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Alors qu'à dix-sept ans, je croyais maîtriser parfaitement mon métier de pirate informatique, j'ai malencontreusement accepté ce qu'on pourrait appeler "la mission de trop", et accidentellement fait kidnapper la fille dont je suis amoureux. Je vous l'accorde, il y a (beaucoup) mieux comme technique de drague. Une anecdote qui aurait été sympa à raconter à nos enfants, mais pour ça, encore faut-il qu'on survive jusque là, car pour la libérer, la seule solution que j'ai trouvée est quelque peu radicale...
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Seitenzahl: 126
Veröffentlichungsjahr: 2023
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« On ne devrait écrire des livres que pour y dire des choses qu’on n’oserait confier à personne. »
Cioran, De l’inconvénient d’être né , 1973
Chapitre 1 : Adrénaline
Chapitre 2 : Chapitre 1
Chapitre 3 : Déménagement
Chapitre 4 : Retour à la vie normale ?
Chapitre 5 : J’ai pas fait exprès !
Chapitre 6 : Evasion
Chapitre 7 : Tic-Tac
Chapitre 8 : Vivre dans un rêve
Chapitre 9 : Agent double
Chapitre 10 : Contrôle Fiscal
Chapitre 11 : Intervention
Chapitre 12 : devenir un héros
Il faut impérativement commencer par-là : un héros, que ce soit dans un film d’action ou à l’Antiquité, est celui qui montre assez de courage pour résoudre les problèmes des siens de manière désintéressée. C’est un idéal de générosité et d’altruisme : il s’adonne corps et âme à une cause, au point de mettre sa propre vie en danger. Il lutte même contre le Crime, c’est-à-dire toute forme de préjudice que des individus exercent volontairement ou non sur une victime innocente : c’est donc un homme juste. Voilà, maintenant que vous avez Spider-Man en tête, vous pouvez commencer votre lecture. Cependant, il existe des héros plus ordinaires, qui nous côtoient même dans la vie de tous les jours. Moins courageux mais peut-être mieux éduqués, ils n’en demeurent pas moins altruistes et justes. À l’échelle d’une cour de récréation, cela revient à dénoncer un cas de harcèlement, ou même à prêter son gouter à son voisin de classe affamé qui a raté la cantine et qui a deux heures de transport pour rentrer chez lui. Aussi, tout le monde peut devenir un héros. Il est même possible que beaucoup le soit déjà, ou l’ait été. C’est une merveilleuse nouvelle ! Ce qui m’inquiète, c’est l’impasse dans laquelle se trouve ce héros à cause de deux problèmes. Le premier est d’une banalité frappante : on se dit qu’être un héros est possible, et comme cela offre une reconnaissance sociale non déplaisante, être un héros devient un objectif, on veut faire le bien, mais on le fait égoïstement, et alors on ne coche plus la case du désintéressement, qui est nécessaire pour être un héros véritable. Autrement dit, on n’a plus de goûter et on n’est pas au Panthéon non plus, car donner son goûter ne représente plus aucun sacrifice, il s’agit d’un échange de bons procédés : un pain au chocolat contre ta reconnaissance. On comprend bien que s’il nous faut autant de pains au chocolat que d’élèves pour se faire adorer, on est loin du but. Cependant, supposons que vous soyez véritablement altruiste. Vous tombez amoureux. Vous vivez l’amour pur au point que se produit ce que Kant appelle le décentrement : il nait un nouvel être, le nous, autour duquel gravite l’objet de votre passion et vous-même. Vous êtes alors confronté au deuxième problème, bien plus sérieux : vous voulez, pour la première fois de votre vie sans doute, le bien de quelqu’un d’autre, et vous vous dédiez alors autant que vous le pouvez à l’autre, vous vous oubliez presque vous-même, trop occupé à voir grossir le « nous » autour duquel vous tournez. Vous le sentez venir : vous croyez être un héros, vous faites des sacrifices comme un héros, vous faites tout pour l’autre, mais le problème, c’est qu’en faisant ça, votre valeur ne dépend plus que de l’autre, puisque c’est lui qui à travers le « nous » perçoit le fruit de vos actions, et vous, vous ne touchez qu’une commission sous forme de reconnaissance après tant de travail acharné ! Vous vous effacez, en pensant que ceci est au profit de l’autre. Cependant l’autre est tombé amoureux de vous, et pas de « nous », et donc il est désormais amoureux de quelqu’un qui n'a plus de valeur en soi, qui n’agit plus pour lui-même, et tout se retrouve totalement vain. C’est la raison pour laquelle je voulais appeler ce livre : Le Crime des Héros . Un titre bien plus poétique, mais qui trahirait une sorte de pessimisme existentiel quant à la possibilité de développer des relations saines, avec les autres et même avec soi-même… Pessimisme selon moi exagéré. Je crois en effet avoir trouvé une solution. Ce qui ressors avec le mot héros, c’est l’idée de reconnaissance. Or, on a tendance à mesurer la grandeur d’un héros via le nombre de gens qui lui sont reconnaissants. Si Spider-Man est un héros, c’est parce que New York entière lui doit énormément. Si l’idée de nombre est incompatible avec une relation amoureuse, je pense qu’il est possible de se contenter d’être le héros d’une seule personne, à condition d’être certain de sa reconnaissance et de sa fascination, car cela revient à être certain qu’on est à la hauteur, et donc nous permet de croire l’autre et donc en « nous ». Une leçon que j’ai apprise à mes dépends.
L’histoire que je vais vous raconter n’a rien d’une autobiographie. C’est une fiction créée par un cœur amoureux, un cœur rempli et vide en même temps puisqu’il est rempli d’espoir mais insatiable, et donc jamais plein, voire vide quand la frustration et le manque, peines courantes en amour, pointent le bout de leur nez. Comment être à la hauteur ?
Le vent sifflait tout autour de moi et la pluie plaquait mes cheveux sur mon front. Les lampadaires de la rue au loin illuminaient à peine les rails, aussi j’avais sorti une petite lampe de poche, dont la manivelle grinçait quand je la tournais pour recharger la batterie, et qui n’éclairait que les quelques mètres qui apparaissaient devant moi à mesure que je progressais dans ce tronçon désaffecté.
Il faisait nuit noire, et mes gants ne me protégeaient que très peu du froid mordant du mois de mars parisien. J’avançais donc péniblement entre le gel et le brouillard, et chaque pas était plus difficile que le précédent. Je m’imaginais des choses réconfortantes, comme une douche chaude, une soirée devant la cheminée, mais je ne sais pas si ça me réconfortait où me poussait au contraire à me rouler en boule par terre et à dormir pendant les dix prochaines heures, abrité dans l’un des interstices de secours creusés dans le mur en pierre qui bordaient la voierie. Mon corps tout entier était transi par le froid et je sentais mes muscles se raidir au fil des mètres. La radio dans mon oreillette répétait tous les 50 mètres d’une voix insupportable « arrivée imminente, danger ». Je n’avais pas réussi à activer le mode « distance » dans les annonces, ce qui m’aurait permis de suivre ma progression précisément, si bien que je devais retenir le nombre de fois que j’entendais le message pour connaitre le nombre de mètres que j’avais parcourus, et donc la distance qui me restait encore à franchir. Ce qui avait été considéré comme un détail mineur, une contrariété minime, et, en somme, rien d’insurmontable au moment de la préparation de l’opération ; occupait désormais toutes mes pensées. Il fallait faire une multiplication et une soustraction, deux opérations certes élémentaires mais qui devenaient très pénibles avec les conditions dignes de la Sibérie orientale dans lesquelles je me trouvais. Je n’ai bien sûr jamais mis les pieds en Sibérie, mais c’est une région qui a le pouvoir de donner froid ne serait-ce qu’en entendant son nom. Tout ça pour dire que j’aurais dû lire la notice de la radio.
Il me restait, si j’avais bien compté, encore cinquante mètres à parcourir. Les deux kilomètres deux cent cinquante, soit quarantecinq annonces depuis l’arrêt de train m’avaient exténué, et je sentais mon cœur s’accélérer car je savais que j’étais très proche du but. Je n’aurais pas été contre une petite coupure publicité, histoire de me laisser quelques minutes de repos. Mais dans la vraie vie on est malheureusement tout le temps en direct, et j’étais déjà bien trop en retard sur mon objectif pour faire une halte. De plus la perspective d’en avoir enfin fini avec les annonces monocordes dans mon oreillette laissait entrevoir un bonheur que j’étais trop pressé d’éprouver. J’ai ouvert mon sac, pris deux munitions, une gorgée de boisson énergisante qui fit palpiter dans mes oreilles mon cœur déjà à mille à l’heure, coupé le signal de ma radio, sorti mon pistolet et vissé le silencieux avant de le glisser dans ma poche arrière avec les cartouches. L’adrénaline me réchauffait et aiguisait mes sens, et je suis reparti au pas de guerre vers mon objectif. Je reconnaissais les lieux désormais, je les avais vu sur une carte électronique. Exactement, comme dans les films d’espions, au détail près que là, le problème, c’est que je n’avais plus de batterie à cause du froid donc tous mes gadgets étaient inutilisables. Je me suis élancé sur le qui-vive vers une trappe en métal grise qui était mal dissimulée dans la paroi de briques sombres du chemin de fer. La pluie me demandait un effort surhumain à ce stade de la mission : il fallait que j’escalade le mur glissant et que je me stabilise à environ trois mètres de haut pour ensuite dévisser un à un les boulons rouillés de la trappe qui s’écraseraient ensuite sur le sol dans un affreux tintamarre, le même qui justifie l’interdiction des règles en fer en classe, sauf que là la règle est une plaque de deux mètres de côté. De plus l’alarme à l’intérieur m’interdisait de perdre du temps à sauver la dalle de métal avant qu’elle ne touche le sol. Il fallait agir vite donc, et je jugeais qu’un bruit de métal sur un chemin de fer abandonné attirerait moins l’attention qu’une alarme dernier cri.
Au moment de faire tomber le dernier boulon, les jambes engourdies et la nuque raide à force de se pencher dans tous les sens, la trappe émit un clic métallique, manqua de me renverser, et dans un grincement à en donner des frissons, sorti de son cadre pour aller s’écraser trois mètres plus bas sur un amas de gravier de chemin de fer. Le bruit était assourdissant et raisonnait dans la salle dans laquelle je m’étais engouffré. Il faisait très sombre, et mes doigts fébriles tenaient à peine mon tournevis, si bien que j’eue toutes les peines du monde à le planter dans le boitier de l’alarme, probablement quelques secondes avant qu’elle ne se déclenche. Une lampe à pétrole était posée dans un coin près de l’entrée, et lorsque je l’ai allumée, je suis tombé face à une flaque d’eau géante. J’avais les mains tremblantes à cause du froid, le nez et les joues brulées malgré ma cagoule, mon pantalon était déchiré, mon manteau était couvert de crasse de paroi de chemin de fer désaffecté et j’étais épuisé. J’avais l’air d’avoir passé les dix dernières années à arpenter les rails. Pourtant tout semblait trop facile, je savais exactement où je devais chercher maintenant. Les planques du cartel étaient toutes les mêmes, et je n’étais pas à ma première expérience. Elles faisaient la taille d’un container maritime, et permettaient de stocker des armes et des substances illégales. Comme les barons de la drogue sont toujours paranos, chaque planque est dotée d’un système d’alarme, dont la commande est dissimulée sur un compteur d’un gigantesque panneau électrique qui sert à justifier la présence de la trappe. En effet, par précaution, au cas où des promeneurs décideraient de venir se balader un dimanche ensoleillé dans un chemin de fer désaffecté et de dévisser les plaques métalliques sur la paroi de gauche, il fallait qu’il ne trouve qu’un placard électrique, et non des fusils d’assaut russes, une douzaine de milliers d’euros et une trentaine de kilos de cocaïne. Ainsi, à la manière d’un placard à double fond, lorsque l’on pousse l’étagère de droite, le panneau électrique se déclipse, et il pivote comme un coffre de banque de milliardaire, pour laisser passer un visiteur d’une taille réduite vers le reste du container.
L’air se faisait rare dans la deuxième partie du container, et un drap opaque en tissu avait été étendu le long de la cloison qui séparait la chambre secrète du reste du monde. Ce détail était pour le moins inhabituel. J’ai hésité à le tirer d’un coup sec, de peur de déclencher une alarme supplémentaire, alors j’ai simplement rapproché ma lampe à pétrole le plus près possible du tissu pour essayer de voir à travers. J’ai étouffé un cri d’effroi quand j’ai entendu de l’autre côté du rideau un bruit métallique, comme si on déplaçait quelque chose, ou plutôt que quelque chose, ou quelqu’un, se déplaçait à l’intérieur du container. Et tout à coup le rideau tomba et je me suis retrouvé nez à nez avec un matou gris foncé dont les yeux verts brillaient grâce à la lumière de ma lampe. J’insiste sur le terme matou, car ce chat de quinze kilos, à vue d’œil, n’avait rien d’un chat sauvage errant, ou alors il était très bon chasseur… Il avait tout l’air d’un chat kidnappé, dont on a récupéré les bijoux du collier en attendant que la propriétaire propose une rançon. Cependant, la propriétaire devait avoir oublié de lui enseigner les quelques politesses usuelles qui se doivent lorsqu’un animal domestique rencontre un humain charismatique, car il montra les crocs, cambra le dos, et j’eue à peine le temps de faire un pas en arrière qu’il m’avait déjà sauté dessus. Ses griffes s’enfoncèrent dans ma peau, et son poids m’obligea à reculer d’un nouveau pas, et je me suis cogné la tête contre la paroi en métal. Il en profita pour me mordre à ma main gauche, qui tentait de le repousser et que je n’avais pas eu le temps de retirer. Comment un si petit animal pouvait faire autant de dégâts ? Une sorte de rage s’empara de moi, et j’ai poussé de toutes mes forces la bête vers la sortie, du bout du pied, et, après un bond forcé et un regard accusateur, apparemment satisfait de mon état, il m’abandonna pour la pluie qui tombait sur le chemin de fer. J’avais pris un retard considérable, les sacs d’armes pesaient une tonne, et ma main me faisait grimacer à chaque fois que je soulevais un nouveau sac.
Je cherchais un livre de comptabilité, dans lequel figurait dans un langage codé l’ensemble des transactions du troisième plus gros cartel de drogue du pays. Itinéraires, contacts, passeurs, montants, tout devait y être. Je suis la seule personne au monde à pouvoir le décoder. J’ai piraté un téléphone des brigands il y a deux jours, et intercepté un appel dans lequel un dealer pleure auprès de sa petite amie car il a perdu le livre, il pense l’avoir oublié ici. Je priais pour que personne ne soit venu le chercher avant moi, ou que le cartel n’ait pas découvert les petites