fortifiées par l’action de l’homme, et le reléguant à l’état de jouet fragile soumis à la colère du ciel d’où vient cette pluie mortelle.

La Red Ladder, c’est ça : une entrée dans un monde idéal, forgé à partir de ses propres souvenirs, auquel s’ajoutent ceux d’autres. Ce sont des rêves, des passions, des sourires, des rires, des enlacements, des baisers, des voyages… Tous se confondant l’un avec l’autre dans la Phase 3 pour former une dimension telle qu’on ne peut pas la trouver ailleurs.

Alors oui, ça peut paraître cruel de voler le passé de personnes qui viennent de mourir. Oui, on n’a pas demandé à ces personnes avant leur mort si elles seraient d’accord d’offrir leurs souvenirs. Mais dans ce monde où je vis, le respect des décédés n’a plus vraiment de sens, dans la mesure où des corps sont entassés dans des machines pour être enfournés dans d’énormes chaudières, présentes dans plusieurs points de la ville. Dans une société où d’autres cadavres sont découpés, liquéfiés, coupés en morceaux pour étudier le mal qui s’est introduit en eux. Et quand bien même une solution serait trouvée pour guérir les gens de la contamination, dû à un contact malencontreux avec un infecté, ça ne résoudrait que la moitié du problème.

Il reste le principal : celui de la pluie punitive qui ronge les chairs, les cerveaux et les âmes, faisant des Helpers de pauvres hères cherchant le salut, le réconfort auprès de ceux et celles qu’ils pensent avoir encore une once d’humanité suffisante dans leur cœur pour les aider. Il ne reste que très peu de gens ayant cette faculté de comprendre la détresse et la souffrance envahissant ces victimes de la Death Rain. Les autres les traitent comme l’ont fait les populations face aux lépreux du moyen-âge.

Quand je vois le pont-levis à l’entrée de la ville, les soldats postés, les camps où l’on entasse des familles dans des maisons, certes ayant tout le confort possible si tant est qu’on puisse le désigner ainsi dans ce monde féodal, j’ai du mal à croire que l’on puisse encore parler de civilisation, tel qu’on la désigne dans les livres.

Tout au plus peut-on dire que les résidents des camps ont le nécessaire pour survivre, n’ayant comme possibilité de loisir que les expéditions envoyées dans les galeries pour creuser toujours plus. Ceci dans le but d’étendre les camps, créer de nouvelles structures contrôlées totalement par l’armée. Cette dernière s’étant imposée en dictature masquée.

C’est la seule manière de vivre pour ces gens ayant oublié la dignité : participer à la construction de ces nouvelles extensions, échapper au quotidien des camps et leur morosité, oublier leur oppression ressentie à chaque coin de sillon de ce champ d’humains que sont ces lieux. En devenant des esclaves modernes, dont la seule récompense se présente sous la forme de maigres rations supplémentaires de nourriture, d’habits neufs, de jouets pour les enfants, ces hommes tentent désespérément de mettre un voile sur la noirceur de leur vie.

L’autre solution consiste à travailler aux serres ou d’autres services de nécessité, comme les centres de soins des camps et ceux d’amputation en surface. Beaucoup postulent également pour devenir soldat dans les patrouilles, car ça leur offre l’occasion de revoir le jour, l’air de la surface. Un air vicié, sentant la pourriture dans de nombreuses zones où ont été ramassées de nouvelles victimes.

Une atmosphère rendue telle soit par la Death Rain, touchant des malheureux ayant commis l’erreur de penser que ne pas se tenir au courant des bulletins infos à la radio était envisageable, et ce, pour les chanceux ayant la possibilité d’avoir encore un de ces appareils en état de marche ; soit parce que l’état des infectés entraînait parfois des conflits, des bagarres violentes entre eux. Des combats à mort volontaires et voulus. Pour ces condamnés à mourir dans un proche avenir, provoquer leur mort par ces affrontements, c’est le moyen de ne plus souffrir. D’autres se jettent volontairement au-devant des patrouilles, qui les mitraillant sans hésitation.

En travaillant dans les centres, ils peuvent percevoir, par les fenêtres, la faible lumière d’un jour en grande partie caché par les nuages gris surplombant les villes du globe, à peine perceptible suivant les endroits. Mais en regard de l’obscurité, seulement éclairée par des lumières factice, grâce à une électricité fournie par des travailleurs s’étant sacrifiés pour vivre en permanence dans les centrales électriques, et ce, pour le bien de ceux vivant dans les camps, ces petits morceaux de jours disparates sont déjà énormes, et servent de motivation à venir donner de leur personne en surface.

Comme je vous l’ai déjà indiqué, il n’y a plus de système monétaire. La notion de payer se limite à des services, de la nourriture, ou des éléments pouvant fournir des passe-temps améliorant le train de vie de chacun. Chaque foyer vivant dans les camps doit travailler. C’est la condition obligatoire pour avoir le droit de bénéficier de certains avantages.

En particulier la nourriture et l’eau, indispensables à la survie. Les Surfacistes aussi, malgré leur apparente liberté, se doivent de participer à l’effort collectif. Ils doivent confectionner des habits, réparer des appareils endommagés venant des camps, des jouets, stériliser du matériel médical à destination des centres de soins ou d’amputation, quand une pièce de leur demeure le permet, ou tout simplement communiquer des informations sur ce qu’ils ont vu autour d’eux. Une méthode à peine voilée pour inciter à la délation de ceux et celles qui ne respectent pas les règles.

L’armée connaît l’existence de la Red Ladder. Mais, bien que consciente que cette drogue permet d’alléger la souffrance de plusieurs personnes parfois au bord du suicide ou de la dépression, dont la mélancolie fait partie d’eux à chaque seconde de leur vie, cela lui importe peu.

Tout ce qu’elle voit, c’est qu’une drogue est fabriquée à partir du cerveau de personnes fraichement décédées. Une immoralité, à leurs yeux, qui n’est pas acceptable. Sans compter que cela transgresse les lois mises en place dans les cités. Les militaires et leurs dirigeants se moquent de savoir que la Red Ladder fait du bien aux gens.

Pour eux, les fabricants de ces rêves en flacons ne font qu’accentuer le mal, en berçant d’illusions, le temps de quelques heures, des âmes en peine, ayant déjà du mal à accepter notre réalité. Mais quand l’effet de la drogue s’arrête, et que les utilisateurs se rendent compte que leur monde idéal rêvé n’existe pas, la chute n’en est que plus dure. Alors, ils en redemandent.

Ils deviennent accros, voulant rester le plus longtemps possible dans ces illusions dont une partie a été volée à des morts. Une dépendance forgée sur un nonsens créé à partir d’une destruction de l’éthique, selon leurs propres conceptions du terme, qui n’a pas le droit d’avoir une place au sein de cette société qu’est devenue la nôtre.

Et surtout, la Red Ladder donne de l’espoir. Et, bien que cela ne sera jamais avoué, cet espoir est censé être fourni par la présence des militaires au sein des camps, des cités. Des cadeaux de ceux-ci aux Surfacistes, insistant qu’ils auraient très bien pu les laisser à leur sort. Sans la moindre aide de leur part, sans le moindre apport en nourriture, en eau, et d’autres services. Sachant très bien qu’aucun d’entre eux n’aurait survécu sans les ressources contrôlées par l’Armée.

La Red Ladder, c’est une abomination qui leur enlève ce que l’Armée, de leur point de vue, représente. Les militaires au pouvoir ne peuvent tolérer de ne pas avoir un contrôle total sur la population : pour eux, les fabricants de Red Ladder sont une forme d’anarchie dans un monde régi par ceux qui se sont auto-proclamés sauveurs de la Terre et de sa population. Alors qu’ils ne sont rien de plus que des dictateurs profitant de leur statut pour imposer leurs règles ignobles à plusieurs niveaux.

Une forme de chantage envers les Surfacistes, en les obligeant à dénoncer toute personne qui s’adonnerait au trafic de Red Ladder. Que ce soient les revendeurs, les équipes de pompage de matière grise des cerveaux des décédés récents, ou les chimistes créant la drogue.

C’est à cause de l’intervention d’une patrouille ayant surpris des membres du groupe, en pleine action dans une maison, que l’armée a eu vent de l’existence de la Red Ladder. Deux prisonniers, qui furent torturés pour avouer ce qu’ils savaient, ont été la raison pour laquelle les militaires traquent sans relâche les fournisseurs de Red Ladder.

C’est Flag aussi qui m’a relaté cet épisode qui a mis à jour leur petit commerce, m’informant qu’en réponse à ça, il existe des taupes au sein des camps. Des civils, mais aussi des militaires qui n’acceptent pas le contrôle total de leur corps de métier, tout comme la manière de traiter la population de la part de leurs dirigeants. C’est ainsi que le groupe a eu connaissance des tortures infligées à leurs deux anciens membres. L’un des bourreaux choisis pour « l’interrogatoire » se révélant être l’une des taupes.

La position en tant que militaires de ces dernières leur permet d’avoir des téléphones, et ont pu fournir ce type de matériel au groupe. Ce qui expliquait la provenance de leurs appareils, dont certains étaient loin d’être dans des états de vétusté avancée, comme cela aurait dû être le cas s’il s’était agi de leurs propres téléphones, gardés avant la loi Martiale et l’interdiction d’en posséder.

Au sein des camps, il y avait des sortes d’usines qui servaient à réparer les téléphones usagés des soldats. Une tâche qui n’était pas confiée aux Surfacistes, car il y avait trop de risques que ces derniers se servent des pièces usagées pour fabriquer leurs propres téléphones. Des usines où ceux qui y travaillaient étaient sous surveillance constante, avec des conditions de vie proches de l’esclavage.

Et surtout, ceux et celles travaillant dans ces usines sont tenus de ne pas sortir de l’enceinte des lieux. Ils ont des logements sur place, et ne doivent pas être en contact avec d’autres résidents du camp, sauf s’ils sont accompagnés par un soldat chargé de vérifier qu’aucune information sur ce qui se passe dans les usines ne soit dévoilée.

Mais ces sorties restent rares, et très peu connaissent la réalité derrière les bâtiments de ces usines. Ce que beaucoup ignorent également, c’est que les centres d’amputation cachent d’autres effroyables secrets. Tous les « soignés » n’ont pas forcément la chance de rejoindre les camps. Un grand nombre d’entre eux servent de cobayes involontaires pour tester de nouveaux produits, des vaccins expérimentaux, censés vaincre le mal présent dans les contaminés.

Pour éviter que ceux-ci ne puissent parler, révélant ce qu’ils subissent, les bouches de ces cobayes sont cousues. Ceci dans le cas où certains d’entre eux parviendraient à déjouer la vigilance des rondes dans les couloirs où se situent leurs chambres, quand ils ne sont pas soumis aux tests.

Des mesures prises dans l’hypothèse, hautement improbable, qu’ils arrivent à fuir en dehors des bâtiments, malgré le service de sécurité extrême des centres. Une nouvelle preuve de l’horreur pratiquée loin des yeux des résidents des camps, loin des Surfacistes, et montrant que les vrais monstres de ce monde ne sont pas ceux que l’on pense.

Les taupes de Flag sont essentielles pour la pérennité du groupe, car elles apportent les renseignements nécessaires sur la position des patrouilles, des jours de visites aux domiciles pour les inspections, et de multiples infos sur les camps, les centres et le reste. Un système qui permet d’éviter que d’autres membres finissent entre les mains de l’armée, véritable successeur des méthodes de Josef Mengele, au sein des centres médicaux à la surface.

Avant d’intégrer l’équipe de Flag, j’étais loin d’imaginer tous ces faits, et j’avais encore plus peur pour ma mère. Je ne savais pas combien de temps je parviendrais à tromper Cal, qui m’apparaissait soudainement comme très loin d’être l’ange que je pensais.

Flag m’a ouvert les yeux là-dessus en m’avouant que ce dernier, tout comme les hommes sous ses ordres, se chargeait de fournir les travailleurs de l’usine du camp. C’est lui qui désignait les accompagnateurs des employés, quand une autorisation de sortie était accordée. Il était donc parfaitement au courant de ce qui se passait au sein de l’usine. Il supervisait aussi les groupes chargés de récupérer les contaminés dont la tête n’avait pas été touchée, trouvés dans les rues lors des patrouilles.

Des personnes dont la seule chance de survie était d’être dirigées vers les centres d’amputation. Mais Cal choisissait ces « élus »