Annick C.
Émile au commissariat
Roman
© Lys Bleu Éditions – Annick C.
ISBN : 979-10-377-6485-0
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C’est samedi matin, il est 8 h quand Émile se lève et se dirige vers la cuisine pour préparer son café.
Le temps que le café coule, il en profite pour aller se laver. Il fait toujours cela le matin, Émile.
Puis, en slip, il est seul chez lui. Il se dirige vers le balcon où un siège l’attend. Enfin, quand je dis « un siège l’attend » c’est maintenant car, il y a encore quelques mois, c’était un endroit réservé à sa maman qu’il appelait d’ailleurs « ma fille ». Dès 5 h du matin, elle prenait place avec sa tasse de café et contemplait le jour se lever. C’était son truc à la vieille (oui, il l’appelait aussi « la vieille ! »). Le sourire en coin, ce matin-là, Émile singeait les gestes de sa mère. Elle qui est désormais en soins palliatifs et que Émile va voir tous les week-ends. Mais ce samedi-là, il a une urgence qui l’oblige à faire un détour par le commissariat. Sur le chemin, dans sa tête, toujours ces mêmes phrases qui reviennent :
« Je n’ai pas pu faire ça ! Ce n’est pas moi ! C’est impossible… » Le commissariat est à une demi-heure de marche de son appartement. Il se hâte mais lentement. Assez angoissé quand même. À l’approche, il prend une bouffée d’air et fonce vers l’accueil.
— Monsieur, lui dit le policier en faction, c’est pourquoi ?
— Je dois voir l’officier de police judiciaire, s’il vous plaît, dit-il en balbutiant un peu.
— Pièce d’identité, s’il vous plaît ?
— Oui, bien sûr !
— L’objet de votre visite, une plainte ?
— Oui, c’est ça une plainte, rétorque Émile avec une petite voix à peine audible.
— Allez dans la salle d’attente, quelqu’un viendra vous chercher.
— C’est long, je veux dire : l’attente.
— Non !
— Parce que je dois me rendre à l’hôpital voir ma mère.
— Ça va aller, monsieur.
— Je vous remercie.
Émile pénètre dans une pièce où la peinture est plus que défraîchie. Cela craquelle aux murs de toutes parts. Les sièges ne sont pas du tout confortables, mais bon. Quelques minutes d’attente, et une personne arrive. Émile se lève, croyant que c’était son tour.
— Non, je ne suis pas policière, je suis comme vous !
— Navré, j’ai cru que… Tachakamaou alors !
— Comment ?
— Rien !
— Je peux m’asseoir à côté de vous ? Comme il n’y a pas de ticket, je serais ainsi la deuxième après vous. On ne sait jamais.
— Oui, je vous en prie, dit Émile en souriant.
— Vous venez pour une plainte ?
— Presque !
— Ah ! parce que moi, oui.
La dame voulait commencer son récit quand Émile entendit son nom.
— Navré, mais c’est à moi, dit Émile en se levant de son siège.
— Oui, je vous en prie !
— Merci.
— Venez, monsieur, entrez et prenez place, lui lance l’inspecteur.
Le bureau était aussi vétuste que l’autre. On sentait l’odeur du tabac froid et du café. Tout y était en désordre.
— Désolé pour le bordel, mais l’important ce n’est pas ça, dit l’officier.
— Je vous en prie, répond Émile en prenant un siège.
— Bon alors, on a fait une copie de votre pièce d’identité. L’adresse est encore bonne ?
— Oui, monsieur !
— Alors, monsieur Émile POUAC, je vous écoute, dit l’inspecteur, installé désormais derrière son bureau prêt à taper la déposition d’Émile.
— Bon, voilà, ma démarche n’est pas aisée…
— Pas de fioriture entre nous. Ici on entend tout, on note tout et après on avise.
— Parfait, cela me rassure quelque peu.
— Vous faites quoi dans la vie ?
— Je m’occupe de ma mère et accessoirement je suis comptable.
— Marié ou autre ?
— Non, que maman !
— OK. Donc vous venez porter plainte ?
— Pas vraiment ?
— C’est-à-dire ?
— Je viens me constituer prisonnier !
— OK. Comme ça, un samedi matin ?
— Oui.
— Vous avez commis un crime ?
— C’est possible !
— Mais encore ?
— Je crois que j’ai tué quelqu’un !
— Vous croyez ?
— Oui et c’est le but de ma visite en vos locaux pour y voir plus clair.
— Bien sûr, vous avez tué qui ?
— Je ne sais pas !
— OK, quand ?
— Je ne sais pas !
— Où ? Vous ne savez pas ?
— Oui !
— Et le mobile non plus ?
— Non plus.
— Des témoins de la scène de crime ?
— Je ne crois pas.
— Dehors, dans une rue, un appartement, dans une forêt ?
— Je ne pourrais pas vous dire.
— Homme, femme ?
— Je n’en sais rien.
— Seul ?
— Possible !
— Il est mort comment ? Strangulation, étouffement…
— Je n’ai aucun indice.
— Mais vous êtes sûr d’avoir tué cette personne ?
— Sûr, pas vraiment, presque sûr !
— Autre chose à rajouter ?
— Oui, puisque je suis là, je suis tout à fait disposé à faire un prélèvement d’ADN ! Cela pourrait faire avancer l’enquête et moi me soulager un peu.
— Cela va de soi, coopérer !
— Oui, coopérer, monsieur l’inspecteur !
— J’appelle le toubib, deux secondes…
— Je vous en prie !
Émile avait les jambes qui flagellaient et il avait du mal à se contenir.
— Allo, Gizmo, tu peux venir c’est pour un prélèvement d’ADN !
— J’arrive dans deux minutes, répond Gizmo, l’inspecteur avait mis le haut-parleur.
— C’est rapide ! dit Émile.
— Quand les gens coopèrent vous savez… répond l’inspecteur.
— J’imagine !
— Un café ? Un verre d’eau ? demande l’inspecteur.
— Un verre d’eau sera parfait.
— Vous fumez ? répond Émile.
— Oui.
— Moi aussi, alors fumons.
— Oui, fumons.
L’inspecteur revient avec un verre d’eau glacé sorti tout droit de la machine.
— Une chance, c’est glacé, tenez !
Émile venait à peine de finir son verre quand Gizmo entre :
— Salut, doc, merci d’avoir fait si vite.
— Ah oui, mille mercis, dit Émile en souriant.
— Je te présente un monsieur qui vient se constituer prisonnier.
— Ah !
— Pas encore prisonnier, nous n’avons pas les preuves, rétorque Émile.
— Oui c’est ça, je t’expliquerais Gizmo.
— Je veux bien et donc ?
— Il sollicite un prélèvement de son ADN pour faire avancer l’enquête. C’est bien cela ?
— Oui, inspecteur !
— OK, je vais donc vous demander de signer cette feuille de décharge et ensuite je ferais le prélèvement.
— Parfait ! dit Émile, je me sentirais mieux après.
— Ben, écoutez, on a tout : votre déposition, votre ADN. On vous recontacte, lance l’inspecteur.
— Merci, bonne journée à vous, dit Émile en s’éclipsant.
— Ah, vous pouvez dire à la fille de venir, merci.
— Oui, avec plaisir !
En sortant, l’inspecteur et Gizmo se retiennent de rire à gorge déployée.
Émile se dirige vers la salle d’attente et dit :
— C’est à vous !
— Vous avez fini ? demande la dame.
— Pour ce jour, oui.
— Vous m’attendez ?
— Je serais au troquet du coin mais pas très longtemps, répond Émile.
— C’est gentil, je ferais vite. Tchakamaou !
Émile et Clara
Émile quitte assez rapidement le commissariat et se dirige vers le bar jouxtant le bâtiment. Il s’installe en terrasse et commande une bière. Il fume et il est complètement dans sa bulle. Il sursaute même à l’arrivée du barman.
— Désolé !
— Non, c’est moi, j’étais dans mes pensées. Je vous remercie.
Il regardait l’heure quand il vit arriver en courant la fille de la salle d’attente.
— Je peux ? demande Clara.
— Oui !
— C’est allé vite ! continue Clara.
— Tant mieux, vous buvez quelque chose ? demande Émile.
— Une bière, dit-elle en sortant une cigarette.
— Deux bières, s’il vous plaît, demande Émile.
— Oui, monsieur !
— Je m’appelle Clara !
— Émile !
— Je me sens mieux, dit Clara.
— Ah !
— Et vous ?
— Pas vraiment, répond Émile en levant son verre pour trinquer.
— Ah bon ! Moi, il m’a écouté et pris ma déposition ! dit Clara.
— Moi aussi.
— Ils vont faire une enquête !
— Je suppose, dit Émile.
— Il vous est arrivé quoi, à vous demande Clara en buvant ?
— C’est très compliqué en fait je ne suis pas venu porter plainte.
— Ah bon !
— Oui, c’est un truc très bizarre, dit Émile doucement.
— Moi aussi ! dit Clara.
— On se tutoie ? Tchakamaou !
— Bon, je commence ? dit Clara.
— Je veux bien, rétorque Émile.
— Tu ne te moqueras pas de moi ?
— Non, ce n’est pas mon intention. Mais par contre, je ne vais pas trop tarder.
— Quand, j’aurais fini de te raconter ce que j’ai dit à l’inspecteur, tu vas tomber de ta chaise.
— Toi aussi, dit Émile en riant.
— Quoi, moi aussi ?
— Toi aussi, tu vas tomber de ta chaise quand je te raconterai mon histoire.
— Cool, une autre bière.
— OK.
— Allez, on fume et je commence. Si tu veux, je peux t’emmener où tu veux. J’ai tout mon temps.
— On verra, alors ton histoire ? dit Émile.
— C’est un secret ! dit Clara.
— Le mien aussi ! répond Émile.
— Bon, alors voilà, je suis allée porter plainte pour viol.
— Viol ?
— Oui, mais un viol un peu spécial ! continue Clara.
— C’est toi qui as été violé ?
— Oui !
— Et ?
— Le problème, c’est que tu ne vas pas rire hein ?
— Promis, juré ! dit Émile.
— J’ai été violé par un esprit.
— Un esprit ?
— Oui, pas un être de chair. Un esprit.
— Et c’est possible ça ? demande Émile.
— Je n’en sais rien, mais en tout cas, c’était bien réel.
— Tu es sûr ?
— Certaine, je vis seule avec mon chat, j’ai senti ses caresses et le reste aussi.
— Le reste ? demande Émile.
— Son sexe, partout en moi, j’avais mal pour de vrai et j’avais même l’odeur de son sperme dans la bouche et ailleurs. J’étais trempée.
— Et tu le connais ?
— Ben non, je n’ai pas vu son visage, juste que j’ai senti son corps sur moi…
— Et comment tu te sens ?
— Souillée, je me lave vingt fois par jour, j’ai l’impression de sentir toujours son odeur.
— Et l’inspecteur, il a dit quoi ?
— Ben, je lui ai donné ma culotte pour l’ADN et il a dit qu’il allait faire une enquête. Mais j’ai peur maintenant.
— Cela s’est passé quand ?
— Hier soir, tu comprends ? Et s’il revient ce soir ?
— Tu n’as pas un ami, un copain ?
— Non, les mecs, et je ne parle pas de toi, à part me baiser, je ne vois pas. Et là, je n’ai pas vraiment envie.
— Ah ! dit Émile dubitatif.
— Ben, je ne suis pas intéressante comme fille. Je suis une simple secrétaire. Je vis seule avec mon chat et au boulot mon cochon de patron ne se gêne pas avec moi.
— Et ?
— Avec le temps je m’en fous, lui ou un autre, au moins s’est fait.
— Tu aimes ? demande Émile.
— Je crois que oui, en fait je n’en sais rien. Et toi ?
— Écoute, je dois aller voir ma mère à l’hôpital. On peut y aller.
— Cool, on y va.
Mil au commissariat
Pendant ce temps-là au commissariat, l’inspecteur et Gizmo sont morts de rire.
— Quand tu penses que Mil va arriver ?
— Bientôt ! dit Gizmo, et il va boire sa tisane en rentrant.
— Non !
— Si !
— On parie un verre ? dit l’inspecteur.
— Tu as déjà perdu, dit Gizmo.
À ces mots, la porte s’ouvre est c’est Émile, dit « Mil », qui entre, l’inspecteur en chef des enquêtes criminelles.
— Salut, les filles ! Tiens, Gizmo, qu’est-ce que tu fous là ?
— Je bosse.
— Super, sinon on a quoi ? demande Mil.
— Tu es assis ? demande Gizmo.
— Non, je bois.
— Perdu, dit Gizmo.
— Alors, j’attends ! demande Mil avec toute la délicatesse qui le caractérise.
— Deux dossiers depuis ce matin, dit l’inspecteur en les transmettant à Émile.
— Je ne sais pas lire, un résumé !
— Bon, deux personnes sont venues ce matin et c’est du gratiné !
— Gratiné, non, dit Gizmo, du caviar.
— Bon, c’est fini oui !
— Bon voilà, un homme est venu se constituer prisonnier pour meurtre.
— Et alors ?
— Le problème c’est qu’il ne sait pas qui il a tué ?
— Un malade ?
— Pas sûr, hein ! Gizmo ?
— Oui, je pense que ce monsieur a des hallucinations !
— Un drogué ?
— Pas sûr, Mil, il y a des hallucinations qui ont d’autres causes, avance Gizmo.
— Ça y est, l’autre ramène sa fraise !
— Non, Mil, il y a des choses qui se passent dans l’esprit humain que la science commence à peine à comprendre et qui relève souvent du surnaturel.
— Ben voyons ! dit Mil.
— Je te jure, cet homme est sain d’esprit, je te le confirme, je l’ai vu et écouté et il a même proposé de faire prélever son ADN.
— Super ! dit Mil.
— Oui, chef ! Il a rajouté, dit l’inspecteur en gloussant, « C’est pour faire avancer l’enquête ».
— Vous vous foutez de ma gueule ? demande Mil.
— Non, tout est dans le rapport.
— Vous me faites chier, et la suite ?
— Alors la suite, c’est, comment dire… dit l’inspecteur.
— Accouche, je bosse moi !
— C’est une femme qui est venue porter plainte pour viol.
— Ben voilà ! dit Mil.
— Sauf que… dit l’inspecteur.
— Sauf que quoi ? demande Émile en buvant sa tisane maison.
— Elle a été violée par un esprit ! dit l’inspecteur.
— Quoi ?
— Oui, par un esprit. Elle nous a même donné sa culotte pour expertise.
— Bon, ça suffit, je prends les dossiers, je me casse, encore un week-end sans Kim Wilde !
— Bonne chance, chef !
— Mil, on se voit ce soir ?
— Évidemment !
— À ce soir !
Émile quitte le bureau en claquant la porte, avec les deux dossiers sous les bras.
Émile et Clara à l’hôpital
Dans la voiture, Clara dit :
— Tu sais, je me sens bien avec toi, je ne sais pas pourquoi mais j’ai l’impression de te connaître !
— Moi aussi, dit Émile.
— Quoi, toi aussi ?
— J’ai l’impression de t’avoir déjà vue. Mais où ?
— Dans une autre vie ? demande Clara.
— Sûrement !
— Tu y crois ?
— Un peu, répond Émile.
— Moi, beaucoup mais je ne peux pas en parler aux gens, tu sais, une secrétaire, on me prendrait pour une folle.
— Tu es comme moi, dit Émile.
— C’est-à-dire ? demande Clara.
— Moi aussi je me dénigre en permanence. Je n’ai pas d’amis, pas vraiment des relations, et mon boulot consiste à rentrer dans un ordinateur des factures, encore des factures…
— Toujours de la paperasse, dit Clara en allumant une autre cigarette.
Les deux comparses rigolent.
— Ça y est, on y est. Je peux venir avec toi ? demande Clara.
— Si tu veux mais ce n’est pas beau à voir.
— Tu ne seras pas seul comme ça ! dit Clara.
— Si tu veux. On fume avant ?
— OK, dit Clara toute contente.
Assis sur un banc dans la cour de l’hôpital, les deux compères fument sans parler. Émile est songeur, il pense à sa mère et à sa drôle d’histoire, et à cette femme qui déboule dans sa vie.
Puis ils se dirigent vers l’entrée. Émile se fait alpaguer par l’infirmière.
— Émile, tu fais bien d’être là. Elle s’en va, je vais chercher le docteur !
— OK, dit Émile d’un ton plus que triste.
— Qu’est-ce qui se passe ? demande Clara.
— Rien, il paraît que ma mère s’en va !
— Merde ! dit Clara en serrant la main d’Émile.
Le docteur arrive.
— J’allais vous appeler, venez, elle s’en va.
— J’arrive, dit Émile.
L’infirmière qui précède le docteur ouvre la chambre. Émile entre et Clara est juste derrière lui. Sa « fille » est là, allongée dans le lit. Elle a les yeux fermés.
Le docteur et l’infirmière s’éclipsent en disant : « On vous laisse, on n’est pas loin ! »
La porte se referme, Émile est debout devant le lit, Clara prend sa main et dit timidement :
— Suis là !
— Écoute, ce que tu vas vivre maintenant est de l’ordre du surnaturel.
— OK, dit Clara.
Émile regarde sa « fille », elle a le teint gris et sans vie. Aucune expression sur son visage. Il met la main sur son front, elle est froide.
— Elle est partie ? demande Clara.
— Pas encore.
Et là, Émile s’éloigne à peine du lit et siffle un air. Clara fronce les sourcils.
Émile réitère son sifflement quand, soudain, sa « fille » change de couleur de peau et ouvre les yeux en disant :
— Mon trésor, tu es là !
— Oui, ma fille, je suis là !
— Je suis contente et j’ai faim.
Clara est à la limite de la syncope mais elle se retient.
— Bois et je m’occupe du reste, dit Émile.
— Oui, mon trésor !
Sa « fille » avale goulûment le verre d’eau et dit :
— C’est qui l’ange que je vois ? en parlant de Clara.
Clara se met à pleurer à l’écoute des mots.
— Je te présente Clara, c’est une amie.
— Elle est jolie et douce.
— Oui, elle a bien voulu m’accompagner en voiture.
— Je l’aime bien, dit la mère d’Émile.
— Je vais voir pour ton repas, dit Émile.
Clara n’en finit pas de renifler, jamais personne ne lui avait parlé comme ça. Pas même sa famille.
— Ne pleure pas, mon enfant, mon trésor est là et ça va aller.
— Oui, madame, désolée !
Émile va voir le docteur et lui dit :
— Ma mère a faim.
Le toubib a manqué de s’étouffer avec son café.
— Comment ça, elle a faim ?
— Venez ! dit Émile.
— Je veux bien.
Le toubib arrive dans la chambre et voit sa mère, gaillarde et en pleine discussion avec Clara.
— Va falloir que l’on m’explique !
— Plus tard, dit Émile.
— Oui, mais quand même ! Bon je vais donner des instructions pour la perfuser.
Clara ne parle plus, elle a sa main dans celle de la mère d’Émile. Le repas arrive enfin, c’est de la soupe, pas plus. Émile s’organise pour que sa mère mange. Sa mère sourit en sirotant son bouillon.
L’équipe médicale arrive et les deux compères sortent l’espace d’un instant. Ils fument dehors sans vraiment parler. Clara se colle contre lui, Émile ne dit rien, il est ailleurs. Puis ils reviennent et sa mère est déjà endormie, l’effet des cachets sans aucun doute. Émile s’en va en embrassant sa « fille ».
Émile et Clara
Les voilà dans la voiture, chacun allume une cigarette. Clara ne peut s’en empêcher de s’approcher d’Émile et de l’embrasser. Émile ne dit toujours rien, il est toujours ailleurs.
— Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? demande Clara.
— Comment ?
— On s’organise comment ? Je suis prête à tout.
— Ben, je n’en sais rien, je suis un peu dans les vapes, rétorque Émile.
— Bon, on va boire un verre, on fume, et on avise ?
— OK.
Clara se gare quelques minutes plus tard devant une brasserie. Ils sortent de la voiture et Clara dit à Émile :
— Allez, viens, suis là !
— Oui, dit Émile un peu vaseux.
Ils s’installent et Clara commande deux whiskys et des tapas. Ils fument en attendant.
— Ça va aller, chéri !
— Hein, oui ça va aller !
Après un tchin et un bisou de Clara, les deux compères prennent une bonne rasade…
— Deux autres ? dit Clara en posant son verre presque vide. Elle allume une cigarette et dit :
— Voilà ce que je te propose : je vais te ramener chez toi, moi, je vais faire quelques courses et rejoindre mon chat qui m’attends et ensuite, vers 19 h, je viens te chercher et on va chez moi ?
— Je ne suis pas sûr que cela soit possible, dit Émile.
— Si, c’est possible, tu me dois une explication et ton histoire.
— C’est vrai !
— Tu dors à la maison.
— Oui, mais…
— Pas de mais, tu dors à la maison.
— OK, dit Émile du bout des lèvres.
— Bon, allez, on se pose un moment et après je te dépose et tu me bipes quand tu es OK.
— Cool !
Après une bonne demi-heure de pause, le couple se lève et s’en va.
Quelques minutes plus tard, Émile arrive à bon port, sort de la voiture, et Clara lui fait un gros bisou de loin, il sourit et s’engouffre dans l’allée.
Clara allume une cigarette, elle met super tramp et chante faux, mais chante.
Elle est aux anges, elle n’a jamais ressenti autant de plénitude en compagnie d’une personne. Ce ne sont pas les mecs qu’elle côtoie ou ramasse dans un bar qui pouvaient lui procurer de telles émotions. Non, Émile, elle a l’impression de le connaître depuis longtemps. Elle sent son odeur, son intonation de voix lui est familière, ses gestes, sa façon de s’exprimer. Bref, pour Clara, elle a trouvé son HOMME. Et la voilà se dirigeant vers un supermarché. De rayon en rayon, elle achète. Puis, de retour chez elle, elle se jette sur son chat et lui raconte tout. Puis elle va se doucher, ressort quasi nue, prend un verre et une cigarette et se « plante » sur son balcon qui donne à la fois sur la mer et la montagne. Elle songe à Émile…
Émile de son côté prend un verre, s’en va sur le balcon de sa mère et fait face à la mer et à la montagne. C’est ce que voulait sa mère, un appartement comme ça. Il a toujours son histoire dans la tête, et maintenant Clara. Il a du mal à dire non à cette fille, tant elle lui ressemble et elle a des gestes qui lui sont plus que familiers, même son intonation de voix lui est familière, ainsi que sa façon de répondre. Pourtant, c’est la première fois qu’ils se rencontrent. Il est dans ses pensées quand, on somme à la porte. Étonné, il se lève et se dirige pour ouvrir. D’ordinaire, personne ne sonne à sa porte à part la voisine qui, de temps en temps, vient taper. Mais ça sonnait maintenant avec insistance. Il ouvrit et vit un monsieur en imperméable, la cravate de travers.
— Monsieur POUAC ?
— Oui.
— Inspecteur Émile, je peux ?
— Bien sûr, entrez.
Mil regarde partout en rentrant.
— Venez, prenez place, dit Émile.
— Merci, vous vivez seul ?
— Depuis peu, ici on est chez ma mère, moi, je dors dans la chambre à côté, sur le matelas.
— Je vois et elle est où ?
— En soins palliatifs, répond Émile.
— Bon, vous vivez seul ?
— En ce moment, oui.
— Vous vous droguez ? interroge Mil.
— Non, juste les clopes et l’alcool !
— Comme moi.
— Vous buvez quelque chose ?
— Non, j’ai ma tisane sur moi, dit Mil.
— Je prends un verre.
— Vous voulez goûter ? demande Mil.
— C’est quoi ?
— De la tisane, je vous dis ! répond Mil d’un ton agacé.
— Je veux bien.
— Alors ?
— Ça arrache votre truc !
— De la tisane ! rappelle Mil.
— Oui, de la tisane.
— Bon, vous avez souvent des hallucinations !
— Jamais.
— Vous êtes suivi par un psy ?
— Point de tout cela, rétorque Émile.
— Comment vous expliquez alors votre histoire ?
— Je n’en sais rien, mais cela me tisse des araignées dans ma tête !
— Votre ADN n’est pas dans nos fichiers.
— Ah, cela me soulage !
— Sinon ?
— J’ai des visions, poursuit Émile.
— Du genre ?
— Déjà, tout petit, les toubibs avaient dit que j’étais un « retardé mental ». Puis ce fut : c’est un autiste et me voilà maintenant avec mes araignées dans la tête.
— C’est-à-dire ? demande Mil.
— Ben par exemple, je peux dire des choses sur vous.
— Comme quoi ?
— Ce soir, vous allez voir un copain qui vous est très cher, qui vit dans une espèce de cabanon et qui s’appelle… ZUG ou un truc comme ça.
— Étonnant ! C’est Gus, dit Mil en buvant une rasade.
— Ben voilà, et je vis avec ça. Je pense qu’il y a quelqu’un en moi, et cela depuis que j’ai cinq ans. Il est là, il vit en moi mais je ne le contrôle pas : il fait ce qu’il veut !
— Je comprends, mon équipe travaille sur des dossiers classés.
— Dossiers classés ? demande Émile.
— Oui, des dossiers de morts sans que l’on ait pu identifier le coupable. Mon problème c’est que votre ADN correspond à un serial killer sexuel.
— Mon Dieu ! dit Émile.
— Comme vous dites, et ce fameux serial killer est mort, il y a un an, sous nos balles.
— Ah !
— Comme vous dites, on fait d’autres vérifications.
— Très bien.
— Donc, on est amené à se revoir, dit Mil.
— Oui, avec plaisir.
— Bon, je vais y aller, bonne soirée.
— Merci, à vous aussi.
Émile chez Clara
L’inspecteur partit, Émile s’attelle à préparer un petit « baise en ville » en attendant Clara. De quoi se faire une toilette digne de ce nom et son pyjama. Il est dubitatif à prendre son oreiller. Un essentiel de sa vie, surtout pour dormir. Mais il se dit que cela est trop intime. La mort dans l’âme, il laisse son « coucoune » dans son lit.
Clara le bipe et il descend. Il entre dans la voiture et découvre une Clara resplendissante. Coiffée, maquillée, et avec une robe plus que courte ainsi que des talons.
— Allez, rentre, on y va ! dit Clara avec son sourire d’ange.
— Oui !
— Ça va ?
— Un peu et toi ?
— Je pète le feu ! dit Clara.
— Et cela veut dire quoi ?
— Je suis bien, trop bien avec toi, lance Clara avec son sourire d’ange.
— C’est un peu tôt non ?
— Arrête tes chichis, on est bien ensemble et je te quitte plus.
— Ah !
— Tu peux me frapper, m’humilier mais moi, je reste à tes côtés.
— Je n’ai pas le choix ?
— Ben non, chéri, je veux vivre avec toi !
— Cela va être compliqué ! dit Émile.
— Mais non, laisse-moi faire, je vais tout t’expliquer.
— OK mais tout cela est effrayant !
— Tranquille, je m’occupe de toi et de tout. Je suis aux anges. Tu ne vas pas me gâcher ce moment ?
— Non, pas du tout, mais serais-je à la hauteur de tant d’attentes ?
— T’inquiète. On arrive, dit Clara en souriant.
Quelques minutes après, Clara se gare en sifflotant et en prenant la main d’Émile et se dirige vers l’ascenseur. Elle ouvre la porte et dit :
— Bienvenue chez moi, je te présente Elliot, mon chat.
— Bonjour, Elliot.
Le chat renifle Émile et s’en va.
— Tu sais, il n’a pas l’habitude.
— OK.
— Viens, installe-toi.
Émile pose son sac à dos et rejoint le canapé. Il s’aperçoit que Clara avait déjà dressé la table pour l’apéro, il y avait des pétales de roses, des bougies.
— Cela te convient ?
— C’est trop ! dit Émile un peu gêné.
— Mais non, c’est juste pour nous.
— OK.
— Tu veux te mettre à l’aise, prendre une douche ?
— Non, ça va, je vais juste ôter ma veste.
— Bon, je te sers ?
— Oui.
— À nous !
— Oui, à nous ! C’est un peu brutal tout ça !
— Cool, OK. Je ne vais pas te sauter dessus, dit Clara en rigolant.
— Non, je ne pensais pas à ça ! Mais, tu es sûre ?
— Certaine !
— Bon, allons boire et fumer alors.
— Lâche-toi !
— OK.
— Ben où est passé mon bébé ?
— Attends, je m’en occupe. Émile se met à siffler le même sifflement qu’il a fait à sa mère et le chat arrive en courant et se jette sur lui.
— Quand je te dis que tu es à ta place.
— Oui, mais quand même ! dit Émile.
Le chat ronronne et regarde sa maîtresse.
— Tu veux grignoter ? demande Clara en regardant son « bébé ».
Elle lui donne deux ou trois trucs. Le chat se régale.
— Bon allez, je t’écoute, dit Clara.
— Quoi ?
— Ton histoire ?
— Ah, pardon.
— Raconte !
— Bon d’abord, je dois de dire autre chose.
— Oui !
— Je ronfle la nuit et souvent je grince des dents. Je n’ai pas mon oreiller pour m’endormir et enfin, je dors tôt.
— OK.
— Oui, mais je vais te réveiller en pleine nuit.
— No souci, moi aussi, j’ai mon doudou pour dormir en plus de mon chat.
— Je dors où ? demande Émile.
— Sur le canapé.
— Parfait !
— Tu veux dormir à quelle heure ?
— 21 h.
— Mais on est dimanche demain ?
— Oui, et alors ?
— Rien, chéri, comme tu le sens. On grignote et j’ai hâte de t’entendre.
— OK.
Le repas était copieux, foie gras, mignardises, champagne, samossas…
— Alors, dit Clara, ton histoire ?
— Bon, je suis allé à la police pour me constituer prisonnier.
— Ah bon ?
— Oui, je crois que j’ai tué quelqu’un.
— Tu crois ?
— Oui, je n’en suis pas sûr, mais je pense que quelqu’un est bien mort, peut-être à cause de moi ?
— Comment ça ?
— Ben, depuis longtemps, je sens que quelqu’un vit en moi !
— Un esprit ?
— Je ne sais pas. Mais, il fait des choses et ce n’est pas moi le responsable.
— Comme quoi ?
— Un meurtre ?
— Tu me fais peur, chéri.
— Je sais, moi aussi j’ai peur, je ne sais jamais ce qu’il va faire.
— Il est là tout le temps ?
— Non, surtout quand je dors, mais tout à l’heure avec maman c’était lui ! Et parfois il parle à ma place, utilise mon corps. J’ai des visions mais c’est lui…
— Des visions ?
— Oui, avec l’inspecteur, « il » s’est mis à parler et ce qu’il a dit était vrai.
— Cool !
— Pas vraiment, je ne sais jamais quand il va intervenir…
— Il est gentil ?
— Je crois.
— Écoute, chéri, s’il t’arrive quoi que ce soit, je suis désormais là, je m’occuperais de ta mère.
— C’est gentil.
— Ta mère m’a dit qu’elle avait une maladie « fétiche » !
— Oui, je sais, elle nomme son cancer comme cela.
— C’est rigolo comme nom !
— Oui, pour une personne qui ne sait ni lire ni écrire c’est même très puissant !
— Pourquoi elle t’appelle « Trésor » ?
— La vieille et moi ça date, je me suis toujours occupé d’elle. Bien sûr, quand j’étais petit et malade c’est elle qui gérait.
— Tu avais quoi ?
— Faim et de l’asthme.
— Faim ?
— Oui, très tôt dans ma vie, j’avais compris que manger tous les jours c’était rare. J’étais maigre comme un coucou comme on dit !
— C’est pour cela que tu aimes le foie gras !
— Entre autres.
— Ta « fille » je l’aime bien et je crois qu’elle aussi.
— Elle t’a pris pour un ange !
— Et j’ai pleuré.
— Il ne fallait pas !
— Cela était trop fort. Personne ne m’a parlé comme cela !
— Bon, on arrête de parler, on boit un dernier verre et après, je vais me coucher.
— C’est toi qui vois chéri (elle aurait voulu dire : mon amour ! Mais c’est trop tôt !).
Ils débarrassent ensemble la table et Émile se dirige vers la salle de bain. Quand il revient, Clara avait fait son lit, le canapé était ouvert.
— Tu seras à l’aise comme ça ! dit Clara.
— Et toi ?
— Je prends le chat et je vais dans ma chambre regarder un peu la télé.
— On fume ?
— J’ai préparé deux cognacs !
— OK.
Ils ne parlent plus, chacun sirote son verre. Clara voudrait tant être contre lui mais elle n’ose pas. Émile est si craintif qu’elle a peur qu’il s’en aille subitement.
— Bonne nuit, dit Émile.
— Bonne nuit et à demain, je vais me doucher, lance Clara. Clara s’éclipse avec son chat tandis qu’Émile se love dans les draps.
Une heure après, Clara ne fait que penser à Émile qui commence à ronfler. Elle sourit et n’arrive pas à se concentrer sur le film qu’elle regarde. Puis Émile se met à grincer des dents. Clara et le chat n’arrivent pas à dormir tant le bruit est infernal. Clara est morte de rire et elle quitte son lit avec son chat et se dirige vers le canapé. Là, elle contemple Émile qui dort d’un sommeil profond en mode fœtus. Il grince vraiment des dents. Le bruit est insupportable. Elle fume et prend un verre en contemplant son « homme ».
Elle finit son verre et pénètre sous les draps et se love contre Émile. Elle est quasi nue.
Émile se retourne vers elle et enroule ses bras autour d’elle. Elle est aux anges. Quelques minutes après, Émile, toujours dans un profond sommeil, se retire et dort sur le dos, les bras sont partis. Clara n’en peut plus, elle s’approche discrètement d’Émile, pour éviter de le réveiller, et retire son pyjama. Elle prend alors son sexe puis elle le prend dans sa bouche. Émile dort toujours.
Elle continue son histoire et se lève pour se mettre sur lui. Puis, après avoir joui, elle remet son pyjama et se lève pour fumer. Lui, toujours dans son « coma », n’a pas ouvert un œil… Clara sort sur le balcon fumer et boire. Elle respire très fort. Elle n’est pas fière d’elle mais cela était si bon et puis demain elle avouera tout. Elle retourne dans lit, son chat à la main comme si de rien était.
Émile est réveillé tôt ce dimanche, il est un peu dans le « gaz ». Il va voir Clara qui dort d’un profond sommeil. Puis il se dirige vers la cuisine et évite de faire du bruit. Il prépare le café et ouvre le frigo. Il en sort des croissants, du pain, un jus. Son café à la main, il s’installe sur une chaise au balcon.
Quelques minutes plus tard alors, qu’il était dans ses pensées, Clara déboule en nuisette et toute souriante.
— Coucou chéri !
— Bonjour !
— Je me prends un café et j’arrive !
— OK.
Elle le rejoint, l’embrasse tendrement, il est un peu rigide.
— Désolée, dit Clara mais j’en avais envie !
— Non, c’est moi qui suis désolé, je ne suis pas en phase.
— Je suis tactile, tu sais.
— J’ai vu ! dit Émile.
— Sinon, tu as bien dormi ?
— Je crois, mais…
— Mais ? questionne Clara.
— Je crois qu’il a fait des bêtises cette nuit.
— Qui ?
— L’autre.
— L’esprit ? demande Clara.
— Oui, il a couché avec quelqu’un.
— Ah ?
— J’ai tout ressenti dans mon sommeil.
— Et ?
— J’avoue que cela était plus qu’agréable.
— C’est-à-dire ?
— Je ne sais pas, de la chaleur, de la douceur.
Clara prend une clope et une profonde inspiration.
— Chéri, tu me frappes si tu veux mais j’ai un aveu à te faire.
— Te frapper pourquoi ?
— J’ai fait des bêtises cette nuit.
— Quel genre ? Moi je dormais. Un homme ?
— Oui.
— Qui est venu coucher avec toi ?
— Non, pas exactement. C’est plutôt moi qui ai couché avec lui.
— Je ne comprends pas.
— Tu veux une bière ?
— Oui.
Clara revient avec deux whiskys.
— À nous !
— À nous.
— Bon, voilà, hier soir comme tu l’as dit, tu as d’abord ronflé et ensuite grincé des dents.
— Pardon !
— Non, ce n’est rien. De toute façon, je n’arrivais pas à dormir. Alors, je suis venue te voir. Tu dormais comme un bébé mais qui fait beaucoup de bruit ?
— Je sais.
— Donc, je me suis glissée dans tes draps et là tu m’as prise dans tes bras au niveau des seins.
— Pardon !
—