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Nous découvrirons dans cet ouvrage des destins brisés où la cruauté est reine des lieux : un tueur en série qui terrorise la Côte d’Azur, un pédophile qui enlève et tue des sœurs jumelles. Une femme qui abat son mari de trois coups de fusil et une autre qui tue le sien pour lui survivre. Des enfants victimes de la cruauté parentale, une adolescente torturée à mort, un avocat général qui demande pardon à une accusée au nom de la société. Dix histoires, tirées de faits réels, qui vont nous faire frémir d’horreur… Un voyage qui ne nous laissera pas indemnes.
À PROPOS DE L'AUTRICE
À l’aube d’une enfance marquée par le traumatisme et l’adversité,
Zingara Corazon a fait le serment de mettre en lumière les affaires criminelles qui ont croisé son chemin. Elle s’est immergée dans ces procès, scrutant chaque détail avec une dévotion inébranlable. Au fil du temps, sans qu’elle s’en rende compte, ce livre exceptionnel a pris vie, mûri pendant cinq longues années.
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Seitenzahl: 517
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Zingara Corazon
De la victime au criminel
La loi de l’omerta et ses conséquences
© Lys Bleu Éditions – Zingara Corazon
ISBN : 979-10-422-1678-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Certains attendent que le temps change, d’autre le saisissent avec force et agissent.
Dante
À mon Guêpiot
Déconseillé vivement aux enfants de moins de 16 ans étant donné son contenu violent.
Zingara Corazon nous délivre ici un brûlot, résultat de recherches poussées, qui nous interpelle sur un sujet préoccupant au sein de notre société : la loi du silence, ou omerta.
Avec sa sensibilité exacerbée, elle a réussi à rendre vivants, palpables, tous les personnages de ces histoires dramatiques, y compris dans les prétoires lors des auditions de témoin devant la Cour, les avocats et les familles des victimes.
Toutes ces histoires sont vraies et, au-delà de l’incompréhension que suscitent les actes de barbarie des différents accusés, d’autant plus terribles. En lisant, nous avons l’impression d’assister aux procès comme si nous y étions.
Le style littéraire est direct, sans effets de manche, mettant ainsi en évidence l’incroyable cruauté qui a conduit aux divers procès. Rien ne nous est épargné dans le récit de tous ces meurtres et de ces souffrances inouïes.
C’en est à peine crédible. Et pourtant…
Au-delà de ces récits abominables, le questionnement sur l’absence de déposition et de témoignage spontané de voisins, voire familles et "amis" pourtant souvent au courant de ce qui se passait, fait froid dans le dos.
La tiédeur de la réaction de certains services publics est également dénoncée à juste titre et procure au lecteur une réflexion sur l’utilité réelle de ces services, du moins, tels qu’ils sont aujourd’hui.
La verve de l’auteur, profondément choquée par toutes ces affaires, ne doit pas faire oublier le travail de recueil de tous les comptes-rendus d’audience, de compilation de tous les récits liés à ces affaires choquantes. Ce n’est hélas pas un roman noir.
À lire et à relire sans modération.
Alain Cremades
Soyons attentifs et ouverts à ce qui se passe autour de nous, il est impossible après avoir lu ces histoires tragiques de rester impassibles et silencieux au moindre signe de violence, quel qu’il soit, en toutes circonstances.
Zingara Corazon
Pour comprendre, il faut apprendre et pour apprendre, il faut comprendre.
Damoclès, dans la légende grecque, était un jeune courtisan au service du roi Denys l’Ancien. Damoclès flattait constamment le roi sur ses richesses liées à sa couronne. Agacé par son comportement d’opportuniste, le roi décide, alors, de lui donner une bonne leçon sur la précarité du bonheur.
Invité par le roi à un banquet, Damoclès se délecte à l’avance de ce bon repas qui s’offre à lui. À la table d’or, les invités dégustent des mets raffinés tout en savourant les vins spiritueux. Damoclès est mal à l’aise ; la panique l’envahit en voyant une grande épée au-dessus de sa tête, tenue par un crin de cheval. Alors, il réalise que sa vie ne tient qu’à un fil, le crin de cheval et regarde le roi en s’inclinant. Damoclès comprend que rien n’est acquis dans la vie.
Partout dans le monde, des femmes et des enfants vivent avec une épée de Damoclès, non pas suspendue par le crin de cheval, mais par le sadisme de l’être humain.
En effet, certains se cachent derrière la loi du silence.
Mais qu’est-ce que la « loi du silence » ?
Cette expression sicilienne et napolitaine se nomme l’OMERTA.
La mafia en a fait son code d’honneur, si un membre trahit les secrets de famille, il salit le clan.
La sentence est la mort.
La loi du silence est impitoyable et aussi tranchante qu’un katana.
Elle est source d’énergie négative. C’est une forme de violence passive, psychologiquement très destructrice.
Nous pouvons la comparer à un mécanisme d’horloge parfaitement huilé.
La personne qui impose cette loi abîme profondément l’être touché : sa cible.
La loi du silence s’incruste n’importe où. Elle peut être présente dans un couple chez qui la femme taira, par peur de représailles la violence conjugale.
Même dans l’amitié, l’épée de Damoclès peut détruire.
« Tu parles, t’es mort ». Cette phrase prend tout son sens.
Certains, très mal dans leur peau, usent et abusent de l’OMERTA ;
Nourrissant leur vice, ils exercent leur toxicité et n’ont pas d’autres alternatives que de rejeter leur manque sur autrui. Ce comportement destructeur dénote une immaturité profonde qui engendre d’autres conflits.
Citons Georges Bernard Shaw
Le pire péché envers nos semblables, ce n’est pas de les haïr, mais de les traiter avec indifférence. C’est là, l’essence de l’inhumanité.
Le silence de l’ennui… Oui, il existe celui-là !
Il se caractérise par le fait de noyer sa cible dans l’indifférence.
Le fomenteur échafaude ses plans machiavéliques en la souillant, l’isolant de tout lien social pour mieux la contrôler, l’écraser, la piler.
Il salit sa proie afin de l’écarter de son entourage, puisqu’il la prétend pestiférée…
Son cercle d’amis prend alors ses distances.
Elle est « l’oubliée. » On la voit sans la voir. Indifférence totale.
C’est le silence de l’ennui.
Cette « sous-loi » : Forme secondaire d’une loi qui vous brise le moral, vous mine de l’intérieur et vous immerge si vous ne réagissez pas, dans une profonde dépression.
La victime a peur, elle ne comprend pas cette descente au royaume d’Hadès.
Elle se referme sur elle-même comme une fleur repliant ses pétales au coucher du soleil.
Comprenons que seule la communication peut rompre cette sous-loi.
Se taire et créer une distance ne sert à RIEN. Bien au contraire !
Je vous invite à réfléchir.
Se taire alors qu’on sait ou qu’on voit est un délit condamnable, limite selon le cas, de non-assistance à personne en danger.
Prenons l’exemple d’une femme qui se fait agresser dans un lieu public, les témoins de la scène ne bougent pas, certains même, filment avec leur téléphone portable !
C’est inadmissible.
Personne ne se déplace pour la défendre, pire !
On passe à ses côtés dans une indifférence totale…
LA FAMEUSE LOI DES TROIS SINGES…
Au VIIe siècle, à l’origine de la légende, un moine introduit les singes de la sagesse dans la tradition bouddhiste, ils étaient quatre. Aujourd’hui seuls trois des quatre singes sont connus, Iwazaru, le singe muet, Zizaru, le singe aveugle et Kikazaru le sourd.
Le dernier se couvre l’entre-jambes et représente l’inactivité. Il ne fait rien pour empêcher le mal.
« Pas vu, pas entendu, rien dit et… rien fait. »
Par le silence et l’indifférence, on est coupable de non-assistance à personne en danger :
Extrait du Code pénal :
ARTICLE 223-6 du Code pénal :
Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient volontairement de le faire, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient.
Seuls les meurtriers voyagent au travers de ce monde sinueux où règnent la terreur et la cruauté, la conjuration du mal dès sa genèse…
La parole est d’argent, le silence est d’or…
Proverbe qui trouve son origine dans le Talmud (texte fondamental du judaïsme rabbinique).
On peut l’inclure dans la fameuse loi des trois singes, comprendre que dans certaines circonstances, il est préférable de garder le silence.
Réfléchir avant de parler, maîtriser ses mots, trouver un juste équilibre entre ce qui doit être caché ou pas.
Toutes ses histoires sont tirées de faits réels.
Ce livre n’est pas un roman policier, mais un hommage direct à toutes les victimes qui ont malheureusement croisé le chemin d’un fou.
Cette loi du silence est une infamie envers les sacrifiés qui subissent ces tortures physiques et morales les entraînant dans une danse à trois temps : l’impact, le choc, la résilience.
L’impact ne prévient pas, il cogne ! blesse dans les chairs, écorche la psyché.
Le choc, assène, laisse des stigmates.
La résilience, elle, qu’on doit aller chercher au plus profond de soi pour surmonter l’intolérable.
Elle permet ainsi de gagner en force intérieure tout en restant digne de soi-même.
Je compare souvent la résilience à un bloc de marbre sur lequel on lance une pierre : à peine une griffure.
Pour avoir vu et subi l’injustice, j’ai acquis une force me permettant aujourd’hui de trouver les mots justes, face à une situation difficile.
C’est un voyage à travers un monde connu, seuls des meurtriers, un monde où règnent la terreur et la cruauté ultimes.
Ces dix histoires pour comprendre le désespoir et l’effroi dans lesquels les victimes sont abandonnées.
Ce sont leurs histoires.
La journée est ensoleillée et s’annonce chaude pour la saison. Carole sort de son bain, toute fumante et parfumée comme une fleur de printemps. Aujourd’hui elle a rendez-vous avec Omar qui a cinq ans de plus qu’elle.
Elle soufflera ses vingt bougies en mai 2010, et comme dit si bien le dicton : « En mai, fais ce qu’il te plaît ! »
Elle démêle ses longs cheveux blonds noués en chignon et poudre légèrement son visage angélique.
Carole saute dans son jean noir qui révèle ses formes aguichantes qu’elle rehausse d’un chemisier sexy en diable.
Elle est fière de l’image que lui renvoie son miroir, un petit sourire en coin lève furtivement ses lèvres charnues sur un air victorieux.
Omar travaille comme conseiller bancaire et vit dans une belle maison du nord faite, bâtie de briques et d’ardoises. Il est séparé de sa compagne et mère de son petit garçon de sept mois, Mao.
Il attend fébrilement son rendez-vous, Carole lui a plu dès le premier regard lors d’une bousculade à la sortie des bureaux.
Omar est attendri par les grands yeux qui lui rappellent les forêts canadiennes en automne.
C’est le coup de foudre !
Pour se faire pardonner, il l’invite à dîner. Ils se voient régulièrement puis Omar lui propose de partager son quotidien.
Carole semble apprécier la vie de famille et s’occupe de Mao tout en attendant un heureux événement.
Quelques mois plus tard, Omar, Graziella et Diego (ses parents) s’absentent la journée pour des raisons familiales.
Mais Carole s’ennuie et agacée par les pleurs de cet enfant qui n’est pas le sien, l’attrape pour le jeter dans la baignoire comme un pantin et l’arrose d’eau glacée. Saisi de stupeur l’enfant hoquette et s’étouffe en hurlant.
Furieuse, elle le toise comme un animal et dirige le jet dans ses yeux.
Tel le lion, voulant assurer sa propre descendance, tue les bébés de la femelle convoitée.
— Tais-toi le singe !
Carole n’aime pas Mao, il est le fils de l’autre, de « la traînée » ; la marâtre se révèle…
Elle l’empoigne par ses petits bras et le secoue violemment avant de le jeter comme un sac dans son lit à barreaux.
Mao vient de subir les premières maltraitances et son univers s’écroule d’un coup !
Carole a les nerfs à vif et, pour se calmer avant l’arrivée d’Omar, se sert un verre de vodka et s’affale devant la télévision qui couvre les gémissements de Mao.
À son arrivée, Omar, surpris de l’attitude négligée de sa compagne à demi consciente, la questionne :
— Où est mon fils ?
— Il dort dans son lit, je lui ai donné son bain.
Omar, un peu étonné de la froideur du ton, va dans la chambre de Mao et constate qu’il dort profondément.
— Tu l’as fait manger, j’imagine, il dort bien ti bb.
Carole se lève et embrasse Omar tendrement en le rassurant.
— Bien sûr mon chéri…
Un soir, il rentre contrarié par sa journée de travail et entend Carole s’énerver contre Mao ; le bébé pleure, oublié dans son transat
— Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi cries-tu ainsi contre mon fils ?
Arrogante, Carole lui répond.
— Ton singe de fils ! Celui de l’autre pétasse ! Il chouine tout le temps ! J’en ai marre de l’entendre !
— Tais-toi Carole ! Je t’interdis de parler ainsi de mon fils !
Omar blêmit sous l’injure et la gifle !
Il prend son fils dans ses bras et l’emmène dans sa chambre pour le cajoler…
Au fil des jours, Mao perd sa joie de vivre, traumatisé. Il retient son chagrin.
Carole est en fin de grossesse et perd toute patience envers Mao, feignant s’en occuper devant la famille.
Les grands-parents, pressentant un danger autour de Mao, obtiennent du JAF (juge des affaires familiales) et du père de Mao un droit de visite et, en parallèle, le JAF leur accorde un week-end par mois.
Graziella et Diego remarquent une prolifération d’hématomes sur le corps de l’enfant et l’état léthargique de leur petit-fils les inquiète.
Ils tiennent Carole en suspicion de maltraitance et le signalent à la SAJ (services d’aide à la jeunesse).
À la suite des demandes du père, les services sociaux concèdent à se déplacer au domicile afin de constater les dires.
Carole, sentant une menace sous-jacente, déguise cette visite professionnelle en visite de courtoisie.
Et, rassurée du sort de Mao, la SAJ (pas sage) clôt le dossier.
Le service conclura que ; « l’enfant sourit, et que c’est Monsieur Selim le père ».
Dès huit ans, Carole subit les viols répétés de son grand-père qui a été condamné à quatre ans de prison avec sursis… « Quatre ans de prison avec sursispour inceste sur sa petite fille ! » C’est une honte…
Ce grand-père a traumatisé à jamais cette enfant et en a fait une adulte perverse.
Carole ne supporte aucune contrariété, or Mao en est une ! Elle enrage au moindre geste de l’enfant…
Lors d’une visite chez ses grands-parents, ces derniers remarquent les traces de coups sur le corps de Mao
qui n’est plus du tout le même petit bébé joufflu et souriant.
Mao est affamé et c’est avec voracité qu’il boit ses biberons quand Annie, la sœur d’Omar, lui donne.
Il est sale, a le regard noir et craintif comme un animal sauvage.
Graziella tombe gravement malade et décède au cours de l’hiver 2008.
Le jour de son enterrement, famille et amis se rendent au cimetière.
Le temps est maussade et impose son lot de larmes et de prières.
Carole reste seule à la maison avec les petits. Carole ne contrôle plus rien !
Les enfants pleurent, ils ont faim. Les cris montent crescendo, la marâtre est au maximum de sa tolérance.
La cocotte-minute explose dans sa tête et laisse échapper toute sa furie et sa haine monstrueuses.
Le point de non-retour est activé.
Elle baigne Mao dans l’eau à cinquante-huit degrés Celsius. L’enfant est terrorisé, il pleure, elle le frappe !
Médusa (monstre au regard pétrifiant et mortel), le tire par l’oreille et le jette au sol.
Elle le place brutalement sur la table à langer, lui enfile son body et d’une main, lui écrase le visage contre le mur.
Le saisissant par les cheveux, médusa le traîne jusqu’à sa chambre, le jette sur le lit, le frappe encore et encore, l’étouffe d’une main en l’écrasant contre le mur. L’enfant est en sang, le mur porte le sang de l’enfant.
Le secouant par les bras comme une marionnette, le monstre couronné de serpents le jette dans le parc. Incontrôlable, elle l’emmène dans la cuisine, se saisit d’une poêle brûlante et la plaque sur le crâne de Mao.
Le manège macabre continue… eau bouillante, eau glacée, Mao est brûlé au troisième degré, la chair est à vif.
Ce petit innocent n’est plus qu’un faible souffle de vie.
Il n’a plus la force de téter le biberon…
Mais, pourquoi le biberon ? Qu’a-t-elle dans la tête ? Réalise-t-elle seulement qu’elle l’assassine ?
Serait-elle l’envoûtée d’un « Ryoichi Naito » ?
Médusa l’étrangle avant de le laisser tomber tête la première sur le sol. Mao n’est plus. Sa vie s’est arrêtée.
Elle avait à peine commencé.
Onze mois… Trois saisons.
Aucune fête d’anniversaire, pas de Noël non plus. Il aurait soufflé sa première bougie trois jours plus tard.
Cette femme s’est octroyé le droit de torturer ce petit être, car elle ne le supportait pas, il n’était que l’enfant de « l’autre ».
Annie, la tante maternelle, passe par hasard aux alentours de treize heures devant la maison et aperçoit la police et une ambulance.
Catastrophée, elle croise Carole, complètement affolée sur le gazon, la jeune femme est paniquée.
— C’est pas moi ! C’est pas moi ! Il avait déjà des bleus en revenant de chez sa grand-mère !
— Ce n’est pas possible ! répond Annie. Qu’est-ce que tu lui as fait !C’est pas possible !
Carole est arrêtée et mise en garde à vue. Lors de l’autopsie, le médecin légiste constatera avec effroi des brûlures au troisième degré sur le front et l’oreille droite. La joue gauche est brûlée sur une longueur de 6 cm, et de 3 cm sur la joue droite.
Des marques de strangulation et de doigts sont constatées sur son cou. Ses bras et son oreille gauche sont fortement tuméfiés et présentent des ecchymoses. Son ventre est couvert de lésions pétéchiales dues aux nombreux coups reçus. Les mini vaisseaux ont éclaté sous la violence et ont formé de petites taches rouges sur sa peau.
Son dos n’a plus un centimètre sans bleus, de nombreuses traces de violence plus ou moins anciennes prouvent l’acharnement de sa marâtre.
Le visage boursouflé, le nez écrasé, les yeux constellés d’hématomes ne représentent plus le bel enfant qu’a été Mao. Il s’agit à l’évidence d’un syndrome de Silverman.
Pauvre petit…
Carole est jugée et condamnée à vingt ans de prison ferme.
La détention préventive est prise en compte dans sa peine. En effet, Carole est enfermée depuis octobre 2008, date des faits.
Elle pourra bénéficier d’une libération conditionnelle après avoir purgé un tiers de sa peine.
Maître Paré, l’avocat de Carole avait demandé une peine inférieure à l’âge de sa cliente, soit vingt-deux ans. L’avocat général avait quant à lui requis vingt-huit ans de prison. La cour la condamne à vingt ans de réclusion criminelle pour meurtre et tortures sur le petit garçon.
Elle a également été reconnue coupable de lui avoir infligé des coups et blessures volontaires au mois de juin 2008 et entre le 1er juillet et le 08 octobre.
Maître Donati, l’avocat de Omar réclame lui un dommage et intérêt d’un montant de 80 000 euros pour son client.
Maître Romière, l’avocat des autres parties civiles demande un dommage moral de 25 000 euros pour la grand-mère maternelle de Mao.
30 000 euros pour son compagnon qui s’en est occupé comme son petit-fils.
L’avocat réclame aussi 30 000 euros pour Annie, la tante maternelle, ainsi que pour son oncle.
Pour Omar, c’est un soulagement. Il estime que la Justice a été rendue.
Petit bout… Tu seras toujours dans le cœur des personnes qui t’ont aimé…
Nous sommes en 2009, dans le nord de la France, à Berk-sur-Mer.
Quelques nuages épars voyagent dans le ciel printanier.
Aujourd’hui la région s’apprête à vivre l’événement incontournable attendu avec impatience.
Les Rencontres internationales de Cerfs-Volants (RICV) se déroulent sur dix jours de fête, de rencontres entre passionnés sportifs et amateurs. Partout dans la ville, les musiciens s’en donnent à cœur joie !
Les rues fourmillent de touristes venus des quatre coins du monde admirer les cerfs-volants géants tourbillonner comme des papillons fous.
Les plages sont noires de monde sous un ciel multicolore en mouvement perpétuel.
Mylène, la trentaine fade, ne ressemble à rien, son long manteau gris chiné recouvre un pantalon de toile noire qui lui boudine les cuisses.
Son regard impénétrable est dissimulé derrière une paire de lunettes rondes lui donnant l’aspect d’une grenouille en phasede digestion finale.
Antipathique et aussi froide que la banquise, les cheveux retenus négligemment par une pince, Mylène ne se sépare jamais de son iPhone même pendant que sa fille Aurélia joue dans le jardin public.
Au bout d’un certain temps, Mylène ne voit plus sa fille et panique. Elle la cherche, l’appelle, traverse la foule dense et se précipite dans le commissariat le plus proche.
Elle tente une explication plausible auprès l’agent d’accueil qui la dirigera vers un policier, dès que celui-ci pourra la recevoir.
Mylène se ronge les sangs, tapote nerveusement sur son iPhone quand, enfin, la dernière cigarette du paquet consumée, le capitaine Gilles Morgan l’invite à le suivre.
La cinquantaine bien entamée, au physique proche de l'acteur Charles Bronson, Gilles Morgan en impose. Seul un œil avisé peux déceler la prothèse à son bras gauche. C'est un survivant d'un grave accident de moto survenu quelques années auparavant.
La voix est profonde et régulière comme une mélodie de Chopin.
— Bonjour, madame Otis, racontez-moi les faits.
Mylène fond en larmes
— Ma fille a disparu dans le jardin public ! Je suis effondrée… je ne sais pas ce qui s’est passé, je téléphonais et tout à coup je ne l’ai plus vue…
— Ne vous inquiétez pas madame, on va la retrouver. Comment est-elle habillée ? Quel âge à… Amélia ? C’est ça, madame Otis ?
Mylène n’en mène pas large, elle tamponne son visage avec un mouchoir en papier et d’une voix chevrotante décrit sa fille :
— Amélia a cinq ans et mesure 1,10 m, elle est chaussée de baskets rouges, est vêtue d’un jeans et un pull « Maya l’abeille ». C’est son préféré ! Amélia porte un bonnet blanc en laine et un anorak rose.
Le capitaine appelle le procureur afin de lui exposer la situation.
L’enlèvement n’étant pas vraiment établi, le procureur Paul Charmier ne déclenchera pas le dispositif Alerte-enlèvement. Des recherches sont organisées sur le champ au cœur de la ville.
Les festivités s’arrêtent net quand les forces de l’ordre annoncent la disparition d’une fillette de cinq ans dans le jardin public.
Amélia est ainsi décrite : les cheveux châtains coupés au carré, portant des baskets rouges et un pull « Maya l’abeille ». Elle mesure environ 1,10 m.
Tout le monde se mobilise pour rechercher la petite fille disparue et d’importants moyens sont déployés pour les fouilles.
Rien n’est laissé au hasard. On passe au crible les bus, les trains et même le domicile conjugal ; la Sambre est drainée. La police municipale participe également aux recherches, tout comme les pompiers et des anonymes venus de toute la ville. Le dragage effectué par les plongeurs s’avère infructueux ainsi que les recherches de la brigade cynophile qui a exploré en vain tout le secteur.
Le commissariat s’anime comme une ruche d’abeilles à l’annonce de la disparition de la fillette de quatre ans.
Les patrouilles se forment sur le parking interne de la SRPJ, gyrophares et sirènes en action.
Mylène éclate en sanglots face au capitaine, comme si sa conscience la taraudait.
Gilles Morgan l’encourage gentiment à continuer son récit, il sent dans cette affaire des éléments troublants.
Son flair lui dit que cette femme joue un double jeu.
Ses larmes semblent calculées, ce qui l’agace au plus haut point autant que ses mimiques d’oiseau tombé du nid.
Gilles Morgan a plus de vingt ans d’expérience et sait reconnaître une simulatrice.
Tout est là.
Il décide alors d’enregistrer sa déposition.
— Je peux vous enregistrer ? Vous voulez un verre d’eau peut-être ?
— Non merci, ça ira Monsieur l’agent.
— Capitaine Corrige Gilles.
Un peu déstabilisée, elle se trémousse sur sa chaise, les mains triturant les restes du mouchoir qui jonchent le sol comme les miettes du petit Poucet, et repasse en boucle le film des événements.
Voici son histoire ;
Amélia est née l’été 2004, il y a cinq ans. Elle n’est pas une enfant désirée.
Elle le paiera de sa courte vie.
Mettant leur fierté dans leur poche, car leur fille de seize ans est très jeune pour assumer le rôle de maman, les parents de Mylène installent le jeune couple dans un bel appartement pour le bien-être de leur future petite fille.
Mais les journées sont longues pour l’adolescente ; son compagnon Laurent âgé de vingt-trois ans est cuisinier.
Contrariée de voir son corps se transformer, Mylène perd de sa superbe et se néglige peu à peu.
Elle se réfugie dans la nourriture et s’abrutit devant les programmes de télévision.
Elle n’inspire plus le désir et Laurent qui ne la touche plus préfère passer ses soirées avec ses potes.
Lui non plus ne voulait pas d’enfant si tôt.
La grossesse de Mylène a été décelée tardivement. Cela l’a déstabilisée.
Malheureusement la naissance d’Amélia aggrave la situation. Le couple se fragilise et se sépare en 2005.
D’un commun accord avec ses parents, Mylène se « débarrasse » de sa fille qui vivra heureuse ses trois premières années chez ses grands-parents Michel et Janine.
Mylène n’a pas de souci, sa mère s’occupe de sa fille, elle perçoit des allocations familiales qu’elle dépense allègrement comme une égoïste.
Un soir, la ville organise une cérémonie de remise de médailles en l’honneur des pompiers volontaires qui ont sauvé dix personnes lors d’un incendie criminel.
Mylène et une amie se rendent à cette fête, espérant finir la nuit en beauté.
Le décolleté provocant de sa robe à fleurs retourne les sens d’un jeune sapeur-pompier.
Hervé la remarque dès son arrivée et c’est avec gourmandise qu’il s’approche des deux jeunes femmes.
Le protocole terminé, Hervé et un collègue les invitent à boire un verre en ville.
Hervé et Mylène se voient régulièrement, la jeune femme se donne à fond dans cette nouvelle relation qu’elle aimerait sérieuse.
Elle peut de nouveau espérer retrouver une stabilité. Mylène a confiance en Hervé, car il est gentil avec elle.
Au bout de quelques semaines, il lui propose de reprendre sa fille pour habiter ensemble comme une vraie famille.
Le cœur déchiré, les grands-parents se voient dans l’obligation d’amener Amélia à son nouveau domicile.
Ce jour-là, une douceur printanière flotte dans l’air.
Amélia porte sa robe préférée, c’est mamilou qui lui a offert.
Une barrette fleurie retient ses cheveux bouclés.
Ses grands-parents lui ont expliqué avec des mots simples qu’elle allait retrouver sa maman.
Le trajet en voiture fut pénible… Les larmes coulent en silence sur les joues ridées…
Michel, bouleversé, coule un regard vers sa femme et lui sourit tristement.
À leur arrivée, l’accueil est tendu et froid comme la banquise.
Michel amène les bagages d’Amélia et se baisse à hauteur de sa petite-fille.
— Ne t’inquiète pas ma puce, papilou et mamilou t’aiment très fort, tu le sais hein ?
— Oui… papilou…
Le vieil homme la prend dans ses bras et la serre tendrement, elle ne voit pas ses larmes et c’est mieux ainsi…
Sa femme n’en mène pas large, elle est inquiète pour la petite.
Janine la regarde tendrement et lui dit ;
— Amélia ma chérie, dis bonjour à ta maman.
Seulement voilà…
— Bonjour madame…
La petite voix fluette a murmuré ses mots.
Amélia ne connaît pas cette femme, tout son corps tremble sous le flot de questions sans réponses. Elle lui sourit timidement.
Mylène blêmit sous le choc de ce mot et rectifie sèchement.
— Je suis ta mère Amélia, tu dois m’appeler maman, tu as compris ?
L’enfant lève la tête, la regarde de ses grands yeux, étonnée par le ton sec.
À juste quatre ans, Amélia ne comprend pas pourquoi on l’a retirée de chez « papilou et mamilou »
Une multitude de questions sans réponse tournent dans sa petite tête.
A-t-elle fait une grosse bêtise pour être punie ainsi ? Résignée, de sa voix fluette, elle murmure :
— Oui… Maman.
Les premiers jours d’adaptation sont très durs pour Amélia ; tout est nouveau pour elle. Ses repères ainsi que ses rituels s’en trouvent bouleversés, elle sent comme une blessure profonde que sa mère ne l’aime pas.
Sa fille lui a volé sa jeunesse, où est son corps de jeune fille ?
Amélia attend toute la journée avec impatience le retour d’Hervé, il est sa petite bulle de réconfort. Le jeune homme s’est pris d’affection pour la petite fille si fragile et c’est avec bonheur qu’il joue avec elle.
Mais Mylène ne rate rien et fulmine de rage en se jurant de lui faire payer cet affront.
L’enfant rit de bon cœur aux blagues du pompier qui fait le clown, un lien se crée au fil des semaines.
Mylène s’en prend à sa fille à la moindre occasion, elle la gifle quand l’enfant s’oublie dans sa culotte alors qu’elle l’avait enfermée à clé dans sa chambre depuis des heures… Interminables pour une si petite fille.
Sa mère la force à se doucher à l’eau froide la couche trempée après l’avoir de nouveau. Mylène l’empoigne violemment au niveau des bras et un véritable déchaînement de violence s’abat sur Amélia.
Hervé est dérouté par le comportement odieux de sa compagne vis-à-vis de sa propre fille, mais n’arrive pas à lui faire entendre raison.
Il signalera, sans succès, cette maltraitance aux services sociaux.
Désormais seule, Mylène perd pied et déscolarise sa fille en prétextant un déménagement immédiat.
Le calvaire d’Amélia s’aggrave, l’emmenant irrémédiablement vers une fin mortelle.
Une de ses tantes maternelles, Josiane, réussit à voir la petite, mais ne la reconnaît plus.
Amélia porte des vêtements inappropriés pour la saison froide, ses cheveux sont taillés à la va-vite et teints en blond jaunasse.
Josiane sent les larmes affluer à la vue de cette enfant maigrichonne et s’emporte contre Mylène qui la regarde impassible.
— Ta fille est dans un état déplorable ! Tu t’en rends compte ? Passerais-tu tes journées affalée dans ton canapé à picoler comme une irresponsable ?
Sûre d’elle, Mylène la toise et rétorque net.
— Sors tout de suite de chez moi, Josiane, tu n’as rien à faire ici et encore moins à me dicter ma conduite !
Amélia est MA fille !
Cet épisode accentue la névrose de Mylène qui se venge sur la pauvre enfant, frappée, mal nourrie, laissée à l’abandon avec ses larmes et cette incompréhension…
« Pourquoi maman est fâchée contre moi ? Elle ne m’aime pas ? »
La petite est reléguée à la cave, seule comme un animal pestiféré. Le plus souvent attachée à la rampe des escaliers, Amélia pleure dans cette obscurité inquiétante, elle a peur…
Son être tout entier appelle à l’aide.
Elle perd toute notion du temps, « C’est le jour ? C’est la nuit ? »
La petite recluse est animée d’un immense espoir en entendant la porte s’ouvrir et aperçoit sa mère une torche à la main.
— Bonjour maman…
— Tais-toi !
La harpie, chaussée d’une paire de ’’grolles’’, assène l’enfant de plusieurs coups de pied au ventre.
Une averse de violence se déferle sur le petit corps. ENCORE ET ENCORE ELLE FRAPPE !
Des coups de poing sur le visage enfantin.
Percluse de douleurs L’ENFANT HURLE SA SOUFFRANCE !
Des fessées marquent violemment la chair tendre, la teintant de bleus profonds… Le visage méconnaissable est enflé par les coups de son bourreau.
Après s’être défoulée sur sa fille, Mylène la tire jusqu’à la salle de bain et la douche à l’eau glacée.
Cette mère indigne… ramène la pauvre fillette tremblante d’effroi et l’abandonne à sa solitude.
Dans le salon juste au-dessus de sa fille agonisante, la bouteille de vin à la main, elle entame une danse macabre, excitée par une musique délirante et s’enivre jusqu’à entrer en transe.
À la limite du coma éthylique, Mylène s’étale sur le canapé et sombre dans un sommeil lourd.
En fin de matinée, encore imbibée d’alcool, elle descend dans la cave et découvre sa fille sans vie.
Froidement, elle la camoufle dans une couverture puis la jette dans ’’ la souricière’’ au fond de la cave.
Mylène met en place un stratagème en attendant le lendemain.
Dans le bureau du capitaine Morgan, un silence de plomb conclut ce témoignage immonde. Il aura fallu plus de trois heures d’audition pour que Mylène relate ses actes abjects et avoue le meurtre de sa propre fille.
Le capitaine lui pose une dernière question.
— Pourquoi n’aimiez-vous pas votre fille ?
— Je ne voulais pas d’enfant, j’étais trop jeune quand j’ai découvert trop tard que j’étais enceinte. L’avortement n’était plus possible, le délai légal des douze semaines était dépassé de quelques jours. Quand elle est née, je n’ai pas ressenti d’amour.
Elle a gâché ma vie.
Le capitaine lui demande :
— Regrettez-vous ce que vous avez fait ? Êtes-vous vraiment consciente que vous avez commis un infanticide monstrueux ?
Mylène baisse la tête en guise de réponse.
Gilles Morgan lance la procédure et lui signifie les droits Miranda.
— Vous avez le droit de garder le silence. Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra et sera utilisé contre vous devant une cour de Justice. Vous avez droit à un avocat présent lors de l’interrogatoire. Si vous n’en avez pas les moyens, un avocat vous sera fourni d’office gratuitement. Durant chaque interrogatoire, vous pourrez décider à n’importe quel moment d’exercer ces droits, de ne répondre à aucune question ou de ne faire aucune déposition.
Cette journée du 17 juin, la ville et ses habitants ne l’oublieront jamais… Choqués, les habitants n’osent pas y croire et pleurent leur enfant martyr.
Tout près de chez eux, ils n’ont rien vu, rien entendu. Ceux qui savaient, eux, se sont tout simplement tus.
Mylène reconnaît enfin sa responsabilité, au bout de quelques mois d’incarcération, dans la mort de sa petite fille qu’elle situerait début juin 2009.
L’accusée est mise en examen pour violence ayant entraîné la mort non intentionnelle sur un mineur de moins de quinze ans. Le corps d’Amélia est autopsié par des médecins légistes qui révéleront que la petite fille a subi de multiples sévices en plus des dix impacts traumatiques :
Fractures du crâne.
Du bassin à deux endroits différents.
Du radius de la jambe droite.
De l’os du pubis.
Déchirures des muscles fessiers.
Ces médecins décèlent aussi une fracture du péroné en cours de consolidation, ce qui démontre sans hésitation qu’Amélia avait plusieurs fois été battue.
Son estomac était vide. La décomposition avancée du cadavre ne permet pas de déterminer la cause exacte de la mort.
En effet, six mois se sont écoulés avant que Mylène précise l’endroit où elle a enfoui le corps sa fille.
Amélia est enterrée au cimetière de sa ville, sa famille maternelle l’accompagne dans son dernier voyage…
Plus de trois ans après les faits, le procès commence en janvier à la cour d’assises de Saint-Omer. Mylène déclare sa volonté de faire du mal à sa fille, mais qu’elle ne mérite pas ça. Amélia a reçu des coups de pied, des gifles, des fessées, des coups de poing, de ceinture. Elle a subi des douches glacées puis bouillantes qui lui ont brûlé la peau au deuxième degré.
Mylène ne fera aucune excuse, elle reconnaît néanmoins être un monstre. Elle prétend que sa fille lui répondait sèchement et était sûre qu’Amélia la provoquait quand elle réclamait sa « mamilou ».
Avant de mourir, Amélia, dans un dernier souffle de vie, a regardé sa mère dans un brouillard de sang et de larmes et lui a dit avant de s’éteindre.
— Pardon maman… je… je vais dor…mir… j’suis fat… guée…//…
Le capitaine Morgan convoque Hervé pour une déposition :
— Je voulais juste faire le bonheur de la petite, mais je ne supportais plus l’ambiance à la maison. Après ma journée de travail, je voyais Mylène affalée dans le canapé à moitié ivre. Mais un soir, je rentre plus tôt et attiré par des cris, j’accours dans la salle de bain pour arracher Amélia des mains de sa tortionnaire.
Dans la seconde qui suit, elle me gifle et me jette dehors manu militari. Je ne l’ai plus revue par la suite. Elle ne voulait pas m’ouvrir la porte.
Pourtant, j’avais signalé aux services sociaux les maltraitances récurrentes que Mylène infligeait à sa fille ; même si je ne suis pas le père, ils auraient dû prendre en considération mon signalement.
Je suis écœuré du laxiste de ces administrations.
La petite Amélia avait été déscolarisée plusieurs mois avant sa mort, mais ayant moins de six ans, personne ne s’en est inquiété. Si elle avait continué sa scolarité normalement, on aurait pu déceler les maltraitances et sauver sa vie en signalant les traces de coups sur son corps. L’école n’a alerté le parquet de son absentéisme qu’au mois de juin, quelques jours avant sa mort…
Une marche blanche a été organisée par la mairie de Berk-sur-Mer qui vivait son premier infanticide. Elle mobilisa plus de 500 personnes, un parc d’enfants porte aujourd’hui son nom.
Mylène a été condamnée à la perpétuité avec une peine maximale de vingt ans.
Le milieu carcéral est intraitable avec les tueuses d’enfants et Mylène a subi des passages à tabac.
Une tentative de viol a été évitée de justesse grâce à l’intervention d’une matonne alertée par les bruits dans une des cellules.
Trois femmes avaient tendu un piège à Mylène qui s’était retrouvée bloquée. La directrice de la prison décide alors de la mettre en isolement pour lui éviter d’autres agressions qui pourraient nuire à sa pauvre existence.
Mylène n’aura que vingt ans pour réfléchir aux actes odieux qu’elle a infligés à sa fille.
Amélia… Petit ange, je ne t’oublierai pas.
Angélique Marquès et ses enfants ont vécu un calvaire. Frappés régulièrement pendant presque quinze ans, ils ont subi de la part de Marco une violence extrême. Angélique et Marco se sont connus alors qu’elle sortait à peine de l’adolescence, c’est un homme face à un ange. Elle a dix-sept ans, lui, trente-trois. Naïve et innocente, l’ange a cru vivre un conte de fées, a cru au grand amour style « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. »
On est loin, voire très loin de la réalité.
Juin 2009, fin de journée dans un village côtier en Camargue, la nuit est tombée depuis peu, les couleurs clair-obscur envahissent le ciel, rien ne laisse présager de ce qui ce passe dans la maison bleue au bout de la rue Mousquet. Un promeneur aurait très certainement entendu les cris et les bruits de vaisselle cassée s’il s’était trouvé à cet endroit précis. Mais personne ne se balade. Voisins, touristes, où êtes-vous ?
Il y a danger dans cette maison ! Un homme est pris de folie… Pour une peccadille…
La rage au ventre, Marco empoigne sa compagne et la projette contre le mur de la cuisine, sa tête heurte violemment l’étagère, le choc lui coupe net la respiration et elle tombe de tout son poids sur le sol.
Envahie d’une peur viscérale, Angélique se replie sur elle-même pour parer les coups que Marco lui assène en continu.
Il la relève brutalement et la plaque contre l’évier, place ses mains autour de son cou…
IL SERRE ! SERRE DE TOUTES SES FORCES !
Les yeux révulsés par le manque d’air, Angélique lutte pour ne pas perdre connaissance, ne pas céder. Son mari l’étrangle, elle sent qu’elle meurt. Elle doit agir vite : ses enfants !
De sa main libre, elle cherche de quoi se défendre. Des couverts sont éparpillés à quelques centimètres, sa main tremble, renverse tout sur son passage. La vaisselle tombe, se casse. Les hurlements de son mari aux yeux remplis de haine la somment de mourir !
Elle vacille, sa vie ne tient qu’à un fil.
L’air ne passe plus dans sa gorge prise en étau par les mains de cet homme.
Enfin ses doigts agrippent un couteau, elle s’en saisit.
et le plante dans la carotide du bourreau en un geste net et précis.
Comme un réflexe de survie.
Marco, le regard interrogateur, s’effondre lentement le long du meuble sentant sa vie se vider en un ruisseau sanglant.
Il est mort et avec lui, cesse le calvaire de plus de quatorze ans de souffrance…
Quinze ans plus tôt. Un doux visage encadré d’une riche et longue chevelure couleur miel, un regard bleu clair où se mêlent le ciel et la mer dans un dégradé d’azur. Angélique ressemble à un ange. Elle est jeune, elle est belle. C’est l’année du bac blanc, le lycée, les amis, l’insouciance qu’ont les adolescents de dix-sept ans.
Nous sommes en 1994, c’est l’été, l’heure des jeux sur les vastes plages au sable fin, les étudiants se libèrent des tensions scolaires. Angélique accompagne plusieurs de ses amis sur la plage et rencontre Marco.
Il est grand et musclé, une moustache souligne ses lèvres pleines et parfaitement dessinées. Sa fine barbe ombre son visage d’une teinte dorée.
Marco est plus âgé qu’elle, il représente la force et la maturité.
Angélique sirote un coca glacé jouant avec sa paille, les yeux mi-clos, elle ne voit pas la silhouette qui s’avance vers elle et sursaute quand elle l’entend lui parler.
— Je m’appelle Marco et toi ?
— Moi, Angélique.
Marco la regarde de haut en bas, d’un sourire charmeur, il prend une mèche de ses cheveux et la fait briller au soleil.
— Tu me fais penser à un ange. J’aurais bien besoin d’un ange dans ma vie…
Angélique est troublée par cet homme qui la regarde comme une friandise.
Il lui dit qu’elle est belle, qu’elle n’a rien à craindre de lui, que tout le monde le connaît.
C’est l’été…
Angélique n’a eu que des flirts, il sera le premier à lui faire l’amour sur cette plage ; elle lui offre son corps et son innocence quelques jours plus tard. « Je t’aime », lui murmure-t-elle.
C’est beau. Elle est heureuse avec cet homme qui l’aime comme un fou. Marco est un gitan qui vit dans une caravane. Il fait partie de la communauté gitane établie sur les bords de plage en retrait de la ville.
Le camp est géré par le patriarche et repose sur la base du respect envers les communes qui les accueillent avec méfiance. Aucune erreur n’est permise, les conséquences seraient trop graves pour leur équilibre à tous. Les enfants en pâtiraient les premiers, car, il faudrait alors les déscolarisés pour déménager à nouveau.
Tout est nouveau pour Angélique, amoureuse folle qui se laisse porter par ses sentiments et décide de déménager dès sa majorité. La famille l’accueillera chaleureusement comme une future des leurs.
Mais le père d’Angélique n’aime pas Marco. Il le trouve malsain, marginal et surtout, il ressent les mauvaises ondes que dégage cet homme, il a un mauvais pressentiment.
Plusieurs fois, il s’est fâché contre sa fille, mais Angélique défend Marco mordicus.
La jeune femme se rebelle, sourde aux mises en garde de son père. Elle claque la porte de son adolescence pour entrer dans le monde impitoyable des adultes.
Ses amis ne comprennent pas non plus cette décision qu’ils estiment irresponsable.
Pendant les cours, Angélique baye aux corneilles en se remémorant les nuits torrides partagées avec son amant. Petit à petit, l’ambiance s’altère. Les vieux démons de Marco se réveillent…
Angélique poursuit sa vie d’étudiante au milieu des copains avec qui elle discute et rit naturellement.
Possessif et jaloux, irrité par l’innocence de la jeunesse de sa compagne, Marco s’aigrit. Il l’attend souvent à la sortie du lycée pour mieux la surveiller et l’épier.
Arrivés chez eux, il lui demande si elle baise ailleurs. Surprise et vexée par cette question dégradante elle lui demande s’il est sérieux
— Je t’assure que non Marco, pourquoi je ferais ça, je t’ai… /...
la phrase à peine terminée le prédateur, le sourire en coin, se réveille et lui assène un coup de poing en pleine figure.
L’emprise se met en place…
Marco sort de la caravane, la laissant avec sa stupeur juvénile.
Le nez et la bouche en sang, le regard étonné, elle se demande ce qui a bien pu le pousser à la frapper ainsi.
— Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai fait...
Angélique se rend à pied jusqu’à la cabine téléphonique toute proche et appelle son père.
Mais au premier allo, Angélique raccroche sans un mot, choquée et apeurée.
Pourquoi l’a-t-il frappée ?
Quand Marco la retrouve, Angélique est effondrée, en larme et apeurée tel un oiseau tombé de son nid. Doucement il la prend dans ses bras pour la rassurer.
— Je suis rien sans toi, j’en mourrais si tu me quittais. J’te jure j’en mourrais. J’te toucherai plus, plus jamais.
Pleine d’espoir et folle d’amour, elle l’enlace.
Totalement investi dans son pouvoir de mâle alpha, Marco impose son veto sur la garde-robe de la jeune femme et choisit ses vêtements.
Telle robe la grossit ? Poubelle.
Une autre est jugée trop courte ?
Poubelle ; un rouge à lèvres un peu trop rouge ? Une claque.
Les humeurs de Marco changent tel un baromètre déréglé par une tempête capricieuse, comme lui.
Angélique n’a aucun pouvoir de décision, tout passe par lui.
Marco travaille comme responsable de chantier pour la bourgade depuis quelques mois et compte bien s’éloigner de la communauté pour s’installer avec sa dulcinée dans le village.
Angélique croit à ce bonheur qu’elle savoure comme un bonbon au miel. Elle le voit comme un dieu et accepte toutes ses réflexions.
Elle a raté son bac ?
— On s’en fout, il n’y a que nous qui comptons.
Marco l’isole de ses amis et de sa famille. Il lui dit qu’elle est tout pour lui, qu’il mourrait si elle le quittait. Il s’excuse quand il la frappe et elle, elle pardonne…
Nous sommes en plein syndrome de Stockholm !
Angélique tombe enceinte et le jeune couple se marie rapidement.
Angélique donne naissance à leur première fille, Zoé en 1999. La jeune femme ne sait pas vraiment comment tenir une maison, elle est très jeune et n’a aucune expérience de la vie conjugale. Marco ne manque jamais une occasion pour lui dire à quel point elle est nulle qu’elle ne sait pas s’occuper de sa fille. Il l’humilie, la rabaisse, la traite de grosse pute, d’incapable. Angélique vit avec une peur constante, il n’est jamais content.
Le repassage devient une leçon où il lui montre comment éviter les faux de plis, Marco la dirige quant à la manière de s’occuper d’un nouveau-né sans manquer de la rabaisser au passage.
— Apprends à la torcher et à tenir ta baraque et apprends aussi à baiser, car t’es vraiment pas douée.
Les mois s’écoulent ainsi dans cette ’’éducation tardive’’ à coup de claques et d’humiliation.
De nouveau enceinte, elle n’est malheureusement pas épargnée, Marco la frappe tous les jours. Sa grossesse se déroule dans un climat de peur et de violence. Angélique donne naissance à Léa, c’est un bébé tout chétif qui hurle déjà sa colère.
Le fœtus est sensible et ressent cette violence externe sachant qu’il entend in utero à vingt-quatre semaines d’aménorrhée…
On ne peut qu’imaginer son angoisse.
L’année suivante elle donne naissance à Juan au milieu du printemps. Les trois enfants grandissent dans la violence, seule Zoé est scolarisée à l’école maternelle, âgée de cinq ans, elle trouve refuge pendant quelques heures dans un univers normal. Elle n’a jamais rien dit de ce qui se passe à la maison, ’’.
« Monsieur » lui a interdit de se plaindre sous peine de punitions.
« Monsieur » boit quotidiennement, il envoie Angélique lui chercher des bières et du vin. ’’ Monsieur ’’ s’énerve violemment si elle tarde à rentrer. ’’ Monsieur ’’ rentre dans des colères destructrices, casse tout (sur son chemin). Les enfants terrifiés se réfugient ; où ils peuvent pour éviter les coups.
« Monsieur » se venge sur leur mère qu’il tabasse avant de la laisser inconsciente sur le carrelage froid de la salle de bain.
Marco frappe aussi ses enfants dont les lèvres éclatent sous la violence des coups de poing, et doivent aussi éviter les couverts qu’il balance n’importe où.
Désormais pour Angélique et les enfants, il n’est plus papa ni époux chéri, mais « Monsieur » ils l’ont destitué de ses rôles de père et de mari.
À table, « Monsieur décrète » le silence et se fait servir en premier. Ce soir, elle lui sert un gratin dauphinois doré à souhait comme il aime ;elle a cuisiné toute l’après-midi
s’est appliquée à bien étaler les fines rondelles de pommes de terre qu’elle a recouvertes d’une couche généreuse de fromage râpé.
« Monsieur » regarde son assiette avec dédain et d’un geste lent et calculé la pousse jusqu’au bord de la table.
Angélique le regarde provocante et piquée au vif, le défie ouvertement.
— Et bin, vas-y ! T’en meurs d’envie de toute façon, hein, Monsieur !
Le sourire en coin de Marco sonne le glas annonciateur d’une crise de violence. L’assiette tombe dans un fracas en même temps qu’il se lève et bondit lestement sur Angélique.
— Tu te prends pour qui pour me parler comme ça ! Chienne ! Ramasse-moi cette merde tout de suite !
Ta bouffe est dégueulasse, tu le sais ça hein ? Bonne à rien !
Pffffff même pas baisable…
Marco la regarde comme un déchet sur sa semelle.
J’me casse pouffiasse ! Tu m’dégoûtes avec ton gros cul.
Marco cogne les murs laissant des trous sur son passage et sort de la maison en concluant, quand même, qu’elle a intérêt à tout nettoyer avant son retour.
Angélique trime comme une esclave.
Les journées se ressemblent toutes, envahie de culpabilité de ne jamais bien faire comme le veut « Monsieur ».
Étouffantes de peur et de violence.
S’occuper des enfants, des tâches ménagères.
les repas à préparer, les courses avec les enfants, remplissent ses journées. Les allers-retours via la crèche et l’école, Angélique épuisée, se sent totalement dépasser, elle est toujours sur le qui-vive, son mari la persécute sans relâche.
Et ce, durant des années.
Angélique s’étiole, Marco a fait d’elle une femme craintive et soumise.
Monsieur, le désir au garde-à-vous lui impose ses caprices sexuels, la dégradant au rang de « grosse serpillière. »
L’enfance de Marco fut compliquée ; son père est décédé après une longue maladie qui a monopolisé sa mère auprès de son époux dans les différents services hospitaliers.
Le petit garçon d’à peine six ans se sentait entièrement abandonné. Se retrouvant seul avec sa mère, il pouvait de nouveau prétendre à son amour perdu.
Mais voilà, il était un garçon non désiré, pire ! Sa mère qui ne voulait pas de garçon l’habille en fille et l’élève ainsi. Marco grandit avec une tendance homosexuelle nourrie par une éducation qui allait en l’encontre de sa masculinité.
Bien sûr, Angélique n’est pas au courant, imaginez l’inverse… Voir son mari, macho comme il est, vêtu d’une robe à fleurs. Hilarant, non ?
Le soir de leur huitième anniversaire de rencontre, elle décide de le quitter. Angélique sent qu’elle et ses enfants sont en danger de mort.
Elle se doit de les protéger, c’est ce soir-là qu’elle prépare en douce un sac fourre-tout. Angélique y jette quelques vêtements pris à la hâte dans les placards et le cache sous son lit. Elle a prévu de partir en pleine nuit grâce à sa meilleure amie Lætitia. La soirée se passe relativement bien, Marco est planté devant un match de foot, il est content, son équipe favorite gagne.
Angélique se montre souriante, aimante, lui sert du vin dès qu’elle voit son verre se vider et y glisse un somnifère à la fin du match.
Au cœur de la nuit, alors qu’il dort profondément, Angélique se lève. Son cœur s’emballe, elle craint qu’il se réveille… Angélique n’ose pas penser aux conséquences qui s’ensuivraient…
Violentes.
Tout doucement, la jeune femme tire le sac en priant en son for intérieur et sort de la chambre pour aller chercher ses enfants.
Elle les réveille en leur demandant de ne pas faire de bruit, ils sortent tous de la maison et montent dans la voiture de Lætitia qui les attend.
Enfin en sécurité, toute la smala fuit, droit devant.
Mais pendant ce temps, Marco se réveille, alerté par le vrombissement d’un moteur.
Il se lève un peu vaseux et chancelant, où est-elle ?
Marco se rend dans la chambre des enfants en titubant sous l’effet de l’alcool et du somnifère.
Vide.
Dans la précipitation, il chute dans les escaliers et s’écroule inconscient, un laps de temps. À peine a-t-il repris connaissance, Marco vérifie le dernier appel du téléphone fixe. Lætitia…
Ne perdant pas de temps Il prend sa voiture et les rattrape facilement sur la plage.
Se gare à la hâte à leur niveau et se précipite pour enlacer sa femme. Marco est à ses genoux.
— Pars si tu veux. Va-t’en mon ange, je ne te mérite pas, je sais.
J’vais m’tuer, m’buter, tu seras débarrassée de moi. Eux, ils n’auront plus de père. De toute façon, ils n’aiment pas leur père. J’te demande pardon pour tout ce que je t’ai fait, pardon.
Angélique est chamboulée, perturbée. Cet homme, son homme qui la frappe, celui qui la rabaisse sans cesse, cet homme-là se trouve à genou, en face d’elle. Faible et repentant.
Son fils vient lui faire un câlin.
— Je veux pas que tu meures papa.
Marco, regardant Angélique de ses yeux de chien battu, répond à son fils :
— Si maman vient, je ne mourrai pas.
Touchée, Angélique le prévient que s’il touche encore une fois aux enfants, elle portera plainte et que ce sera fini à jamais entre eux. Il abdique et ramène sous le regard dépité de Lætitia, sa famille à la maison. Mais rien ne change, bien au contraire, tout empire.
De plus en plus jaloux, Monsieur a jeté toute la garde-robe de sa femme pour la remplacer par des tenues plus neutres, des robes informes pendent tristement sur des cintres encore plus déprimés. Angélique se rebiffe contre cette attaque à sa féminité, Marco n’admet pas que d’autres hommes puissent la reluquer dans la rue.
Pour lui, elle doit rester neutre et sans aucune trace d’artifices telle que le maquillage. « Monsieur » la voit comme une allumeuse qui s’habille « comme une pute ».
Il a découpé et jeté toutes ses affaires dans des sacs-poubelle posés sur la table de la cuisine.
Destination les ordures.
En larmes, Angélique est choquée, Marco la regarde froidement et c’est sur un ton sans équivoque qu’il lui dit :
— Les vraies femmes, c’est en robe, Alex.
— Mais c’est à moi… murmure-t-elle.
— Pour que tu te trimbales dans le quartier et que tous les mecs te matent ? Tu crois que je les vois pas ? Que j’les entends pas ? Tais-toi !
— Mais pourquoi tu fais ça Marco ! T’as pas le droit ! C’est à moi ! Pour qui tu te prends pauvre mec !
La gifle la coupe nette dans son élan de rébellion.
— Tu fermes ta gueule ! Je n’veux plus t’entendre, t’as compris ça ? T’as pigé ça gros tas ? Va te faire foutre !
En colère et impuissante, elle murmure tout bas.
— Toi-même va te faire foutre…
« Monsieur » s’arrête net, se retourne lentement vers elle, son poing se serre et atteint Angélique en plein visage.
Elle fait un bond sous la force du coup et s’écrase au sol.
Il la relève violemment en la saisissant à la gorge, la pousse contre un mur en sortant un grand couteau de son socle et colle sa femme au mur, la lame au-dessus d’elle.
— Moi j’vais me faire foutre ! moi j’vais me faire foutre !
Il plante férocement la lame près de son visage et s’en va en la menaçant :
— Ne me dis plus jamais ça.
La jeune femme est au bord du gouffre, son cœur affolé ne peut plus ralentir.
Son visage est touché, son âme aussi.
Les enfants grandissent, la violence aussi. « Monsieur » ne se contente pas de terroriser sa femme, il s’en prend aussi à sa chair et son sang, ses propres enfants…
Angélique a le corps couvert d’hématomes, son beau visage d’avant porte aujourd’hui les stigmates des coups de poing répétés. Ses yeux bleus sont striés de pétéchies qui ont éclaté sous la violence de son mari.
Une fois de plus, elle prend ses enfants et fuit avec l’aide de Lætitia qui les dépose devant un centre de services sociaux. Ses jambes sont couvertes de bleus et d’égratignures.
Malheureusement ni les lèvres éclatées ni les coquards cachés par de grosses lunettes aux verres sombres, ne suffisent à lui donner à lui donner accès aux bureaux, mais seulement à un entre deux portes dans le couloir terne et sans confidentialité.
Malgré toute l’urgence de sa situation, aucun foyer ne peut les l’accueillir elle, et ses enfants. N’a-t-elle pas assez de marques de coups sur le corps pour ne pas alerter l’assistante sociale qui, débordée, les renvoie elle et ses enfants à leur triste sort ? Néanmoins on lui précise que si elle le souhaite, une nuit d’hôtel est prise en charge par les services sociaux.
Une nuit…
Et après ?
Le lendemain matin, les voilà de nouveau, « Monsieur » les aperçoit dans un snack-bar en ville. Les enfants mangent et semblent heureux. Marco ne peut concevoir qu’elle le quitte et le laisse seul, il est certain, qu’elle n’est rien sans lui. Il faut qu’elle rentre à la maison. Il appelle sa femme sur son portable et la supplie de rentrer avec lui.
Le chantage recommence avec les mêmes phrases clichées.
Il se tuerait si elle ne rentrait pas, elle n’a rien, pas d’argent.
Ses trois enfants ne peuvent pas vivre dehors comme des sans-abri.
Angélique cède au grand dam de sa fille aînée Zoé qui ne comprend pas le raisonnement de sa mère. Elle se lève furieuse et renverse leurs plateaux-repas.
— Maman ! Nan ! Il va recommencer à nous frapper ! Ne nous ramène pas avec lui !
Angélique est paniquée, tiraillée entre leur situation catastrophique et le confort au prix de leur sécurité. Elle n’a pas le choix. Zoé ne peut pas le comprendre du haut de ses douze ans. Elle lui en veut de les ramener à la maison.
La petite sait très bien ce qui les attend une fois rentrés chez eux. Les crises quotidiennes de violence verbale et physique. L’alcool rend Monsieur mauvais, un rien l’énerve et le fait monter au créneau plus vite qu’une mayonnaise. Zoé craint pour ses frères et sœurs, pour sa mère, pour elle… Angélique ne sait plus comment éviter cette situation qui devient de plus en plus dangereuse.
Pourtant de retour à la maison, les enfants découvrent un salon rempli de ballons de baudruche de toutes les couleurs suspendus partout dans le salon. Des friandises, des gâteaux plein la table ! Angélique n’en revient pas. Elle s’attendait à des remontrances et voilà qu’il est tout miel avec elle.
Presque penaud.
Quelques instants plus tard, Angélique le rejoint sur leur terrasse et s’assoit tout près de lui, elle effleure son mari du bout des doigts d’un regard lointain.
Une prise de conscience fugace, mais bien réelle s’opère à cet instant en Marco.
— Qu’est-ce j’ai mon ange ? Pourquoi je suis comme ça ? Hein ?
J’ai tellement peur de te perdre… J’vais me calmer, je vais me calmer… J’en suis sûr, j’irai mieux. J’te promets ma belle Angélique…
J’te le promets.
Marco réalise qu’il doit absolument changer. Blotti dans les bras de sa femme, il pleure. Quelques jours plus tard, il tente de se pendre dans le hangar. Il est sauvé in extremis avant que le tabouret qui le tient encore en vie bascule dans le vide.
Angélique signe une autorisation d’internement pour le sauver de lui-même et l’empêcher de recommencer.
En effet il a déjà tenté ultérieurement de se suicider en absorbant des cachets.
Cette période où l’absence de « Monsieur » brille de toute sa splendeur est très bénéfique pour la mère de famille et ses enfants.
Le bonheur est à portée de main sans Monsieur.
Les enfants rient aux éclats comme si tout était toujours ainsi, un foyer en harmonie…
Angélique peut souffler, sans crainte d’une gifle ou d’une insulte. Mais tout a une fin et ce n’est qu’une courte pause ! Monsieur s’est sauvé du centre psychiatrique où il était enfermé depuis quelques jours.
La bulle éclate un soir avec son retour au domicile.
Alors que la famille dîne tranquillement dans la cuisine, la porte d’entrée s’ouvre violemment laissant rentrer dans une bourrasque une silhouette menaçante. Dans un état d’ébriété avancé et shooté aux médocs, Marco fait peur, il a l’œil torve et mauvais.