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Au cours d’un séjour dans un village, un jeune soldat s’éprend d’une adolescente, unissant leurs destinées à jamais. Quelques années plus tard, il la conduit dans le Sud-Ouest du Cameroun, rêvant de bâtir une existence prospère. Cependant, leur bonheur vacille bientôt sous la menace d’un conflit armé opposant les forces gouvernementales aux séparatistes en quête d’indépendance pour la région. Comment ce couple résistera-t-il aux épreuves imposées par cette guerre dévastatrice ? Leur sort, suspendu à un fil, se dévoile à travers un récit où amour et survie s’entrelacent dans un territoire en plein tumulte.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Après la publication de son recueil de nouvelles Es-tu satisfait ? Non pas encore...
Stella Mbesse Bella revient avec "De la Manyu à l’Achéron", un plaidoyer pour la cessation des violences qui ravagent le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun depuis tant d’années. Par ce nouvel ouvrage, l’auteure adresse un vibrant appel à la paix et à la réconciliation dans un contexte de profondes divisions.
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Seitenzahl: 139
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Stella Mbesse Bella
De la Manyu à l’Achéron
© Lys Bleu Éditions – Stella Mbesse Bella
ISBN : 979-10-422-4924-3
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À la mémoire de toutes les victimes, les vivantes et les mortes, de la crise anglophone au Nord-Ouest et au Sud-Ouest du Cameroun. Aux soldats, aux officiels, religieux et civils. Pour toutes leurs familles que rien ne pourra jamais consoler.
J’écris en pensant particulièrement à vous :
Biya Paul Cédric, aîné d’une famille foncièrement modeste. Jeune militaire, à l’aube de sa carrière. Lui qui quitta son Sud natal, terre de ses pères, pour s’engager au service de la patrie dans un bataillon du Sud-ouest où il a vécu, s’est intégré, s’est fait adopter par les autochtones. Certains l’appelaient affectueusement « président » en raison de son nom. Son séjour terrestre sera écourté à la suite d’une attaque sauvage. Sa vie lui a été arrachée à la fleur de l’âge. Et quand la terre chaude de Nkoumadzap se referma sur lui, elle ensevelissait par la même occasion les espoirs de sa famille, sa compagne et ses enfants meurtris. Seule la déité dans son Omniscience sait dans quelles conditions, aujourd’hui encore, ces derniers luttent pour leur survie.
Timothée Aboloa, « Tonton Aboloa », administrateur civil à la carrière prometteuse. Parti de son Mbam natal, dans le centre du pays, pour aller servir la nation à Ekondo-Titi. Lâchement assassiné par la barbarie d’une attaque à la bombe artisanale. S’en est allé dans l’au-delà, quand, derrière lui, femme et enfants sont déchirés par l’infernale douleur.
Victory Camibon, Anangim Jenifer, Ngwane Munge, Che Nchangwi, Scheygnia Cindi, Nzakame Rhema, tous vidés de leurs cerveaux pour avoir voulu les remplir dans une école à Kumba.
Mvoula Mvoula Pierre, Etienne Oyono, Florence Ayafor, Achille Mvogo, Stéphane Edongué, Alexander Sob Nougi, Christopher Tanjoh, Ashu Prinsley Ojong.
Et à vous autres, si nombreux, vous dont le sang souillera à jamais notre terre.
À Mamfe, ville qui m’a accueillie et dont je garde le nostalgique souvenir.
À mon Papa, « mon fils », toi qui donnas du tien pour la patrie, de Kousseri à Bakassi, de Mamfe à Bamenda. Toi qui as toujours été au cœur des chaudes crises et des conflits de ce pays. De la crise des coupeurs de routes, dans le septentrion, à la lutte contre le terrorisme de Boko-Haram, en passant par le conflit entre le Cameroun et le Nigeria sur la péninsule de Bakassi, et les Ambazoniens dans le NoSo. Je suis fière de dire , et en toute objectivité que tu es un héros national.
À tous les soldats du 22
e
BIM.
Enfin, à mon peuple, pour qu’il guérisse enfin des plaies béantes qui le gangrènent.
Prenez et lisez-en tous, ceci est ma plume dressée pour vous !
La nuit s’abat encore sur le jour. Et ce soir-là, comme tant de soirs, je me perds à chercher ton regard dans les souvenirs qui nous lient et qui nous lieront à jamais. La nuit s’abat encore sur le jour. Et ce soir, comme tant de soirs, je me perds à chercher ta voix dans le calme qui berce ces heures. Et comme chaque nuit, tu me réponds par cette taciturnité que je ne t’ai pas connue. Et comme chaque nuit, tu me rabroues dans cette discrétion que tu n’étais pas. Il n’y a que le jour et son brouhaha qui viennent me délivrer de cette vaine quête de te retrouver. Et aux premiers rayons de soleil, je me dérobe de ce tourment au moyen des réalités quotidiennes.
La nuit partage ma peine, elle témoigne de ma douleur. Sous la lune respectueuse de l’intimité, je peux dire mon blues comme il me vient. Par les larmes et la morve, par les grimaces, par le visage blême et vide, par le silence que rien ne brise. La nuit caresse ma peine, elle lui donne le temps d’exister. Le soleil l’embastille, le jour n’a pas de compassion. Il me fait porter des masques. Actrice, comme l’essentiel des hommes qui, au contact de la lumière du jour se noient dans l’actorat, pour exister au mieux dans cette société agressive. Moi aussi le jour, à certains moments, j’arbore un sourire qui ne dit que trop bien comme je suis mal.
Chaque nuit me donne l’occasion de revivre péniblement ce que je n’espérais pas être la dernière fois. La dernière fois que l’on s’est parlé, la dernière fois que nous nous vîmes. La dernière fois que tu baisas mon front. La dernière fois que la chaleur de ta masculinité saisissante rassurait mon quotidien. Tu manques terriblement à mes joies. Mes peines sont plus douloureuses parce que tu n’es pas là. Mes égarements sont plus ennuyeux sans toi. Je ne dors pas, je pense à toi. La douleur avait supplanté tout besoin de dormir.
Et pour moi, les nuits sont longues, longues, si longues, comme toute nuit qui succède à un jour sombre. Ne reste de toi et moi que ces souvenirs qui ne me rassasient pas. J’en veux à la vie. De n’avoir pas pu te préserver de la mort. Je hais la mort. De t’avoir dérobé à la vie. Ta vie était si précieuse car elle était la mienne aussi. Tu me portais, tu me faisais. J’étais si jeune, plus jeune que maintenant, quand tu m’as connue. J’étais nette, tu m’as dépucelée. J’ai le profond souvenir de ton drap bleu que j’avais rougi. J’étais inculte de tant de sujets, tu m’as appris ce que tu savais. Tu m’as connue dans la petite bourgade dans laquelle je suis née, et dans laquelle j’avais toujours vécu. Tu m’as fait découvrir des régions que je ne connaissais pas, même pas de nom. Et je suis morte moi aussi quand tu as poussé ton dernier soupir. Tu me réalisais, et sur la femme que je suis, j’écris ton nom. J’ai aimé le jeune homme mature que tu étais, j’aime et j’aimerai désormais et à jamais, le père que tu es devenu pour eux, mais d’abord pour moi.
Au cœur de ma mémoire, mon mari, mon chéri. Ciel prête-moi courage, que plaie cicatrise. Mon affliction reste grande, ton départ si douloureux. Rien n’est plus pareil, les souvenir si nombreux.
Tu t’es éteint avec moi. Ma vie s’est elle-même envolée quand, aux cimes de ton agonie, tu poussas le dernier soupir.
Je suis seule et esseulée. Ce n’est pas la solitude que j’ai prise pour époux. Mais, c’est elle désormais qui partage mes nuits et mes jours.
Et sur mes heures d’errance, sur mes larmes vivantes, sur mes sanglots secrets, j’écris son nom. Sur mes pensées esseulées, mes regards vides et perçants, mes renfermements, j’écris son nom. Sur mon visage mat, mes yeux spleen brillant, j’écris son nom. Et par la lassitude m’étreignant, je ne suis pas née pour la vivre, je la nomme pour mieux la fuir, Solitude !
Ton départ est brusque et déchirant, mes cris stridents fendent le jour et les cœurs, et même les cris de tes collègues ne t’ont pas réveillé. Attendais-tu les miens, attendais-tu mes sanglots, attendais-tu que ma larme s’écrase sur tes restes froids et raides pour qu’enfin tu te lèves. Je crierai encore et encore la peine que le temps n’ensevelit. Je viendrai encore, je viendrai verser la larme qui dans mon cœur ne tarit. Je viendrai te dire ce que tu sais, ce que, j’ai enfoui. Et j’espère, j’espère profondément que cette énième fois tu sortiras enfin de ce silence dans lequel jamais tu n’aurais dû entrer.
Tant de gens m’appellent et me demandent : « que s’est-il passé ? ». Je leur réponds par le silence le plus assourdissant que je puis dire. Certains s’en agacent. D’autres compatissent et le mettent sous le coup de la douleur.
En réalité, je me pose obstinément la question moi aussi. Mais je n’ai pas de réponse. Et même celles qui me sont données ne m’expliquent pas pourquoi ton numéro a cessé de passer. Pourquoi ta voix a arrêté de tonner ? Comment puis-je alors répondre aux interrogations des autres quand je suis la première à en avoir ? C’est brusque, c’est violent. C’est cruel, c’est injuste ! C’est tôt. Car peu importe l’âge il est toujours trop tôt pour partir, trop tôt pour mourir, trop tôt pour s’en aller, trop top pour s’endormir à perpétuité. Car il y aura toujours des projets, des choses qu’on aurait pu faire, des choses qu’on aurait dû faire, et donc finalement des regrets. Un âpre goût d’inachevé, dans des cœurs désolés.
Nkol’Eding ! Mon petit chez-moi. C’est là où je suis née. C’est là encore que j’ai grandi. Mon village était un de ces hameaux entourés par la forêt . Une barrière naturelle, comme pour nous protéger des regards prédateurs et indiscrets. Mon village était un endroit très beau, où la nature était traitée avec respect. Une des merveilles du monde établie dans le secret. La connexion avec notre terre était excellente. La terre de nos ancêtres était pour nous un excellent biotope. Mon village c’est un écosystème paradisiaque. Une terre nourricière, à la fécondité généreuse, un paysage d’une douceur sauvage. Un musée vivant, une nature protectrice, aux propriétés médicinales qui ne tarissent . Une nature prédatrice, qui sanctionne nos vices.
Nous avons une langue unique, à la tonalité singulière. Un trait d’union entre la polémique et l’ironique. Une langue aux interjections comiques, aux proverbes et expressions didactiques. Nous avons une histoire peu ordinaire. Longue, profonde comme le lit de la Sanaga. Mystique, mythique, comme le dos du Ngan-Medza’a.
Des légendes fabuleuses, une culture plantureuse, des chants dansants, des danses atypiques. Des mets délectables, des boissons bonifiées. Un peuple légendaire, des enfants à la beauté mirliflore. Des hommes et des femmes aux origines guerrières, aux allures princières. Aux personnalités bien trempées, à l’autorité essentielle que l’on confond à de la barbarie. D’ailleurs on dit d’eux qu’ils ont quotidiennement cinq minutes de folie. Mon village est, un havre de bonacité, un trésor impérissable. Toujours je me fis la promesse d’être émissaire de la culture dont nous sommes héritiers. Émissaire de ce trésor merveilleux. Le très précieux legs de nos aïeux, l’identité immuable de nos âmes, la plus précieuse de nos armes. Émissaire de ce sang qui irrigue nos étroites veines, celui-là même qui nous rappelle la seigneurie qui nous est essentielle. Émissaire pour que la chaîne de transmission demeure, pour que jamais cet héritage ne meurt.
C’est là que je vécus quand ton tendre regard s’est posé sur moi. Tu y étais venu en vacances avec un de tes collègues, originaire de la localité. C’était un soir gris. Le village se remettait de l’orage qui venait de le secouer. Les arbres faisaient encore le deuil des branches et des feuilles qu’ils avaient perdues. La nature était embaumée d’un agréable pétrichor qui étouffait les effluves des sauces d’arachides qui parfumaient généralement les ruelles du village à ces heures-là.
Je revenais de la rivière avec quelques autres jeunes filles. Tu y descendais avec ton ami. Toutes, nous nous retournâmes à votre passage. Tu étais grand et beau. La carrure d’un héros de bandes dessinées. Je n’avais pas laissé traîner mon regard sur ton collègue. Je ne puis le décrire. Mais mes amies le décrivaient lui aussi comme très attirant. C’est toi qui m’intéressais. Tu étais mon point focal. Toi également tu t’étais retourné. Dans ton boubou bleu roi, taillé et brodé aux normes de l’élégance africaine, tu étais à vélo, et je te vis repartir à vive allure, le crane au vent, comme un motard auteur d’une fusillade à Montauban.
Deux jours après, je te vis à la chefferie, où j’allais porter le Mpiang Oundoudoua que ma mère avait concocté pour le chef convalescent, avec qui tu discutais de je ne sais quel sujet. Je vous ai respectueusement salués. On s’est jeté un regard de braise et ma timidité m’a fait m’en voler. Pendant que je dévalais la pente qui menait à la maison, je sentis ta voix grave et tes pas de soldat dans mon dos. Tu m’avais suivie, tu voulais me parler, faire ma connaissance.
C’était le premier contact, et à ce moment, je sus que ta vie était définitivement entrée dans la mienne. Nous avons discuté, je me suis présentée, toi aussi. J’avais 19 ans, tu en avais 25. Tu m’as raccompagnée jusque dans la cuisine de ma mère. Tu t’es présenté, tu l’as remerciée, en ton nom et au nom du chef, pour le repas que le chef et toi aviez partagé et surtout apprécié. Elle en était ravie. Puis tu pris respectueusement congé de nous.
C’étaient alors les jalons de notre amour qui étaient plantés. Un amour que l’on voulait pour exemple, en ce monde où l’amour ne dure plus que le temps d’un coït. On se rêvait devenir comme ces vieux couples de vieux que rien n’aura pu séparer et que seule la mort aura simplement pu éloigner.
Depuis cette rencontre, et durant les jours qu’il restait de tes vacances, nous nous sommes rencontrés discrètement dans quelques coins du village.
Puis c’était la fin des vacances pour toi. Tu m’avais dit au revoir en ces termes-là « La Nation m’appelle, mais je reviendrai te chercher ». Tu es parti.
J’en avais le cœur brisé. Mon premier amour s’en allait alors même que je m’habituais déjà aux tendresses de l’amour.
Mais la sincérité de ta promesse de retour me donnait la force de t’attendre. Et même quand j’étais malheureuse victime de l’humour noir et venimeux de certaines de mes amies du village, à propos de ton non-retour, je croyais en ta bonne foi, même si le temps était long, et l’attente douloureuse.
Puis tu revins comme Le Christ. Personne n’en savait rien. Ni l’heure ni le jour. Tu étais venu demander ma main à ma famille. Tu avais organisé la cérémonie de ma dot comme on n’en faisait plus depuis longtemps pour les filles de mon village. Le chef de ma famille était un homme heureux. Jamais il n’avait mis de chaussures autre que ses Batoulas, ce jour-là, ses grands pieds souffraient dans la paire de Velasca que tu lui offris. Jamais il n’avait méprisé le Matango, ce jour-là, grâce à sa fille, il s’essayait aux grands crus de Bordeaux. Ma mère qui au départ avait un discours réticent, finit par se laisser convaincre par les nombreux présents. Jamais elle ne se vêtait de beaux tissus, ce-jour-là, elle ne pouvait passer inaperçue. Jamais son corps n’avait eu d’odeur autre que celle du bois brûlé, ce jour-là, avec les eaux de parfum, elle aurait pu nous étouffer.
Tu m’avais dit : « Cette fois, je ne repartirai pas sans toi ». Quelques jours plus tard, tu m’emportais, loin de tout ce que je possédais, tout ce que j’avais connu jusque-là.
Nous passâmes quelques jours dans ta famille qui vivait dans la capitale que je ne connaissais que de nom depuis mon enfance. Tu me l’as faite découvrir. Tu as refait ma garde-robe. Tu m’as défaite de mes haillons. Je découvrais alors la vie de la ville et ses particularités.