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Et si la vérité se révélait au cœur de la folie ? À bord d’un train traversant l’immensité sibérienne, un homme s’engage dans un voyage, en quête du sens profond de son existence. Mais ce périple, loin de suivre les rails de la logique, s’enfonce dans un huis clos onirique, peuplé de figures troublantes : enfant, clown, ange, ou encore un apothicaire. Guidé par un oiseau porteur d’un message ensanglanté, il affronte les grandes énigmes de l’origine, de la vérité, de la fin – ou peut-être du commencement. Chaque rencontre bouleverse les repères ; chaque pas dans le train est un pas de plus vers les profondeurs de l’inconscient. Derrière les apparences, un joueur dissimulé tire les ficelles, jeune démiurge qui règne sur un monde aux frontières mouvantes. Et si l’absolu tant recherché n’était qu’un masque, et le visage de l’homme, ou de la femme, sa vérité ultime ? Un roman vertigineux, entre rêve initiatique et théâtre de l’absurde, qui vous entraînera au plus profond de vous-même.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-Louis Harter livre un roman initiatique inspiré d’une traversée personnelle à bord du Transsibérien, jusqu’aux rives sacrées du lac Baïkal. Séjournant plusieurs semaines auprès d’un site chamanique majeur, il en a tiré la substance d’un voyage intérieur aux résonances spirituelles et poétiques.
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Seitenzahl: 73
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Jean-Louis Harter
Dans le train
Un voyage chamanique
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean-Louis Harter
ISBN : 979-10-422-7281-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Virginie
Tout a commencé par un voyage en train. Je l’ai pris à la gare de Moscou, lors d’un étouffant après-midi d’été. La vieille motrice diesel chauffait en bout de quai, et je trouvai sans trop de difficulté la place que j’allais occuper durant les cinq jours suivants. Mon trajet durerait en effet tout ce temps, avec seulement de courts arrêts, permettant d’acheter quelques vivres aux vendeurs ambulants qui attendaient sur les quais. Je me rendais à Irkoutsk, pour rejoindre ensuite par la route le lac Baïkal, but de mon voyage. Plus exactement, l’île d’Olkhon, où je devais passer plusieurs semaines, la plupart du temps perché sur le Chamanka Rock, immense rocher posé au bord de l’eau, où des chamans, débarquant de la Mongolie proche au volant de voitures sans âge, venaient pratiquer de mystérieuses cérémonies, avec des tambours gros comme des roues de camion, des tissus de toutes les couleurs avec lesquels ils enveloppaient le tronc des rares arbres, et des offrandes de vodka, de bonbons et de piécettes de quelques roubles. Ils entonnaient des chants aux sonorités étranges, puis se prenaient en photo devant le lac avant de repartir le jour même, pour un voyage retour de plusieurs centaines de kilomètres sur des pistes incertaines. Ce rocher était ici-bas, avec notamment, dit-on, Alice Springs en Australie et le Machu Picchu au Pérou, l’une des plus importantes portes vers les autres mondes.
Tel était donc le but de mon voyage. Voyage interminable, jusqu’aux confins du monde – voyage immobile pourtant, cloué durant des jours à la même place du même compartiment, durant des jours entouré de la même gigantesque forêt de bouleaux… C’est là cependant que, presque imperceptiblement, je fus entraîné dans un tout autre voyage.
Par ordre d’apparition
qui deviendront plus loin les deux anges.
qui deviendra plus loin Maître Josef, apothicaire.
D’aussi loin qu’il se souvienne, il avait toujours été dans le train, assis à la même place dans le même compartiment. Peut-être y était-il né, peut-être même le temps avait-il commencé sa course éternelle après seulement que le train se fut mis en route et qu’il se fut installé là. Mais c’est à cet instant précis que la question surgit dans son esprit :
— NMOCVEL LRIJN IKJV ?
… Comment formuler autrement la teneur exacte de la question qu’il se posa à ce moment-là ? Et cependant, à quoi sert-il de la retranscrire ainsi le plus fidèlement possible si personne ne peut comprendre ce qui est écrit ? Il m’aurait fallu l’exprimer dans une langue intelligible, une langue humaine, quelle qu’elle soit. Mais le vrai n’est contenu dans aucune langue, aucune qui puisse faire signe vers lui. Dire le vrai, formuler le sens véritable de la question qui surgit à ce moment-là, c’est donc le formuler dans une langue incompréhensible, une langue au moyen de laquelle toute communication est impossible. Une langue, dans le meilleur des cas, qu’on serait seul à parler. Paroles de fou…
L’informulable question ne cessait de tourner en rond à l’intérieur de sa tête, insaisissable, battant bruyamment des ailes, comme un oiseau effrayé malencontreusement entré dans un lieu fermé et ne trouvant nul endroit où se poser. N’y tenant plus, il se leva et sortit dans le couloir. Dans le compartiment voisin, deux autres voyageurs conversaient avec animation dans une langue qui lui était totalement inconnue. Une langue étrange, comme une sorte de chant régulièrement entrecoupé de ce qui ressemblait à de petits éclats de rire, ou parfois à des sanglots. Il entra dans le compartiment, salua d’un léger signe de tête et s’assit sur une partie de la banquette restée vacante. Aucun des deux voyageurs ne prêta attention à lui. Il se cala alors sur son siège, ferma les yeux et se laissa bercer par leur conversation, plutôt agréable et mélodieuse.
Bientôt plongé dans un demi-sommeil, il comprit subitement que ce qu’ils disaient avait un rapport étroit avec la question qui le hantait maintenant depuis peu :
— … JHVYCPEOJIVÈ CYO MJUFVPIREO
ORNVORINÀR…
Si le vrai ne peut se dire dans aucune langue, il m’est impossible de le concevoir clairement, impossible même de le penser. Il faut donc que le vrai me soit donné de l’extérieur, que je ne puisse que le recueillir et le redonner tel quel, sans jamais espérer le comprendre. Le texte ci-dessus, transcription presque parfaite des propos tenus par les deux étrangers, a été tapé au hasard sur les touches de mon clavier. Acte qui n’a rien à envier à celui d’un fou…
Il dut s’endormir longtemps, car le paysage au-dehors avait radicalement changé : des bouleaux, rien que des bouleaux, à perte de vue. Il était de nouveau seul. Quelques instants plus tard, l’enfant entrait dans le compartiment. Il tirait au bout d’une ficelle un objet de forme indéfinissable qui devait être un jouet et, tout en pointant son doigt vers la fenêtre, lui dit d’un ton pénétré :
— … LJRVHINUQEVLD LIOJR LFRL…
Le vrai est ainsi proprement inintelligible. Peut-être même n’existe-t-il que de manière paradoxale et ne se manifeste-t-il, pour nous humains, que comme pure absurdité. C’est en tout cas le signe que ce qui est écrit ci-dessus, le discours si important, mais incompréhensible de l’enfant, pourrait bien être le vrai, l’expression presque parfaite de la vérité, dans toute son ineffable splendeur ! – la vérité de la question, ou peut-être même, qui sait, la vérité de la réponse à cette question… Expression presque parfaite, dis-je : que manque-t-il alors à ces quelques mots pour qu’ils atteignent, du moins qu’ils aient la possibilité d’atteindre la pure coïncidence avec le vrai ? Peut-être leur suffit-il juste de se libérer de ce qui est encore intelligible, à savoir des lettres ou les symboles qui les composent. Inventer une autre écriture, concevoir un autre alphabet, dessiner d’autres formes de lettres…
Écriture d’un fou ? – ou bien d’un enfant.
L’enfant était parti, le train roulait toujours à vive allure, et le papier tout rempli de l’étrange griffonnage avait glissé sur le sol. Figé sur son siège, il le considéra avec attention. La réponse était là, écrite (ou dessinée) noir sur blanc, il en était certain maintenant. Mais la réponse à quelle question ? De cela, il était incapable de se souvenir, si toutefois il l’avait su un jour.
Brusquement, un oiseau entra par la fenêtre laissée ouverte du compartiment, et tourna tout autour de sa tête. C’est alors qu’à travers les cris de l’oiseau désorienté, il entendit de nouveau, très distinctement, la question oubliée :
— NMOCVEL LRIJN IKJV ?
Le son, mais aussi le sens :
— Où va-t-on ? Où se dirige ce train ?
L’oiseau tourna encore quelques instants, cherchant désespérément une issue.
— Où ?
Puis il heurta violemment la cloison du compartiment et tomba lourdement, le crâne fracassé, à l’endroit précis où gisait le papier de l’enfant.
L’homme se pencha, se saisit de l’oiseau mort, le jeta par la fenêtre qu’il referma, et ramassa précautionneusement le mystérieux papier, taché du sang encore frais du petit animal.