Destins liés - Tome 1 - Thibault Bozellec - E-Book

Destins liés - Tome 1 E-Book

Thibault Bozellec

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Beschreibung

"Destins liés - Tome 1 - Au commencement" est l’histoire de six individus, Lucas, Jeremy, Anthony, James, Anna et Matt, qui unissent leurs forces pour lutter contre une entreprise déterminée à les détruire. Avec le soutien de personnes influentes, ils cherchent à préserver leur mission. Parviendront-ils à triompher de cette adversité et à atteindre leurs objectifs ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Thibault Bozellec a la conviction que la littérature peut être un catalyseur de changement positif et durable pour l’avenir de l’humanité. À ses yeux, ce livre est bien plus qu’un roman, c’est une ode à la résilience, à l’amitié et à la poursuite d’un idéal commun, portée par une écriture immersive et propice à l’espoir.

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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Thibault Bozellec

Destins liés

Tome I

Au commencement

Roman

© Lys Bleu Éditions – Thibault Bozellec

ISBN : 979-10-422-1096-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma famille, à mes meilleurs amis, à toutes les personnes

qui seront touchées par ce message.

Préface

Au commencement

Au début des temps régnaient le vide et le silence. Tout était calme et le champ des possibles était infini. Le Créateur avait déjà un plan bien précis. Au commencement, lui seul était présent. Dans sa grande sagesse, il libéra des ténèbres deux énergies primordiales : l’Akasha et le Prana qui, en fusionnant, donnèrent lieu au big bang : l’inflation à l’origine de l’univers tel que nous le connaissons. Ainsi, la vie fut en mouvement, et à la création de toutes choses, sept âmes furent liées à jamais par un but commun. Des liens qui scellèrent ainsi leurs destinées.

***

Paris, février 2022

Il pleuvait des cordes cette nuit-là. Des panneaux numériques diffusaient dans les rues les dernières actualités. Lucas, les cheveux châtains, un visage symétrique et un look souvent décontracté, sortit de son bureau situé à vingt minutes de son domicile. Il marchait d’un pas pressé jusqu’à sa voiture.

***

Dans la capitale, des drones autonomes patrouillaient régulièrement dans les rues depuis plusieurs mois afin de prévenir les failles de sécurité. Ce système de surveillance avait été instauré dans toutes les villes et les bourgades de plus de 13 000 habitants. Ces drones avaient été conçus et programmés par AlCorp, l’une des plus importantes multinationales en matière de technologie et informatique spécialisée en sécurité.

Ces engins effectuaient leurs rondes à la lueur des halogènes présents tout autour de l’agglomération, scannant tous les passants qui dépassaient le couvre-feu imposé par le chef de l’État depuis mai 2021 et limitant ainsi les déplacements après 3 h du matin, dans le but de réduire le taux d’agressions et de crimes en tous genres perpétrés statistiquement de nuit.

Quiconque dérogeant à cette règle se voyait contraint de verser, en cas de contrôle, une amende forfaitaire. Tous les soirs, Paris s’illuminait d’un jaune vif étincelant.

La pluie venait de cesser de tomber depuis plusieurs minutes, quand Lucas passa le hall de l’immeuble dans lequel il vivait avec la personne qu’il aimait. Sa montre connectée indiquait 2 h 55. « C’était moins une », dit-il en passant le pas de la porte.

Il regarda son ordinateur qui minait un maximum de PI Network, et ce, depuis plus de douze heures sans interruption. Trois ans plus tôt, un ami lui avait mentionné un nouveau projet de développement d’une cryptomonnaie destinée selon lui à changer la face du monde et la conception que les gens se faisaient de la finance moderne. Au début, sceptique, Lucas se laissa finalement tenter par le concept, jugeant qu’il ne perdrait rien à essayer.

Ce projet le mena à penser encore plus sérieusement à son avenir professionnel, à ses ambitions, lui offrant ainsi l’opportunité de faire ce qu’il avait toujours voulu : changer le monde. Très vite, il rencontra trois personnes qui partageaient exactement la même « vision » (dont une avec laquelle il avait déjà un passé en commun). Dès lors, leurs destins furent liés.

Chapitre I

Le début d’une histoire

Paris, 6 juin 2019

Un ami sage et hypersensible entra de nouveau dans la vie du jeune Parisien. C’était un homme de 27 ans en quête de réponses et d’identité, une âme égarée destinée à revenir dans le droit chemin, selon les conseils d’une personne plus éclairée. James était grand, les cheveux blonds bien apprêtés, un visage fin, si bien que ses proches lui disaient souvent en guise de taquinerie qu’il avait l’air d’un bébé. Il était un homme très spirituel et empathique, très connecté au monde qui l’entourait. Il semblait sensible à toutes formes d’art et d’écriture, notamment la poésie. Aîné d’une famille de trois enfants, de parents divorcés, sa mère, Caroline, se remaria quelques années plus tard avec une femme nommée Allie. Son père, Patrick, épousa deux ans après leur séparation une femme dénommée Chantal, dont James était également très proche. Lucas lui montra la vraie nature de sa lumière, l’étincelle vitale que James avait jadis perdue. Il reprit contact avec lui un soir, alors qu’il se trouvait une nouvelle fois à implorer cette « force créatrice » afin que sa vie retrouve enfin un sens. Le soir même, allongé sur son lit, James ressentit le besoin de renouer avec Lucas pour la première fois depuis plusieurs mois. Ils s’étaient connus deux ans plus tôt par le biais d’un groupe Facebook. Alors, James prit son téléphone et envoya un message à Lucas, réclamant son aide dans une situation qui le tourmentait (et à juste titre) depuis plusieurs semaines. Lucas était très calme, très posé au téléphone. Lucas était un grand sage, une personne très spirituelle qui savait parfaitement ce qu’il voulait. Bien que des épreuves de la vie l’eussent marqué « au fer rouge », il avait souvent pour habitude de dire que son passé définissait celui qu’il était devenu, car c’est dans les plus grandes épreuves que nous sommes tous à même de devenir les meilleures versions de nous-mêmes. Il méditait plusieurs heures par jour et ses pensées étaient toujours aussi claires que le cristal. Cette nuit-là, ils avaient échangé jusqu’à 5 h du matin, comme s’ils ne s’étaient jamais éloignés. James éprouvait beaucoup d’émotions positives et concrètes après cette soirée, car Lucas l’avait élevé vers un état d’esprit plus serein, proche de celui qu’il expérimentait au quotidien.

Depuis ce fameux soir, les deux hommes, telles les deux faces d’une même pièce, trouvèrent leur équilibre. Et puis, au fil d’échanges et de partage sur la manière dont ils prévoyaient de changer le monde, leurs chemins croisèrent celui de deux nouvelles personnes : Anthony, 25 ans, et Jeremy, 30 ans.

Lucas avait toujours été un visionnaire. Certains de ses proches pouvaient même le définir comme un « prophète des temps modernes ». Un jeune homme dont l’avenir était déjà tout tracé au sein d’un groupe d’amis poursuivant le même objectif. James les conforta dans l’idée que leurs convictions créeraient un beau jour un monde meilleur.

***

Octobre 2020

Un mois avant la sortie officielle de PI, le monde était au plus mal, au beau milieu d’une crise sanitaire sans précédent, une véritable pandémie. Et même si certaines personnes avaient réussi grâce à cette crise à remettre de l’ordre dans leur vie, d’autres s’étaient tout bonnement contentées de subir et de rester fidèles à leurs convictions initiales. Une grande majorité des humains ressentaient une fatigue et une lassitude qu’ils étaient incapables de véritablement comprendre ou contrôler. Ils partaient travailler avec la même angoisse et la même appréhension, mais en fin de compte, la routine quotidienne continuait, « un cycle » qu’ils ne parvenaient pas à briser. Ces hommes et ces femmes attendaient tous quelque chose de nouveau, quelque chose d’unique. Mais qu’attendaient-ils ainsi ? Seuls James, Lucas, Anthony, Jeremy et quelques rares élus en étaient conscients.

Anthony avait les cheveux bruns et un regard expressif, il était féru de course à pied, intègre, consciencieux, parfois même à la limite de l’obsession. Mais sa force résidait dans le fait que lorsqu’il avait une idée en tête, il allait jusqu’au bout de chaque chose, car il savait exploiter au maximum tout son potentiel créatif et le mettre à profit dans tout ce qu’il souhaitait entreprendre.

Jeremy, un grand brun aux yeux clairs, avait toujours été fasciné par les liens unissant chaque événement. Fervent utilisateur de la Loi de l’Attraction (au même titre que James, Lucas et Anthony), il ressentait intimement le monde qui l’entourait, les émotions des autres ainsi que leurs pensées. Son empathie, associée à sa capacité d’attirer du positif dans sa vie, avait un effet très bénéfique sur les personnes qu’il côtoyait. Des gens qu’il ne connaissait pas plus que cela pouvait très bien lui demander leur route et continuer à parler avec lui « de tout et de rien ». Il avait cette « étincelle » en plus qui inspirait automatiquement confiance.

Les quatre amis étaient unis par une grande spiritualité.

***

Anthony venait de démarrer sa troisième année d’étude de la gestion des biodiversités et avait comme projet de créer une entreprise spécialisée dans la prévention environnementale en misant notamment sur l’émergence des nouvelles technologies. Sa devise : « Mettre l’innovation au service du peuple ». Ce jeune utopiste, que certains de ses amis qualifiaient de grand penseur, vivait chez ses parents, il était le fils d’un père alcoolique et irritable, travaillant dans l’aviation, et d’une mère au foyer, soumise aux réactions excessives et injustes de son mari.

Dans cet environnement hostile, le jeune Anthony se contentait de vivre au jour le jour quand il demeurait à la maison et rêvait de construire son avenir et de changer le monde quand il était à la fac. Malgré le fait que cette dynamique de vie le menait parfois à l’isolement ainsi qu’à une profonde tristesse, il ne perdait jamais foi en lui-même et en ses rêves, car il puisait dans la précarité de sa situation familiale une force inaltérable.

***

Jeremy vivait dans un modeste appartement de 50 m2 en région lyonnaise. Orphelin depuis sa naissance, il avait vécu en foyer jusqu’à sa majorité. À 18 ans, il trouva sa voie. À l’époque où il connut James et Lucas, il se lançait tout juste dans l’entrepreneuriat en association avec un collectif nommé ASSIPA, qui s’occupait d’organiser des actions ciblées visant à diminuer de manière significative la pollution à l’échelle planétaire.

À chaque mission, de plus en plus d’entrepreneurs étaient investis dans cette cause. Ainsi, à chaque nouvelle action, Jeremy prenait de plus en plus conscience du rôle qu’il allait devoir assumer tout au long de sa vie. Un jour, les yeux rivés sur l’océan, son cœur s’emplit subitement d’une joie intense. Il comprit que tout ce qu’il était destiné à accomplir était lié à une mission et à un rôle encore plus grand. En janvier 2021, il créa sa société, EcoSyst, dont l’objectif était la création, l’utilisation de nouvelles technologies et la proposition de solutions plus écologiques pour l’environnement. Jeremy décida d’y installer son siège social en périphérie lyonnaise.

***

Toulouse, octobre 2020

À l’époque où James retrouva Lucas, il démarrait tout juste son activité de photographe en région toulousaine. Il possédait déjà une solide clientèle, faisait le tour des réseaux d’affaires et proposait ses prestations à des tarifs défiant toute concurrence. Il se sentait totalement épanoui.

Néanmoins, il y avait des jours plus difficiles que d’autres, des leçons qu’il avait du mal à vivre, des messages qu’il peinait à comprendre ou à accepter. Dans un de ces moments, le 6 octobre 2020, il sortit de chez lui, fit démarrer sa voiture et roula sans but pendant une trentaine de minutes jusqu’au centre de la cité albigeoise.

James gara sa Peugeot sur le parking habituel situé juste devant le premier appartement de son frère Loïc. Il sortit du véhicule et regarda autour de lui en écoutant chaque bruit, chaque coup de klaxon retentissant dans l’agglomération. Il marcha sur environ 200 m. Cet après-midi-là, le temps était tempéré. Autour de James, les oiseaux pépiaient. Il s’arrêta dans un bar, s’assit en terrasse et commanda une Desperados avec des glaçons. Il regarda autour de lui, des touristes sirotaient des cocktails et des cafés, des enfants jouaient et riaient près de la fontaine, et juste en face de la grande place, un carrousel rappelait au jeune homme ses propres souvenirs d’enfance.

Aussi joyeuse à l’intérieur qu’à l’extérieur, l’ambiance était joviale et animée. Le serveur lui apporta sa commande. James le remercia d’un timide sourire. Le temps commençait à se gâter, la grisaille pointait le bout de son nez. James retira ses lunettes de soleil, ferma les yeux et inspira trois fois en imaginant un coucher de soleil dans la maison de campagne de ses grands-parents. Un instant d’ancrage dont il profita pendant quelques minutes. Il redoutait un moment imminent dans sa vie. Il se sentait lourd et angoissé. Il avait beaucoup de mal à se calmer et à reprendre confiance en lui.

C’était une leçon qu’il devait apprendre seul, un apprentissage qui lui apporterait grandement. Il finit sa bière et fit un signe au serveur qui se trouvait en terrasse. James lui montra sa carte de crédit, le serveur s’en alla chercher le lecteur de carte.

— Tout s’est bien passé ? demanda le serveur en revenant avec l’appareil.

— Oui, très bien, je vous remercie, répondit James. L’homme lui tendit le reçu.

— Et voilà, en vous souhaitant une bonne fin de journée.

— Merci, vous de même.

James se leva. Comme le soleil timide était aveuglant, il mit ses lunettes et marcha jusqu’à sa voiture. Il s’installa au volant, ajusta le siège conducteur en position allongée et ferma les yeux quelques instants en se laissant ainsi porter par les rayons du soleil, les voix des passants, le bruit des voitures et le chant des oiseaux. Cette atmosphère assez bucolique le fit sourire.

Quelques minutes plus tard, il repensa à la brasserie près de laquelle il était passé en se rendant au bar, quelque chose de fort l’attirait vers cet endroit. Il regarda l’heure sur son téléphone : 16 h passées. James n’avait aucune envie de rentrer. Il sortit de la voiture et se dirigea directement vers cette petite brasserie…

Il poussa la porte et découvrit un endroit très cosy, une décoration typiquement faite de bois. À sa gauche, James aperçut un juke-box jouant de la musique des années 80. Le jeune homme s’approcha du bar, aborda le barman et commanda une tasse de thé au jasmin, sa boisson préférée. Le serveur fut quelque peu surpris, même si le thé était à la carte, cela n’était guère la boisson la plus consommée.

James prit sa tasse et alla s’installer à la seule table vide au milieu de l’établissement. Autour de lui, des gens de tout âge parlaient, mangeaient, buvaient et riaient aux éclats. En scrutant tous ces visages, James sentait d’autant plus que sa vie allait au ralenti depuis plusieurs semaines.

Après avoir terminé sa première tasse, par-dessus son épaule, il reconnut un acteur célèbre d’une quarantaine d’années qui s’approcha de lui avec ses amis, il était à la recherche de la seule table libre et il lui dit avec un gracieux sourire : « Pardonne-moi, pouvons-nous nous asseoir à tes côtés ? »

James sourit fièrement. La morosité laissa soudain place à un profond sentiment d’euphorie. Il les invita avec plaisir. Pendant plusieurs heures, ils échangèrent sur la vie, les femmes, la notoriété, l’amour, et sur le sens de chaque chose. À un moment dans la conversation, l’un des amis de l’acteur dit à James :

— Tu vois, ce n’est pas du tout un hasard si tu te retrouves dans cette brasserie aujourd’hui avec nous.
— Oui, je sais ! J’avais des leçons à apprendre de cette rencontre. Rien n’arrive jamais sans raison !

L’ami à la veste grise hocha la tête.

Ces hommes avaient tous une histoire à raconter, si bien qu’au fil des conversations, James devenait de plus en plus conscient du potentiel illimité qu’il avait en lui et qui ne demandait qu’à être utilisé à bon escient.

Après un long moment, le jeune homme regarda son téléphone, observa le crépuscule et jugea qu’il était temps pour lui de rentrer. Il serra la main de ces cinq personnes qui venaient aujourd’hui de changer une grande partie de sa vie. Par cette dernière poignée de main, l’acteur lui donna une dernière leçon :

— Crois en toi mon ami, car tu es seul maître de ton destin.
— Merci beaucoup, merci pour tout !

Cette journée resta à jamais gravée dans sa mémoire. Il rentra chez lui, transformé par cette belle rencontre, et il comprit ainsi la raison pour laquelle le destin l’avait conduit dans cette brasserie, cet après-midi-là.

***

Deux semaines après la belle rencontre de la brasserie, à Albi, le soir, James en fit une deuxième qui marqua également le cours de son existence. À 22 h, la gare de Toulouse était toujours très animée. James se sentait un tantinet perdu quand sa mère le déposa. Il posa ses bagages dans un coin et aborda un homme en costume-cravate afin de trouver la bonne allée d’embarquement. L’homme consulta son ticket et lui dit :

— Le poste se trouve à 50 m devant vous, Monsieur.
— Merci beaucoup !

L’estomac du jeune homme était noué, mais malgré tout, il tenta de garder confiance en lui en se remémorant toutes les leçons apprises. Il venait de quitter son chien, Filou, afin de se rendre à Lyon pour une convention de trois jours, « le salon de l’entrepreneuriat », à laquelle il s’était inscrit plusieurs semaines auparavant. À cet instant, son jeune Jack Russell de deux ans, acheté dans un élevage près de l’Ariège, lui manquait affreusement. Il tenta non sans mal d’occulter la douleur de la séparation difficile avec son fidèle compagnon à quatre pattes. Pour ces trois jours, il l’avait confié à sa mère.

Pendant qu’il consultait son smartphone afin de vérifier toutes les informations sur le programme, un homme noir avec une casquette sur la tête s’approcha de lui en lui demandant poliment son téléphone afin de pouvoir passer un appel urgent. James, un peu surpris, hésita quelques instants puis accepta finalement de laisser l’homme contacter ce mystérieux interlocuteur qu’au bout de quatre tentatives il ne parvenait pas à avoir au bout du fil. L’homme, quelque peu embêté, remercia James pour son temps, lui rendit son téléphone et lui demanda un peu d’argent pour qu’il puisse acheter à manger.

James, réticent, céda finalement à l’homme légèrement insistant et lui dit avec tact : « C’est d’accord ! Tenez ! ». Il tendit un billet de dix euros à l’homme noir à la casquette américaine, qui le remercia chaleureusement. Le jeune homme entra dans le restaurant à plus de 22 h, au moment où l’établissement était en train de fermer ses portes. C’est ainsi qu’il fut froidement recalé à l’entrée par le vigile. Agacé, il sortit en exprimant son mécontentement puis revint vers James en lui rendant gentiment son billet et lui demanda :

— À quelle heure prends-tu ton train ?
— Tout de suite ! répondit James.

Les deux hommes se tapèrent dans la main en guise d’au revoir. James ressentit à cet instant une grande plénitude, comparable à celle qu’il avait éprouvée dans cette brasserie deux semaines plus tôt. Dans le train, il se sentait dépaysé. En regardant par la fenêtre, il aperçut à la lueur des lampadaires, de l’autre côté du quai, des hommes et des femmes, probablement des vacanciers, qui attendaient leurs trains en direction de Montpellier, Narbonne ou Perpignan…

Quand le train Corail 774 démarra, James le trouvait lent. Il avait réservé depuis plusieurs semaines sa place pour le salon de l’entrepreneur, mais il avait acheté ses billets de train à la dernière minute : un voyage en Corail, une correspondance à Paris, puis une descente à Lyon. Les sièges étaient très durs, donc peu confortables. La batterie de son téléphone commençait à être épuisée et il n’y avait aucune prise pour le recharger. Aux alentours de 23 h, il appela Lucas qui, la veille, venait de passer une nuit blanche à cause d’une soirée bien animée avec des hommes assez ouverts d’esprit et cordiaux qu’il avait rencontrés à la Mission Locale du huitième arrondissement de Paris.

— Salut, frérot, comment vas-tu ? dit James.
— Salut, James ! Je vais bien ! Je pensais justement à toi ! Nous sommes vraiment synchrones, remarqua Lucas, le jeune Parisien, avec fierté.
— Oui, en effet ! J’ai commencé à faire des rencontres surprenantes.
— Hahaha ! Cela ne m’étonne pas ! Retiens bien que chaque rencontre est unique et que chacune d’entre elles t’apportera de nouvelles opportunités.
— Merci, mon ami, pour tes précieux et sages conseils !
— Je t’en prie James ! Tu verras, ce voyage va beaucoup t’apporter. N’oublie pas ce que tu as appris !
— Je ne l’oublierai pas ! Cela fait partie de moi maintenant et tu y es pour beaucoup.
— Cela me touche énormément et tu le sais.
— Oui, je le sais, car tu es quelqu’un de bien. Je vais essayer de m’endormir avec de belles pensées, je dis bien « essayer », car si tu voyais ces sièges, on se croirait vraiment à Koh-Lanta !
— Tu me fais rire ! plaisanta son meilleur ami. Bon courage, James, et garde confiance.

Le train fit plusieurs haltes jusqu’à environ 2 h du matin. Même si James était fatigué, il n’arrivait pas à trouver le sommeil, car le siège n’était pratiquement pas ajustable. Il regarda son téléphone, il indiquait un appel manqué à 23 h 30 de sa mère qui gardait son chien en son absence. Il fut pris d’un léger mouvement de panique. Il s’empressa d’envoyer un SMS en dépit de l’heure, tout en espérant une réponse rassurante. Il ressentait son chien alors même qu’ils se trouvaient déjà à plusieurs centaines de kilomètres l’un de l’autre. James se souvint alors de cet article qu’il avait lu un jour sur le phénomène d’intrication quantique d’Einstein qui démontre que deux objets sont connectés l’un à l’autre malgré la distance. En l’occurrence, il partageait avec son chien ce même lien. Cette même connexion qui unit deux êtres n’est pas rare. Ce même contact qu’il ressentait avec sa famille et ses plus proches amis. À 2 h 30 du matin, sa mère, qui venait de se lever, répondit au message de James : « Filou va très bien ! Ne t’en fais pas ! Il rêve sur le canapé. » Le jeune homme répondit à sa mère par une émoticône, puis garda son téléphone près de lui avant de s’endormir quelques instants. À 2 h 45, il se tourna dans toutes les positions, puis finit par miracle à trouver le sommeil en position fœtale, son anorak et son sac en bandoulière pour oreiller.

Finalement, après deux heures de sommeil, il se réveilla vers 4 h du matin. À sa grande surprise, son téléphone fonctionnait encore. Il regarda autour de lui. Les lumières du wagon étaient tamisées. Il fut stupéfait d’entendre autant de ronflements, les gens parvenaient vraiment à dormir n’importe où. Il songea tout de même aux chanceux en première classe, à l’avant, qui dormaient dans des cabines bien plus confortables. Jusqu’à l’arrivée à Paris, il pensa à son avenir et à ce qu’il prévoyait d’accomplir avec Anthony, Lucas et Jeremy.

À 6 h du matin, quand le train commença à ralentir, James eut envie de se rafraîchir après la dure nuit qu’il venait de passer. Il sortit de sa trousse de toilette une lotion d’eau oxygénée et un coton propre puis entra dans les toilettes situées à deux mètres de son siège avant de verrouiller la porte. Il vit son visage dans le miroir, les traits tirés. La fatigue était grande. Son corps était lourd, ses jambes lui faisaient mal. Il s’aspergea le visage d’eau oxygénée à l’aide du coton qu’il jeta ensuite dans la poubelle juste derrière lui. Il n’y avait que très peu de mouvement dans la cabine, il en profita pour réaliser une figure de yoga qui consiste à venir toucher ses orteils du bout de ses doigts. Il se sentit soudain un peu moins apathique. Il sortit des toilettes et regagna son siège.

***

Après sept heures de voyage qui lui parurent interminables, le train s’arrêta enfin à Paris, gare d’Austerlitz. James prit sa valise au-dessus du compartiment à bagages, posa sur son épaule son sac en bandoulière et attendit au milieu de plusieurs personnes agglutinées au centre du wagon l’ouverture des portes.

Le jeune homme descendit du train et marcha sur le quai en direction de la sortie. Il faisait très froid ce matin-là, James compara ainsi la température matinale de la capitale avec le climat plus tempéré du Sud. Il marcha, essoufflé, jusqu’à la sortie de la gare. Son téléphone n’était plus qu’à 3 % de batterie. Il regarda sur son billet la correspondance jusqu’à Lyon, il devait encore parcourir près de 700 m jusqu’à la gare de Lyon. Il ne songea même pas à consulter son portable, car il se souvenait de son précédent séjour à Paris dans le cadre d’une formation du chemin à emprunter pour se rendre jusqu’à la gare de Lyon. Il se disait qu’il ne pourrait pas profiter de l’occasion pour rendre visite à Lucas, car le temps lui manquait, mais cela n’était que partie remise.

Il sortit de la gare d’Austerlitz, vêtu d’un épais manteau. Ses mains étaient tellement froides qu’il ne sentait plus ses doigts. Il traînait sa valise à roulettes et sur son épaule, son sac, qui lui paraissait très lourd. Il ressentait des émotions très fortes parce que l’énergie de cette ville immense, associée au fait qu’il n’avait quasiment pas dormi, le décentra fortement. Il traversa le pont. Il faisait encore nuit. Il s’arrêta un instant afin de profiter de la vue de la Seine, même si son téléphone n’était plus qu’à 1 % de batterie. Il en profita pour immortaliser ce moment en photo, puis il prit le temps de bien respirer et tenta de se ressourcer quelques instants avant de reprendre son chemin. Et puis, 600 m plus loin, il aperçut enfin la fameuse tour de l’horloge, le symbole emblématique de la gare de Lyon.

Il entra dans le hall, courut vers la première « Brioche Dorée » et commanda un immense café au lait. Il éprouva soudain une grande difficulté à garder les yeux ouverts. Ensuite, il acheta une tarte au citron et alla s’asseoir sur un banc, juste en face du quai d’embarquement numéro trois. Comme ses paupières étaient lourdes et que ses yeux piquaient, il avala une grande gorgée de café et prit une importante part de tarte avant d’observer les allées et venues des voyageurs pressés ou adossés à des tables près des coffee shops.

La « signature vocale » de la SNCF retentit aussitôt dans la gare : « Votre attention, s’il vous plaît ! Le train à destination de la gare Saint-Roch de Montpellier a un léger retard de 15 minutes ! Merci de votre compréhension. » James se mit à sourire, un homme âgé d’une soixantaine d’années, assis sur une banquette en face de lui, lui fit un signe de tête, en réagissant à la même annonce de manière amusée…

James alla charger son téléphone auprès des prises secteurs prévues à cet effet. Étant déchargé depuis un moment, il avait du mal à démarrer. James commençait légèrement à stresser. En regardant l’heure sur l’horloge digitale de la gare, il voyait les minutes tourner et son téléphone qui refusait toujours de s’allumer. Son billet était numérisé directement sur l’appareil. Quand la fameuse « pomme » s’afficha enfin, la charge était très lente. Cinq minutes avant l’embarquement, alors qu’il avait assez de batterie pour scanner son billet sur les portiques prévus à cet effet, il débrancha, rangea son chargeur dans son sac et fit 30 secondes de queue avant de scanner son billet et d’être dirigé par un agent vers la cabine du wagon EW15 du train 224.

Cette fois-ci, il s’agissait d’un TGV, c’était le jour et la nuit avec le train Corail, même en classe économique. Il était à peine un peu plus de 8 h et le train était bondé. James tira son bagage jusqu’au siège 34B, puis glissa sa valise dans le compartiment prévu à cet effet. Il posa ensuite son sac à ses pieds.

Il y avait quatre places assises l’une en face de l’autre, un couple de touristes coréens vint s’asseoir sur les deux places en face de James, alors que le siège côté fenêtre resta inoccupé pendant toute la durée du voyage. James chargea son téléphone. Il envoya un message à sa mère en demandant de ses nouvelles et des nouvelles de sa belle-mère Allie et de Filou. Elle lui répondit quelques minutes plus tard : « Bonjour, fils, nous allons bien, merci, et nous espérons que toi aussi. Filou va bien, en dépit du fait que tu lui manques beaucoup. Essaie de passer un bon séjour, James ! De nombreuses opportunités professionnelles ! On se revoit bientôt. »

« Merci, maman, merci pour tout ! Gros bisous et à très vite. James. »

Le TGV arriva à Lyon, gare de La Part-Dieu, après 3 h 30 de trajet. James descendit du wagon avec une vingtaine de passagers puisque cet arrêt n’était pas encore le terminus. Il sortit de la gare et se plaça juste devant l’entrée ouest, en attendant l’arrivée d’un Uber afin que le chauffeur le conduise à l’hôtel Ibis qu’il avait réservé dans le troisième arrondissement. Assis sur un muret, ses bagages près de lui et emmitouflé comme s’il allait au Pôle Sud, il était fier de son parcours de vie, de son évolution personnelle, professionnelle, et spirituelle, mais à cet instant, il ressentait tout de même un profond dépaysement. Les gens marchaient, riaient. Des cyclistes faisaient leurs exercices quotidiens à 10 h du matin.

***

Ce dimanche, la veille de sa convention, le chauffeur déposa le jeune homme juste devant l’entrée de l’hôtel. James montra à l’accueil sa réservation et l’hôtesse lui tendit le pass de sa chambre : « Mon pauvre garçon, vous paraissez exténué. » James fut surpris et légèrement pris au dépourvu par cette remarque : « Perspicace ! », dit-il en souriant.

Il emprunta l’ascenseur jusqu’au troisième, chambre 314 : une pièce simple, un lit spacieux en 160 cm, une salle de bain et une cabine de douche près de la porte. Une télévision LCD était fixée au mur, il y avait deux fenêtres avec volets électriques et un radiateur devant celle de droite. James, épuisé par la nuit passée, ôta ses chaussures et, sans défaire les couvertures, s’affala sur le lit pour un long repos bien mérité…

 

 

 

 

 

Chapitre II

Des possibilités

 

 

 

Le lendemain, James, préférant éviter les transports en commun, reprit un Uber pour se rendre au salon. L’événement se déroulait dans une immense salle de réception, près du stade de Gerland. Des centaines d’exposants, des entreprises de tous secteurs d’activité confondus étaient représentées, dans une ambiance à la fois festive et sérieuse. James tendit à l’une des trois réceptionnistes son billet, version imprimée, et passa l’entrée à 9 h du matin. Le jeune homme fit le tour des stands et rencontra bon nombre de personnes, toutes plus avenantes les unes que les autres. Il développa des contacts constructifs, tout en partageant son univers. Il avait retrouvé confiance en lui, il se sentait dans son élément et il comprit que ce qu’il avait éprouvé au cours de ces dernières semaines n’était rien de plus que de l’appréhension. Il se souvint à cet instant de ce que disait Harry Houdini : « La peur n’est pas réelle. » En trois jours, il avait noué plusieurs dizaines de contacts pour son activité. Il était désormais prêt à proposer ses services à plusieurs de ces groupes et compagnies, dans le domaine de l’immobilier, de la vente de produits agricoles ou du coaching sportif.

 

Il rentra chez lui le sourire aux lèvres pendant les trois heures de TGV jusqu’à Toulouse, impatient à l’idée de retrouver son fidèle compagnon à quatre pattes ainsi que sa famille, et comblé d’avoir surmonté son appréhension de se mettre en avant et se retrouver ainsi livré à lui-même. Il savait que cela représentait la vie qu’il avait choisie et que pour rien au monde il n’en changerait…

 

***

 

Il passa des mois à échanger avec ses amis qui partageaient comme lui cette même volonté, ce même objectif, celui de changer et d’améliorer le monde.

 

Chaque jour était un nouveau privilège, celui de savoir, d’être conscient de ce qui était en cours : le rééquilibrage de la balance universelle. Laisser son empreinte dans ce monde représentait bel et bien la consécration ultime de tout visionnaire, mais transcender cette réalité le placerait dans une perspective tout autre, celle d’une âme dont la volonté changerait totalement les valeurs simplement individualistes, ainsi, la vision de ce groupe venait d’une volonté altruiste et humaine, celle d’améliorer le monde grâce aux ressources de leurs entreprises.

 

James, Lucas, Anthony et Jeremy croyaient en eux et ils avaient foi en leur projet commun.

 

« La liberté d’action, la volonté de choisir la manière d’arriver à ses fins, accomplir ce que l’univers attend vraiment de nous, telle est la raison même de l’existence. »

 

Au fil des mois, comme James faisait de plus en plus part à Lucas de ses ressentis, ce dernier lui apprit à dévoiler son potentiel, à se détacher pour mieux se comprendre et devenir parfaitement et durablement la meilleure partie de son être. Pour James, Lucas était le plus proche ami, ainsi qu’un guide d’une grande confiance.

 

***

 

Le jeune homme pressentait que le jeune Parisien était en train de tomber amoureux d’Anthony, un fait qui se confirma quelques jours plus tard autour d’un repas en terrasse, rue de l’Eure.

 

Des regards complices échangés et des mots très forts et intimes montraient un rapprochement significativement évident et un premier baiser sur un banc près d’un parc municipal, à la lueur de la pleine lune.

Le groupe pensait avec plusieurs « wagons » d’avance. Chaque jour assurait minutieusement la consécration de leur futur projet commun et, respectivement, l’avenir de leurs entreprises. Toutes ces paroles et toutes ces heures à échanger et à planifier eurent pour effet d’engendrer une synergie au sein du groupe. Ainsi, une profonde confiance mutuelle s’installa entre eux. Ils savaient où ils allaient ensemble, une bande d’amis, soudés et unis.

Le poids de ces mots et les promesses partagées donnèrent au jeune groupe la volonté et la force intarissable de continuer vers leur objectif de vie.

 

Accomplir le but de leur âme devint dès lors une évidence et chacun s’apprêtait à mettre en lumière la meilleure partie de lui-même. De son côté, Lucas venait de toucher une importante somme d’argent consécutive à la sortie officielle de la nouvelle cryptomonnaie.

 

***

 

Paris, 27 décembre 2020

 

Lucas échangea avec sa mère Nat dans une petite brasserie de la rue de la Madeleine. Il lui expliqua ce qui était caché derrière cette première rentrée d’argent et comment fonctionnait cette nouvelle monnaie virtuelle. Ils étaient assis à la table au fond à droite de l’établissement et comme il était très tôt, l’endroit était désert. L’intérieur paraissait rustique : charpentes en bois de chêne, mobilier en acacia, chaises et tables en bois de peuplier.

 

Nat eut, au début, la même réaction que son fils en entendant pour la première fois le concept (un bref moment de recul), puis elle se replia machinalement sur elle-même. Lucas lui prit la main en lui expliquant le processus sans rien négliger. En l’écoutant, sa mère fit glisser une mèche de ses cheveux bruns derrière son oreille droite et ses grands yeux bleus s’illuminèrent soudain. Elle vit alors pour la première fois son fils heureux, épanoui et investi comme jamais dans son avenir.

 

Trois mois plus tôt, il s’était fait une promesse, celle de prendre une année sabbatique afin de profiter de sa nouvelle vie, à savoir faire profiter ses proches et être pleinement en accord avec son âme d’enfant. L’enfant qu’il avait toujours été alors même que la vie l’avait fait grandir plus vite, car Lucas conservait encore et depuis toujours l’étincelle qui, malgré l’adversité, l’avait toujours mené vers cette part de son cœur restée intacte. Pendant cette année-là, il profitait des voyages, des sorties avec ses amis, des grands restaurants et de l’insouciance.

 

Durant son congé sabbatique, il fit l’acquisition de son ordinateur, son tout premier investissement d’affaires qui lança les prémices de sa nouvelle vie. Il vivait chaque moment comme si tout était possible et que la liberté n’avait pour limites que son imagination. Ô combien il songeait à ce qu’il méritait, car après plusieurs années de galères, cette vie s’apprêtait enfin à lui offrir ce dont tout homme rêve en secret ! Et sa force résidait dans le fait que Lucas ne laissait jamais tomber face à l’adversité…

 

Il avait retrouvé l’amour auprès d’Anthony. Un signe qu’ils interprétèrent comme faisant partie d’un plan plus grand, tant ils se sentaient complémentaires et destinés l’un à l’autre.

 

James et Jeremy avaient pour habitude de comparer cette romance à une histoire d’amour entre deux hommes qui s’était déroulée des siècles auparavant. Le grand-père de James lui conta un jour ce récit :

 

Plus de sept siècles avant notre ère vivaient deux hommes d’une vingtaine d’années issus de milieux foncièrement différents et qui étaient amants. Éperdument épris l’un de l’autre, leur idylle en fit jaser plus d’un : un simple garçon de ferme blond avec les cheveux ondulés, timide et passionné, qui s’appelait Damian, amoureux d’un noble et valeureux chevalier aux cheveux bruns à la « John Snow », dénommé Lucian. Mais ils tinrent bon et s’élevèrent face aux critiques et aux préjugés infondés. Après une nuit passée à faire l’amour, Damian proposa à son bien-aimé de s’enfuir et de vivre avec lui sur ses terres. Ce dernier en eut le souffle coupé, et dans un long baiser, il accepta sans hésitation de renoncer à une vie noble et opulente pour tenter l’aventure avec celui qu’il aimait.

 

La vie les combla, car leur amour fut béni des cieux. Mais 20 ans plus tard, la grande tristesse vint frapper à leur porte.

Damian souffrait alors d’un mal incurable, l’épidémie de la vérole qui avait déjà emporté tant de monde dans les contrées voisines le frappa de plein fouet.

Un matin, Lucian se réveilla, mais Damian n’était plus à ses côtés. Il trouva un mot posé sur l’oreiller : « Mon étoile, ça n’est pas juste pour toi que tu me vois mourir lentement, je préfère que tu gardes une plus belle image de moi, de nous. Tant qu’il est encore temps, je préfère partir, par amour pour toi, par crainte de te voir souffrir plus que de raison. Sache que jusqu’à mon dernier souffle, tu seras à mes côtés, et même après, je t’attendrai. N’aie pas peur, mon ange, ma vie, pardonne-moi, toi que ce mal ne semble atteindre, quelle qu’en soit la raison, mais je sais que tu as encore des choses à vivre ici-bas. Avec tout mon amour, Damian. »

 

Lucian sortit sur le pas de la porte, mais Damian était déjà loin, marchant stoïquement vers son destin, laissant son amant seul et triste à la fois, car il comprit ce matin-là qu’il n’aurait jamais pu le retenir…

 

***

 

James et Jeremy reconnaissaient totalement Damian et Lucian en Lucas et Anthony, c’était comme une évolution de leurs âmes liées les menant vers un avenir meilleur.

 

13 janvier 2021

 

Le couple était solide, inséparable et sur la même longueur d’onde. Même en travaillant chacun de leur côté, leur avenir était uni par une vision commune. Sans se le dire, ils se firent la promesse de demeurer éternellement présents l’un pour l’autre et de ne jamais abandonner leur « mission de vie », quelles qu’en soient les circonstances.

 

Cette parole scellée sonna le début de leur nouvelle histoire le soir où Anthony annonça par la force des choses son homosexualité à ses parents. Son père, Tobias, un homme au dos voûté, mal lavé, aux cheveux hirsutes, avait fouillé la chambre de son fils et trouvé un recueil de pensées intimes écrites par Anthony à l’attention de Lucas. Ivre de colère, il s’était « pris une cuite » au whisky et avait dormi pratiquement tout le reste de la journée.

 

Quand le jeune homme revint de cours, son père l’attendait sur le canapé, saoul comme une vache. Il jeta les lettres froissées à ses pieds. Sans dire un mot, il attrapa son fils par le col de sa veste et le traîna de force hors de chez lui, sous le regard impuissant et attristé de sa mère. Ce soir-là, Anthony ne chercha pas à revenir, mais paniqué et choqué, il appela Lucas. En marchant devant chez lui, sous une pluie battante, un sentiment étrange et contradictoire l’envahit aussitôt. Il se sentait libéré de l’emprise d’un père tyrannique, mais quelque part au fond de lui, il ressentait une grande tristesse pour sa mère, Diane.

À la suite de l’appel d’Anthony, Lucas sortit de chez lui, fit démarrer son authentique Jeep garée sur le parking en contrebas et alla chercher son petit ami sous la pluie battante. Concentré et déterminé, le regard sur la route, ses pensées s’évadaient. Soudain, il fut « frappé » par la conviction intime que rien n’était le fruit du hasard.

 

Il retrouva Anthony dans une rue adjacente de son domicile, trempé jusqu’aux os, vêtu d’un simple sweat à capuche. Il lui ouvrit la portière, le jeune homme s’installa et Lucas démarra en trombe.

 

Arrêté à un feu, Lucas le prit dans ses bras, comprenant l’un comme l’autre le sens de ces derniers événements. Alors, ce fameux soir où Anthony fit son coming out, leur destin fut lié.

 

***