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Dix ans après avoir fui les décombres de la guerre civile libanaise, Naguib mène une vie discrète de chauffeur de taxi à Nice. Mais une rencontre inattendue bouleverse son quotidien : Elias Lahoud, un client charmant au passé ambigu, ravive en lui l’écho des massacres. Dès lors, le vernis du présent se fissure et la mémoire devient un champ de bataille. Tiraillé entre justice et vengeance, Naguib entame une quête haletante où la vérité se dérobe derrière les masques. Qui est Elias : un notable raffiné ou un bourreau camouflé ? Le passé peut-il être enterré sans être jugé ? Droit au retour explore avec intensité les cicatrices de l’exil, les zones grises de l’identité et le prix d’une paix intérieure gagnée au bord du gouffre.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Fasciné par le Proche-Orient et captivé par le conflit israélo-palestinien, Alain-Daniel Veil a choisi d’ancrer son œuvre dans l’un des innombrables drames, demeurés impunis, qui ont meurtri cette région. Porté par un souci d’équilibre et une rigueur documentaire exemplaire, son écriture, à la fois sobre et incarnée, donne voix aux silences de l’Histoire.
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Seitenzahl: 275
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Alain-Daniel Veil
Droit au retour
Roman
© Lys Bleu Éditions – Alain-Daniel Veil
ISBN : 979-10-422-7639-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Partie I
— Naguiiiib ! Téléphone !
Naguib lâcha son sandwich turc, regarda ses doigts dont certains étaient nappés de sauce blanche, les essuya instinctivement sur son jean et se dirigea vers le téléphone :
— Naguib, mon chou, t’es là ?
— Je t’écoute Rosy.
— T’es où là ?
— Au Kebab, boulevard Montel, à Saint-Augustin.
— Un client à récupérer à l’aéroport à 14 h 30 ça te tente ?
— Pour où ?
— Carros, dans la zone industrielle.
— Oui, je prends. Il est… 13 h 30, je finis mon Döner et je file. Attends, je prends un stylo… Vas-y, je t’écoute.
— Je n’ai pas le nom du client, juste l’entreprise qui prend la course en charge : c’est DixiePharma. Vol de Paris, arrivée prévue à 14 h 15. C’est bon, t’as noté ?
— C’est noté ! Merci, à toute…
— Avec plaisir mon grand !
En ce début du mois de janvier 1991, au temps sec, mais frais qui laissait présumer un froid glacial à venir, se réchauffer un moment dans les odeurs de frites et de viande cuite était presque un luxe ! Même Nice et sa promenade n’échappait pas aux températures basses.
Bien que ce snack soit au pied de l’immeuble où il vivait, Naguib préférait manger ici plutôt que d’aller chez lui, dans son deux-pièces mal isolé avec sa mère pour seule compagnie. Cette mère de soixante-quatre ans, qui en paraissait dix de plus, ne s’est jamais remise d’avoir dû abandonner sa terre, deux fois, pour sauver sa vie.
De plus, il profitait de la diffusion de ces nouvelles chaînes d’information en continu que diffusait l’écran plasma.
Tous les yeux étaient tournés vers l’Irak où chacun se demandait si le Président américain Georges H. W. Bush, du haut de sa fonction et de son goût prononcé pour la guerre, allait envoyer ou non ses troupes terrestres au Koweït et en Irak, afin de déloger Saddam Hussein qui avait décidé de faire main basse sur le pétrole koweïtien.
Cette invasion se ferait avec l’aide de la coalition, donc la France. Une France partagée où certains vieux démons refaisaient surface.
Naguib avait du mal à avoir un avis neutre sur ce qu’il se passait au Proche-Orient, mais il ne prenait pas part aux discussions de comptoir et autres grandes théories populaires. Il ne pouvait s’empêcher de voir les États-Unis comme le Grand Ogre et surtout, l’indéniable allié d’Israël, que la Grande-Bretagne a laissé s’installer sur les terres palestiniennes en 1948, obligeant cent quarante mille Palestiniens à se réfugier dans des camps au Liban entre autres.
Il remonta dans sa Citroën XM dont il était si fier. Le luxe et l’image présidentielle de cette voiture lui permettaient d’avoir la primeur pour les courses VIP, comme aujourd’hui, semble-t-il. Il louait sa licence de taxi à une compagnie nationale, mais parvenait à gagner convenablement sa vie. C’était un exemple d’intégration et de courage remarquable.
Il prit la route de l’aéroport de Nice-Côte d’Azur qu’il rejoint en quelques minutes seulement. Il se gara dans la file réservée aux taxis puis alla s’assurer que le vol en provenance de Paris ne subissait pas de retard.
Puis il patienta, pancarte nominative dans la main gauche, un prospectus publicitaire dans la main droite qu’il regardait avec attention. Concentré sur sa lecture, il fut surpris quand un homme s’adressa à lui :
— Ça s’écrit avec deux « i » et un « e »…
Naguib releva la tête.
— DixiePharma, ça ne s’écrit pas avec un « y ». Bonjour jeune homme, je crois que vous êtes là pour moi ?
À la vue de son client, Naguib ressentit un courant glacé le traverser et son rythme cardiaque grimpa en flèche, faisant résonner son cœur jusque dans ses tempes. Le client reprit :
— Jeune homme ? Vous allez bien ?
Naguib dut fournir un gros effort pour rassembler ses esprits et se reprendre.
— Bonjour monsieur, pardonnez-moi, j’étais perdu dans mes pensées.
— Oui en effet, répondit-il avec un sourire amical.
— La voiture est devant, si vous voulez bien me suivre ?
— Volontiers, allons-y. Ce vol était court, mais je suis éreinté par la vie parisienne !
Naguib marchait machinalement, sans sentir ses jambes bouger comme s’il volait à quelques centimètres du sol. Ses mains étaient glacées et si sa peau n’était pas si foncée, il aurait certainement le teint blême. Mais que s’était-il donc passé pour le mettre dans cet état ? Il semblait avoir vu un revenant.
Il chargea la petite valise dans le coffre puis invita son client à monter à l’arrière de la belle Citroën.
— Voyez-vous un inconvénient à ce que je monte devant avec vous ? Je ne suis pas ministre et pas encore président, ironisa-t-il.
Une fois encore, Naguib eut un temps mort comme s’il avait envie de lui refuser, mais répondit le plus tranquillement possible :
— Bien sûr monsieur, je vous en prie, en lui ouvrant la portière.
Naguib prit enfin le volant et la voiture s’élança hors de l’aéroport.
— Nous allons dans la zone industrielle de Carros, c’est bien cela monsieur ?
— Oui tout à fait. Et par pitié, cessez de me servir du « monsieur » à chaque phrase ! J’ai l’impression d’avoir 70 ans !
Cet homme, grand et imposant, aux épaules larges et au ventre quelque peu proéminent, avait un air fort sympathique et solaire et semblait vouloir partager une évidente joie de vivre. Son comportement était celui d’un homme simple qui ne cherchait pas à impressionner ou faire valoir une quelconque réussite professionnelle.
Il retira sa cravate aux rayures obliques et aux couleurs mal assorties, comme cela se faisait il y a quelques années.
— Jolie voiture que vous avez là ; elle est confortable et c’est très agréable de se faire conduire dans ces conditions. J’ai eu également une Citroën, il y a quelques années ; une CX Pallas ! Ah oui, une vraie voiture de ministre aussi ! On ne passait pas inaperçu avec ça !
— Ah oui, dit Naguib, tentant de participer. Et vous l’avez toujours ?
— Non, non. En fait, ce n’était pas en France… Je pourrais même dire que c’était dans une autre vie, répondit-il avec une certaine mélancolie dans la voix.
Les trente minutes de route qu’ils partagèrent se passèrent tranquillement, de banalités en formules de politesse. Le client était plutôt bavard, mais ses conversations ne demandaient pas nécessairement de réponse, ce qui arrangeait fortement Naguib.
Arrivé devant DixiePharma, le client régla la course, laissant un généreux pourboire de quarante francs.
— Vous avez peut-être une carte jeune homme ? J’ai régulièrement besoin d’un taxi, si cela vous intéresse, je peux peut-être vous joindre directement ?
— Désolé je n’ai pas de carte, mais je peux vous noter deux numéros où je suis joignable facilement, cela vous convient ?
— Parfait… Tenez, vous n’avez qu’à les écrire là, dans mon agenda.
Naguib nota les deux numéros et son prénom.
— Le premier est chez moi, le deuxième est un snack dans lequel je passe du temps entre deux courses.
Le client regarda les numéros et le prénom :
— Naguib ? Enchanté Naguib. Vous êtes d’origine égyptienne ?
— Non… libanaise, dit-il avec hésitation.
— Libanaise ? Ah… Savez-vous que vous avez le magnifique prénom d’un illustre écrivain égyptien ? Naguib Mahfouz, prix Nobel de littérature il y a trois ans.
— Ah bon ? Non, je ne connais pas. Pensez-vous que je devrais le lire ?
— Ah oui, sans aucun doute ! Le « Zola égyptien » l’appelle-t-on et sa trilogie est lue dans le monde entier. Le café qui porte son nom au Caire vaut vraiment le détour ! Allez, merci Naguib, à très vite, je pense.
— Au revoir monsieur.
Naguib remonta et opéra un demi-tour sous le regard du client qui lui fit un ultime signe amical de la main.
Quelques minutes plus tard, Naguib arrêta brutalement la voiture sur le côté, dépassant un peu trop sur la chaussée, descendit la vitre, prit une grande bouffée d’air et posa la tête sur l’appuie-tête. Sa respiration était courte et rapide, il ne se sentait pas bien et la nausée monta rapidement, l’obligeant à sortir et courir sur le bas-côté. Son estomac semblait tordu en deux.
Il resta comme ça de longues minutes puis remonta dans la voiture. Il reprit ses esprits et analysa ce qui venait de le mettre dans cet état : visiblement, cette rencontre l’avait fortement perturbé : connaissait-il cet homme ? Lui rappelait-il quelqu’un de cher ? « Ce n’est pas possible, ça ne peut pas être lui. » Et pourtant, ce visage, tellement similaire… Un visage qu’il n’oubliera jamais.
Il remit le contact et décida de rentrer chez lui, il fallait qu’il en ait le cœur net. Sa mère l’aiderait peut-être à se souvenir.
***
Il était à peine 16 heures et Fathia, la mère de Naguib, cuisinait déjà. Il est vrai que c’était sa seule occupation, son seul plaisir et même s’ils n’étaient que deux, elle aimait y consacrer des heures.
Quelques semaines auparavant, Naguib lui avait offert une parabole avec un appareil qui permet de capter une multitude de chaînes arabes, du Maghreb et du Moyen-Orient.
Cette parabole fut un véritable don du ciel pour Fathia, qui la connectait à son téléviseur du soir au matin, bien trop fort, pour en profiter où qu’elle se trouve dans l’appartement !
Toutefois, elle ne sortait presque jamais, ne parlant et ne comprenant pas très bien le français et ne parvenant pas à trouver sa place dans ce pays étranger.
Seules la télévision et la prière la rattachaient quotidiennement à sa vie passée.
Naguib l’embrassa tendrement sur le front et vola une pâtisserie gourmande tout juste sortie du four, fraîchement nappée d’un sirop sucré.
— Comment s’est passée ta journée, mon fils ? Tu as déjà fini pour aujourd’hui ? Tu vas rester avec moi ?
— Je ne sais pas mère, si on me propose une course, je devrai repartir.
— Est-ce que tu sais que la France va participer à la guerre contre l’Irak mon fils ? Tu te rends compte qu’ils vont aller tuer des Arabes, comme nous ? L’Occident ne cessera donc jamais de s’en prendre à nous ?
— Nous qui maman ? Les Irakiens ont envahi un pays arabe ! Des frères musulmans, comme eux ! Est-ce que tu trouves ça normal ? Doit-on les laisser faire ?
— Les laisser faire ? Mais tu ne trouves pas étrange que les Occidentaux se rassemblent autant pour un pays arabe ? Se posent-ils les mêmes questions concernant les persécutions contre nos familles palestiniennes ? As-tu déjà vu une telle union pour aider un pays arabe ?
Malgré son manque d’instruction, Fathia savait parfaitement analyser la situation et ne manquait pas de donner son avis de sa petite voix aiguë et timide. Difficile de lui donner tort tant son analyse était juste. Bien sûr que seul le pétrole unissait les pays occidentaux contre l’envahisseur irakien !
— Mère, est-ce que tu as des photos de… notre vie d’avant ? au Liban ?
— Des photos ? Ta question m’étonne mon fils, tu as toujours refusé que l’on parle de cette époque, des événements. Oui, j’ai quelques photos de notre famille. Mais cherches-tu quelque chose de particulier ?
— Eh bien… Peux-tu me raconter ce qu’il s’est passé, précisément, ces jours-là ? Quels sont tes souvenirs ? Te souviens-tu des hommes qui étaient présents ?
— Naguib, mon fils, comment oublierais-je ? Chaque minute reste gravée à jamais et je ne passe pas une nuit sans que ça ne revienne me hanter. Quant aux hommes qui ont fait ça ? Non, je n’ai pas de souvenirs. Mais pourquoi ces questions ? Pourquoi maintenant ?
— Non, pour rien… Juste pour savoir… Tu prépares quoi pour ce soir ? Ça sent bon !
— Moujaddara !
— Parfait maman… Bon, je vais me reposer un peu dans ma chambre.
Naguib n’aimait pas particulièrement ce plat, le riz aux lentilles, non pas que ce ne soit pas goûteux, mais c’était le plat du pauvre et ça lui rappelait la misère dans laquelle il avait vécu durant les seize premières années de sa vie. Désormais, manger de la viande ou du poisson était pour lui le rappel qu’il était parvenu à s’en sortir. Mais c’était difficile pour sa mère d’oublier les habitudes bien ancrées !
Allongé sur son lit, les bras croisés derrière la tête, Naguib n’arrivait pas à sortir cette rencontre de ses pensées. Petit à petit, il se persuadait que son imagination lui avait joué un tour ; il y avait de quoi, après ce qu’il avait vécu !
Il se releva donc, presque rassuré, et alla tenir compagnie à sa mère qui riait d’une pièce de théâtre égyptienne qui était diffusée à la télévision. Son rire réchauffa l’humeur de Naguib qui la regarda avec tendresse.
***
Les jours suivants se déroulèrent normalement… Enfin, si l’on estime qu’une guerre internationale est normale ! L’opération Tempête du désert fit suite à l’opération Bouclier du désert ce 17 janvier 1991.
Comme la plupart des Français, Naguib avait les yeux rivés devant une chaîne d’information en continu qui dévoilait tout son intérêt lors de conflits de cette ampleur. C’était la première fois que les images étaient retransmises en direct, sur une chaîne dédiée et durant vingt-quatre heures !
Comme souvent, c’est au Snack Montel qu’il prenait son déjeuner quand le patron l’interpella :
— Naguib ? Téléphone !
Naguib eut du mal à décrocher de l’écran plasma, lécha la sauce blanche qui se trouvait sur ses doigts et alla prendre l’appel au comptoir.
— Allô ?
— Bonjour Naguib, Elias Lahoud à l’appareil…
Voyant que Naguib ne réagissait pas, il ajouta :
— DixiePharma… Vous vous souvenez de moi ?
— Oui bien sûr… Bonjour.
— Vous allez bien Naguib ?
Puis sans lui laisser le temps de répondre à cette politesse qui n’attendait pas de détails :
— Écoutez, j’ai besoin d’aller à Marseille demain et je n’ai aucune envie de passer mon temps dans les transports, c’est pourquoi je me demandais si ça vous intéresserait de m’y emmener ? À savoir qu’il faudra m’attendre deux heures, deux heures et demie puis me ramener. Bien entendu, je vous réglerai aussi le temps d’attente.
Au son de la voix de cet homme, à nouveau le sang de Naguib se glaça. Il pensait s’être trompé et était parvenu à se convaincre de cela, mais le son de cette voix ne le trompait pas, il l’avait déjà entendue, c’est sûr…
Il eut envie de raccrocher sans ajouter mot, ou au mieux de refuser poliment, mais étonnamment, il accepta. Il avait besoin de savoir. Il reprit :
— Oui, je pense que c’est possible, merci pour votre confiance. Comment voulez-vous que l’on s’organise ?
— J’habite à Carros, route départementale au 5390, juste avant l’intersection avec la route Jean Natale. À 8 heures, ça vous ira ?
— 8 heures ? Oui, très bien.
— Vous avez de quoi noter ? Je vous donne les deux numéros de téléphone, de mon domicile et de mon bureau si besoin.
Naguib releva les numéros, salua Elias, raccrocha et retourna à sa place.
Il reprit son sandwich, mais n’eut pas l’appétit à le finir. Il salua le patron, remonta dans son taxi et reprit son travail. Mais durant toute la journée, il ne put s’empêcher de penser à cet homme, à cette rencontre ; il devra en savoir plus demain…
***
Elias apparut devant la grille en fer forgé de la propriété à 8 heures précises.
Naguib le salua et l’invita à monter devant… Mais Elias déclina et monta à l’arrière.
— Ne m’en veuillez pas, mais je vais profiter du trajet et du confort de votre voiture pour travailler avant mon rendez-vous, prit-il soin de justifier.
Bizarrement, Naguib fut presque déçu ; en effet, il avait entrepris d’engager la discussion.
Les deux heures de route se passèrent en silence et il déposa Elias à son rendez-vous.
Les deux heures et demie suivantes, il les passa à profiter de la ville, de sa Canebière et de son bord de mer. Puis il récupéra son client pour retourner jusqu’à Carros.
— Bon ben voilà une bonne matinée de travail ! J’espère que vous n’avez pas trouvé le temps trop long Naguib ?
— Non, non, j’en ai profité pour visiter le centre-ville et les terrasses ensoleillées.
— Vu qu’il est l’heure de déjeuner, autant y aller maintenant non ? Ainsi, on n’aura pas besoin de s’arrêter au retour, qu’en pensez-vous ?
— Eh bien…
— Allez, ne soyez pas timide ! Je connais un restaurant semi-gastronomique sur la Corniche, dont vous me direz des nouvelles ! Allez, Naguib, laissez-vous faire ! Ça me fait plaisir de partager ce moment avec vous !
Le restaurant, accroché à la Corniche, surplombait magnifiquement la mer, ouvrant sur une vue unique sur les îles du Frioul, l’entrée du Vieux-Port au loin… Ce décor plongea Naguib dans une légère mélancolie ; en effet, cela ressemblait au bord de mer du Liban et il ne put s’empêcher d’y penser. Ses pensées furent interrompues par l’arrivée du serveur.
Du poulpe de Méditerranée à la Bouillabaisse, en passant par la dorade royale et les fleurs de courgettes farcies, la farandole de délices cuisinés avec perfection transporta Naguib et il eut presque honte d’apprécier autant ce moment avec cet homme qui, pour une raison qu’il ne parvenait pas encore à confirmer, lui causait une terreur intérieure.
Elias regardait Naguib avec tendresse, heureux que ce jeune garçon apprécie tant ce patrimoine méditerranéen, et ne regrettait pas de l’avoir amené ici. Il respecta ce précieux moment de plaisir gustatif et de contemplation et n’engagea que très peu la conversation.
Deux heures plus tard, ils reprirent la route.
Elias sentit Naguib plus décontracté et décida de s’installer à ses côtés, pour en savoir un peu plus sur ce jeune oriental.
— Alors, Naguib, parle-moi donc un peu de toi ? Tu es né en France ou au Liban ?
Elias l’avait tutoyé naturellement, mais cela ne choqua pas Naguib, la convivialité et la chaleur orientales prenant vite le dessus sur le protocole occidental !
— Je suis né au Liban monsieur.
— Appelle-moi Elias, je t’en prie, tu me feras plaisir. Et de quelle famille es-tu ? Peut-être ai-je déjà croisé un de tes oncle ou cousin ?
En effet, à Beyrouth et sa banlieue, il n’était pas rare de tomber sur un membre d’une des grandes familles descendantes des orthodoxes du XIXe siècle ou plus récemment, sur un descendant des vingt-six familles qui avaient monopolisé à elles seules, le tiers des sièges de députés depuis la naissance de l’État libanais. Et ces sièges faisaient partie de l’héritage paternel.
— Oh non Elias, je ne pense pas, mon père n’a été qu’un fellah toute sa vie et je n’ai pas eu la chance de grandir à ses côtés assez longtemps pour en savoir plus. Et ma mère a toujours été très discrète sur nos origines.
— Ah… Rassure-moi, tu es bien chrétien quand même ?
Un blanc d’une extrême lourdeur se posa quelques secondes avant qu’Elias ne reprenne en riant :
— Je te taquine Naguib ! Je sais bien que tu es chrétien ! J’ai assez côtoyé les musulmans pour les reconnaître à des lieues !
Naguib sentit ses doigts se crisper sur son volant. Il se força d’un rictus en regardant brièvement son passager. Toutefois, il se reprit, sentant que l’occasion était trop belle pour en savoir plus sur cet homme :
— Côtoyé ? Que voulez-vous dire par là ?
Nouveau silence. Elias tourna la tête nerveusement vers l’extérieur et reprit :
— Bof, rien de très intéressant à raconter. Je t’en dirai plus un jour, peut-être… Mais parle-moi de toi, allons ! Es-tu marié ? Où vis-tu ? Avec qui ?
— Euh… Non, je ne suis pas marié, avoua-t-il quelque peu gêné. J’habite le quartier Saint-Augustin à Nice, avec ma mère, juste tous les deux.
— Tu as l’air d’être un bon garçon, je suis certain que tu prends bien soin d’elle.
— Je fais tout mon possible pour qu’elle se sente le mieux possible ici.
— Et tu fréquentes la communauté libanaise ? Tu as des amis du Pays ?
— Non, pas du tout. À vrai dire, je n’ai pas d’amis en France… Je ne pense plus en avoir au Liban non plus d’ailleurs, dit-il avec une certaine mélancolie.
— Mais pourquoi n’allez-vous pas à la rencontre de la communauté ? Il y a des associations d’anciens du Liban qui organisent des soirées, des repas, des rencontres culturelles, des cours d’arabe… Vous devriez venir, je suis certain que ta mère retrouverait des émotions oubliées, et pourquoi pas de vieilles connaissances ?
De vieilles connaissances ? Naguib mourrait d’envie de lui cracher à la figure que les vieilles connaissances de sa mère allaient à la Mosquée et avaient été persécutées par ces chrétiens du Liban ! Mais il se retint :
— Oui… Pourquoi pas ? Ça peut être une bonne idée…
— En plus, je te présenterai mon épouse et ma fille, ça leur fera plaisir de rencontrer un jeune du Pays. Dina, ma fille, est née à Beyrouth elle aussi ! Je suis certain que vous pourriez partager des souvenirs !
Des souvenirs ? Naguib se dit qu’ils n’avaient certainement aucun lieu en commun qui leur rappelait cette magnifique ville, et ses souvenirs à lui venaient plutôt lui hanter ses nuits. Mais il sentit une certaine excitation, une certaine satisfaction à avoir l’opportunité de s’insérer dans la vie de cet homme dont il ne connaissait rien après tout.
— Et alors, comment se fait-il qu’un beau garçon comme toi ne soit pas encore marié ? Ça doit faire le désespoir de ta maman, ça ?
— Disons que ces dernières années, j’étais plus préoccupé par mon intégration que par ma vie sentimentale. Mais j’ai eu quelques aventures, reprit-il en rougissant, se sentant obligé de justifier sa virilité.
— Et en même temps, tu sais le mariage c’est surfait ! Encore faut-il que ce soit un mariage heureux et choisi !
— Voulez-vous dire que… votre mariage était arrangé ?
Il se rendit compte de l’extrême indiscrétion de sa question et s’empressa d’ajouter en baissant la tête.
— Veuillez m’excuser Elias, je n’aurais pas dû vous demander, c’est extrêmement indiscret.
— Ne t’en fais pas Naguib ! En plus, c’est moi qui ai commencé avec mes questions indiscrètes, lui rendit-il avec un grand sourire. Oui en effet, comme la grande majorité des hommes et des femmes de ma génération, les familles s’arrangeaient entre elles pour des intérêts communs… Et pour notre bien, paraît-il, reprit-il en riant. Alors on m’a présenté Nicole juste à ma majorité et le mariage s’est organisé très vite. Tu comprends, Nicole appartient à la famille Frangié, même si l’affiliation est lointaine, il était donc hors de question qu’elle épouse « n’importe qui » et pour ma famille, c’était l’assurance de s’asseoir dans la société beyrouthine.
— Mais vous l’avez fréquentée avant le mariage ?
— Non, je ne l’ai vue qu’une fois autour d’une tasse de thé et de petits-fours avec nos familles respectives. Puis la deuxième fois, c’était le jour de notre mariage.
Devant l’incrédulité de Naguib, Elias se mit à rire et tenta de le rassurer.
— Rassure-toi Naguib, on en survit ! ironisa-t-il. On a une belle vie, une fille magnifique et on a appris à vivre ensemble, comme l’on fait nos parents avant nous.
— Mais… vous l’aimez ?
— L’aimer ? Pour quoi faire ? Ça ne fait pas partie du contrat ! rit-il de nouveau. Non, il y a toujours eu beaucoup de tendresse, de respect, mais de l’amour non, pas de mon côté en tous cas. Et du sien non plus, je te rassure !
Naguib semblait perturbé par cette conversation. Bien sûr, il avait toujours entendu parler des mariages arrangés, mais il ne s’était jamais posé la question : ses parents s’étaient-ils choisis ? Est-il un enfant de l’amour ? Ou celui d’un arrangement entre familles ?
— J’imagine que tu te poses des questions sur tes parents, je me trompe ?
Naguib sortit de ses pensées et approuva en hochant la tête.
— Tu sais Naguib, il est très possible que tes parents se soient choisis ; bien entendu, ils devaient être cousins ou au mieux du même quartier ou village, mais les arrangements ne sont pas systématiques si les parents estiment que leur choix est bon pour tout le monde.
Naguib appréciait ce moment de conversation, moment dont il n’avait pas eu la chance de profiter avec son père. Et ça lui manquait. Sa mère avait toujours été très discrète, très pudique sur ces sujets et il se sentait tout à coup comme un adolescent qui ouvrait un magazine sexy.
Du haut de ses vingt-cinq ans, Naguib n’avait jamais rencontré de fille. Arrivé en France à l’âge de dix-sept ans, il avait été admis dans un cursus technique, en mécanique, qui ne comptait aucune fille ! Et son éducation traditionnelle musulmane lui imposait des limites invisibles et des principes auxquels il n’imaginait pas déroger.
Et pourtant, cet homme assis à ses côtés, qui avait certainement eu une éducation au moins aussi stricte et définie, semblait s’en être bien sorti et renvoyait l’image d’un homme équilibré et assumé.
Les conversations s’étaient enchaînées et la route entre Marseille et Carros leur parut bien courte. Sans aucun doute, Elias appréciait la compagnie de ce jeune chauffeur de taxi.
Naguib, lui, se sentait de plus en plus troublé avec des émotions contradictoires. Il ne pouvait nier qu’il appréciait cet homme, ses discussions, son charisme et pourtant il ne pouvait s’empêcher de vouloir le détester. Il devrait absolument s’assurer de l’éventuelle implication d’Elias dans le traumatisme que Naguib portait en lui. Et quelque part, il se mettait à espérer de se tromper.
Arrivé au domicile d’Elias, celui-ci invita Naguib à entrer quelques minutes :
— Est-ce qu’un café te ferait plaisir ? Tu veux entrer un instant ?
Naguib prit quelques secondes de réflexion et allant contre son envie :
— Non, merci monsieur Elias, je dois rentrer après ma course.
— C’est vrai ? Bon, je comprends ; ce n’est que partie remise d’accord ?
— Avec plaisir, une prochaine fois.
— Je te remercie pour cette course qui fut très agréable. Si tu veux bien, je te recontacte très vite, je vais avoir besoin de me déplacer à nouveau.
Puis tout en payant sa course, en prenant soin d’y ajouter un large pourboire :
— Et pense à ce que je t’ai dit Naguib, concernant les associations libanaises. Il y a d’ailleurs un dîner dansant dans quelques semaines, je t’appelle pour te donner les informations d’accord ?
— D’accord monsieur Elias, je vous promets d’y réfléchir.
— Rentre bien, mes amitiés à ta maman.
Naguib le salua une dernière fois de la tête, remonta dans sa voiture puis partit en direction de Nice.
***
Les quatre ou cinq semaines suivantes se déroulèrent normalement. D’une course à l’aéroport à une pause déjeuner dans son kebab habituel, Naguib ne vivait rien d’exceptionnel, n’entreprenait aucune action qui sortait de ses habitudes.
Et pourtant, il ne pouvait s’empêcher de ressentir un manque qui le perturbait au plus haut point.
À chaque retour au snack ou chez lui, il demandait si quelqu’un d’autre que Rosy, la standardiste de Taxis06 avait appelé pour lui ou laissé un message. Mais non, personne n’avait cherché à le joindre.
Après tout, c’était mieux comme ça, se convainquait-il sans vraiment de convictions. Il avait certainement cru voir en ce client un personnage acteur de son douloureux passé, mais ça devait certainement s’expliquer par les traumatismes vécus dans sa jeunesse et son adolescence au Liban. Il essayait donc de ne plus se poser de questions et espérait ne plus y penser très vite… Chose vaine !
Mais où allaient ses pensées ? Vers le besoin de connaître la vérité sur cet homme ? Ou vers le désir qu’il ressentait à vouloir encore partager des moments d’échanges comme la semaine passée ?
C’est la voix de Mehmet, le patron du snack, qui le sortit de sa torpeur. Le téléphone avait sonné sans qu’il s’en rende compte. Mehmet appela Naguib et lui désigna l’appareil d’un hochement de tête.
Naguib reposa son verre de thé à la pomme et se dirigea vers le comptoir :
— Allô ?
— Bonjour Naguib, Elias à l’appareil ?
— Elias ? – courte hésitation – Bonjour Elias, comment allez-vous ?
— Bien, je te remercie Naguib. J’étais au Liban pour le mariage d’un petit-neveu, mais nous sommes enfin de retour. Écoute, comme promis, je t’appelle pour te donner les informations du dîner de Byblos, l’association dont je suis membre. Ça a lieu dans deux semaines, au restaurant « le Mont Liban » dans le Vieux-Nice ; sache que ça me ferait vraiment plaisir si tu venais avec ta mère. Je vous invite, présence souhaitée à 19 heures, je compte sur toi ?
Naguib fut incapable de le contredire, confirmant le charisme d’Elias et répliqua seulement :
— Okay, d’accord monsieur Elias, merci pour cette invitation, je vais voir ça avec ma mère.
— Ravi de l’entendre… Et arrête tes « monsieur Elias » stp ! Elias c’est suffisant ; c’est mon nom de baptême alors plus de monsieur entre nous d’accord ?
— D’accord… Elias.
— À bientôt Naguib.
Elias avait raccroché que Naguib tenait encore le téléphone en main. Ses émotions étaient toujours partagées. Entendre sa voix lui apportait une sorte de rassurance, de satisfaction et il aurait voulu que ces sensations ne soient pas parasitées par un doute permanent sur cet homme. Bon c’est sûr, demain il l’appellerait pour s’excuser et ne se rendrait pas à la soirée. Il n’avait rien à faire avec ces gens, qui étaient certainement issus des grandes familles chrétiennes, des maronites que tout opposait à Naguib. Certes, il avait menti sur son nom, sur sa religion, mais pourquoi au juste ? Par honte ? Par peur ?
Son après-midi se passa sans encombre, sans surprise… Comme l’est sa vie, identique, chaque jour… Il rentra chez lui vers 19 heures et passa la soirée devant les programmes de télévision égyptienne en regardant tendrement sa mère qui riait de bon cœur devant les mimiques d’Ismaïl Yassine, le Fernandel égyptien.
***
En ce samedi 2 mars 1991, le soleil avait pris ses quartiers sur la Côte d’Azur et Naguib fermait les yeux de bonheur, sur le balcon de leur appartement, appréciant chaque seconde de la chaleur des rayons.
La France était en deuil, Serge Gainsbourg, poète autant acclamé que décrié, s’est éteint dans sa belle maison rue de Verneuil, à Paris. Les radios et autres médias passaient en boucle les airs les plus populaires.
Dans le salon derrière lui, Fathia remplissait la table basse en cuivre d’une multitude de mezzés pour le petit-déjeuner. Feuilles de vigne farcies, hummus, olives, yaourt au zaatar et autres falafels trônaient autour de la corbeille de pain Pita. Fathia ne pouvait se délester de cette tâche quotidienne, en tant que femme, mère, ex-épouse ; qui serait-elle si elle ne garantissait plus la bonne chère de son fils ? C’était sa mission, sa raison de vivre et elle ferait cela avec plaisir et fierté tant que son corps le lui permettrait. D’ailleurs, Naguib ne cherchait plus à la convaincre de moins cuisiner.
Il prit place autour de la table basse, emplit un pain de hummus et de falafels et petit-déjeuna avec délectation, laissant le soleil caresser les assiettes garnies.
— Mon fils, Habibi, tu vas travailler ce matin ?
— Oui maman, mais je serai rentré vers 15 heures.
— Ah oui ? Pour une fois, tu as décidé de moins travailler et de faire autre chose ?
Naguib regardait les photos de sa famille, exposées sur la table marquetée, son père, sa sœur, son frère… Ils lui manquaient tant. Il reprit :
— Oui, ce soir je sors ! Je vais au restaurant !
— Au restaurant ? Al Hamdulillah ! Enfin, mon fils a décidé de profiter un peu ! Mais dis-moi, tu as donc des amis ?
— Pas exactement : un client habituel m’a invité à un dîner associatif.
— Associatif ? J’espère que c’est pour la bonne cause ?
— Oui, c’est ça maman, c’est une manière de participer à une bonne cause.
Il s’était posé beaucoup de questions durant cette nuit et avait décidé de se rendre à ce dîner. Il ne l’avait pas annulé comme il pensait dans un premier temps. Mais il voulait préserver sa mère de la vérité : à quoi bon lui dire que cette association était dirigée par des Libanais maronites ?
— Mais dis-moi mon fils, il te faut des chaussures neuves ? Et un costume ? Mon Dieu, tu n’auras jamais le temps de t’en occuper ? Que vont penser ces gens ?
Il sourit et l’embrassa sur le front avec tendresse. Elle glissa sa main dans son soutien-gorge et en sortit un billet de cinquante francs. Elle les glissa dans la main de son fils, émue et fière.
— Tiens mon fils, prends ça ; je veux que tu sois le plus beau.
— Mais maman, garde ton argent, je n’en ai pas besoin !
— Ne me désobéis pas s’il te plaît ! Je suis encore en mesure de te frapper si je veux !
— D’accord maman, dit Naguib en riant. Bien que cet argent soit celui qu’il lui donnait chaque semaine, il la laissa profiter de ce moment de fierté maternelle.
À l’image touchante de la tradition orientale, Naguib sortit de son placard tout ce qu’il possédait de plus beau comme habits et chaussures ! S’il pouvait, il les mettrait tous pour être certain d’être à la hauteur et pour exhiber fièrement ses biens !
Du coup, il se vêtit d’un costume gris foncé chiné aux Puces, d’une chemise d’un blanc immaculé, d’un gilet, d’une cravate noire et de mocassins à pompons, qui étaient les seules pièces encore à la mode. Il n’avait aucun doute sur son choix vestimentaire et n’oublia pas de s’arroser copieusement d’un après-rasage bon marché.
Son premier succès fut avec sa mère qui, en bonne maman orientale, laissa même couler une larme de fierté à la vue de son fils.
***
Naguib s’était garé à quelques rues du restaurant et était en avance de trente minutes. Il avait tourné en rond d’impatience tout l’après-midi et maintenant, ne cessait de se regarder dans le miroir de courtoisie de la XM comme si la perfection de son apparence pouvait lui ôter l’immense stress qui l’envahissait.
Il n’avait pourtant aucune raison d’être tendu, personne n’attendait rien de lui et cela ne pouvait être qu’un agréable moment. Mais c’était sa première vraie sortie et il se demandait s’il saurait faire comme il faut.