Dérapage incontrôlable - Thomas Emeers - E-Book

Dérapage incontrôlable E-Book

Thomas Emeers

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Beschreibung

Ancien agent des forces spéciales, Thomas est rappelé en urgence pour assurer la protection d’un membre de la famille royale britannique, cible d’un complot menaçant sa vie. Sous couverture à Monaco, il plonge dans un univers où s’entrelacent mafia et trafic d’armes, révélant une vérité bien plus dangereuse qu’il ne l’imaginait. En fouillant les ombres de ce monde impitoyable, il met au jour des secrets compromettants, notamment une liaison interdite entre la princesse et son propre garde du corps. Bientôt, des menaces anonymes et des trahisons redoublent la pression, transformant sa mission en une lutte acharnée pour la survie. Aux côtés d’une commandante de police déterminée et de son alliée Angel, Thomas devra déjouer un jeu mortel où la moindre erreur pourrait sceller son destin…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Détective privé depuis une décennie et maître en arts martiaux, Thomas Emeers excelle dans l’art du suspense. À travers ses récits, il tisse des intrigues où rebondissements et révélations s’entrelacent.

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Seitenzahl: 478

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Thomas Emeers

Dérapage incontrôlable

Roman

© Lys Bleu Éditions – Thomas Emeers

ISBN : 979-10-422-6499-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Cela faisait bien trois mois que je m’éclatais à faire des dédicaces dans toute l’Europe : Paris, Bruxelles, Genève, Lausanne, etc., et même jusqu’à Montréal. Je me sentais bien, j’étais avec mes parents, tranquille, à profiter de l’été en Suisse. Mes parents habitent à Bursinel, un petit village situé au bord du lac Léman, non loin de Genève. Je leur avais acheté, à l’époque, un petit bâtiment locatif, dans lequel j’avais réservé un appartement pour moi. J’adore mes parents, mais j’ai aussi besoin d’être chez moi. Difficile, quand on connaît ma maman, qui vous monopolise tout le temps. Heureusement, mon papa sait comment s’y prendre avec elle pour qu’elle me laisse un peu de liberté.

Nous revenions de l’apéro avec mon père. C’était un peu notre rituel : nous allions à Rolle, petite ville située au bord du lac. Mes parents avaient profité de ma présence pour prendre quelques jours de vacances.

Il est 11 h 30 quand nous arrivons à la maison. À la tête que fait ma mère, je vois tout de suite que quelque chose ne va pas. Ça sent la merde, je me dis intérieurement. Elle est blanche comme un linge, presque tremblante. Mon père, la voyant ainsi, la prend dans ses bras et lui demande d’une voix douce :

— Qu’est-ce qui se passe, ma chérie ?

— Marie a appelé à la maison, lui répond-elle en bégayant. Elle a dit que c’était une question de vie ou de mort. Phil, tu dois la rappeler d’urgence.

J’éclate de rire, ce que ma mère n’apprécie pas du tout, me jetant des regards incendiaires.

— Maman, je lance en riant. Je te rappelle que Marie est une intelligence artificielle. Elle n’a pas ce genre de réflexion, sauf si quelqu’un lui a demandé de dire ces mots.

— Marie m’a précisé, rétorque ma mère, fâchée, que la couronne était en danger.

— Marie, je tente de la rassurer, ne fait que répéter ce qu’on lui a dit. Elle ne sait pas faire preuve d’empathie ni de sentiment.

— Philippe Brennan ! s’énerve ma maman. C’est ton pays qui a besoin de toi ! Je te rappelle que tu es déjà mort pour lui.

Généralement, quand elle m’appelle par mon prénom, c’est qu’il ne vaut mieux pas insister.

— D’accord, maman, je finis par dire d’un ton las. Je vais la rappeler.

À peine ai-je le temps d’allumer mon portable qu’une voix féminine se fait entendre :

— Désolée de vous déranger, Monsieur, commence-t-elle d’un ton neutre, mais j’ai reçu huit appels de votre officier de liaison, Monsieur Denezy, cinq de Madame Delacroix ainsi que deux du ministre de la Défense. Ils vous ont laissé des messages disant que la royauté était en danger, ainsi que la couronne, et qu’il s’agissait, selon leurs dires, d’une question de vie ou de mort.

— OK, Marie, je réponds, fataliste, appelle tous ces gens et mets-les en vidéoconférence sur la télévision de mes parents. En revanche, tu bloques toutes les communications entrantes et sortantes, tu brouilles tous les signaux.

— Bien, Monsieur, je vous contacte dès que j’ai pu les joindre.

— Maman, papa, je lance à l’adresse de mes parents, mettez-vous à l’écart de la caméra, je ne veux pas que l’on puisse vous voir. Vous n’intervenez à aucun moment. D’accord, maman ? j’insiste.

Tous deux opinent du chef en signe d’approbation. Ma mère, un peu gênée, baisse la tête. Je pose mon portable devant la télé de façon à être vu par les autres intervenants.

Quelques secondes plus tard, ma « secrétaire » m’avise que toutes les personnes sont présentes. J’allume le poste de télé. Apparaissent en premier Arthur Denezy, mon officier de liaison, ma cheffe, Suzanne Delacroix, et le ministre de la Défense, Victor Fallaghan.

Je ressens comme un malaise. Ils n’ont pas l’air décontractés, comme si quelque chose les dérangeait.

C’est alors qu’une quatrième personne prend place sur l’écran. On ne distingue pas son visage, il est presque dans l’obscurité totale, ne laissant voir que les contours de sa tête, le tout en noir et blanc.

— Bien, je lance d’une voix enjouée, il paraît que vous me cherchez.

— C’est exact, Thomas, me répond mon officier de liaison. Cela fait plusieurs jours que…

— Désolé de t’interrompre, Arthur, je continue sur le même ton, mais je te signale que j’ai été mis à pied pour six mois. Or, là, ça ne fait que trois mois. Je ne vois pas pourquoi vous me cherchez comme ça.

— Colonel ! intervient le ministre d’un ton sec. Si nous vous appelons, c’est qu’il s’agit d’une priorité. Nous n’avons pas à vous donner d’explication quand…

— Ça tombe bien, Monsieur Fallaghan, je rétorque, énervé. En effet, vous n’avez pas d’explication à me donner et moi, je n’ai pas à vous répondre, vu que je ne suis plus à votre service. Vous ne pourrez me donner des ordres que dans trois mois.

Ça tourne au règlement de comptes, cette discussion, je m’en rends bien compte. C’est alors que l’inconnu prend la parole, agacé par la situation.

— Ça suffit, Messieurs ! lance-t-il d’une voix forte. Nous ne sommes pas là pour régler vos comptes. Colonel, continue-t-il d’un ton calme, c’est moi qui ai demandé à vous joindre.

— Annoncez-vous d’abord, soldat ! j’ordonne sèchement.

— Désolé, dit-il, un peu amusé, mais je crains que cela ne soit pas possible. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est que j’ai connu un homme, il y a quelques années, que l’on appelait « Le Fantôme », avec qui j’ai eu le privilège de passer deux semaines en Afghanistan, sous sa responsabilité. Je me souviens encore très bien de lui. Vous voyez de qui je veux parler, Colonel ? me demande-t-il d’un ton moqueur.

Ça se bouscule dans ma tête. Je réalise à qui j’ai affaire, pas de doute possible. Il n’y a qu’avec lui que j’ai passé les deux semaines en poste et avec personne d’autre. À cette époque, on m’appelait « Le Fantôme », car les cibles que j’éliminais ne savaient jamais par qui elles avaient été abattues. Je restais des jours à attendre, seul, ou avec, pour la première fois, un membre de la famille royale. À cette époque, ma supérieure était déjà Suzanne Delacroix. C’est elle qui m’avait attribué la tâche de le prendre avec moi, mais surtout de le protéger.

Nous restions des heures sans rien dire, à attendre, avant qu’une cible n’apparaisse dans mon viseur. À ce moment, il devenait mon aide-tireur, me donnant les coordonnées, distance, vitesse du vent, ainsi que tout ce dont j’avais besoin pour éliminer une cible à près d’un kilomètre parfois. Mon fusil de précision, équipé d’un silencieux, n’émettait qu’un faible bruit lorsque la balle sortait.

Elle ne mettait qu’une fraction de seconde avant de faire son office de mort. Généralement, il s’ensuivait un vent de panique parmi les troupes restantes, qui tiraient dans toutes les directions au hasard. C’est là qu’il fallait se montrer encore plus patient, attendre qu’ils se calment pour supprimer une autre cible. Je reviens à la réalité, comme si j’étais parti depuis des heures.

— Euh… Oui, Monsieur… Je bafouille. Maintenant que vous le dites… Oui… Bien sûr que je me souviens de vous… Qu’est-ce qui me vaut l’honneur de votre présence ? je demande, complètement perdu.

Du coin de l’œil, j’aperçois mes parents. Ma mère a les yeux exorbités, la bouche grande ouverte de stupeur, elle connaît cette histoire, pour la leur avoir racontée. Mon père, lui, semble tétanisé. Il ne faut pas oublier que mes parents sont de vrais patriotes. De savoir qu’ils sont en vidéoconférence avec un membre de la famille royale, c’est juste du délire, en plus de se dire que c’est peut-être le futur roi.

— Monsieur Emeers, reprend-il, c’est moi qui ai demandé que l’on fasse appel à vous. J’ai appris ce que vous avez fait lors de vos précédentes missions. Vos méthodes sont expéditives, rapides, précises, sans aucune prise de conscience. Vous êtes capable de discrétion, de voir sans être vu, vos talents d’enquêteurs sont excellents, mais surtout, vous avez un instinct surdimensionné qui vous prévient bien à l’avance de toute menace, sans parler de vos prises de décision sans appel, ni émotion. C’est de tous vos talents dont j’ai besoin pour cette mission. Vous ne rendrez compte qu’à Madame Delacroix, que je connais de la même manière que vous, en qui j’ai totale confiance, ou à moi-même.

— À vos ordres, Monsieur ! je réponds d’un ton solennel.

— Un membre de notre famille, continue-t-il, a reçu des menaces de kidnapping ainsi que des menaces de mort. Je veux que vous enquêtiez pour savoir d’où elles proviennent, mais surtout que vous la protégiez.

— Excusez-moi, Monsieur, je l’interromps, surpris, mais on n’envoie pas des menaces de kidnapping. D’abord, on kidnappe, puis on demande une rançon. Quant aux menaces de mort, c’est totalement absurde, on ne menace pas de mort quelqu’un que l’on veut kidnapper. Ça n’a aucun sens.

Il éclate de rire, d’un rire franc et sonore. Je le vois s’essuyer les yeux avec ce qui semble être un mouchoir avant de reprendre en riant :

— C’est pour ça que je vous veux, colonel. Vous avez résumé en quelques phrases ce que les services secrets et Scotland Yard n’ont pas encore compris. Votre logique est vraiment incroyable.

— Merci, Monsieur, dis-je, content du compliment. Je suppose que cette personne a des gardes du corps, sinon, il faudra augmenter sa protection, je…

— Colonel, m’interrompt-il. Je n’ai hélas pas assez de temps pour rentrer dans les détails. Madame Delacroix vous communiquera toutes les informations dont vous aurez besoin. En ce qui me concerne, je veux savoir qui sont les auteurs de ces menaces et que vous y mettiez fin, si vous voyez ce que je veux dire.

À partir de maintenant, vous êtes uniquement sous mes ordres. À part votre supérieure directe, en qui j’ai toute confiance, personne ne doit savoir quelle est votre mission. Vous avez plein pouvoir pour agir comme bon vous semble.

Officiellement, vous êtes toujours mis à pied. En cas de problème, les services secrets, ainsi que la royauté, nieront toute implication. Me suis-je bien fait comprendre, Monsieur « le Fantôme » ? termine-t-il.

— Tout à fait, Monsieur, reçu 5 sur 5 !

— Merci, agent Emeers.

Son visage disparaît de l’écran avant que le ministre de la Défense n’ait pu dire quoi que ce soit. À voir sa tête, il n’a pas l’air content. Un silence pesant s’installe avant que ma cheffe ne le brise sèchement :

— Monsieur le Ministre, dit-elle, je vais devoir couper la communication avec vous. Comme vous l’avez entendu, seuls l’agent Emeers et moi-même aurons à rendre des comptes directement à Son Altesse.

À entendre ces mots, mon instinct se manifeste de manière violente.

« Tu n’aurais jamais dû répondre à cet appel. La mort t’attend partout où tu iras. »

Prémonition ou mon instinct est-il devenu trop prudent ? J’en doute. La mort fait partie de ce métier, il serait prétentieux, voire stupide, d’ignorer ce message.

— Envoie-moi tout ce que tu as sur cette princesse, je demande à ma cheffe. Antécédents, école, université, amours de jeunesse, coupures de presse la concernant… Bref, tout ce qui pourrait m’être utile, sans oublier les lettres de menace de kidnapping ainsi que celles de mort. Je suppose que ma mission prend effet maintenant.

— Hélas, oui, me répond-elle, dépitée. Si j’avais pu te joindre plus tôt, nous aurions eu le temps de la préparer. En revanche, poursuit-elle, des papiers tels que passeport, permis de conduire, carte de crédit, compte en banque, etc., ont été faits au nom de Philippe Flaherty. C’est ton nom pour cette mission. Tu travailles en qualité de garde du corps pour la famille royale depuis six ans et viens d’être rattaché à la princesse à la suite de la demande de sa famille. Elle est au courant de ta venue et sait pourquoi tu es là : la protéger ainsi qu’enquêter sur l’origine de ces menaces.

Afin de parfaire ta couverture, nous t’avons créé un passé militaire dans les SAS, ce qui n’est pas faux, et te permettra de donner des réponses précises en cas de nécessité.

— Tu l’as fait exprès ? lui demandé-je en souriant. Me donner le prénom de Philippe ?

— Un peu, répond-elle en dodelinant de la tête, un sourire éclairant son visage. Désolée pour toi, Thomas, poursuit-elle, mais tu vas devoir écourter tes vacances forcées. Elle participe demain soir à un gala de charité à Monaco pour la lutte contre le cancer du sein, maladie dont sa mère est morte.

— OK, je lâche en soupirant. Je vais faire avec. Vu que c’est un peu ma faute, je n’ai plus qu’à assumer. Euh… Je suis attendu ? je lui demande.

— Oui. Tu devras t’annoncer à son garde du corps en chef, tu le reconnaîtras tout de suite : il doit faire dans les deux mètres. Il t’expliquera en quoi consistera ton job. Bien évidemment, tu devras en profiter pour enquêter en toute discrétion.

— Tu me connais, dis-je sur le ton de la plaisanterie. Je suis la discrétion faite homme.

— Justement, Thomas, répond-elle sur le même ton. Je n’ai pas envie de ramasser des cadavres derrière toi.

— Je vais essayer, conclus-je. Conversation terminée.

L’écran s’éteint, laissant un vide et le silence. Mes parents n’ont pas bougé ni dit le moindre mot durant toute la vidéoconférence. Je regarde ma maman : elle a son regard triste de chien abandonné. Mon papa, lui, a le regard noir, comme s’il pressentait, tout comme moi, que cette affaire ne sentait pas bon.

— Bon… Ben…, lancé-je, joyeux, pour détendre l’atmosphère. Je crois que mes superbes vacances se terminent. Comme on dit : toute bonne chose a une fin.

Je vois que ça ne fait pas rire ma mère, ses yeux me lancent des éclairs.

— Si je comprends bien, lance-t-elle, fâchée, tu es déjà en mission.

— Elisabeth ! intervient mon père, agacé. Tu sais que dans son métier, on est rarement en vacances très longtemps. Tu devrais être contente que nous ayons pu passer trois mois avec notre fils, alors que normalement, nous n’en avons plus. Trois mois sans se soucier des dangers, que du plaisir.

— Tu as raison, mon chéri, dit ma maman, au bord des larmes. Je suis un peu trop égoïste. Je ne devrais pas me plaindre.

— Hooooo… Que non, maman, je lui réponds en riant, tout en la prenant dans mes bras. Je dirais plutôt que… tu es possessive… ou un peu trop maman.

Je commence à l’embrasser tout en la chatouillant, ce qu’elle déteste. Je ne veux pas finir cette journée dans la tristesse. Mon père vient se joindre à nous pour la faire rire un maximum. Elle en oublie son chagrin.

— Eh… tu sais quoi ? lui dis-je en riant. Je vais aller à Monaco. C’est cool, non ? Ce n’est pas comme si j’allais en Colombie ou en Afghanistan. Ça va être hyper sympa. Il y a peu de chances de se faire tirer dessus là-bas.

C’est à ce moment que mon instinct remet ça.

« Qu’en sais-tu ? La mort frappe partout, même là où l’on ne l’attend pas. »

J’aurais presque envie de l’envoyer chier, mais cela ne servirait à rien.

Je suis encore dans mes pensées quand mon père déclare d’un ton jovial :

— Vous, je ne sais pas, mais moi, j’ai soif et faim. Profitons de ce repas avec notre fils, après… nous verrons bien.

Nous passons l’après-midi sur la terrasse, profitant de ces derniers jours d’octobre avec le soleil, jusqu’à ce que Marie m’informe que le jet sera à Genève dans une heure.

Le temps de préparer mes affaires, d’embrasser mes parents, puis départ pour l’aéroport.

En début de soirée, je suis dans ma maison de Pézenas, en France. Il est temps de faire le point ainsi que de voir tout ce que Marie a pu recueillir sur cette fameuse princesse, dont, je ne sais pourquoi, je n’ai même pas pensé à demander le nom.

Après m’être servi un verre de rosé, je m’installe sur le canapé du salon, pendant que « ma secrétaire » enclenche l’hologramme qui apparaît sur la table du salon. Apparaissent alors des lettres, des photos, des articles de presse, des vidéos ainsi que tout ce qui concerne cette femme. Marie commence son monologue de sa voix neutre :

— Charlotte, Ann, Elisabeth, Victoria de Chasterlane, fille du comte Victor de Chasterlane, est la cousine au troisième degré du…

— Woooo… Marie, je l’interromps gentiment. Si tu pouvais me passer de sa généalogie et tout ce qui concerne sa famille royale ou pas, nous allons gagner du temps.

— Bien, Monsieur, répond-elle sans s’émouvoir. Qu’aimeriez-vous savoir ?

— Sa date de naissance, ses antécédents judiciaires, si elle en a, sa rencontre avec son mari, comment elle est devenue princesse… Bref, tout ce qui pourrait nous permettre de savoir qui et pourquoi quelqu’un cherche soit à l’enlever, soit à la tuer.

— Son nom usuel est Charlotte, reprend Marie, sans se démonter. Elle est née le 5 juin 1983 en Écosse, de père anglais et de mère écossaise. Elle a fait ses études à Londres dans l’architecture, principalement médiévale, et l’étude des châteaux, avant de se lancer dans la mode.

En 2008, elle rencontre le cheikh Imar Mahomed Bensalem, qui n’est alors qu’étudiant en économie mondiale et qui deviendra un riche propriétaire de puits de pétrole, lesquels lui ont été légués par sa famille du Moyen-Orient. Le couple s’est marié en 2010. Ils ont deux enfants, nés en…

— Il est vraiment prince ? je la coupe, intrigué.

— Oui, Monsieur, poursuit-elle. En héritant des puits de pétrole de sa famille saoudienne, situés dans la région de Mahamoud, il a ensuite acheté des milliers d’hectares de désert. Cette région est devenue aussi grande qu’un pays comme l’Autriche. Il y a développé des infrastructures modernes pour en faire un royaume qu’il a appelé Saoud, en remerciement à l’égard de sa famille. Étant le seul propriétaire, il s’est autoproclamé Prince de Saoud.

— Maintenant, j’ai compris, lui dis-je en souriant. Tu me disais donc qu’ils ont deux enfants.

— C’est ça, Monsieur, continue-t-elle, un garçon né en 2012 ainsi qu’une fille née en 2015. En 2020, le couple se serait séparé, mais pas officiellement, ne voulant pas créer de problème avec les enfants, semble-t-il. Toutefois, ceux-ci sont sous la garde du père. Selon les rumeurs, le prince aurait de très nombreuses conquêtes féminines. On parle même du fait qu’il disposerait d’un harem à l’intérieur de son palais, lequel est protégé par des gardes armés 24 heures sur 24. Aucun journaliste n’a pu y pénétrer pour le moment. Tout est en huis clos pour que rien ne filtre à l’extérieur. Même les employés ont des clauses de confidentialité qui, en cas de rupture, leur coûteraient des fortunes. Difficile d’affirmer ces allégations.

— C’est bon, Marie, revenons à notre princesse. Tu as pu obtenir les lettres de menaces d’enlèvement ainsi que celles de mort. Mets-les sur l’hologramme pour que je puisse les étudier de plus près.

Elle s’exécute. Apparaissent quatre feuilles de papier A4 basiques. Les deux menaces d’enlèvement sont faites à « l’ancienne », avec des lettres découpées dans des journaux, puis collées les unes après les autres pour former le texte suivant : « Si vous ne me versez pas la somme d’un million de dollars, je vous enlèverai. Après, ce sera 10 millions. »

La seconde n’est qu’une copie de la première. Un peu minable, comme la précédente.

— J’imagine, je déclare, dépité, qu’il n’y a aucune empreinte ou ADN sur ces lettres ? je demande à mon Intelligence Artificielle.

— Hooooo… que oui, Monsieur, répond-elle. Justement, elles ont tellement été touchées par l’intéressée, ses gardes du corps et les employés de maison qu’il est impossible d’en définir d’autres. Quant aux lettres, elles ont été prélevées dans plusieurs journaux différents, ce qui rend impossible de les retrouver.

— Comment ont-elles été distribuées ? je demande, intrigué.

— La première, répond-elle, a été retrouvée dans la chambre d’hôtel de la princesse alors qu’elle était en déplacement en Australie pour assister à un concert.

— NOM DE DIEU ! je m’exclame. Cela veut dire que la personne savait dans quelle chambre elle allait séjourner. Elle a pu entrer en toute impunité, sans se faire repérer. Tu as pu obtenir les images des caméras de surveillance de l’hôtel ? je demande, impatient.

— Oui, Monsieur, commence-t-elle, mais…

— Affiche-les, j’ordonne. Je veux les voir moi-même.

Elle obéit sans rien dire. Les images apparaissent. On y voit le couloir qui mène à la chambre, qui est en fait une suite, ce qui signifie qu’elle occupe la moitié de l’étage.

Il est 16 h 18, le vendredi 15 octobre, quand on aperçoit la princesse. C’est la première fois que je la vois, à part bien sûr dans les journaux, mais qui datent déjà de 6-7 ans. Depuis, plus rien. Elle a la quarantaine, est assez grande, avec de longs cheveux noirs jusqu’au milieu du dos, portant un chapeau blanc ainsi que des lunettes de soleil. Elle entre dans la chambre, suivie par ses deux gardes du corps.

Elle en sort à 19 h 22, habillée d’un jean, d’un chemisier blanc et d’un blouson en cuir noir. Elle est presque plus jolie dans cette tenue. En tout cas, elle fait plus moderne. Elle est toujours accompagnée de ses deux balèzes.

— STOP ! je lance soudain.

Je me lève du canapé d’un bond et avance vers l’hologramme. La vidéo est en arrêt sur image. Je prends les commandes et reviens en arrière, lentement, jusqu’à ce que l’image se fige sur la princesse regardant la garde du corps sur sa droite, celui qui lui tient la porte de la chambre.

— Tu ne vois rien qui te surprend ? je demande à Marie.

— Non, Monsieur, me répond-elle. Qu’est-ce que je devrais voir de si troublant ? me questionne-t-elle.

Je pousse un soupir de lassitude. Décidément, rien ne peut remplacer l’humain en ce qui concerne les sensations, les sentiments, les émotions, ni même cette impression qui fait toute la différence avec une IA.

— Marie, dis-je d’un ton moqueur, il faudra que je t’apprenne un jour à lire entre les lignes, à comprendre les sous-entendus, voire les émotions.

— Désolée, Monsieur, répond-elle, je ne comprends pas ce que signifie « lire entre les lignes » ni « voir les émotions ».

— Ce que tu ne vois pas, je poursuis sur le même ton, mais que moi, je vois, c’est le regard de la princesse envers son garde du corps. Ce n’est pas juste un regard de sympathie ni un sourire de remerciement. C’est bien plus que ça.

— Je ne comprends toujours pas, Monsieur.

— Ce n’est pas grave, laisse tomber, je rétorque, un peu agacé. Continuons le visionnage.

Nous regardons les images en accéléré jusqu’à 23 h 17, heure à laquelle tout ce petit monde revient à la chambre. Personne n’est venu entre-temps, même pas un employé de l’hôtel. Selon les plans de l’hôtel que ma « secrétaire » a pu obtenir, il n’y a qu’une seule entrée, celle-ci.

Pourtant, c’est à son retour qu’elle aurait trouvé la première lettre de menace d’enlèvement. Marie a revisionné toutes les images, analysant le défilement des secondes afin de vérifier si les caméras n’avaient pas été trafiquées.

Des caméras extérieures sont également disposées tout autour de l’immeuble. Celles-ci montrent le bâtiment à 360 degrés. Impossible de monter par les façades sans être repéré. Aucune fenêtre n’est restée ouverte pendant leur absence. Un vrai mystère.

Sauf… si… Une idée me traverse l’esprit, complètement folle, mais… pourquoi pas ? Et si c’était l’une des trois personnes présentes qui avait déposé la lettre au moment de leur sortie à 19 h 22 ?

— Pour ce qui est de la deuxième lettre ? je demande à Marie. Elle a été trouvée quand ?

— La seconde, Monsieur, a été trouvée dans le véhicule personnel de la princesse, par son chauffeur, alors qu’il le déplaçait pour le mettre dans le garage. C’était dans sa propriété de Monaco.

— Évidemment, je lance d’un ton dépité. Je suppose qu’à part les empreintes et l’ADN du chauffeur, de l’intéressée, de ses sbires, voire de tous les employés de la maison, on n’a rien trouvé d’autre ?

— Exactement, Monsieur.

Tout compte fait, mon idée ne serait peut-être pas aussi folle qu’il n’y paraît.

— Bien, je continue sur le même ton, pour ce qui est des menaces de mort, qu’est-ce que nous avons ?

— La lettre en question a été envoyée depuis Sydney, en Australie, ceci une semaine après son départ, depuis un bureau de poste du centre-ville, mais selon toute probabilité, elle aurait été déposée dans une boîte aux lettres située un peu partout dans la ville.

— Montre-la-moi, je lui demande.

Elle apparaît sur l’hologramme. Elle est dactylographiée, certainement depuis un ordinateur. Quant à l’enveloppe ainsi qu’au timbre, on en trouve par milliers dans les grandes surfaces, les bureaux de poste, etc. Les termes sont des plus éloquents.

Princesse de merde,

Tu n’es qu’une salope qui trompe son mari avec tous les mecs qui passent, tu n’es pas digne de lui ni de tes enfants.

Ta mort proche sera pour nous une délivrance.

Tu vas crever, salope.

Intéressant. Celle ou celui qui l’a écrite sait qu’elle trompe son mari, mais pas avec qui, semble-t-il. On sent de la colère dans cette lettre. Le fait d’écrire tu n’es pas digne de lui ni de tes enfants laisse supposer que cette personne ne supporte pas son comportement, qu’elle le trouve immoral. L’avant-dernière phrase Ta mort proche sera pour nous une délivrance fait penser à quelqu’un de croyant. Reste à savoir qui est « NOUS » ou si ce n’est qu’un simple accès de jalousie.

ET MERDE ! Ça recommence, que des questions, mais pas de réponse.

Tout bien réfléchi, je ne vais pas aller m’annoncer demain soir. Je crois plutôt que je vais y aller en tant que spectateur, en utilisant mon nom d’auteur. Mon instinct me dit que je vais certainement apprendre bien des choses en observant, avant d’être dans la place.

Je constate également qu’il y a très peu d’informations sur les membres de la famille de son mari. Ceux-ci m’ont l’air beaucoup plus discrets, ce qui, bien évidemment, n’empêche rien. Je crois que j’aimerais bien aller faire une visite dans ce palais pour voir ce qui s’y passe. Quelque chose me dit que cela pourrait être très intéressant.

— Marie, je lance d’une voix forte, tu pourrais m’obtenir une invitation pour demain en tant que Thomas Emeers ? J’aimerais pouvoir participer à ce gala.

— Monsieur, dit-elle au bout de quelques secondes, une participation symbolique de 10 000 euros est demandée pour être adhérent de cette association.

— Décidément, je lâche, agacé, il n’y a pas de petit profit. C’est impressionnant de voir à quel point, même les plus riches de ce monde, en profitent pour se faire encore plus de pognon. Inscris-moi quand même.

— C’est fait, Monsieur, répond-elle. Vous êtes attendu demain soir dès 20 heures à la résidence de Monaco, par Son Altesse la Princesse de Chasterlane-Bensalem. Tenue de soirée exigée.

— Merci, Marie, je continue. Sors-moi les plans de la propriété. Je veux connaître toutes les entrées, sorties, sous-sols, pièces aux étages, les accès par voie aérienne, par bateau. Fais-moi un scan de la résidence, les positions des caméras, ce qu’ils ont comme système d’alarme, le nombre de gardes à l’intérieur et à l’extérieur, le temps de rotation des gardes, leur armement… Bref, tout ce qui pourrait m’être utile en cas de tentative d’enlèvement ou d’assassinat.

Si quelque chose doit se produire, je veux pouvoir anticiper, surtout savoir où je devrais aller, bien que je doute beaucoup que cela se passe à la résidence. En attendant, je vais aller me coucher.

Chapitre 2

Le lendemain, je passe la majorité de la matinée à m’entraîner. N’ayant rien fait durant trois mois, il est temps de me remettre en forme. La matinée est consacrée aux combats au corps à corps avec des ennemis virtuels. Marie se fait un plaisir d’inventer des situations toujours plus complexes, nécessitant de la souplesse, de la précision, de la concentration, de la vitesse et la technique des arts martiaux.

Ceux que je préfère sont ceux où j’ai les yeux bandés, ne devant me fier qu’aux sons, aux déplacements d’air, mais surtout à mon instinct. Après une heure, croyez-moi, c’est long. Je passe ensuite aux tirs aux pistolets automatiques de différents calibres : tirs de précision, tirs au jugé, pour finir par des exercices de tir réflexe, aussi aménagés par ma chère « secrétaire ».

Je termine par une heure de musculation, avant de passer au plaisir : de longues minutes dans la piscine à faire la planche ou à nager tranquillement. L’eau a cette faculté de me détendre aussi bien physiquement que mentalement.

L’après-midi est consacré à l’étude des plans de la propriété de ma cliente. Celle-ci est située sur les hauteurs de Monaco, surplombant tout, avec une vue magnifique sur la ville, le port ainsi que les maisons en contrebas. Elle est composée de trois étages de plus de 200 mètres carrés chacun, d’un sous-sol aménagé, d’un garage, d’une panic room, ainsi que d’une cave à vin.

L’extérieur comprend plus de deux hectares de terrain, principalement du gazon, une piscine de 25 mètres de longueur sur 10 de large, le tout entouré par des clôtures en fer forgé de plus de trois mètres de haut, camouflées par des haies de la même hauteur. Une terrasse entoure la piscine. C’est là que les convives vont se retrouver ce soir.

L’entrée de la résidence est surveillée 24 heures sur 24 par deux gardes armés de pistolets automatiques, équipés de silencieux. Au total, dix personnes s’occupent de la surveillance, se relayant entre l’intérieur et l’extérieur, changeant de place toutes les deux heures environ, remplacées toutes les quatre heures, ce qui leur permet de rester concentrées sur leur mission.

Il est fort probable qu’en raison des menaces contre Son Altesse, les protections à son égard ont été renforcées.

Afin d’éviter d’être reconnu par la suite, je décide de mettre une perruque noire avec des cheveux descendant plus bas que les épaules, des lunettes à grosses montures, lesquelles sont équipées d’une caméra permettant à ma « complice » de me suivre, ainsi que d’observer tous les visages dans le but de les analyser. Je ne serais pas surpris, en effet, que l’auteur des menaces fasse partie des invités. Côté vestimentaire, j’opte pour un smoking sobre, noir, une chemise blanche et un nœud papillon noir.

À 20 heures, je suis devant le portail de la propriété. Un rapide contrôle de l’intérieur de mon véhicule, à savoir une Audi RS e-tron GT, totalement électrique, de couleur anthracite, que j’ai louée à l’héliport de Monaco, étant venu en hélicoptère depuis Béziers.

Je continue dans l’allée pour arriver devant l’entrée de la résidence, où attend un voiturier, lequel me demande de lui laisser ma voiture, ce que je refuse, préférant la garer moi-même. Il s’agit simplement d’une excuse pour repérer les alentours, ainsi que pour les filmer.

Sur le parking se trouve une trentaine de voitures, dont je relève, au moyen de mes lunettes, les immatriculations. À voir les véhicules stationnés, nous avons toute la haute société monégasque et des environs.

En revenant à pied vers l’entrée, j’observe les alentours. Je n’ai pas pris d’arme, ne sachant si j’aurais droit à une fouille au corps avant d’entrer. Tel est le cas, deux individus scannent tous les invités avec un appareil à main. Je doute fort qu’un enlèvement puisse avoir lieu chez elle. Pour ce qui est des menaces de mort, en revanche, n’importe qui parmi les personnes présentes est un suspect potentiel.

Comme vous le savez peut-être, il existe des armes en matière spéciale, indétectables aux scanners.

Je pénètre dans un hall immense, avant qu’un employé m’indique le chemin à suivre pour me rendre à l’extérieur, où se trouve une terrasse donnant sur un parc ainsi qu’une piscine.

J’y retrouve une centaine de personnes habillées en smoking pour les hommes et en robes longues pour les femmes. Personne ne prête attention à moi lorsque j’arrive sur la terrasse, ce qui m’arrange bien. Je me balade parmi les invités, photographiant chacun, lesquels sont ensuite identifiés par mon IA. Elle me communique peu après leurs identités.

Pendant près d’une heure, je me promène, un verre à la main, saluant des personnes que je ne connais pas, du moins pas maintenant, jusqu’à ce qu’un employé nous demande de le suivre pour passer à table. Tout le monde s’exécute. Un peu plus loin de la terrasse, nous découvrons une grande tente couverte, sous laquelle se trouve une douzaine de tables pour six et huit personnes. Je m’installe à une table de six à côté de personnes d’un certain âge. Selon les informations de Marie, il s’agirait de la comtesse et du comte De Delvhio, venant d’Italie, de leur fille Vanessa, ainsi que d’un autre couple de noblesse française.

Une fois les personnes installées, la Princesse fait son apparition, sous les applaudissements des convives. Elle est escortée par ses deux gardes du corps. Elle est vêtue d’une magnifique robe rouge avec des paillettes dorées, qui la rend encore plus belle. C’est la première fois que je la vois en vrai. Elle fait dans les 1,75 m, mince, cheveux noirs longs, de grands yeux marron en amande.

Elle prend place à une table qui fait face à tous les invités, ses deux sbires derrière elle. Deux autres femmes sont avec elle. Selon Marie, celle qui est à sa gauche serait une femme d’affaires new-yorkaise, travaillant dans la mode, la seconde est l’épouse d’un émir saoudien.

Le repas dure bien deux heures, interminables, avant que nous passions aux festivités, à savoir aux dons pour l’association de lutte contre le cancer du sein. La Princesse fait tout un discours sur cette maladie, encourageant aussi bien les femmes que les hommes à faire des dépistages régulièrement.

Après quoi, des personnes vont déposer des enveloppes sur la table de Son Altesse, dans lesquelles doivent se trouver des chèques dont le montant n’est pas communiqué. Elle les remercie au fur et à mesure qu’ils passent devant elle, évitant d’ouvrir les enveloppes par mesure de discrétion.

Cette procession enfin terminée, nous sommes conviés à retourner vers la piscine, de laquelle un DJ diffuse de la musique assez moderne pour l’endroit. Sous l’effet des alcools, des personnes commencent à se lâcher, se déhanchant de plus en plus. J’ai comme le sentiment qu’il n’y a pas que de l’alcool à cette réception, vu l’état de certains, visiblement très débridés, finissant même dans la piscine, tout habillés. Personne ne semble affligé par ce spectacle. Je finis par comprendre que bon nombre d’entre eux, sous leurs vêtements de gala, sont habillés de maillots de bain.

Quant à la Princesse, elle reste digne, ne participant pas à ces jeux, préférant discuter avec des personnes de la haute société. Je fais un peu de même, m’intéressant à certains et souriant un peu à tout le monde.

Une question me vient à l’esprit. Comment ces bienfaiteurs savent-ils où va leur argent ? À quoi sert-il ? Est-ce que la totalité est reversée à l’association ?

Et… Voilà… une question de plus. En ce qui me concerne, ne connaissant pas les coutumes, je n’ai rien apporté. J’évite de croiser l’intéressée, restant à l’écart, n’étant qu’un invité parmi tant d’autres.

Soudain, je l’aperçois, accompagnée par son balèze de deux mètres, qui s’éclipse de la fête. Je les suis de loin, demandant à Marie de les localiser. Heureusement que son sbire a gardé son téléphone portable sur lui.

Le couple s’enfonce dans le parc, à l’abri des regards indiscrets, ainsi que des gardes qui patrouillent. Je les vois qui entrent dans une sorte de « U » fait par les haies. Je reste planqué dans la nuit, accroupi, les distinguant, sans les voir parfaitement.

J’arrive à voir, malgré tout, la Princesse se mettre sur la pointe des pieds, son garde du corps se rapprochant d’elle pour l’embrasser, se prenant dans les bras l’un de l’autre. Leur étreinte terminée, mes yeux s’étant habitués à l’obscurité, la dame défait le pantalon de son compagnon, puis le slip, avant de se mettre à genoux devant lui. Après quelques secondes, elle se relève, tourne le dos pour se mettre en position. L’homme lui remonte la jupe avant de se mettre derrière elle. J’aperçois les va-et-vient qui deviennent de plus en plus rapides, lorsque soudain, la Princesse se retourne, se remettant à genoux devant son partenaire.

Une fois qu’elle a terminé, il remonte son slip ainsi que son pantalon, alors que Son Altesse remet sa robe comme avant. Comme si de rien n’était, ils retournent à la fête.

Marie me signale qu’elle a pu enregistrer leurs ébats au moyen d’une caméra à vision nocturne. J’ai bien fait de venir incognito pour mon premier soir. Je comprends mieux maintenant la menace de mort, mais pas celles concernant son enlèvement, sauf… Si…

Le fait qu’elle ait un amant est sans importance, je ne suis pas là pour la juger. Je peux comprendre que ça ne doit pas être facile pour une femme de son rang d’avoir des liaisons sans que la presse à scandale ne s’en empare. Il n’est pas rare, en effet, vu les liens avec ceux qui l’entourent toute la journée, qu’une femme de haut rang ait des relations sexuelles avec son garde du corps, ceci d’autant plus que, selon les rumeurs, son mari ne serait pas en reste.

Ce n’est pas pour elle que je m’inquiète, mais plutôt pour son mec. Difficile d’être objectif et professionnel quand on baise avec son employeur. Mais tout ceci n’est pas mon problème.

Considérant en avoir assez vu pour la soirée, je quitte les lieux pour rentrer chez moi. Je dépose l’Audi à l’héliport, reprends un hélicoptère qui me dépose à Béziers. De là, je rentre chez moi au volant de ma Golf.

Après m’être mis à l’aise, je visionne les images du couple que Marie a enregistrées. Cela ne me plaît pas du tout. Je doute que mon « client » apprécie également, ce n’est pas très bon pour leur réputation.

À six heures du matin, je suis debout, devant faire mon rapport à ma cheffe, Suzanne Delacroix. Avant cela, à la suite de l’analyse faite par ma « secrétaire » concernant les personnes photographiées hier soir, je dois savoir qui sont tous les invités de la fête. Pendant près d’une heure, j’épluche les dossiers de chacun. Grâce à la reconnaissance faciale, trois individus sortent du lot.

Le premier est un dénommé Arturio Ramirez, 45 ans, 1,77 m, mince, aux cheveux noir corbeau coupés courts, au teint basané et aux yeux noirs. Il est connu pour son appartenance à un cartel colombien et pour être un important trafiquant de drogue ainsi que d’armes en tout genre.

Le second n’est autre qu’un membre de la mafia sicilienne, à savoir Giovanni Polvanni, 52 ans, 1,78 m, corpulence assez forte, cheveux châtain foncé, portant une moustache à la Dali, yeux marron. Lui est connu comme étant un proxénète professionnel.

Le troisième est Vladimir Volenski, 52 ans, 1,81 m, corpulence athlétique, cheveux blonds, courts, yeux bleus. Lui serait un milliardaire connu pour trafic d’armes, travaillant principalement avec des groupuscules extrémistes arabes, les talibans, ainsi qu’avec tous les pays voulant entrer en guerre.

Tout ça ne me dit rien qui vaille. La Princesse connaît-elle ces individus personnellement ? Si oui, dans quelles circonstances les a-t-elle rencontrés ? Sait-elle dans quoi ils magouillent ? Le pire serait qu’elle sache qui ils sont et ce qu’ils font, dans ce cas, cela voudrait dire qu’elle est également impliquée, mais dans quoi ?

Oui… Je sais ce que vous allez me dire : encore des questions sans réponse, du moins pour le moment.

Mon instinct m’envoie à nouveau des signaux d’alarme, me renvoyant à ma première impression, à la suite de la conversation avec ma cheffe.

« Tu n’aurais jamais dû répondre à cet appel. La mort t’attend partout où tu iras. »

Vers 9 heures, j’appelle Suzanne à son bureau. Après avoir sécurisé la ligne, je lui fais part de mes découvertes. Elle est dans le même état d’esprit que moi. Tout ça ne vaut rien qui vaille.

Elle décide d’appeler notre « client », sans savoir si celui-ci est disponible. Étrangement, il décroche au bout de la seconde sonnerie.

Lui aussi est sous le choc, aussi bien concernant la liaison de sa cousine éloignée avec son garde du corps que de savoir qu’elle fréquenterait des personnes loin d’être recommandables.

En revanche, il trouve étrange cette histoire d’enveloppe déposée sur la table de la Princesse. Ce n’est pas du tout dans les convenances, ni le protocole, que de procéder de cette manière.

Encore une autre question qui me traverse l’esprit : Y a-t-il vraiment de l’argent ou de chèques dans ces enveloppes ?

Il nous remercie pour toutes ces informations, me renouvelant toute sa confiance, me laissant prendre toutes les décisions que je jugerais utiles pour le bon déroulement de cette affaire.

J’ai le sentiment que cette affaire le dérange, qu’il préférerait que sa cousine au troisième degré disparaisse sans laisser de trace, plutôt que de devoir assumer un scandale si elle trempait dans des affaires douteuses, sans parler de sa relation avec son garde du corps. Si la presse venait à le savoir…

Mais, ce sont seulement des suppositions de ma part, en aucun cas, je ne me permettrais d’étayer cette hypothèse.

Je prends congé de tous les deux, vais préparer mon sac de voyage, récupère mon Beretta 92 avec silencieux, quelques étoiles de Ninja, sans oublier mon 357 Magnum 6 pouces. Bruyant, mais ô combien efficace à courte distance. Les dégâts sont juste effrayants.

Vers 13 heures, je suis devant le portail de la propriété de Madame de Chasterlane, au volant d’une Peugeot 207 de location. Je me présente sous le nom de Philippe Flaherty. Après vérification, le portail s’ouvre. Je remonte l’allée, plus de voiturier pour m’accueillir, un employé me faisant signe d’aller parquer mon véhicule plus loin.

Je reviens à pied, portant mon sac. Un garde m’attend sur le perron, me demandant de le suivre. En pénétrant dans le hall, puis le salon, je constate que tout est rangé, plus de trace de quoi que ce soit.

Il m’amène à l’extérieur, soit vers la piscine. Là aussi, il ne reste plus rien des vestiges de la veille. Tout est propre et rangé. À la place, une grande table ronde avec un parasol sous lequel est assise la Princesse, ses deux gardes du corps, ainsi que les trois protagonistes repérés hier soir.

Je ne montre pas mon étonnement en les voyant, n’étant pas censé les connaître.

D’emblée, la maîtresse de maison m’agresse sans même me saluer :

— Vous étiez censé arriver hier, Monsieur Flaherty ! dit-elle, d’un ton agressif. Puis-je savoir pourquoi vous arrivez seulement maintenant ? me demande-t-elle.

— Oui, vous pouvez, je lui réponds calmement.

Un silence s’installe, chacun attendant mes explications qui ne viennent pas. La Princesse devient rouge de colère, un rictus se dessinant sur son visage.

— Alors ! lance-t-elle furieuse. Quelles sont vos excuses ?

— Aucune, Madame, je rétorque toujours calme. Vous n’avez pas à la savoir, c’est tout.

Je suis debout, face à elle, presque au garde-à-vous, les mains dans le dos. Elle pense pouvoir m’impressionner, elle commet une grave erreur. Elle sait parfaitement qu’elle n’a pas à me donner d’ordre ni à me demander d’explication, je ne suis là que sur la demande de sa famille, non pas à la sienne.

— Comment osez-vous ? s’offusque-t-elle. Je vous ordonne de me répondre !

— Madame, je continue sur le même ton. Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous. Je vous rappelle que je suis mandaté par votre famille d’Angleterre pour vous protéger et trouver le ou les responsables de ces lettres de menaces. Je n’ai à répondre qu’aux personnes qui m’ont mandaté et à personne d’autre. Je crois avoir été clair, Madame.

— Putain d’English ! lâche le Colombien, en souriant. Toujours aussi guindé avec un parapluie dans le cul.

Je ne réponds pas à ses insultes. Toutefois, je constate que ma remarque sur les menaces qui pèseraient sur elle ont alerté les autres hommes. À voir leurs têtes, ils ne sont pas au courant.

— Euh… Excuse-moi, Charlotte, dit le mafieux, quelle est cette histoire de menaces ? demande-t-il, intrigué.

Elle balaye sa remarque d’un geste de la main, déclarant plus calmement :

— Ce n’est rien Giovanni, juste des petits cons qui se sont amusés à vouloir me faire peur. Mais, c’est réglé maintenant. Ils ont eu ce qu’ils méritaient. N’est-ce pas, Vincent ? demande-t-elle en regardant son amant.

Le fameux Vincent hoche la tête en signe d’approbation, mais ne fait aucun commentaire.

— Monsieur Flaherty, reprend la princesse, d’un ton joyeux, puis-je vous appeler Philippe ?

— Vous pouvez, Madame, je lui réponds.

— Bien. Alors, Philippe, Vincent vous expliquera les procédures appliquées dans la propriété. Pour le reste, vous êtes à ma disposition, vous ferez donc ce que je vous demande, malgré les recommandations de ma famille. Ici, c’est moi qui donne les ordres ! termine-t-elle d’un ton sec. Est-ce que c’est clair, Philippe ?

— Tout à fait, Madame, je continue, sans me démonter de mon flegme.

— Ce n’est pas, Madame, intervient son garde du corps, d’une voix agressive, comme pour montrer son autorité. C’est Votre Altesse ou Princesse. Compris ?

Je sens la tension monter sérieusement, chacun voulant se positionner comme étant le chef vis-à-vis des autres. Je ne suis pas là pour faire de la diplomatie, je dois mettre les choses au point et rapidement.

— Monsieur Michot, je commence d’un ton condescendant, je constate que vous n’êtes pas au fait des convenances ainsi que des protocoles qui régissent la famille royale. Je vais me permettre de vous les rappeler. Madame de Chasterlane n’est qu’une cousine au troisième degré de la famille royale. Son titre à l’origine est Comtesse. Elle n’est devenue Princesse que par mariage, avec un homme qui s’est autoproclamé Prince, ne pouvant être roi, parce qu’il n’a pas de royaume ou de descendance royale.

Sachez que Sa Majesté la Reine, que j’ai eu la chance et l’honneur de rencontrer, se faisait également appeler Madame.

En résumé, Monsieur Michot, le terme utilisé de « Madame » est dans le protocole.

Durant tout mon laïus, toutes les têtes se sont tournées vers moi, ayant pris une posture très digne.

— Vous avez une autre question ? je lui demande calmement.

— Wouaaaa… ! s’exclame le Colombien en riant. Ça, c’est ce qui s’appelle se faire moucher.

— Il paraît que vous avez été dans les SAS, dit son collègue avec dédain. C’est ce que j’ai vu dans votre dossier.

Je n’avais pas trop fait attention à lui à mon arrivée, pensant qu’il travaille pour les malfrats, il semble se montrer très discret. Le mec a la trentaine, 1,80 m, bien baraqué, des cheveux blonds et courts, yeux marron. Il me lance des regards de défi. Lui non plus n’apprécie pas mes remarques, ainsi que la manière dont a été ridiculisé son collègue. Mon instinct me dit que ça va mal finir. Je me prépare donc au combat.

— J’en ai connu des gars des SAS, poursuit-il sur le même ton dédaigneux, un rictus aux coins des lèvres, tous des tapettes.

Sa réflexion fait rire toute l’assemblée, dont son collègue qui est aux anges. Le mec tout en parlant s’est approché de moi dangereusement. Il pose sa main droite sur mon épaule droite, déclarant en souriant.

— J’ai entendu dire que les SAS étaient de super bons suceurs, c’est aussi ton cas ? me demande-t-il, toujours souriant.

— Je crains, Monsieur, je lui réponds d’un ton calme, que vous confondiez avec votre mère, laquelle, comme j’ai pu le constater, adore sucer les bites des SAS, dont elle avale goulûment tout le sperme. Selon certains de mes camarades, elle serait une adepte de la sodomie à plusieurs.

Autre chose, Monsieur, je poursuis, mais d’une voix glaciale, je vous laisse trois secondes pour enlever votre main de mon épaule, sinon vous ne pourrez plus jamais l’utiliser.

Il éclate de rire, suivi par les autres personnes. Mauvaise idée. Les trois secondes écoulées, je fais semblant de tomber au sol, lui attrapant sa main droite avec ma gauche, j’exerce une torsion, me retrouvant face à lui. Avant qu’il ne puisse réagir, de mes deux mains, je lui casse le poignet, avec mes doigts, je lui éclate les phalanges ainsi que les cartilages. Alors qu’il va crier, je lui balance un atémi dans la gorge, lui coupant le souffle. Tenant toujours son bras, d’un violent balayage, je le propulse au sol, lui déboîtant l’épaule au passage, son visage finissant sur le sol, du sang se met à couler de sa bouche. Il tombe dans les pommes.

À peine deux secondes se sont écoulées depuis le début de mon attaque. Du coin de l’œil, j’aperçois un des gardes des malfrats qui esquisse un mouvement en direction de la crosse de son arme. Il n’a pas le temps d’aller plus loin que je sors mon Beretta, le pointe sur lui.

— À ta place, je n’y penserais même pas ! je lance d’une voix d’outre-tombe.

Il arrête son geste net, lève les mains en signe d’acceptation.

— NOM DE DIEU ! Lâche le mafieux. C’est qui ce mec, Charlotte ? éclate-t-il, abasourdi. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi rapide.

Le concerné ne semble pas tout apprécier la plaisanterie, il serre les mâchoires, visiblement vexé.

— Mon nouveau garde du corps, répond l’intéressée avec fierté. Vincent, poursuit-elle, énervée, tu me débarrasses cette merde de chez moi, je ne veux plus le voir. Appelle une ambulance et nettoie-moi ce sang, c’est immonde, bordel.

Elle se lève. Là, je vois qu’elle est habillée d’un paréo de toutes les couleurs, enlève celui-ci, laissant apparaître ses seins nus, ainsi qu’un string blanc, dont le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne cache rien. Elle tourne la tête en direction de ses acolytes, leur lance un regard équivoque, déclarant :

— Venez, Messieurs. En attendant que tout ce merdier soit nettoyé, que pensez-vous d’aller faire une sieste, dit-elle se passant sa langue sur les lèvres.

Les gars ne se font pas prier, ils se lèvent d’un bond de leur chaise, deux la prenant pas la taille, pendant que le troisième se tient collé derrière elle.

Du coin de l’œil, j’observe la réaction de Vincent. Il n’en mène pas large. Quant aux autres gardes, ils les regardent avec des yeux débordants d’envie, se demandant s’ils auront droit, eux aussi, aux faveurs de la Princesse.

Personnellement, je m’en fous, je n’ai aucune empathie envers son amant d’un soir. Il ne peut pas se plaindre, il a déjà eu droit de la sauter hier soir. Il n’espère quand même pas faire sa vie avec elle, à moins que…

Une idée me revient à l’esprit. Et, si c’était lui l’auteur des menaces d’enlèvements ? Cela pourrait coller. En revanche, ce qui ne colle pas, ce sont les menaces de mort. La lettre a été envoyée depuis Sydney, par la poste, mais quels avantages aurait-il à en tirer ? Aucun, sauf si cela pouvait le rapprocher afin d’être plus présent avec elle. Pas si con, tout compte fait.

Après avoir pris possession de mon appartement, car il s’agit bien de cela, comprenant une chambre à coucher individuelle d’au moins trente mètres carrés, d’un salon encore plus grand, d’une salle de bain, d’un frigo, ainsi que d’une petite cuisine, je m’apprête à aller voir les employés, notamment le chauffeur qui a trouvé la lettre dans la voiture personnelle de Madame de Chasterlane.

En passant dans les couloirs, j’entends les cris des ébats de Son Altesse et ses amis, qui le moins que l’on puisse dire sont des plus éloquents.

De retour dans le hall, j’aperçois une ambulance stationnée devant le perron, emportant le sbire que j’ai un peu malmené. Je passe à côté d’eux sans même un regard à son intention. Il a eu de la chance. En d’autres circonstances, il serait mort.

Je n’ai pas oublié les préceptes de mon Maître, mais je ne peux pas toujours les mettre à exécution. Vu son état, je doute de le revoir. Cependant, il faudra que je me méfie du Vincent, il pourrait bien avoir envie de le venger, pour laver l’affront que j’ai fait subir à son collègue, ainsi que la manière dont je l’ai ridiculisé devant sa patronne et maîtresse.

En revenant vers la piscine, une femme nettoie les taches de sang. Tous les gardes ont disparu.

Je fais un tour dans la propriété afin de repérer les lieux, des dix surveillants d’hier soir, ils ne sont plus que quatre qui patrouillent dans le parc, l’ambiance est beaucoup plus décontractée que la veille, malgré les menaces qui pèsent sur leur cliente.

J’ai une envie folle de les remettre à l’ordre, mais ce n’est pas dans mes attributions, du moins pour le moment.

Continuant mon inspection, je me retrouve vers le garage couvert où sont stationnés une Bentley, une Mercedes Maybach, un Range Rover ainsi qu’une Mercedes AMG SL cabriolet de couleur gris métallisé.

L’homme qui s’en occupe a la soixantaine, 1,65 m, mince, cheveux blancs courts, yeux bleus, portant des lunettes rectangulaires à fine monture. C’est à peine s’il ne me fait pas la révérence en me voyant.

— Bonjour, Monsieur, dit-il, d’une voix claire et forte, tout en me tendant la main. Je suis Olivier Mermod, le chauffeur de Madame de Chasterlane. Comment puis-je vous aider ?

— Bonjour, Olivier, je lui réponds d’un ton jovial, lui serrant la main. Je suis Philippe Flaherty, le nouveau garde du corps de Son Altesse, mais également là pour enquêter sur les circonstances des menaces d’enlèvement à son encontre.

C’est vous qui avez trouvé la seconde lettre de menaces d’enlèvement. Pourriez-vous me dire dans quelles circonstances, s’il vous plaît ? je demande poliment.

Le « s’il vous plaît » semble le perturber. Il ne doit pas avoir l’habitude qu’on le lui dise. Un sourire radieux éclaire son visage. Je sens qu’il va m’apprécier encore plus.

— Bien, Monsieur, commence-t-il, je…

— Pas monsieur, je l’interromps, appelez-moi Philippe.

— Euh… Oui… avec plaisir… Philippe, bafouille-t-il, troublé. Vous pouvez m’appeler Olivier.

— D’accord Olivier, dis-je, insistant sur son prénom. Racontez-moi comment cela s’est passé.

— Alors, voilà… Euh… Philippe… Un jour, après son retour d’Australie, madame m’a demandé de lui préparer sa voiture. C’est la Mercedes cabriolet, car elle avait une course à faire, mais elle ne voulait pas de ses gardes du corps.

— Ha… Bon… je lâche surpris. Ça lui arrive souvent de s’absenter de cette façon ?

— Parfois, répond-il, visiblement très gêné. Elle part de temps en temps, juste… quelques heures… mais…

Il est tellement mal à l’aise, qu’il fait presque pitié. Je sens qu’il en sait plus qu’il ne veut le dire, et d’un autre côté, il refuse de trahir sa patronne. Il baisse la tête, regarde ses pieds, se frotte nerveusement les mains.

Je ne dis rien, le regardant intensément, sachant que ça va le déstabiliser encore plus. Il me jette des regards furtifs par-dessus son épaule. Je décide de mettre fin à son calvaire.

— Détendez-vous Olivier, je lance en riant. Après ce que j’ai vu hier soir avec Vincent et tout à l’heure avec les mafieux, plus rien ne m’étonne.

Il relève brusquement la tête, me fixant, surpris par mes propos, ses yeux me lançant des éclairs de colère.

— Vous voulez dire, Philippe, rétorque-t-il, que Madame entretiendrait aussi des relations avec ces trois personnages douteux ?

— Je dirais plutôt que ses relations sont d’ordre purement sexuel. Je réponds naïvement. Le fait est qu’hier soir, elle baisait avec son garde du corps et là, elle est en train de s’envoyer ses trois invités en même temps.

Je vois bien qu’il est perturbé, mes mots sont comme des coups de poing en plein visage pour lui. Je ne pense pas qu’il ait des sentiments pour sa patronne, mais plutôt comme un père voulant protéger sa fille. Seulement là, il ne peut rien dire ni faire. Il en reste bouche bée le pauvre.

— Je… Je… ne… savais pas, bredouille-t-il, visiblement secoué.

— Excusez-moi de vous l’apprendre de cette manière, Olivier, je déclare, compatissant. Je pensais que vous étiez au courant. Bien, je poursuis, changeons de sujet. Savez-vous où la Princesse se rendait lors de ses sorties incognito ? je lui demande.

— Non, répond-il encore choqué. Elle ne partait que 2 ou 3 heures maximum, j’ignore où elle allait.

— Vous n’avez jamais pensé à relever le compteur kilométrique ? Vous n’avez jamais remarqué un changement ou quelque chose de différent quand elle revenait ? je demande insistant.

— Si… Si… répond-il, perdu dans ses pensées, comme je devais faire le plein après chaque retour, j’ai remarqué qu’elle faisait seulement 100 km aller et retour à chaque fois. Cela sentait un peu l’alcool ainsi que la cigarette. En revanche, je ne me suis jamais permis de lui en faire la remarque, vous comprenez…

— Absolument ! je le coupe, un peu agacé. Je ne suis pas là pour m’épancher sur ses états d’âme.

La prochaine fois qu’elle vous demande de sortir sa voiture, prévenez-moi à l’avance, d’accord ?

— Bien Philippe, déclare-t-il d’un ton grave. Pour ce qui concerne la lettre, continue-t-il, je l’ai trouvée sur le siège passager, mais avant que Madame ne parte. Je n’ai pas osé la lui montrer de peur qu’elle panique et n’ait un accident.