Destination vers l’enfer - Benjamin Cunty - E-Book

Destination vers l’enfer E-Book

Benjamin Cunty

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Beschreibung

"Destination vers l’enfer" est le récit de Jim, chauffeur routier, confronté à un événement inexplicable lors d’une tournée nocturne. Après une panne au milieu de la campagne, il fait une rencontre qui remet en question tout ce qu’il croyait réel. Pensant d’abord à un cauchemar, il découvre peu à peu que d’autres incidents similaires se produisent. Entre silence des autorités, scènes troublantes et souvenirs persistants, Jim tente de comprendre ce qui se cache dans cette région isolée. Pour obtenir des réponses, il devra retourner là où tout a commencé.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après quinze ans à la tête de son entreprise de paysagisme, Benjamin Cunty se reconvertit dans le transport routier. C’est au cœur de ses trajets nocturnes qu’il imagine "Destination vers l’enfer", son premier roman. Lecteur passionné, il puise son inspiration chez Stephen King, Arthur Conan Doyle, Bernard Minier ou Dan Brown. Il explore des récits où se croisent mystère, tension et zones d’ombre, entre réalité et fiction.

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Seitenzahl: 174

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Benjamin Cunty

Destination vers l’enfer

Roman

© Lys Bleu Éditions – Benjamin Cunty

ISBN : 979-10-422-8055-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Solitude

Deux heures du matin, une nuit comme toutes les autres de la semaine, peu importe la météo, je déplace cette grande quantité de marchandises à travers la région avec mon camion semi-remorque, à son bord chaque route départementale, régionale ou autoroute se déroulent au gré de mes cinq cents chevaux et mes trente-huit tonnes et mes dix-sept mètres environ de long.

Travailler la nuit, être seul durant ces longues heures, a ses avantages, pas de collègues pénibles, pas de chef sur le dos avant neuf heures du matin, pas d’embouteillages, le calme, la sérénité, mais aussi ses inconvénients, la fatigue, les impressions de déjà vu, l’ennui, difficile de créer des liens sociaux, quand on dort la journée, et embauche vers vingt-deux heures.

La solitude joue des tours, il m’arrive de parler tout seul, je pourrais passer de longues heures à débattre avec moi-même, je pourrais aussi écouter la radio, mais les informations me dépriment, « un père tente de tuer toute sa famille, violences sexuelles sur mineurs, un adolescent poignarde un autre adolescent » ces horreurs sont quotidiennes et m’angoissent. M’imaginer un monde où de simples personnes peuvent s’adonner à de tels actes est effrayant, c’est comme si les gens avaient oublié toutes nos valeurs d’entraide, de charité et bienveillance, c’est peut-être pour ça que je fuis les autres, en travaillant de nuit.

Après 2 heures de route, il m’en reste encore autant pour atteindre ma première destination, je traverse une rase campagne, pour éviter la fatigue, j’oriente mon regard au plus loin, là où mes phares éclairent au maximum, les routes sont larges par ici, rectilignes, la monotonie peut nous gagner, la nuit est calme, éclairée par un mince croissant de lune, assez fraîche, chose normale pour un début de printemps, des champs à perte de vue bordent la route, les fidèles poteaux électriques longent également les fossés, j’avance simplement, vers mon but, parfois une ferme trône au milieu d’un champ, on peut aussi croiser des animaux sauvages, lapins, renards, blaireaux, sangliers et chevreuils adorent traverser au dernier moment, il m’arrive de temps en temps de mettre un coup de volant pour les éviter, cela m’effraie même plus, j’avance, c’est mon travail.

Bercé par les nombreux bruits d’air comprimé que produisent, mes suspensions, mes freins et autres systèmes, ma rêverie est soudainement brisée par ma radio qui se met à crier un vieux tube des années soixante, je reconnais « I get around » un morceau qui passe souvent sur des pistes classiques et nostalgiques, j’essaye de l’éteindre, mais cela ne fonctionne pas, j’imagine un faux contact ou le bouton « on off » défectueux, j’essaye de baisser le volume, il ne fonctionne pas lui non plus, décidément la technologie a décidé de me jouer des tours, c’est au tour de mon moteur de me faire défaut, je vois le compteur kilométrique baisser pour tomber à zéro, mon camion glisse sur quelques dizaines de mètres pour finalement s’arrêter complètement.

Il me faut quelques longues secondes pour réaliser que je suis en panne, perdu en pleine nuit au milieu de la campagne, je tente de redémarrer mon véhicule, il ne se produit rien, même pas le bruit du démarreur qui essaye de redonner vie au moteur, j’attrape mon téléphone pour prévenir ma base, je n’obtiens pas de réseau, je récupère mon levier en acier pour éventuellement effectuer un basculement de la cabine de mon tracteur, je sors, il fait très frais, j’enfile mon manteau réfléchissant, j’utilise le flash du téléphone pour éclairer au niveau des roues, des essieux, des prises d’air, puis je relève la calandre de mon moteur, mais rien de suspect, lorsqu’un bruit étrange à une cinquantaine de mètres dans la pénombre m’oblige à me retourner d’un coup sec brandissant le manche en acier trempé de cinquante centimètres qui nous sert à pomper le vérin qui relève l’avant de la cabine pour accéder au moteur.

Ce bruit m’a glacé, car il ne ressemble en rien de ce que j’ai l’habitude d’entendre la nuit, comme une sorte de hoquet gargouillant, entre le grognement et le rot qu’on pourrait produire après un repas copieux, je reste pétrifié un instant, j’agite mon téléphone espérant que ce flash éclaire plus loin qu’un petit mètre, j’entends comme des bruits de pas étrange, l’impression qu’il s’agit plus d’un humain qui traîne ses pieds dans les hautes herbes, suivi d’une respiration forte comme celle qu’on pourrait avoir lors d’une grippe quand nos poumons sont chargés de mucosités, puis un sifflement, visiblement la personne qui s’approche est en très mauvaise santé, de nature hypocondriaque, je me sens encore plus angoissé, je suis en panne, avec pour seule aide un individu porteur éventuellement d’une maladie hivernale contagieuse, je décide d’exprimer enfin un son « excusez-moi ! Il y a quelqu’un ? Je suis en panne, vous habitez pas loin ? pouvez-vous prévenir mon bureau ? Leur dire que je suis coincé je vous donne le numéro ? » pour simple réponse j’obtiens juste un grognement puis une accélération vers ma direction, je réitère mon appel « excusez-moi monsieur, madame je suis vraiment désolé, je suis en panne visiblement pas loin de votre propriété, si vous pouvez m’aider je vous serais vraiment reconnaissant » toujours ce grognement gargouilleux, l’individu doit être à cinq mètres de moi, j’aperçois enfin une silhouette, une corpulence masculine, moins grande que moi, je dirais à peu près un bon mètre quatre-vingt, et une masse corporelle moyenne, par contre ses mouvements sont très étranges et m’angoissent beaucoup plus que ses grognements et sa respiration grasse, il agite ses bras tels des spasmes épileptiques, agite sa tête sur les côtés suivant son déplacement, produisant des craquements profonds, ses jambes s’alternent sans coordination, un peu comme lorsqu’on est ivre et cherche à ne pas trébucher, ses rotules produisent également des craquements, il s’oriente toujours sans mots vers moi, d’après tous ses éléments j’en conclus que la personne qui s’approche de moi dans le noir, se trouve dans une condition physique extrêmement inquiétante. Je relance un appel « monsieur, visiblement vous n’avez pas l’air bien ! avez-vous eu un accident ? » toujours un grognement « êtes-vous malade ? Est-ce contagieux ? » encore un grognement, je décide alors par précaution de retourner dans mon camion, j’y vais en reculant tout en brandissant mon levier, pour ne pas me faire surprendre par l’individu qui vient sur moi, je dis une dernière fois, « Monsieur je remonte dans ma cabine je vais attendre le dépanneur veuillez m’excuser du dérangement ». Là, pas de grognement mais un silence ténébreux, je me fige, et d’un coup surgit vers moi une chose hideuse, sa peau était flétrie comme pourrait l’être celle d’une personne morte noyée, sa couleur virée sur le verdâtre, des mucosités noires coulaient de ses narines écrasées et de sa bouche, ses yeux gonflés sortent de ses orbites et ne regardent pas dans ma direction, sa bouche étrangement ouverte plus grande qu’un humain normal arborait des dents saillantes et jaunes, sa mâchoire claque à chacun de ses pas, il lève alors ses mains crochues vers moi et fonce alors tout en grognant, sa respiration roque s’accélère, sa gorge produit un bruit horrible comme s’il vomissait de l’intérieur, je lui intime l’ordre de reculer, il continue à avancer, je répète mon ordre, il continue, et lorsque ses mains arrivent presque à vingt centimètres il se met à hurler, je sens son souffle nauséabond sur mon visage, je tremble de peur, mais trouvant le courage propre à la survie je lui porte au niveau du thorax un énorme coup de manche en acier, j’entends même ses côtes craquer sous l’impact, un coup comme celui-ci aurait dû le mettre à genoux voir au sol, mais lui reste debout, il a seulement reculé après le coup, je lui ordonne encore de s’arrêter sinon je le frappe au niveau du crâne, il se fige alors, il bondit, je m’écarte et cours vers mon camion, alors que je tente d’ouvrir ma porte, je sens des mains griffues sur mon épaule et ma nuque, comme terrifié je cours alors dans l’autre sens m’éloignant du camion et m’enfonçant dans le champ je crie à l’aide personne répond à part les grognements derrière moi, je ne vois rien je crois même courir en rond lorsque je m’arrête. Mon pied glissant dans une pente, plus bas j’entends un ruisseau, je le longe quelques mètres puis, je sens une force s’exercer sur mon flanc gauche, la créature m’a ceinturé, je m’agite pour lui faire lâcher prise, et bascule avec lui dans le talus puis nous tombons dans le ruisseau. Je sens cette eau gelée dans mon dos, ma nuque et mon pantalon, cela me glace autant de peur que physiquement, j’ai perdu mon manche dans une vase gluante et mal odorante, j’ai de l’eau jusqu’au nombril, je suis assis dans ce cours d’eau rempli de plantes aquatiques, je ne vois pas l’horrible individu, je me déplace en reculant mes fesses, je sens divers cailloux et autre choses qui me dégoûte, lorsque dans un hurlement je vois surgir devant moi dans la pénombre, l’hideux personnage dégoulinant de vase, couvert d’algues et lianes de nénuphars, les bras en l’air, les mains griffues, la bouche grande ouverte, produisant ce son gargouilleux et vomissant, on dirait une affiche de film d’horreur des années cinquante, il bondit sur moi, plante ses doigts dans mon manteau, j’ai son visage à dix centimètres de moi, je sens ses mucosités couler sur mon visage, son odeur empeste, il tente de me mordre, il me dégoûte et m’effraie tellement que dans un hurlement et un élan de bravoure je le repousse, je pose ma main en arrière et sens un objet long et froid dans l’eau, c’est mon manche en acier, quel miracle, je le saisis me relève sur un genou et lui plante dans sa bouche ouverte, j’entends ses dents pourries se broyer une par une, il pousse un hurlement mêlé d’un gros gargouillis, un peu comme un évier qui se débouche, comme il part en arrière et tombe sur le dos dans cette eau croupie, je l’accompagne dans son élan et dans un excès de rage je lui assène plusieurs coup, le premier sur la tempe lui faisant littéralement sauter l’œil opposé, le deuxième lui fend le crâne du sommet jusqu’à l’arrêter du nez, le troisième lui fait exploser le haut de la tête tel un œuf à la coque et lui repend sa cervelle noircie dans l’eau se mélangeant à la vase, il convulse un instant puis s’arrête définitivement, je remonte le talus effrayé et essoufflé, cours sans m’arrêter jusqu’à mon véhicule, je grimpe dedans tout tremblant, trempé et gluant, je démarre le camion avec mes mains crispées de froid, il démarre, je fonce, je roule une trentaine de minutes pour regagner l’autoroute, une fois arrivé sur une aire, je cours jusqu’aux cabines de douche avec mes vêtements de rechange, je me déshabille avec hâte, je me plonge sous l’eau brûlante, je reste immobile, assis, à essayer de comprendre, je pense à cette créature baignante dans cette eau noire et vaseuse, qui va finir de décomposer, je me sens perdu, je me demande si j’ai rêvé, il me prend un terrible frisson et en fermant les yeux il me semble entendre encore le gargouillis de sa gorge, je les réouvre et termine vite ma douche, je précise à mon bureau que je suis malade et j’ai besoin de rentrer en urgence, je terminerais cette livraison demain, en attendant j’aspire qu’à une seule chose, rentrer chez moi et terminer cette nuit de cauchemar.

Chapitre 2

Doutes

Plongé dans le noir, des grognements résonnent ! Je sens des doigts griffus, un souffle nauséabond et un gargouillis profond, je me réveille alors en sursaut ! Tout en sueur le cœur qui bat à mille à l’heure et le souffle haletant, je suis dans ma chambre, je viens de cauchemarder.

Je me lève pour aller vers la salle de bain. Je titube tel un ivrogne, je me passe de l’eau sur le visage, je récupère un peu d’aspirine dans mon placard et en le repoussant je vois mon visage dans le miroir, gonflé, la peau verdâtre, les yeux sortis de leurs orbites et des mucosités noires liquides au niveau de mon nez et ma bouche, je hurle et me réveille à nouveau, « c’est quoi ce rêve horrible ! » J’essaye de rassembler mes souvenirs, à quelle heure suis-je rentré ? Ai-je halluciné hier soir, je vais dans mon salon et constate un gros sac poubelle, je l’ouvre l’odeur dedans est infecte, il s’agit de mes vêtements de travail que je portais hier, je les inspecte, du noir gluant, de la vase, et bien sûr trempés, l’eau qui ruisselle est marron et sent très fort.

Ce n’est pas possible, j’ai dû rêver hier, sûrement je suis tombé dans un marais, je me suis assommé et par la suite j’ai imaginé cette histoire de créature infectée et agressive, c’est pas possible autrement, comment cela peut exister ?

Pourtant les souvenirs semblent réels, je n’arrive plus à faire partir cette odeur de pourriture, et son emprise lorsqu’elle m’a attrapé, j’ai l’impression de la sentir autour de ma taille.

La sensation qui m’obsède le plus est la rage lorsque j’ai frappé à plusieurs reprises son crâne, et le dégoût lorsque son cerveau a explosé, et la culpabilité d’avoir tué cette créature.

Je cherche une explication rationnelle, je m’assois et réfléchis, comment un humain peut être animé de la sorte, comment peut-il être autant agressif, encaisser un coup aussi fort sans réagir, je tente de réfléchir, mais rien n’est logique dans cette histoire, je réalise qu’il fait jour, pourtant je reste enfermé chez moi.

Mon corps entier est endolori par la chute et les coups de mon agresseur, pourtant je décide de pratiquer quelques exercices de musculation pour me détendre, j’empoigne mes haltères les remonte au-dessus de ma tête pour travailler mes épaules, ça m’aide à m’évader et réfléchir, je pratique souvent ces exercices, ça me permet de me tenir en forme, étant de très grande taille ça me permet de limiter mes douleurs au dos et garder une posture droite, je pense, se peut-il qu’il s’agisse d’un virus ? Ou peut-être une possession démoniaque, je suis croyant, mais pour ce que j’en sais de ces cas recensés, il s’agit plutôt de personnes remuantes attachées sur un lit, cependant dans la Bible il existe un évangile sur un possédé agressif que Jésus repousse, puis défait les démons de leur emprise, car ils sont plusieurs à posséder le pauvre homme et les envoie dans des cochons qui se jettent d’une falaise, je me rappelle bien mes cours de catéchisme.

Pourtant ma logique opte pour une infection, je cherche sur mon téléphone et après plusieurs articles parcourus je découvre qu’il y a eu des cas rares de virus capable de muter et de plonger le patient dans une espèce de rage, j’essaye de me convaincre de cette explication, car j’ai très peur d’avoir frappé à mort un sans-abri sous l’emprise d’une drogue ou un excès de folie dû à l’alcool.

Je termine mes exercices, j’ai des courbatures, mes muscles sont congestionnés et j’ai de nombreuses ecchymoses sur le corps, dues à la chute, je tente de manger un peu, mais rien ne passe, le dégoût des odeurs et ces visions de cauchemars sont trop présentes, je me couche et me rendors.

Je me réveille et décide de me rendre sur mon lieu de travail, arrivé sur place, mon chef m’accueille :

— Jim ! Ça va mieux ?

— Oui merci, excuse-moi d’ailleurs.

— C’est rien t’inquiète pas, t’es jamais malade j’imagine que si tu t’es arrêté c’est que tu devais être mal en point.

— Tu as pas idée, j’étais mort, j’aimerais travailler ce soir, t’as un tour pour moi ?

— Bien sûr mon grand ! Va dans le sud, une petite livraison sympa ça te changera du Nord et cette région des plaines tellement sinistre.

— Merci beaucoup, Steve, oui ça va me changer.

— Jim tu devrais prendre un peu de vacances, la route, la nuit, le surmenage, ça peut rendre fou même le plus solide des gaillards !

— Steve, t’as roulé pendant des années ?

— Tu as pas idée gamin ! J’en ai fait des bornes !

— Tu as jamais rien vu d’étrange durant ces années ?

— Bien sûr que j’ai vu des choses étranges, après le décès de mon père j’avais l’impression de le voir partout, c’est pour ça que je t’ai dit la nuit ça peut rendre fou.

— Effectivement c’est perturbant, je comprends, je vais faire attention, merci en tout cas.

Je pars sur le parc, je récupère mon tracteur pour atteler une semi-remorque, la personne qui l’a pris dans la journée a nettoyé l’intérieur, je suis ravi, car l’odeur était vraiment désagréable, je roule jusqu’au quai, baisse les suspensions de mon camion, j’adore entendre les bruits d’air comprimé, je positionne la sellette sous la semi, remonte mes suspensions, accroche mes flexibles, je recule mon tracteur, le bruit d’accroche me procure toujours une profonde satisfaction, j’effectue mes essais de tractions, je suis toujours époustouflé de la force de nos véhicules, je libère mes roues, remonte mes béquilles et je pars pour plusieurs centaines de kilomètres.

Cette nuit est extrêmement agréable, une nuit douce, printanière dans le sud, je livre et rentre, je passe plusieurs nuits à effectuer cette tournée, je pourrais presque oublier cette horrible aventure, je commence même à douter qu’elle ait eu lieu, je reprends une vie normale de chauffeur noctambule.

Après une semaine, je termine un tour dans le sud, je rentre chez moi, je déjeune un morceau, puis allume mon téléviseur, tout en faisant la vaisselle, j’écoute les informations, et entends :

— Macabre découverte dans la région des plaines, un homme d’une soixantaine d’années retrouvé mort dans un ruisseau en contrebas d’une route nationale, il se trouvait dans un état de décomposition avancée, cependant les enquêteurs ont exclu la thèse de l’accident, car l’état de son crâne présente plusieurs éléments qui tendent à envisager qu’il aurait reçu plusieurs coups avec un objet contondant, type pied de biche ou barre à mine.

Non, un simple manche en acier pour lever les cabines des camions, me cria mon cerveau tout en lâchant l’assiette que j’avais dans les mains, c’était vrai ! Et voilà qu’ils recherchent un agresseur, moi !

Chapitre 3

Rencontre

Comment trouver une excuse valable pour éviter cette tournée dans le Nord, je dirais à Steve que la tournée au Sud me correspond mieux, il avait l’air plutôt concerné par mon état psychologique, peut-être acceptera-t-il de me faire cette faveur.

Ça fait plus d’une semaine que je ne suis pas retourné là-haut, les enquêteurs doivent être sur une piste plutôt hasardeuse, type mauvaise rencontre, cet endroit qu’on nomme « les plaines » est une petite région agricole remplie de champs avec des petits villages disposés de part et d’autre, essentiellement des cultures céréalières et un peu d’élevage, pas de grandes villes avant une bonne centaine de kilomètres, je doute qu’ils soupçonnent un chauffeur.

Je n’ai qu’à plus y aller et tout sera réglé, j’oublierai tout ça tranquillement.

J’arrive à la base et Steve n’est pas présent, juste cet abruti de Paul, le fils du patron, incompétent, parachuté ici par son père, il ne connaît rien au transport, il rêve de prendre la place de Steve.

— J ?

— (Je déteste qu’on m’appelle par l’initiale de mon prénom, c’est quoi cette mode).

— Salut Paul ! Steve est pas là ?

— Non ! Il est souffrant ! C’est moi qui le remplace !

— Mince ! Je veux dire le pauvre, c’est grave ?

— J’en sais rien et j’m’en fous, il devrait déjà être à la retraite !

— (Et toi encore au lycée !!!)

— Bref, j’ai donné la tournée du Sud à Jordan.

— (Bon voyons c’est ton pote normal !!!)

— Ça te dérange pas j’espère ?

— (Bien sûr que ça me dérange abruti !!) Non non c’est bon je fais quoi à la place ?

— Le Nord, tu connais bien cette zone !

— (