Des mondes lointains - Xochy Balmax - E-Book

Des mondes lointains E-Book

Xochy Balmax

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Beschreibung

Jack Cappeli, cadre supérieur, voit sa réalité basculer lorsqu’il se retrouve prisonnier d’une station de lavage aux mécanismes incompréhensibles. Ce dérèglement marque le début d’une dérive où il croise des entités extraterrestres et des reflets troublants de lui-même. En parallèle, d’autres récits s’entrelacent : un vampire solitaire, un couple confronté à une caravane macabre… Ensemble, ils esquissent une humanité manipulée depuis ses origines par des puissances invisibles, entre expériences cosmiques, immortalité et vengeance céleste. À travers des figures troublées, cet ouvrage interroge la place de l’homme dans l’univers, ses failles et son illusion de maîtrise. Une fresque où l’horreur se mêle à la beauté dérangeante de l’inconnu.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Tout a commencé avec The Fog de John Carpenter, dont l’impact a provoqué chez Xochy Balmax deux cauchemars marquants, des expériences aussi effrayantes que fondatrices. Ce choc cinématographique l’a mené, des années plus tard, vers la littérature. La découverte de Stephen King, Clive Barker ou Lovecraft, nourrie par un intérêt profond pour le cinéma et les séries de genre, a fait naître l’envie d’écrire. De cette alchimie est né "Des mondes lointains".

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Seitenzahl: 154

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Xochy Balmax

Des mondes lointains

Nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Xochy Balmax

ISBN : 979-10-422-6885-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Jacques, Richard et Daniel

5 dollars sévices compris

Jack pénétra dans le garage et monta dans son véhicule tout en faisant le point. Il n’avait pas droit à l’erreur.

En s’associant avec ECOREFLEX, le groupe BATW deviendra le leader mondial en produits biologiques, que ce soit pour le carburant, la nourriture, le textile et autres produits de la vie courante.

General Manager, il était assuré d’avoir de belles opportunités, notamment en tant que Chairman, poste occupé par Ruby Stayers, un type moins talentueux, mais avec plus d’ancienneté.

Il s’engagea sur la montée du rond-point où des Mexicains s’affairaient à poser des carrés de pelouse, fit signe à deux, trois voisins, quitta le quartier résidentiel et fila sur Dorsett Shoals Road qu’une épaisse forêt encadrait. Les branches menaçaient à tout instant de happer un piéton.

L’église se présenta à sa gauche, marron clair, toit blanc, au parking désertique.

Jack n’avait pas placé son détecteur de radar sur le pare-brise et s’arrêta pour l’installer. Son portable sonna, il le coinça entre la joue et l’épaule.

Il reconnut la voix.

Dave Thurman.

— Hi Dave, how are you? demanda-t-il.

Dave Thurman était le Directeur des ressources humaines de l’entreprise de Baltimore, et c’est lui qui, en toute logique, succéderait à Ruby Stayers, eux deux avaient fait leurs armes dans la prestigieuse université Harvard. Mais Jack avait l’intention de lui voler la vedette. Après tout, c’est lui qui sauva l’an passé l’usine d’Atlanta, en baissant les coûts de production, et ce, sans le moindre licenciement. Il avait pérennisé l’emploi de près de 400 personnes.

— Alors, Jack, prêt pour la nascar ? taquina Dave.

— Même les yeux bandés, je serai premier ! répondit Jack.

Il était clair qu’il ne faisait pas allusion à la célèbre course automobile, mais à l’accession du poste de Chairman que Jack, peut-être dans un excès de confiance, avait la certitude de l’emporter. Il était habitué à avoir la gagne, rien ne le stopperait, sauf le feu rouge du carrefour, où il actionna son clignotant gauche.

Une flopée de 4x4 et de pick-up se croisèrent, sur l’un des véhicules, Jack lut : In dollars, I’m trust. Vu la tête, son conducteur avait l’air de croire davantage à l’alcool qu’aux dollars.

Pendant ce temps, Dave continuait à lui débiter toutes sortes d’inepties destinées plus à le troubler qu’autre chose.

Jack était blindé.

Trois ans dans le management américain avaient suffi à l’émigrant français, qui avait posé ses valises, seul dans un premier temps, à se forger un solide caractère.

La Porsche Cayenne glissa sur la trois voies tandis que Jack écoutait les infos du jour : deux vols à main armée dont l’un s’était tristement soldé par le décès d’une fillette de huit ans.

Trois miles plus loin, la file de voitures se mit à ralentir et s’arrêta.

— Vivement que ce chantier soit terminé, depuis le temps !

Le Temps, l’élément clé chez lui. Quant à ce chantier, quelle bande d’incompétents, souffla-t-il. Quelques instants plus tard, le rythme de la circulation s’accéléra et atteignit un niveau acceptable. Il emprunta Douglas boulevard à proximité de l’autoroute.

Arrêté à un feu, Jack recensa les points clés de la réunion quand un véhicule rouge, à l’état d’épave, se plaça à gauche en freinant au dernier moment. Il n’accordait guère d’attention aux personnes lorsqu’il était au volant.

Ce qui énerva Matthieu, alors qu’il repensa que son père s’était rendu à Los Angeles, et qu’il n’avait rapporté aucune photo de star.

— Mais enfin, c’est obligé que tu en aies vu un tas là-bas, t’es trop naze !

— Le naze que je suis, te rappelle que tu vas à L. A. chaque été, pendant quinze jours, et je déplore n’avoir aucune photo de star sur mon bureau…

Le type situé à gauche de Jack, dans un pick-up flambant rouillé, était loin d’être une star – ou alors au pays des porcs, de la bouse et du foin – c’était, en effet, un authentique redneck, chemise épaisse à carreaux ouverte sur un T-shirt, peuplé de tâches qui recouvraient probablement un ventre gonflé à la bière, musique forte, au regard provocateur.

Jack soutint son regard un court instant.

Il roulait en Porsche, l’autre en vieille Chevrolet, ce qui officialisait son statut social de classe supérieure.

Il émit un petit sourire.

Différents bâtiments commerciaux-restaurants, bureaux, se succédaient, tous bâtis sur le même schéma architectural, seules les couleurs et la végétation aux abords des parkings changeaient.

Jack n’était plus en communication avec Dave, les résultats sportifs faisaient office d’ambiance sonore.

À l’approche d’un carrefour, le détecteur de radar émit un bip, puis un second et d’autres plus rapprochés. Jack, instantanément, regarda son compteur et chercha si le radar émettait d’un fixe ou d’un mobile. Il aperçut deux policiers, qui se tenaient en face, pistolet radar en main, recherchant le Billy the Kid de la route ; qui se présenta, à la droite de Jack, sous la forme d’une Ford Mustang, passant au nez et à la barbe des policiers. La musique, du black metal, fut rapidement étouffée par la sirène des policiers.

Jack repartit, plus lentement, laissant derrière lui l’anecdote. Depuis qu’il vivait aux États-Unis, c’était la première fois qu’il assistait à une scène de course-poursuite, des jeunes faisant le con sur des routes secondaires, il connaissait, mais là, c’était du sérieux, des mois de prison si on se faisait serrer.

Tout ceci avait refroidi tout le monde et personne n’osa doubler Jack pendant deux, trois milles. Il passa devant le Tasting Room où il emmena Sylvie pour leurs vingt ans de mariage.

Le carrefour suivant l’amena devant un concessionnaire Chevrolet où une flopée de corvettes et de pick-up exhibaient leurs longs capots qui renvoyaient le jaune orangé du soleil.

Machinalement, Jack inspecta le sien pour y découvrir un voile de poussière.

Funérailles, j’aurais dû le faire hier.

La veille, il s’était éclaté avec Matthieu et Duncan dans les chemins environnants, alors que Sylvie préparait le dîner et que Laura tchatait sur le Net avec Sue, sa meilleure amie. Ils rentrèrent vers 21 heures, ce qui lui avait valu une belle engueulade.

Bref, il se rendait à l’usine dans une voiture sale.

À sa gauche, Jack aperçut une station de lavage, tourna et se gara à l’entrée. Un véhicule était en mode séchage, il n’attendrait pas longtemps.

Soudain, une femme, sortie de nulle part, tapa à sa vitre. Plutôt jeune – jeans, T-shirt et casquette – lui sourit et lui fit signe de baisser la vitre.

— Bonjour, Monsieur, nous vous souhaitons la bienvenue, comment allez-vous ? dit-elle d’une voix douce.

— Bien, merci. Je vais juste… il se baissa pour examiner le tableau des tarifs… prendre le lavage à 5 dollars.

Il sortit sa carte de crédit.

— Désolé, Monsieur, nos lecteurs sont en panne. Auriez-vous un autre moyen de paiement ?

— Oui, bien sûr, je dois avoir deux, trois billets qui traînent. Il fouilla dans sa poche, sortit cinq billets d’un dollar et les présenta à la jeune femme qui le regardait fixement.

— Merci, Monsieur, veuillez vous assurer que toutes les vitres soient remontées, je vais m’occuper de votre antenne, suivez les rails et calez les pneus dans les sabots.

L’employée dévissa l’antenne et tapa à la vitre.

— Vous la récupérerez au bureau, à tout à l’heure, Monsieur Cappeli, ajouta-t-elle en lui lançant un regard séducteur.

Jack, surpris, lui fit un petit signe discret et remonta sa vitre.

Mais comment peut-elle connaître mon nom, elle n’a même pas eu ma carte de crédit entre les mains, c’est fou ça !

Et c’est sur cette énigme que la Cayenne emmena Jack ailleurs et ils commencèrent leur court voyage.

La luminosité faiblit, il alluma le plafonnier, jeta un œil à ses dossiers, les rouleaux, dont les poils retombaient comme les branches d’un saule pleureur, s’activèrent d’abord en un sifflement aigu, puis s’affolèrent dans un grondement fracassant.

Les premiers jets souillèrent les blocs optiques et le pare-chocs, tandis que le rouleau frontal les engloutissait, écrasant le fond sonore de la radio.

Jack cessa de fouiller dans son attaché-case et augmenta le volume de la radio.

Il ne supportait plus les bruits liés aux machines, c’était le seul point noir à son travail.

Il était responsable de nombreuses usines du groupe BATW et, même après de multiples années à fréquenter les chaînes de production, il ne s’était jamais habitué au vacarme incessant des machines qui traitaient les énormes bobines de fils, 24/24 pendant cinq, voire sept jours, les semaines de fortes demandes.

Les rouleaux s’attaquaient au capot et aux ailes quand il sortit quelques dossiers de l’attaché-case. La scrap, l’absentéisme, matière première… où l’ai-je mis, ah oui… voilà, divers frais liés à la production. Jack ouvrit le dossier et examina les documents alors que le rouleau frontal terminait le nettoyage du capot, fouettait le pare-brise, ce qui changea le timbre de la sonorité ambiante.

Bientôt, les vitres furent, à leur tour, envahies par les filaments bleu et blanc des rouleaux quand, ceux-ci s’arrêtèrent brusquement.

Jack n’avait pour visibilité que les deux tiers du pare-brise et les portières avant furent coincées.

— Tabernacle ! (il avait vécu quelque temps au Québec), pas aujourd’hui les gars, pas maintenant !

Jack appuya nerveusement trois coups sur le klaxon.

Au bout d’une minute, il réitéra son geste, en prolongeant la durée, sans succès. Il baissa l’une des vitres arrière.

— Hey, je suis coincé, votre machine s’est arrêtée !

Jack se retourna et vit, avec stupeur, que l’entrée de la station avait disparu, de même pour la sortie.

— Mais… c’est impossible.

L’eau s’écoulait lentement du véhicule, dans une obscurité à peine troublée par la faible luminosité émise par le plafonnier.

Il fouilla dans la boîte à gants pour saisir la lampe torche, mais celle-ci restait introuvable.

— Eh merde, elle est dans le coffre.

Puis, il hurla :

— Je suis coincé ! Sortez-moi de là !

Pendant qu’il se retournait pour accéder à la banquette arrière, ses doigts rencontrèrent son portable. Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ?

Ce dernier était éteint, Jack appuya sur la touche de mise en route, mais rien à faire, l’écran demeura sombre.

Mais c’est quoi ça encore ? Il s’est rechargé toute la nuit.

Il posa le mobile sur le tableau de bord, se retourna, plaça les mains derrière les sièges, passa la jambe droite, puis, dans un ultime effort (Jack pesait dans les 110 kilos), se pencha et l’autre jambe atterrit sur l’épaisse moquette du Cayenne.

Une fois sur la banquette, il souffla un court moment en jetant un œil à la lunette arrière. Rien.

Il devait se trouver à six ou sept mètres de la sortie de la station et pourtant ne se profilait à l’horizon que les ténèbres, froides.

La lumière du plafonnier mourait sur les garnitures en cuir et un inquiétant silence régnait. Jack ouvrit lentement la porte.

Sa première impression fut d’être enfermé dans une vaste grotte. Il devait faire dans les dix, onze degrés.

— Il y a quelqu’un ? Mademoiselle, vous êtes là ? Je suis… les rouleaux se sont arrêtés, vous m’entendez ? Je suis coincé, vous pouvez relancer la machine ?

Rien, aucune réponse, seule l’eau s’écoulant le long des portes.

Bon, Jack, analyse la situation, on t’attend pour l’une des réunions les plus importantes de ta carrière, ta voiture est bloquée dans des rouleaux d’une station de lavage, où personne ne répond, le portable est HS, je suis dans le noir et aucune sortie n’est visible. Il te faut juste en trouver une et appeler un taxi. Oui, tu auras peut-être du retard, mais tu as une sacrée excuse, même si personne te croira. Voilà ce que tu vas faire : récupérer la voiture plus tard. Allez, action, je suis entré ici, j’en ressortirai !

Jack poussa la porte et sortit du véhicule.

Ses chaussures foulèrent le sol carrelé, il glissa ses mains le long de l’automobile et localisa le verrou du coffre. Il s’ouvrit lentement en un sifflement sourd. Jack commença l’exploration du coffre, couverture, laisse, sac de sport, se succédèrent avant que ses doigts ne rencontrent un tube d’une vingtaine de centimètres.

Enfin, te voilà, toi.

Il se retourna, s’assit et alluma la lampe. Le rayon jaunâtre transperça les ténèbres et fit apparaître un sol blanc. Jack pivota son poignet, et des murs identiques s’éclairèrent tour à tour, tous blancs, tous propres. Il continua son lumineux balayage pour s’attarder sur le plafond, haut de trois ou quatre mètres. Jack remit la lampe torche devant lui et se dirigea en direction du mur qui correspondait – du moins, il l’était censé – à la sortie de la station de lavage.

Il avança lentement, guettant tout bruit suspect, une voix qui dirait :

Allez, coupez, on la garde, c’est bon, c’était un gag orchestré par un gars de votre boîte, un certain Dave Thurman, on vous filera le DVD, vous verrez, vous avez eu la frayeur de votre vie ; un pan de mur tombant, dévoilant la caméra et un Dave, sourire aux lèvres, applaudissant, sifflant, riant, scandant : je t’ai bien eu !

Mais rien de tout ça, juste le bruit de ses pas et les plocs, de plus en plus lointains, se répandant sur le sol.

(Musique Ingram Marshall Solitary.)

Arrivé à mi-parcours, une voix résonna dans un chant macabre, suivie d’autres voix tout aussi inquiétantes.

Après quelques minutes, une autre voix, vaguement féminine et robotisée, retentit :

— Retournez dans votre voiture, Monsieur Cappeli.

Jack, pendant un instant, fut comme paralysé.

— Retournez dans votre voiture, Monsieur Cappeli, tout de suite.

— Mais qui êtes-vous et que me voulez-vous ?

Il essaya de mettre un âge à cette voix étrange, mais il n’en eut guère le temps, car :

— Ouvrez le sas treize, je répète, ouvrez le sas treize.

— Ouverture du sas treize activée.

Un bruit assourdissant parvint à ses oreilles. Il fit un mouvement circulaire avec sa lampe et vit, avec horreur, des trombes d’eau sortant d’une énorme trappe au plafond.

— Mais c’est impossible, arrêtez ça…

L’eau déferla sur ses chaussures à une vitesse stupéfiante.

— Par pitié, arrêtez ça… je n’ai jamais fait de mal à qui que ce soit… il s’agenouilla et fut trempé au-dessus des genoux.

— De l’argent, c’est ça, vous voulez de l’argent, 20 000, je vous offre 20 000 dollars et vous me libérez… 20 000 dollars, je les ai à la maison… elle est toute proche… d’accord ?… 20 000 et vous me laissez partir… sa voix se perdit dans des sanglots.

Mais pas de réponse.

Peut-être fallait-il augmenter l’enchère, mais jusqu’à combien ? Combien vaut ta vie, Jack ?

— 50 000, je vous offre 50 000 dollars, mais arrêtez ça tout de suite !

Toujours le silence.

Troublé par l’eau évoluant autour de lui, cette eau, sale et glaciale, le fit grelotter. Combien, Jack, combien ?

Toutes ses années à trimer, à faire des choix, des sacrifices et pourquoi ?

Pour se retrouver piégé dans une station de lavage, pris en otage par des personnes ou des créatures qui ne disent rien de leurs intentions (mis à part de l’argent, que voulaient-ils ?). Mais bon sang, je ne suis pas millionnaire non plus.

— 150 000, 150 000 dollars, ce sont toutes nos économies, 150 000, et vous me laissez la vie sauve, je vous en supplie.

L’eau recouvrait ses genoux d’une dizaine de centimètres quand Jack se leva.

— Je n’ai jamais perdu espoir, je n’ai jamais laissé tomber quand ça allait mal, je vais vous affronter et je m’en sortirai, quoi qu’il arrive, je suis un Cappeli !

Il fit demi-tour et courut comme il le put vers la Porsche. À mi-parcours, il s’arrêta, se retourna et lâcha :

— Je vous emmerde !

Il grimpa dans le coffre, abaissa la porte et braqua la lampe à travers la lunette arrière. Il sentit que déjà, l’eau se faufilait sous le châssis, qu’elle allait bientôt bloquer les…

— Merde ! jura Jack.

Il se précipita sur l’appuie-tête de la banquette et tendit son bras pour atteindre la poignée de la porte. Le bras tendu, l’épaule collée contre le cuir de l’appuie-tête, ses doigts explorèrent les ténèbres, à la rencontre de la poignée, la Poignée, qui était, l’objet de toutes ses attentions.

Mais cette dernière était toujours hors de portée. Il poussa alors davantage sur ses jambes, avança encore l’épaule de quelques centimètres, crispa la mâchoire et émit un long « ahhh », en tendant le bras comme un forcené, imaginant qu’il avait le pouvoir de le rallonger.

L’eau inondait déjà le tapis moelleux de la voiture quand enfin, il sentit la matière dure de la poignée.

— Encore un effort, Jack, tu vas y arriver.

Tandis que tous ses membres étaient au seuil de l’intolérance, un bruit retentit, un bruit qui, instantanément, le stoppait alors qu’il touchait au but. La Poignée n’étant plus sa priorité, désormais, toute son attention se porta sur ce bruit.

Celui-ci ressemblait à l’immersion d’un objet lourd qui, en un bref plouf, glaça le sang de Jack.

— C’est quoi ça ? trembla-t-il.

Sans attendre, il retendit le bras comme jamais il l’avait fait, il pensa à Sylvie et aux enfants, à tous les efforts qu’il avait fournis pour en arriver là, mais, surtout, surtout, il pensa à l’avenir, aux nombreuses portes qu’il restait à ouvrir, non, tout ne pouvait s’arrêter ici, comme ça, bêtement noyé dans son véhicule.

Il finit par l’atteindre !

Par la coincer entre deux doigts et par la tirer de toutes ses forces. Lentement, le débit d’eau entrant diminua et finit en de petites fuites, la porte n’étant pas encore complètement fermée.

Jack resta un instant, essoufflé, tout en braquant la lampe torche sur la lunette arrière.

Déjà, celle-ci fut engloutie à moitié, il remarqua que l’eau avait une teinte particulière : verdâtre parsemée de particules noires, comparable à de la cendre.

Soudain, le Cayenne se mit à tanguer et, pendant un instant, les pneus ne touchèrent plus le sol. Puis, lentement, le véhicule, tel un hélicoptère, se stabilisa.

Jack frissonna et jeta de nouveau un coup d’œil à la lunette arrière qui était quasiment immergée.

C’est alors que les particules noires qui évoluaient dans cette eau immonde se mirent à virevolter plus rapidement, s’éloignèrent et se regroupèrent, comme si elles avaient un but : ne faire qu’un avec l’élément liquide.