Deux coeurs sinon rien - Nancy Callais - E-Book

Deux coeurs sinon rien E-Book

Nancy Callais

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Beschreibung

Moi c'est Julie, mère de deux enfants fraîchement séparée du papa, jonglant avec les problèmes du quotidien de la vie pour m'en sortir en tant que femme, mère, et employée d'une agence de communication. J'ai frôlé le burn out tout en approchant de la fameuse "crise de la quarantaine" que je prenais pour une légende urbaine, cet âge où vous ne savez plus si vous êtes bonne pour le reconditionnement, le woman-staging, ou tout simplement pour la mise au rebut. Dans mon histoire, j'ai la chance d'avoir une mère bien inspirée qui a déniché un séjour "Reconnexion", un séminaire original avec un type, un certain John, qui promet de vous remettre sur pieds grâce aux chevaux. Je me suis dit "ouah, le cliché américain, hors de question !". Plus de cinq heures de route pour me retrouver dans un mauvais western revisité "Frenchy Girly Club"... bof, très peu pour moi ! Seulement, c'était sans compter sur ma mère et son caractère. Si vous la connaissiez, vous sauriez qu'on ne peut pas lui résister. Alors, je lui ai laissé les enfants et j'ai pris la route, pour ne pas dire Ma Route. Si vous voulez connaître la suite, si vous voulez savoir ce que j'ai découvert, vécu, ouvrez ce livre, tournez les pages, et partez en voyage avec moi, au milieu des chevaux, au milieu des coeurs qui se retrouvent, dans une aventure humaine où l'on découvre son chemin de vie et le champ des possibles.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Sommaire

LE HASARD N’EXISTE PAS

L’HEURE DES CHOIX

RETOUR A LA CASE DEPART

LIBERTE

SE REINVENTER A NOUVEAU

BELOTE ET REBELOTE

FAIS DE TA VIE UN RÊVE ET DE TON RÊVE UNE REALITE

EPILOGUE

NOTES DE L’AUTEUR

Je remercie ma mère, relectrice, correctrice, coach littéraire… bref, la personne sans qui ce projet n’aurait pas vu le jour

Je remercie les chevaux, pour leurs enseignements, leur justesse, leur façon de nous guider

Je remercie tous ceux qui m’aident de l’autre côté pour avancer toujours plus loin sur mon chemin avec amour et bienveillance

Et je te remercie toi, lecteur, d’oser l’aventure avec ce livre que tu tiens entre les mains…

LE HASARD N’EXISTE PAS

Printemps 2010

Quand tout a commencé…

Je m’appelle Julie, j’ai 36 ans et je suis maman de deux enfants, Ethan et Luc qui ont 10 et 8 ans. Séparée de leur papa depuis plus de 6 mois, comme toute jeune maman solo, je jongle entre garder la tête haute et me noyer dans les déprimes de mère débordée par les évènements, le travail, les courses, l’école et les imprévus.

Je sais, ça fait très cliché, mais je vous promets qu’osciller entre imiter Bree de Desperate Housewife et se reconnaître dans Bridget Jones est devenu un sport de haut niveau.

Heureusement, je peux toujours compter sur ma meilleure amie Sarah, son épaule, et accessoirement ses bouteilles de vin pour supporter mes jérémiades et ses kleenex pour sécher mes larmes.

Je connais Sarah depuis que l’on a 15 ans. Nous fréquentions le même centre équestre, notre passion pour les chevaux ayant fait de nous d’inséparables kamikazes.

Jeunes étudiantes, moi en arts plastiques et Sarah dans le commerce, nous avions été colocataires quelques années durant, enchainant soirées, fiestas et conquêtes.

Sarah, fidèle à elle-même, était devenue agent immobilier. Elle s’était spécialisée dans les demeures de luxe et continuait d’afficher un impressionnant tableau de chasse d’hommes plus ou moins mariés, à faire tourner la tête. Elle préférait sa vie indépendante et les restaurants mondains plutôt que les biberons et les couches du soir.

J’avais ensuite rencontré Manuel. De deux ans mon aîné, doté d’un caractère fort et solide. Il m’avait séduite par son assurance et sa stabilité, vous savez, le stéréotype du mec qui dégage le « regarde, tout me réussit, je suis une assurance vie ». J’avais eu ma dose d’aventures sans lendemains, de larmes versées en attendant que mon prétendant de la vieille veuille bien me rappeler, et quand Manuel, l’Homme mature, s’était intéressé à moi, bim ! Je me suis dit « ça y est cocotte, ta vie de Femme peut commencer… »

A peine mariée, j’étais devenue maman, pour mon plus grand bonheur. J’avais abandonné mes aspirations d’artiste pour accepter un travail à mi-temps en tant qu’assistante administrative dans une agence de communication.

Et les années passèrent, au rythme des enfants, des rentrées scolaires, des varicelles et des nez qui coulent, des anniversaires et des vacances, de ces petites choses du quotidien qui nourrissent une routine qui vous enferme et vous grignote petit à petit. Je n’étais pas malheureuse, au contraire, mes enfants me comblaient et ils étaient le centre de ma vie. Cependant, mon mariage, lui, sombrait insidieusement sous les habitudes, les reproches, les non-dits, les frustrations, et mon cœur se flétrissait inexorablement ….

Et puis vint ce jour, celui où vous faîtes le bilan de ce que vous êtes devenue… ou pas. Car même si l’on accepte le passage du temps et la maturité qu’il apporte, il reste toujours cet enfant intérieur qui veut encore rêver et fêter la vie plutôt que de la subir.

Cette femme dans la glace, ressemblait-elle encore à cette jeune fille d’il y a seulement dix ou quinze ans ?

Ces cheveux ternes et négligés, cette mine usée de trop de nuits blanches, ce visage sans maquillage par manque de temps, d’envie... Ce corps, resté pourtant svelte malgré les grossesses, disparaissant sous des vêtements amples et démodés, négligé au profit d’un rôle que la société nous impose de jouer.

Et vous touchez tellement le fond qu’à un moment donné, il y a ce petit sursaut, celui qui vous fait dire « bon, il est temps que je me reprenne en main ! ».

C’est là que ma mère intervient, encore une fois. Elle est tombée sur une publicité qui, selon ses dires plus tard, fut « une révélation salvatrice pour sa fille ! ». Ah oui, et pour l’histoire, car c’est important, ma mère est le pilier de ma vie, celle qui me sauve à chaque fois que je crois que je vais m’effondrer… une « wonder woman » à mes yeux, qui a su élever seule sa fille et devenir une auteure à succès.

Mon père nous avait quittées d’une crise cardiaque quand j’avais sept ans… mais ma mère ne s’était jamais remariée, fidèle à son amour.

Donc je vous disais, elle est tombée sur une publicité inspirante, disant « Angel’s Horses, reconnexion à soi ». Elle vantait des séjours au pied des Pyrénées pour les « amoché(e)s » comme moi, pour se reconstruire, prendre un nouveau départ et blablabla… bref, vu le prix exorbitant et le cliché western des photos, je lui avais ri au nez. Hors de question d’aller camper chez des pseudos cow-boys à la montagne, dans un coin paumé au milieu de je ne sais où, avec une horde de mégères déjantées à la dérive entre le « new-âge » et le pseudo chamanisme...

Ma mère adorait Robert Redford, j’étais sûre qu’elle fantasmait déjà elle-même d’aller séjourner là-bas. Je lui avais même dit « si tu y vas, peut être que je te suivrais ». De but en blanc, elle m’avait répondu « et qui va garder les enfants ? ».

Je n’aime pas quand elle fait ça, toujours tout ramener au côté pratique et terre-à-terre de la chose !!!!!

Puis j’ai frôlé le burnout, tant professionnel que personnel… et je me suis dit que j’avais atteint mes limites, ou même que je les avais dépassées.

Je voulais être seule, partir loin, sans contraintes, sans obligations, sans timing, sans réunions, ni linge, ni ménage, couper avec les horaires d’écoles, des rendez-vous…

Alors je finis par accepter sa proposition et elle m’avança l’argent, ravie que je passe le pas.

Maintenant que vous savez l’essentiel, je vais vous raconter mon histoire.

Dimanche 25 avril 2010…

Je roulais doucement entre les plaines du piémont pyrénéen, admirant les prairies colorées d’un vert tendre chaleureux. On voit souvent ces images dans des films, dans des photos, mais on ne peut imaginer à quel point c’est encore plus beau en vrai. J’avais quitté l’autoroute à Carcassonne, après trois heures de conduite monotone. À ma gauche, les montagnes des Pyrénées scintillaient de leurs dernières neiges et je suivais une longue route qui serpentait au milieu de ruisseaux et de prairies où paissaient tranquillement des vaches avec leurs jeunes veaux.

La fenêtre ouverte, une brise printanière caressait mes joues encore humides d’avoir trop pleuré. Les heures qui avaient défilé sur le bitume n’avaient cessé de me rappeler chaque scène, chaque mot, chaque flèche que Manuel m’avait envoyés consciemment ou inconsciemment, et qui m’avaient poussée à partir. Cinq ans, il m’aura fallu cinq ans pour accepter l’idée que sa conception de l’amour n’était décidément pas la mienne. Cinq ans pour comprendre qu’aimer, ce n’était ni détruire, ni blesser, ni rabaisser… et me voilà face à cet avenir terrifiant, celui où j’élève seule deux enfants et où j’accepte l’échec de mon couple.

Le soleil se rapprochait de plus en plus de l’horizon et j’espérais arriver avant la nuit tombée. Mon GPS m’indiquait encore une demi-heure de route avant la destination pour… je l’espérais, ce qui allait changer ma vie, me remettre d’aplomb, me redonner la force d’avancer.

Les vidéos que j’avais trouvées d’Angel’s Horses, racontaient que son propriétaire faisait des miracles sur les âmes blessées et meurtries. Une espèce de thérapie par les chevaux, créée par un John Worth venu tout droit de l’ouest américain. Un modèle qui devenait à la mode en France, avec des nouvelles structures qui poussaient comme des champignons.

J’adorais les chevaux, c’était déjà ma passion lorsque j’étais plus jeune mais j’avais arrêté de monter quand j’étais tombée enceinte de mon premier enfant… comme beaucoup d’autres choses, j’avais laissé derrière moi ce qui faisait mon identité, pour essayer de devenir la mère et l’épouse parfaites que je pensais devoir exhiber en société.

J’angoissais malgré tout à l’idée de confier mes humeurs à un homme, un inconnu, sûrement bourré de principes américains… j’avais dit à ma mère « comment veux-tu qu’un homme puisse comprendre une femme qui vient justement se plaindre de son couple ? »

Est-ce que seulement les femmes et les hommes parlaient le même langage ? L’un et l’autre pouvaient-ils réellement se comprendre, s’harmoniser ? Plus j’avançais en âge, plus je comprenais les couples qui vivaient séparément, juste pour se retrouver dans des moments de partage simples, sans pollution des contraintes matérielles du quotidien. Pas de disputes sur le ménage, sur les repas, de qui fait quoi, de qui fait plus et qui fait moins…

Comme tout le monde, j’avais grandi bercée par les « et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Avoir beaucoup d’enfants c’était facile ! enfin… en général. Vivre heureux et les élever, c’était une autre histoire…

Que l’on ait quinze, trente, quarante ans ou plus, on reste avec ce secret espoir, comme une marque indélébile, que vivre à deux veut dire éternellement soirées coquines, rires aux larmes, mots doux et caresses, longues discussions passionnantes... Puis cet espoir s’érode avec le quotidien, et le film que l’on avait en tête devient un mélodrame. On passe des soirées à cacher les pleurs, les frustrations, les déceptions… pour cohabiter avec l’autre sans plus rien en attendre.

Et pourtant, il restait encore une lueur, là, bien cachée au fond de moi, celle qui me disait que je n’étais pas encore « foutue » ou « bonne à mettre au rebut ». J’aspirais encore à mettre des paillettes dans ma vie, des papillons dans mon cœur et des sourires sur mes lèvres. Si je n’étais plus assez bien aux yeux de Manuel, je pouvais, je devais le redevenir aux miens.

J’allais là-bas surtout pour me reposer, faire un arrêt sur image, me retrouver et fuir quelques temps ma routine, mes journées monochromes manquant d’un peu de piquant.

J’avais réservé le séjour complet, trois semaines en immersion, mais à bien y réfléchir ça faisait quand même long sans les enfants... allais-je tenir jusqu’au bout ? Je n’étais jamais partie seule, aussi longtemps, loin de mes repères, de mes habitudes. Je voulais de l’aventure, sortir de ma zone de confort, j’allais être servie…

Le soleil avait complètement disparu quand je m’engageai dans une allée perdue au beau milieu de nulle part. Il ne restait qu’une faible lueur dans le ciel mais je pouvais distinguer des prés à droite et à gauche qui abritaient des chevaux de toutes tailles et de toutes robes, dans un havre de paix où l’harmonie transpirait de chaque arbre, chaque feuille, chaque bruissement. J’arrivai enfin face à une immense maison en bois, toute en beauté, au bout d’une allée de sapins.

Je me garai devant l’entrée et j’allai frapper à la porte.

Une femme d’une cinquantaine d’années, plutôt ronde, vint ouvrir la porte. Ses yeux et son visage trahirent un certain étonnement :

- Oui, bonjour, c’est pour quoi ?

- Je suis Julie, je viens pour le séjour « Reconnexion » …

Devant sa mine étonnée, je commençai à me décomposer, estce que je m’étais trompée de lieu ?

Ce n’était pas la bonne date ???

- Enchantée Julie, je suis Mag. Je suis vraiment navrée mais vous n’avez pas vu vos mails ?

- Non, pourquoi ?

- Le séminaire a été annulé. John vient d’avoir un gros souci et ne pourra pas honorer cette session.

J’étais dépitée mais aussi très en colère. Je venais de faire plus de 6 heures de route, hors de question de faire le retour alors que j’avais remué ciel et terre auprès de mon patron pour me libérer ces 3 semaines.

J’explosai de déception, de frustration.

- Non, je n’ai jamais eu de mail d’annulation. C’est inadmissible, j’ai payé l’acompte, je viens de faire plus de 6 heures de route, j’ai posé des congés sans solde, j’ai fait venir ma mère pour garder mes enfants… et je suis venue pour trouver des solutions… non, peu importe, je suis là, je reste là, je n’en ai rien à faire qu’il y ait séminaire ou non !

- Je suis vraiment navrée, mais nous ne pourrons pas vous proposer les animations qui étaient prévues.

- Ce n’est pas un problème, je suis ici et j’y reste. Je serai juste comme « une locataire » si vous voulez, mais je vous en prie, laissez-moi rester.

Je n’en revenais pas. Moi qui me croyais timide et qui ne savais pas dire non, je crois que les litres de larmes versées et le mal aux fesses causé par les heures de route avaient eu raison de mes bonnes manières…

Mag m’observa quelques secondes. Elle ne laissa paraître aucun signe d’agacement, au contraire, elle semblait davantage exprimer de la compassion.

- Eh bien, je peux quand même vous proposer de loger dans le chalet qui vous était réservé. Il est prêt.

Elle revint à l’intérieur chercher une clef et me la tendit.

- Vous prenez à gauche et à 50 mètres vous trouverez le chalet appelé « Angel’s Two ». Revenez dans une heure, je suis en train de préparer à manger. Je vous offrirai également le petit déjeuner et demain vous pourrez aller faire vos courses.

- Cela me convient, merci encore.

Je remontai fièrement dans ma voiture, comme si j’avais gagné le saint Graal… Comment expliquer calmement qu’il était hors de question de rentrer chez moi alors que j’attendais cette « parenthèse » comme si ma vie en dépendait.

Quelques minutes plus tard, je trouvai un chalet en bois d’une cinquantaine de mètres carrés. La serrure grinça et en allumant la lumière je découvris une ambiance très sobre, très, mais alors très boisée… à croire que le bois était gratuit dans le coin !!!

Tout y était conçu pour un esprit très cocooning. J’étais ravie, le prix quoiqu’exorbitant était finalement peut-être justifié. C’était propre, ça sentait bon, une petite cuisine ouverte avec l’essentielle machine à expresso se prolongeait sur le salon avec un canapé apparemment bien confortable et une TV. La chambre avec un grand lit et même des placards donnait sur une salle d’eau ambiance scandinave. Toutes les fenêtres donnaient sur la nature, les arbres… Que j’allais être bien… Je m’allongeai sur le lit pour tester la dureté du matelas. J’allais vite oublier pour un temps les cris des enfants et mon appartement…

Je pris le temps de décharger la voiture et de défaire mes valises, sentant que j’allais vite m’acclimater aux lieux. Je m’assis quelques minutes sur le canapé pour consulter mon téléphone. Aucun mail reçu d’annulation. Je ne comprenais pas. J’ouvris finalement la boîte « courrier indésirable » et là, je découvris, entre les publicités, le fameux mail qui annonçait l’annulation du séjour… J’eus soudain honte mais j’étais trop épuisée pour chercher comment m’excuser auprès de Mag. Un petit message à ma mère pour prévenir que j’étais bien arrivée et pour prendre des nouvelles des enfants, et me voilà repartie à pied vers la maison d’accueil à la lueur de lumière de mon téléphone. Il commençait à faire frais mais c’était plutôt agréable.

Mag m’accueillit chaleureusement et m’invita à la salle à manger. La maison, contre toute attente, était très moderne, ambiance loft industriel, décorée avec goût. Il y avait déjà un jeune homme à table, d’une vingtaine d’années, les cheveux ébouriffés et le teint hâlé par le soleil.

- Bonjour, je m’appelle Thomas, je suis le palefrenier du domaine.

- Enchantée, moi c’est Julie.

- Asseyez-vous, j’arrive, cria Mag depuis la cuisine.

Je pris place face à Thomas et Mag posa une marmite bouillante d’une soupe manifestement faite maison.

- Je vous remercie encore de me laisser rester. Je sais que cela peut paraitre incompréhensible, mais je ne pouvais pas faire demi-tour ce soir. J’attendais tellement de ce séjour que lorsque vous m’avez annoncé qu’il était annulé, j’étais désespérée.

- Ne vous inquiétez pas, je comprends.

Mag dégageait une certaine sérénité maternelle, de la douceur, et à en croire ses dons culinaires, elle devait être la femme dont tout homme rêvait. Un condensé de sagesse et de bienveillance dans un regard aux couleurs de la terre.

- Et puis ça ne ferait pas de mal que John s’occupe, sinon ça va devenir infernal ici, commenta Thomas.

- Que s’est-il passé ? Osai-je demander presque en murmurant. Je me demandais quel mystère pouvait bien se cacher derrière cette annulation de dernière minute.

Mag se tourna vers moi, un peu gênée :

- Il vient de perdre quelqu’un.

- Je suis navrée.

Je continuai de tremper ma cuillère dans la soupe, ne sachant plus où me mettre. J’avais fait un « caca nerveux » pour passer des vacances dans un ranch « new-age » alors que le propriétaire était en deuil.

- Mais ne vous en faites pas, ça ira pour lui, me rassura poliment Mag.

- Sauf s’il continue d’écumer les… je sentis Mag donner un coup de pied sous la table.

- Chacun ses affaires, s’il te plaît.

Pour briser le malaise, je changeai de sujet.

- Et vous êtes de sa famille ?

- Non, pas du tout. Je suis à la fois intendante, femme de ménage et cuisinière du domaine depuis une douzaine d’années. Thomas est mon fils. Quand j’ai quitté son père, John m’a embauchée ici et nous a offert un toit.

- Vous vivez tous dans cette maison ?

- Non, John a son propre chalet, juste après celui où vous êtes installée, il est un peu plus grand que le vôtre.

- Et vous faites quoi dans la vie ? Demanda Thomas alors que Mag allait chercher la suite.

- Je suis assistante dans une agence de communication.

- Ça a l’air passionnant. Répondit-il poliment mais sans conviction.

Mag nous servit un magnifique risotto aux cèpes, je compris rapidement pourquoi elle avait été embauchée.

- Et vous avez des enfants ?

- Oui deux, des garçons, 10 et 8 ans.

- Les garçons, ils font tourner la tête des mamans mais après ils ne peuvent plus s’en passer ! Ironisa Mag.

Le repas se finit en discussion autour de la parentalité et des aléas des mamans, accompagné d’une touche de tiramisu lui aussi fait maison.

Ne pouvant avaler une bouchée de plus, je remerciai mes hôtes pour leur accueil et le délicieux repas et retournai à mes pénates. Je trouvai finalement que mon chalet n’était pas assez loin pour finir de digérer tout ce que j’avais mangé, j’aurais bien marché quelques minutes de plus. Heureusement que j’avais ma propre cuisine pour préparer mes futurs repas, car après trois semaines de pension chez Mag, il aurait fallu me trouver un séjour « cure minceur » en suivant...

En passant le pas de la porte, je fus saisie par le calme de mon nouveau petit nid. Un silence total, un instant suspendu comme je n’en n’avais plus connu depuis des années. Pas de cris, pas de disputes, pas de « maman !!! » …

Je pris une bonne douche bien chaude et profitai avec délectation de ne pas avoir à me battre pour avoir la télécommande et choisir mon film.

Je dus m’endormir devant la télé car je me réveillai en pleine nuit encore sur le canapé. Un bruit infernal à l’extérieur avait interrompu mon sommeil. En colère mais aussi inquiète, j’attrapai mon gilet et mes chaussons pour aller découvrir dehors ce qui causait autant de tapage.

A quelques mètres seulement, la terrasse du chalet voisin était allumée. Deux hommes aidaient un troisième à s’installer sur une chaise longue. Ils riaient et chantaient. Il était évident que la fin de soirée avait été trop arrosée. Ils laissèrent leur ami qui s’était manifestement endormi après l’avoir couvert chaudement. Ce devait être mon voisin comme avait dit Mag.

Je ne voyais pas vraiment leurs visages, j’étais trop loin. N’ayant pas du tout envie de passer pour une indiscrète impolie, je retournai discrètement chez moi.

Choquée, je ne savais pas si je devais en rire ou en pleurer. Le fameux, le célèbre John, le « thérapeute » du siècle, n’était finalement qu’un sale ivrogne fêtard et de toute évidence un vieux célibataire négligé… dans quoi je m’étais encore fourrée ? J’aurais peut-être dû faire demi-tour !

Je devais reprendre mes esprits, après tout, il venait de perdre sa femme ou sa mère ou peut-être un enfant… que sais-je ? Il était peut-être normal de noyer son chagrin.

Je décidai de remettre au lendemain les suppositions interminables qui tournaient dans ma tête, et me glissai sous l’édredon pour m’enfoncer dans les bras bienveillants de Morphée.

Lundi…

Je n’avais pas programmé mon réveil et, quel bonheur de se réveiller quand le corps l’avait décidé. Le soleil était déjà bien haut quand j’ouvris les fenêtres du salon. En fouillant les tiroirs de la cuisine, je découvris qu’il restait encore quelques capsules de café et j’avais encore quelques gâteaux du voyage de la veille. Merci la vie ! Comme quoi, aujourd’hui, il en fallait peu pour me satisfaire !

Pendant que la machine chauffait, je pris rapidement une douche et enfilai jeans et baskets, pressée d’aller boire mon café sur ma petite terrasse.

Une fois dehors, la vue qui s’offrit à moi était époustouflante. Les parcs des chevaux, les montagnes en arrière-plan, d’infinies nuances de vert dans les forêts et les champs alentour et des odeurs bien réelles, pas sorties tout droit des diffuseurs ou autre parfum synthétique... des odeurs oubliées de terre, de bois, d’herbe fraîche, de fleurs printanières...

Il me revenait en mémoire les senteurs de la nature lorsque j’arpentais autrefois la campagne autour de la maison familiale, à la recherche de l’inspiration pour mon prochain dessin. Ce petit instant nostalgique m’amena à me demander pourquoi notre cerveau range si bien et si loin ce qui nous met en joie quand on est enfant !

Un peu en avant sur ma droite, il y avait déjà du monde au travail. Une fois mon petit-déjeuner avalé, je m’approchai et vis Thomas aider un autre homme à emmener un cheval apparemment récalcitrant et nerveux dans le rond de longe.

- C’est bon, lâche-le Thom, laisse faire.

Thomas décrocha la longe du cheval et s’empressa de passer la barrière. Le cheval, toujours aussi énervé, faisait des tours au galop en mettant gaiement des coups de cul.

C’est là que celui que je ne connaissais pas encore m’aperçut :

- Et là, qui vous êtes-vous ? Vociféra-t-il.

Il était plus grand que Thomas, brun, assez bien bâti, et sans son air de rustre grincheux, j’aurais pu dire qu’il était beau garçon, une petite quarantaine apparemment. Puis son visage me dit quelque chose. Plus il se rapprochait, plus j’étais persuadée que c’était l’homme que j’avais aperçu cette nuit sur la terrasse du chalet voisin.

- Il s’agit de Julie, l’apostropha Mag que je n’avais pas vue arriver, avant que je n’aie pu dire quoique ce soit.

Il se tourna alors vers elle et s’énerva davantage.

- Tu m’avais dit que tu avais annulé la session. Qu’est-ce qu’elle fait ici ? Je te l’ai dit, je ne veux plus de ces bonnes femmes chez moi. Je ne veux plus faire ça, qu’elles aillent se plaindre ailleurs de leurs petits soucis de bourgeoises des villes.

Je n’en croyais pas mes oreilles. On était loin du prospectus « Reconnexion avec soi, reprenez confiance en vous et reprenez les rênes de votre vie. »

J’étais exaspérée moi aussi et j’explosai :

- Vous êtes gonflé, un ivrogne qui ne tient plus debout et qui prend 3 000 euros à des « bonnes femmes » pour un séjour soidisant « bien-être dans la bienveillance » … heureusement que vous arrêtez de faire ça, je regrette juste de ne pas avoir été prévenue à temps. Sinon, je prends bien moins cher pour vous apprendre la politesse ! J’ai payé, je n’ai pas encore été remboursée et je ne le demande pas. Je suis là, et je compte bien rester jusqu’à la fin du séjour, que cela vous plaise ou non. Et de la part de toutes les bonnes femmes, de ces bourgeoises des villes comme vous dites, on vous emm…

Sur ce, je tournai les talons et retournai vers mon petit nid douillet, bouillonnante de rage mais surtout rouge écrevisse car je n’avais jamais osé parler comme ça auparavant. Mais à vrai dire, ça faisait tellement de bien… Comme quoi, l’air sauvage me transformait déjà !

John la regarda s’éloigner, perplexe et intrigué.

- Je savais qu’elle te plairait à toi aussi, plaisanta Mag dans son dos.

Il bougonna quelque chose dans sa barbe de plusieurs jours.

- Qu’est-ce que tu dis ? Lui demanda-t-elle.

- J’ai du boulot, mais elle peut rester là si elle le souhaite vraiment.

- Comme si elle t’avait demandé la permission ! Ironisa-t-elle.

Le printemps a toujours été ma saison préférée. Symbole du renouveau, le cycle perpétuel de la vie qui recommence, les bourgeons qui fleurissent, les papillons peints aux mille couleurs qui s’envolent pour la première fois, les oiseaux qui chantent… Même si la journée avait mal commencé, je n’allais pas laisser cet énergumène me gâcher l’aventure. J’avais décidé que j’avais trois semaines pour me reprendre en main, pour devenir une nouvelle femme, et hors de question de laisser encore un homme me faire perdre de vue mes objectifs ! Et mes 3 000 euros !!

Je pris la voiture et partis en exploration pour trouver une supérette et faire quelques courses. Il fallut bien 30 minutes de routes étroites et sinueuses pour rejoindre la civilisation. Je me demandais comment les gens d’ici faisaient…

Le premier village n’avait rien à voir avec mon univers habituel. A ce que j‘en vis, le « centre-ville » se résumait à une pharmacie, une poste, une petite supérette, un magasin de bricolage et de produits pour les jardins, une boutique de vêtements, un coiffeur et quelques boutiques de souvenirs encore fermées pour les touristes que l’été n’allait pas tarder à amener.

Autour de la place centrale, l’inévitable bar-tabac faisait face à un restaurant dont la terrasse s’étalait sous les platanes qui offriraient bientôt leur ombre bienveillante.

J’entrai dans la superette, au moins je n’allais pas me ruiner en courses inutiles. Aucune tentation, que des produits de première nécessité, sans pléthore de choix. Je finissais la découverte du rayon frais quand je tombai face à un miroir. La femme qui me scrutait me parut soudain une inconnue. Ma queue de cheval montrait le peu de temps que j’avais pris pour me coiffer… pas de maquillage, un vieux sweat qui devait avoir 15 ans de bons et loyaux services, un jeans sans conteste bien trop grand… Depuis quand avais-je cessé d’être Femme ? Depuis combien de temps je ne m’étais pas maquillée, habillée correctement, je n’avais pas pris le temps d’aller chez le coiffeur…

Mon cœur se mit à battre plus fort, je me sentis prise de panique. Qui étais-je ? Qui est-ce que je voulais être ? Avais-je envie de renvoyer une image aussi sordide que celle de John cette nuit ? Car j’avais beau le juger, je ne valais peut-être pas mieux que lui, moi et mes belles paroles.

Je reposai alors toutes mes courses. Ça pouvait bien attendre quelques heures de plus.

Je revins en arrière et m’arrêtai chez le coiffeur. Il n’y avait pas foule, juste un homme qui se faisait couper… je ne sais pas quoi car il n’avait déjà plus beaucoup de cheveux sur le caillou.

- Que puis-je faire pour vous ? Demanda la jeune coiffeuse qui devait tout juste sortir de l’école.

- Une coupe et des mèches c’est possible ?

J’étais châtain clair. On commençait à voir quelques cheveux blancs et cela faisait des mois que je voulais m’en occuper et que je me promettais de prendre rendez-vous la semaine prochaine….

- Asseyez-vous, je suis à vous dans un quart d’heure.

Je pris un magasine en attendant, au moins j’avais les news people… d’il y a deux ans…

Il fallut deux heures et demi de travail intensif de la coiffeuse pour mon chantier. Mais ça en valait la peine. Je pris enfin plaisir à regarder mon reflet dans le miroir. J’étais encore assez jolie finalement… et mes yeux bleus reprenaient vie. C’était un bon début pour mon programme « Renaissance ».

Ensuite, direction la boutique de vêtements. Je ne pouvais même pas dire de quelle mode il s’agissait... Mais sous les conseils de la vendeuse, je trouvai des choses à mon goût et des jeans qui me mettaient davantage en valeur.

J’avais l’impression d’être déjà une nouvelle femme !

Je retournai à l’épicerie et fis le plein pour la semaine, je n’avais aucune envie de revenir tous les jours aussi loin.

C’était déjà la fin de l’après-midi quand je rentrai au domaine. J’allais ouvrir ma porte quand je découvris un livre posé sur mon paillasson. « Les cinq blessures qui empêchent d’être soimême » de Louise Bourbeau. J’avais entendu parler de ce livre. J’ouvris la première page et un papier tomba à terre. En le ramassant, je pus lire le message qu’il cachait : « Bienvenue. J. »

Finalement, mon voisin devenait une énigme.

Mon repas en solo ne fut pas aussi gai que je ne l’aurais espéré. Bizarrement, trop de silence… tue le silence. Les cris des enfants allaient-ils déjà me manquer ?

Je pris alors le téléphone et profitai de ce moment pour leur demander de me raconter leur journée. Je ne réussis pas à dire à ma mère que le séminaire était un échec, je me contentais de lui décrire les paysages, le chalet et mon arrivée la veille.

Enfoncée dans mon canapé, j’attaquai la lecture offerte par ce fameux John. Mais alors que la soirée était bien entamée, le bruit d’une voiture s’arrêtant devant ma porte me fit lever les yeux et quelqu’un frappa à ma porte.

Quand j’ouvris, un nouveau John, méconnaissable, me faisait face. Rasé, habillé comme s’il sortait, parfumé sûrement beaucoup trop… il me dévisagea de la tête aux pieds, et avec un rictus même pas déguisé il ordonna :

- Demain, huit heures devant la carrière. Bonne soirée.

Il ne me laissa même pas le temps de répliquer et remonta dans sa voiture.

Je refermai la porte et en voyant la glace en face de moi, j’eus moi aussi envie de me moquer. Un « pilou-pilou » rose bonbon à petits pois, des chaussons en forme de lapins que m’avaient choisis mes enfants…

Évidemment, je ne ressemblais à rien, je faisais bien rire.

Mardi…

Le réveil sonna à sept heures, j’étais toute excitée de connaître le programme de la journée. Allais-je avoir des cours privés ? Un programme sur mesure ? Un séminaire pour moi toute seule ? Ce n’était pas si mal, au moins je n’avais pas à me soucier de bien m’entendre avec les autres participantes ni de me forcer à faire la causette.