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Dans une société où le mariage est présenté comme la plus belle réussite d’une femme, Sarah, Samantha, Audrey et Nathalie pensaient avoir trouvé l’amour, celui qui dure, celui qui protège. Certaines l’attendaient avec impatience, d’autres tentaient de sauver ce qu’il en restait. Mais derrière les promesses et les apparences, la réalité les rattrape. Peu à peu, les illusions s’effondrent, la bague en diamant se ternit sous les coups, et la couronne de reine se transforme en couronne d’épines. L’amour, lui, cède la place à la douleur et au silence, jusqu’à la renaissance.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Inès Winner est une écrivaine engagée dont le premier roman, Désastreuse réapparition, Éditions L’Harmattan, 2019, explore des thématiques profondes et sociétales. Lauréate du prestigieux programme des jeunes femmes africaines leaders, elle met sa plume et sa voix au service de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles.
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Seitenzahl: 284
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Inès Winner
Dans l’âme des femmes blessées
Roman
© Lys Bleu Éditions – Inès Winner
ISBN : 979-10-422-6713-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À toutes les femmes blessées… d’autrefois, lesquelles, j’espère, seront restaurées après la lecture de ce livre.
Votre valeur ne se trouve pas dans les yeux de celui qui partage votre vie, mais en vous…
Violées, battues, mariées de force, abusées, délaissées :
comment font-elles pour maintenir leur Couronne ?
Paralysée sur ce lit d’hôpital, vêtue d’ecchymoses le long du corps, Sarah ne respire pas la grande sérénité. Quelques larmes teintées de sang gisaient de ses yeux noircis d’un regard ténébreux. L’atmosphère sépulcrale qui y régnait ressassait dans la mémoire de Sarah, les souvenirs de la veille. Femme d’une beauté particulière et épouse parfaite, respectueuse, dévouée et soumise, selon les normes de la société, mais un peu moins pour son époux qui, sans aucune raison particulière, lui faisait subir tant d’atrocités aussi bien physiques que mentales. Lasse, mais craintive du jugement d’une société qui remet sur le dos d’une femme tout échec de son mariage, quoique sa vie ne tienne qu’à une seule humeur : celle de celui à qui elle s’unit pour la vie. Sous le joug de cette union lugubre, elle subissait silencieusement chaque affliction, espérant un jour sauver sa vie et celle du fruit de ses entrailles.
Claustrée dans un silence meurtrier, perchée sur une fenêtre lumineuse, mais qui, malheureusement, ne peut éclairer son âme assombrie de douleurs. Des questions muettes à la nature et des réponses sourdes de l’avenir. Samantha subissait les peines de ses choix. Femme de principes et de caractère, porteuse de valeurs rares, qui fit la malencontreuse erreur de tomber sous le charme de son prince aventurier dont le cœur était déjà conquis par une autre. Si par amour certains principes s’évaporent telles les laves d’un volcan, par amour Samantha s’aiguisait à être la femme modèle, sous les remontrances de sa mère pressée de la voir mariée plus par peur du jugement de la société que par nécessité, à un homme qui n’avait jamais songé s’unir à elle. Samantha souhaitait être une femme indépendante avant de fonder une famille, mais sa procréatrice imbibée d’idées d’anciennes civilisations trouvait cela être une assertion inventée par les féministes pour la perdition des femmes. Des projets remis au placard, afin de lutter pour être l’épouse d’un homme dont le cœur n’est pas à elle.
Maîtresse plus par choix que par conviction, mais avec l’ultime désir de se faire épouser ; Audrey fait battre la chamade au cœur de cet homme qui n’est épris que d’elle. Leurs nuits chaudes étaient plus nombreuses que celles passées avec son épouse. Cette posture certes ne la rendait guère heureuse ; mais avoir celui qu’on aime près de soi comble les vides et les blessures du passé même s’il s’avère être l’homme d’une autre. Parce qu’elle croyait ne pas mériter un homme qui soit totalement à elle, car ses meurtrissures parlaient plus que ses valeurs. Adolescente, violée par cet homme à l’identité de son beau-père, elle y laissa, cette nuit, sur ce lit, sa virginité, sa joie et son âme. Depuis lors, elle se battait pour reconstruire les miettes de son innocence volée.
Tant d’années au service d’un mariage forcé avec un homme à l’âge de son père. Nathalie abandonnait ses rêves dans l’unique but d’être la parfaite représentation de la femme que la société veut. A-t-elle eu le choix ? Visiblement, non. Par dévotion, par soumission, par respect, elle ne jurait que par ses mots. Elle subissait en silence toutes les infidélités de son conjoint au point d’élever son enfant adultérin. La vie dit qu’à force de côtoyer, on finit par aimer. La mort de son époux réduira son âme en cendres. Mais renaîtra-t-elle de ces cendres ?
Sarah, Samantha, Audrey et Nathalie : quatre femmes aux destins étroitement liés. Les unes subissent les affres d’un mariage tortueux, les autres rêvent qu’on leur passe la bague au doigt. Elles espèrent trouver le bonheur et leurs valeurs en l’homme qui partage leurs vies. La société, présentant le mariage comme la plus belle réussite d’une femme, et le divorce comme son échec le plus cuisant. Alors, elles se leurrent, pleurent et se meurent dans des relations toxiques lorsque l’homme charmant qui était censé protéger leurs vies se transforme en bourreau, du jour au lendemain et parfois juste après la nuit de noces. Un choix qui se transforme peu à peu en chemin de croix. Une bague en diamant corrodée par la rouille à force de coups. Une couronne de reine très vite devenue une couronne d’épines.
Le discernement dans le choix des partenaires de destinée représente un atout considérable dans la vie d’une femme. Ceux que l’on transporte dans notre barque peuvent soit la faire couler, soit la maintenir ferme jusqu’à l’arrivée. Il est vrai que certains portent des masques, mais aucun ne reste longtemps sur un visage ; sinon il étouffe.
Qui entraînes-tu dans ta vie ?
Sarah jeta un coup d’œil sur sa montre et s’aperçut qu’il était sept heures et demie du soir. Elle se souvint qu’elle avait un banquet d’anniversaire. Elle commença à se frisotter pour être dans les temps. Elle était vêtue d’une robe raffinée de teinte rouge, qui lui allait du cou aux genoux et laissait apercevoir son dénudé. Ses talons noirs pointus mettaient en valeur ses gambettes. Sa peau ébène et sa silhouette de déesse faisaient d’elle une beauté qui attirait toutes les convoitises. Elle appela Samantha, sa meilleure amie, et s’enquit de sa situation. Sarah et Samantha étaient sœurs-amies depuis vingt bonnes années. Elles avaient grandi ensemble. Elles n’avaient aucun secret l’une pour l’autre. Elles étaient allées à la même école, avaient reçu la même éducation, s’étaient livrées aux mêmes jeux d’enfance, avaient frôlé la même innocence. Malgré les années, elles gardaient les mêmes convictions, ricanaient de la même bêtise, partageaient les mêmes peines et les mêmes joies, savouraient les mêmes silences, pataugeaient dans la même boue, et étaient perpétuellement là l’une pour l’autre. Leur entourage rêvait d’une amitié semblable à celles des amies « S ». Elle lança l’appel :
— Ma jumelle, dit Sarah !
— Oui, jumelle, répondit Samantha.
— Déjà prête ? enchaîna Sarah.
— Oui ! Je n’attends plus que toi.
Trente minutes plus tard, elles se retrouvèrent et partirent pour la fête. C’était l’anniversaire de Ken, un ami et collègue de Sarah :
— Bienvenue, Sarah, lui dit Ken, tout en se rapprochant d’elle.
— Merci, Ken ! Joyeux anniversaire, cher collègue, s’exalta la jeune femme, sous un ton blagueur.
— Merci ! Toujours avec ta jumelle ?
— Jamais sans elle ! conclut Sarah.
— Bonsoir et bienvenue Sam.
— Merci et joyeux anniversaire à toi, Ken.
— Je te remercie ! Bon, je vais m’occuper des autres invités, s’excusa le jeune homme. Faites comme chez vous, rassura-t-il avant de les quitter définitivement.
Il prit donc congé de la compagnie. Elles restèrent là à discuter et à se réjouir de la soirée lorsqu’un jeune homme, beau, distingué et dont le parfum exhalait des senteurs suaves et exotiques, vint les rejoindre :
— Bonsoir mesdemoiselles, salua le dandy.
— Bonsoir, répondirent-elles à l’unisson.
— Puis-je entretenir une conversation avec la plus belle fille de la soirée ? psalmodia-t-il, le regard dirigé vers Sarah.
— Évidemment ! acquiesça-t-elle, hésitante, mais toute flattée.
Samantha les laissa discuter et alla rejoindre d’autres convives :
— Vous êtes d’une magnificence à ravir tous les cœurs. Très belle robe, et la pourpre de vos babines vous va à merveille. Vous illuminez la pièce, vous savez ?
— Merci, marmonna Sarah, assez froidement. Habituée à ce genre de compliments, elle ne pipa mot.
— Je n’ai jamais vu une femme aussi belle de toute ma vie, continua le jeune homme, visiblement déçu par l’indifférence de la jeune femme.
— Vous devez maîtriser l’art de la séduction, supposa Sarah.
— Il ne s’agit nullement de cela, mademoiselle, objecta le jeune homme. Si j’étais rentré sans vous parler, je crois que je l’aurais regretté pour le restant de mes jours.
Elle sourit et ne dit rien. Ses flatteries ne l’intéressaient guère, tant elle faisait face à ce genre d’individus au quotidien. Ils étaient certes subjugués par sa vénusté, mais ne désiraient rien de plus que découvrir ce que cache une femme aussi attirante de vue. S’ils souhaitaient un instant contempler ses courbes généreuses, ils n’allaient jamais plus loin pour apprécier le charme de sa beauté intérieure.
— Je suis Bill… et vous ?
— D’un air toujours silencieux, elle répondit : Sarah.
— Oh ! Comme le nom de ma mère en plus ! Je crois que cette curieuse coïncidence est un coup du destin, rajouta-t-il, ému.
— Ou une simple coïncidence…
— Je suis en admiration face à votre charme, mais votre réserve me séduit encore davantage… waouh ! Vous devez être une femme posée et j’aime ça.
Elle esquissa un sourire timide :
— Je ne suis pas d’humeur loquace aujourd’hui. En plus, généralement, je ne m’ouvre pas de cette façon aux inconnus. Excusez ma retenue, mais je sais que vous comprenez.
— Je vous comprends parfaitement, ma charmante. J’ai certes l’impression de faire un monologue, mais… en fait, j’aimerais vraiment vous revoir.
— Si le destin le veut, nous nous reverrons certainement.
— La vie nous donne rarement de seconde chance et moi j’aime saisir la première… votre numéro de téléphone, s’il vous plaît.
— Je suis convaincue du fait que, si une personne doit faire partie de notre destinée, la nature nous donnera à coup sûr une seconde chance de la revoir.
— Alors, je n’insisterai pas plus. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une excellente soirée, charmante Sarah ! Et l’homme s’éloigna, assez lourdement, l’air désappointé.
— Meilleurs à vous, Bill !
À l’instant même, Samantha vint rejoindre son amie. Son regard inquisiteur parlait pour elle et, sans même avoir à poser de questions, Sarah devina son intention, mais la laissa dans l’ignorance pendant un moment encore ; jusqu’à ce qu’elle se décide elle-même à lâcher la fameuse question.
— Que voulait-il ?
— Comme tout homme qui approche une fille à une soirée, il me faisait étalage de son extraordinaire verbiage. Et toute cette longue et ennuyeuse élucubration, c’était pour avoir mes contacts.
— Humm ! C’est normal, tu es très belle et tu ne laisses jamais personne indifférent ; partout où tu passes, partout où tu vas, peu importe l’endroit.
— Toi aussi tu es très belle, Sam.
— Pas autant que toi.
Sarah entraîna son amie sur la piste de danse et elles s’éclatèrent. Ce genre de moments les égayait et elles en profitaient autant qu’elles le pouvaient, car si elles savaient se réjouir, elles savaient aussi se mettre à l’œuvre. Et c’est cette polyvalence incontestable qui leur valait autant d’admiration de la part de leur entourage, non sans manquer certaines sournoises jalouses, lesquelles pouvaient à peine travestir leur ressenti. Deux jours plus tard, alors qu’elle se rendait au boulot, Sarah aperçut de nouveau Bill qui, lui aussi, se rendait à son lieu de travail. Elle attendait un taxi, et lui était confortablement installé au volant de sa voiture. Il se gara :
Bill était tout émerveillé de revoir Sarah :
— Il se pourrait que la nature veuille que je fasse partie de votre vie alors elle m’a donné une seconde chance. J’espère cette fois vous convaincre de l’évidence.
— Il se pourrait ! Il se pourrait ! Mais les coïncidences arrivent plusieurs fois.
— Je ne pense pas. Sarah ne dit rien.
— Alors ! Où allez-vous de si bonne heure ? osa Bill.
— Au boulot. Où peut-on aller sitôt un lundi matin ? rétorqua la jeune dame.
— Où travaillez-vous ? La question ne vous gêne pas, je suppose.
— Je bosse pour une agence de communication où je suis attachée de direction.
— Waouh ! c’est à féliciter pour une si jeune demoiselle.
— Merci !
Il s’en suivit un long moment de silence.
— Êtes-vous toujours aussi réservée ? ausculta Bill, si sûr de son constat.
— Vous ne vous attendiez pas quand même à ce que je vous dévoile ma vie, s’offusqua Sarah.
— Non, pas du tout ! mais que vous soyez juste plus ouverte à la conversation.
Il s’en suivit de nouveau un long moment de silence. Le climat qui régnait était d’un froid inouï, voire glacial. Il se proposa de la déposer, mais elle lui servit un refus courtois. Sarah n’appréciait pas Bill, mais ignorait la raison. Il n’insista pas, et s’en alla. Elle trouva aussitôt un taxi. Au hall de son lieu de travail, elle le croisa de nouveau. Éberluée, en même temps curieuse, elle ne put retenir sa soif de savoir ce qu’il faisait là. Maladroite, elle s’exprima en ces termes dérisoires.
— Est-ce toujours pour avoir mon numéro que vous faites tout ça ?
— J’aurais bien aimé vous dire oui, mais je travaille ici moi aussi.
Bill venait de marquer un point, et elle, toute honteuse, éprouva subitement un sentiment de gêne, elle qui avait pensé autrement, s’efforça de rectifier le tir :
— Je ne vous ai jamais vu dans cet immeuble, et je connais toutes les entreprises du coin et leurs employés.
— Peut-être ! Mais dites-vous, mademoiselle, que chaque jour on recrute dans les entreprises. En plus, il y a ce que l’on appelle dans chaque entreprise, ou du moins la plupart d’entre elles, les ressources externes qui n’interviennent toujours pas au sein de l’entreprise. Ils sont généralement des partenaires, des clients, des fournisseurs, etc., vous devez savoir cela.
— Je vous l’accorde, conclut Sarah, visiblement séduite par son art oratoire.
Le duo prit le même ascenseur. Et Sarah, dans son sempiternel étonnement, ne manifestait plus de signes. Ils arrivèrent au cinquième niveau et se dirigèrent vers la même porte.
— Bon ! je suis arrivée dans nos locaux. Je vous souhaite de passer une agréable journée Bill.
— Moi aussi, argumenta l’homme, souriant ; et d’ajouter : apparemment, nous travaillons au même endroit.
Quelle ne fut pour Sarah la stupéfaction de l’entendre ! Ken vint les rejoindre à l’instant, après quelques salutations et différentes amabilités. Elle ne put s’empêcher de s’enquérir de la situation.
— Trêve de convivialités ! quelqu’un pourrait m’expliquer ce qui se passe ici ? La voix de Sarah faisait trahir son embarras.
— En effet, Bill est celui qui fera l’audit comptable dont nous avions besoin pour le redressement des comptes, informa Ken.
Sarah est choquée, mais elle se ressaisit.
— Et comment ça se fait que je ne sois pas au courant ? Je veux dire que nous n’avons pas été présentés…
— Si, rétorqua Ken. Il s’est tenu au sein même du groupe, vendredi dernier, une réunion où Bill a été présenté à tout le personnel de l’entreprise. Malheureusement, tu t’étais rendue dans cette autre entreprise afin de fournir à la hiérarchie le budget de communication. Bill était alors arrivé plus tôt, et comme le veut la courtoisie, notre patron a jaugé qu’il valait mieux ne pas retarder. Il fut présenté à l’ensemble du personnel et les absents ont eu l’occasion de le connaître au fil du temps.
— Je vois. Je comprends maintenant, se rassura Sarah.
— Je dois me mettre au travail immédiatement, annonça Bill. Excusez-moi, mademoiselle Sarah et monsieur Ken ; je vous souhaite de passer une excellente fin de matinée. Et puis Bill se retira.
Sarah resta un moment à parler avec Ken :
— Une ressource externe et tu l’invites à ton anniversaire ? s’étonna Sarah.
— Bill est un ancien camarade de classe, nous avons fait tout le secondaire ensemble et nous sommes restés de bons amis ; c’est moi qui l’ai recommandé, en plus il est très sympa.
— Si tu le dis, se ravisa Sarah.
— Je vois que vous êtes venus ensemble : apparemment, le courant est bien passé entre vous, s’enquit Ken d’un air taquin.
— Non, du tout ! Nous nous sommes croisés par hasard.
Elle se retira, rentra dans son bureau et appela directement sa meilleure amie pour tout lui raconter.
— Devine, Sam ! lui dit Sarah.
— Quel épisode de ta vie ai-je manqué ? Ne me fais pas languir s’il te plaît, répondit son amie avec la plus grande envie de savoir.
— À l’instant où je te parle, ce gars, prétentieux de la dernière soirée, est notre nouvel associé : je n’en reviens toujours pas.
— Waouh ! Ne me dis pas…
— Triste réalité, je ne sais pas comment réagir.
— Sois naturelle, c’est certainement le destin qui l’a voulu ainsi.
— Je pense que le destin s’est trompé cette fois.
— Le destin ne se trompe jamais, ma chère. Pour combien de temps est-il là ?
— Quelques mois, il fait juste un audit de la situation comptable.
— Alors ce n’est pas grave.
— Crois-tu que je vais supporter de voir sa tête chaque matin pendant des mois ?
— En quoi t’agace-t-il autant ? demanda Sam, ne comprenant pas l’attitude de son amie.
— Il est trop collant, doté d’une fausse humilité que j’ai pu déceler, un vrai coureur. N’eût été le climat froid que j’ai installé entre nous, il ne m’aurait pas lâchée d’une semelle ; tellement il voulait tout savoir sur ma vie. Et toi, qu’est-ce que tu fais ?
— Je suis à la boutique.
En effet, elles avaient ouvert ensemble une boutique de lingeries, vêtements et accessoires pour femmes, à l’occasion de la célébration de leur vingtième anniversaire d’amitié. Pendant que Sarah travaillait pour son agence de communication, Samantha, elle, gérait leur shopping.
— Ça se passe bien ? demanda Sarah.
— Personne ne m’a dit bonjour depuis le matin, même demander les prix, rien, répondit Sam, dans le but d’égayer son amie pourtant inquiète.
Elles partirent d’un même éclat de rire et continuèrent à échanger pendant un long moment encore. En fait, d’ordinaire, leurs conversations ne se terminaient jamais jusqu’à ce que le travail rappelle l’une à l’ordre.
Plus tard dans la journée, Bill proposa à Sarah de lui offrir sa pause-café, mais celle-ci déclina gentiment l’offre. Il ne fut pas surpris, il ne baissa pas les bras non plus. Il voulait l’avoir et il ferait tout pour y arriver. Il s’y connaissait en matière de femmes, c’était un habitué de la conquête amoureuse et dans la plupart des cas, il gagnait toujours le cœur de ces dernières, car il savait s’y prendre. Bill est un homme à femmes, un homme à succès. Si la beauté de Sarah lui valait toutes les louanges, Bill n’était pas en reste. Beau gosse, charmeur irrésistible, il comptait généralement sur son regard, son sourire et ses pectoraux athlétiques pour enchanter le cœur de ses nombreuses conquises. Un seul regard faisait étinceler leurs yeux, un sourire suffisait à raviver les cœurs mêmes les plus téméraires, et ses pectoraux faisaient fondre les âmes les plus hermétiques. Si cela semblait marcher pour toutes les autres qui craquaient en moins d’une semaine, Sarah, elle, lui donnait du fil à retordre.
Un après-midi ensoleillé, Sarah, faisait le tri dans sa paperasse administrative, en même temps, elle classait les dossiers clients sur une étagère surdimensionnée. Il lui fallait un double effort supplémentaire, pour faire de multiples montées et descentes sur une échelle qui lui servait d’appui. Bill vint lui porter secours tel un prince charmant qui épargne sa cendrillon de quelques essoufflements. Elle esquissa un sourire jovial et un regard fugace puis ils discutèrent :
— Vous devez certainement être très débrouillarde.
— C’est juste que je n’aime pas déranger surtout lorsque c’est une tâche qui ne requière vraiment pas d’assistance.
— T’es-tu résolue enfin à m’accorder ton numéro personnel ?
La jeunette lui servait désormais des réponses argumentées, mais jamais un refus catégorique. Ses réactions se montraient entrebâillées et il savait qu’avec le temps, il pourrait la conquérir, alors il patientait et gardait sa position de soupirant. Il se montrait plus gentil avec ses collègues, car dit-on : un bon homme se décèle à sa façon de traiter son entourage. Envers Sarah, la seule qui captivait son regard, il redoublait d’attentions : charmant, gracieux, et prévenant, il multipliait toutes les actions qui ne pouvaient laisser aucune femme indifférente même pas la plus coriace d’entre elles. Et si la jeune fille voulait se montrer toujours inaccessible, son cœur, lui, commençait à flancher ; et parfois de l’abondance du cœur, la raison se fait muette.
Il réussit après quelques mois d’insistance à avoir le contact de Sarah et un « oui » de sa part pour un premier dîner à deux. Sarah s’apprêtait ce soir sous le regard envieux de son amie Samantha. Elle portait une robe bleu nuit qui traçait finement sa silhouette, une paire de colliers qui lui embellissait le cou, des talons à aiguilles et une minaudière à la couleur de sa robe. Sa coupe de cheveux de couleur châtain clair enjolivait son visage dont les lèvres charnues et sensuelles étaient recouvertes d’un rouge vif. Elle était sublime, lui fit remarquer Sam. D’ailleurs comme toujours. Bill l’attendait en bas de leur immeuble et il n’en revint pas lorsqu’il la vit.
— Vous êtes vraiment dotée d’une beauté particulière, Sarah.
— Merci, Bill, répondit-elle, désormais avec une certaine assurance.
— Vous êtes belle à couper le souffle. Réitéra-t-il. Alors, nous allons au théâtre, un nouveau film que j’ai aperçu sur une bande d’annonce qui semble très intéressante. Je sais que vous allez apprécier et ensuite nous irons au restaurant manger quelque chose. Laissez-moi vous le dire d’avance : là-bas, on réalise de meilleurs plats.
— Il me semble que vous ayez tout prévu.
— Quand on a un « oui » d’une aussi belle femme que vous, dit Bill en prenant des airs aguicheurs, il faut tout mettre à l’œuvre pour la rendre heureuse.
— Ce n’est qu’une sortie, trancha Sarah. Car, selon elle, il allait un peu loin dans ses démarches.
— C’est déjà un pas ma reine, conclut l’homme romantique.
Le cinéma fut super et Sarah avait réellement aimé le film. Ils étaient donc au restaurant mangeant et relaxant au rythme de la musique qui chantait.
— Sarah, parlez-moi de vous !
— Vous d’abord !
— Je suis Bill, vous le savez déjà, âgé de vingt-neuf ans, expert-comptable et spécialiste en audit des entreprises. Je travaille continuellement pour une entreprise pétrolière dans la ville et je suis également consultant dans plusieurs autres. En phase pour créer mon propre cabinet comptable qui, d’ici quelques mois, verra le jour.
— Waouh ! C’est admirable. Quel est votre secret ?
— Vous avez en face deux jeunes, le premier se lève en période d’hiver comme de canicule, travaille efficacement, se prive de week-ends festifs, passe des nuits blanches de dur labeur, investit et quelques années plus tard, devient une personne à succès. De l’autre côté, vous avez un qui maugrée contre la moindre pluie et le froid, trouve cela comme un prétexte pour ne pas travailler de la journée, il agit inversement par rapport au premier, résultat : rien de concret après plusieurs années. Vous préférez être dans quelle catégorie de personnes, mademoiselle Sarah ?
— Le premier bien sûr.
— Alors je vous ai dévoilé mon secret. Nos choix et nos actes d’aujourd’hui auront une parfaite incidence sur notre devenir. Vous convenez avec moi ?
— Oui, faudrait déjà en être conscient.
— Et vous alors ?
— Vingt-quatre ans, je suis titulaire d’un master en communication, attachée de direction au sein de l’entreprise pour laquelle vous faites l’audit actuellement et propriétaire d’une boutique de lingeries et d’accessoires pour femmes ; entreprise créée en coaction avec ma meilleure amie, Samantha.
— Vous aussi avez un parcours remarquable.
— Merci !
— Alors, Sarah est célibataire ou en couple ?
— Je préfère ne pas répondre pour le moment.
— Je patienterai. Dites-m’en plus, quel genre de femmes êtes-vous au quotidien ?
— Humm ! je suis plutôt calme, réservée, solitaire, la seule compagnie que j’affectionne véritablement est celle de Sam. Elle est la flamme qui donne à mon cœur une certaine vivacité.
— J’ai pu le remarquer.
— Et vous ? La jeune fille lui retourna la question.
— Vous le découvrirez avec le temps.
Elle tritura son collier, gênée de s’être livrée et lui non. Si elle voulait se montrer sage, lui maîtrisait le vocabulaire de la séduction.
— Du vin ? lui proposa-t-il ayant remarqué son embarras.
— Juste un tantinet, acquiesça-t-elle, d’une voix sobre.
Ils burent et parlèrent pendant un court moment, et Sarah demanda à rentrer chez elle. Elle ne traînait pas dehors longtemps surtout la nuit. Chose qui étonna Bill. Contrairement à toutes ses liaisons d’autres fois, cette fille, en plus d’être belle et intelligente, était exceptionnelle. Il respecta son choix et la ramena au bas de son immeuble.
— Ce fut une belle soirée ! Je t’en remercie.
— Content que tu aies aimé, Sarah.
— Je dois monter maintenant. À demain !
— À demain Sarah.
Le temps et les attentions encensent les cœurs. Les a priori et préjugés se révèlent parfois erronés. Estimer connaître une personne avec qui on n’a jamais vraiment été proche et la juger semble une aberration. Et ce, Sarah l’avait bien compris. Prise dans le filet de sentiments naissants, elle apercevait Bill autrement. Au fil du temps, elle l’appréciait. Ken l’ayant remarqué, curieux, il s’informa auprès de son ami.
— Sarah et toi ! Que se passe-t-il réellement entre vous ?
— Rien du tout, Ken !
— Elle est plus ouverte avec toi qu’avant, elle te parle plus qu’avant et vient avec toi certains matins ; le climat entre vous est devenu plus propice et tu ne me dis rien ? Ken insistait dans sa curiosité, soucieux de tout savoir.
— Sarah, c’est juste mon amie, réaffirma Bill.
— Il serait mieux d’en rester là, je te connais, et Sarah c’est une bonne fille qui ne mérite pas de souffrir, avertit Ken.
— Je ne suis plus ce garçon coureur de jupons que tu as connu auparavant au lycée, rétorque Bill.
— On a beau chasser le naturel, il revient toujours au galop ! Ce n’est pas moi qui le dis et cette citation est bien vraie.
— Je veux me marier et Sarah représente pour moi la femme parfaite.
— Déjà à ce stade Bill ? Le soit-elle ? Et ta fiancée dont tu m’avais parlé, qu’en fais-tu ? questionnait-il, faisant mine de se souvenir du prénom de cette dernière.
— Non, elle ne le sait pas, du moins pas encore. Quant à Audrey, j’y réfléchis. Elle ne correspond plus à mes critères. C’est juste une petite fille qui n’a encore intégré aucune notion du mariage. Elle ne maîtrise pas ce que c’est d’être une vraie femme au foyer. Je l’ai rencontrée en France lors de mes études. D’ailleurs, elle y est encore pour de nombreuses années et ne pose aucun problème pour l’instant. Bill se sentait serein dans son argumentaire.
— Laisse Sarah tranquille, tu ne mérites pas une telle femme ; je sais de quoi je parle et fais attention à ce que tu es en train de vouloir faire. Avant de penser mariage avec une nouvelle conquête, tu dois mettre fin à tes fiançailles en cours.
— Au fait, peux-tu éclairer ma lanterne ? Pourquoi tu défends autant Sarah ? Elle n’est pas une petite fille, enchaîna Bill, surpris de la réaction de son ami.
— Elle est mon amie et je ne veux pas qu’on lui fasse du mal.
Ken ne s’était pas encore transformé en défenseur des droits de la femme. Derrière ce caractère protecteur se cachaient d’accablants secrets. Il éprouvait pour la belle Sarah un amour muet dont il n’avait jamais osé parler. Il l’avait toujours eu en face, mais n’avait jamais entrepris quoi que ce soit. Et aujourd’hui, la perdre représenterait, pour lui, un échec cuisant. D’ailleurs, il ne l’avait jamais possédée autrement que dans son imagination, et de l’imagination, il en avait jusqu’à la rêverie. Oui, il rêvait de l’avoir à ses côtés pour le restant de sa vie, il rêvait de ses baisers sensuels, de son toucher engoué, et de ses caresses exquises. Il rêvait de l’emmener devant le maire et de faire d’elle son épouse. Il désirait la protéger, l’aimer et la chérir jusqu’à ce que la mort les sépare. S’endormir et se réveiller à ses côtés représenterait pour lui, les instants les plus radieux de son existence. Il s’incarnait en bon père qu’il serait. Que d’envies langoureuses ! La pile de dossiers à gérer le ramenait souvent de son utopie évanescente. Et stop ! Le rêve s’arrêtait là. Il digérait à présent sa réalité, car les doux rêves chimériques ont ce revers tranchant qui nous ramène à l’évidence lorsqu’ils ne peuvent se concrétiser. Le désir de les poursuivre persiste en nous laissant pour seules sensations, des sentiments inassouvis. Le silence est d’or, mais il devient un leurre lorsque notre entourage ne peut deviner ce que nous transportons en nous. Ceux qui n’avouent pas souffrent doublement : du fait de ne pas savoir si la personne qu’ils aiment éprouve le même ressenti et du fait de ne pas avoir ce qu’ils souhaitent tant posséder et chérir. Si Ken était de ceux-là, Bill l’en était moins. Outre son sex-appeal aguicheur, il avait de l’aplomb. Aucune ne lui faisait trépider. Qui gagnerait le cœur de la magnifique Sarah ? Le silencieux ou le conquérant ? Une chose est certaine : la vie ne sourit qu’à ceux qui luttent pour obtenir ce qu’ils désirent. Ah ! Sarah, deux hommes charmants prêts à se battre pour gagner son cœur. Quelle veinarde !