En manque d’ancre - Ray Mondt - E-Book

En manque d’ancre E-Book

Ray Mondt

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Beschreibung

Annie est une femme marquée par une rupture difficile et qui se retrouve dans une routine morose. Depuis un an, sa vie se résume à des journées vides de sens, entre travail, réseaux sociaux et solitude. Un jour, elle reçoit un appel inattendu de son amie Lilly, qui, elle aussi, traverse une période de doute. Les deux amies se confient leurs peines et trouvent un moment d’évasion dans leurs échanges. Cependant, une rencontre inattendue avec un homme nommé Matthieuw va bouleverser l’équilibre fragile d’Annie. Alors qu’elle se perd dans un tourbillon d’émotions contradictoires, une question brûle ses lèvres : Matthieuw est-il celui qu’il prétend être ? Chaque interaction semble l’entraîner un peu plus loin dans un mystère qu’elle n’avait pas anticipé. Entre désir, confusion et recherche de vérité, Annie doit naviguer dans un labyrinthe d’incertitudes où chaque réponse pourrait changer sa vie. Mais la vérité est-elle vraiment celle qu’elle croit ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ray Mondt, chercheur de profession, se consacre à l’écriture comme une immersion dans sa propre réflexion. Par défi et plaisir, il dépasse les limites de son domaine scientifique et technique avec ce premier ouvrage. À travers une introspection alliant humour et profondeur, il libère sa créativité, invitant le lecteur à explorer des horizons nouveaux.

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Seitenzahl: 321

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

Page de titre

Ray Mondt

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En manque d’ancre

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Ray Mondt

ISBN : 979-10-422-6821-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

I

Au bout du rouleau… la fin du tunnel

 

 

 

Un an… Douze mois que ma séparation avec mon ex me cantonne dans la torpeur d’une célibataire qui n’avait pas vraiment envie de le devenir : métro, boulot, dildo, dodo. J’avais l’habitude de sortir cette suite de mots en rimes pour désamorcer la situation au deuxième degré à la machine à café, histoire de clore le débat ; mais là, il faut bien reconnaître que c’est bien plus qu’une simple formule d’évitement. C’est une vraie sortie de route au premier degré, et je suis toujours sur le bas-côté ! Plus d’énergie, plus envie de grand-chose, plus de vie sociale, mais une overdose de réseaux sociaux. Plus je m’ennuie en rentrant chez moi, plus ce lent métronome à quatre temps, qui bat la chamade de mes mornes journées et de mes tristes nuits, me prend la tête…

Quand je croise des gens dans la rue, j’observe tout le monde me toiser. Je suis devenue complètement égocentrée et les gens autour de moi me paraissent être tels des zombies ; j’ai l’impression qu’ils m’observent du coin de l’œil, avec un regard pas très net, indirect, et ce petit sourire narquois qui me blâme comme une ratée. Tantôt avec un soupçon de pitié, tantôt avec une pointe de moquerie. Apeurée par tant de laideur, je croise les bras en refermant ma veste, je rentre mes épaules et baisse la tête pour fixer mes pieds, dont le rythme du pas s’accélère. Et je fuis. Je fuis ces visages qui ne font en fait que refléter l’état de mon âme meurtrie…

Mon téléphone se mit alors à vibrer au fond de mon sac et me sortit de ces pensées nauséabondes. Cela faisait longtemps qu’il ne l’avait plus fait, à tel point que j’en ai sursauté ! Avec la séparation, les gens s’éloignent de vous… Comme si vous étiez contagieuse… Ou plutôt, devenue dangereuse ! Allez savoir qui est, en fait, le zombie de l’autre ?

— Salut, Annie, c’est Lilly, comment vas-tu ?

— Lilly ? Mais c’est super sympa de t’entendre ! Ça fait un bail !

— Oui, j’avoue… J’aurais dû t’appeler plus tôt comme promis, mais avec la naissance de la p’tite, je me suis laissée embarquer dans une routine sans m’en rendre compte. Je n’ai pas vu le temps passer… Et puis, avec le blues de la maternité, je suis devenue complètement neurasthénique et infréquentable !

— Ne m’en parle pas ! Tu sais, depuis ma séparation, c’est aussi le blues. Je n’ai plus aucun contact avec personne…

— De mon côté, je n’en ai malheureusement pas plus que toi. La boîte m’impose de télétravailler encore tous les jours, et je t’avoue que voir des gens en vrai, ça me manque ! J’en ai vraiment marre de rendre compte de mes moindres faits et gestes à des visages aux regards inquisiteurs de l’autre côté de l’écran. J’ai envie de débrancher ! D’un côté, avec ton nouveau boulot, tu as la chance de voir plein de monde toute la journée… En chair et en os ! Ce n’est pas vraiment télétravaillable. D’ailleurs, comment ça se passe pour toi avec ce nouveau job à la supérette d’en bas ?

— C’est vrai que je vois du monde, mais pour moi, ce ne sont que des inconnus. Et quand je rentre, je suis une vraie loque, vidée moralement et physiquement. Je n’avais pas vraiment besoin de ça en ce moment… Et cela me rappelle mes premières semaines d’étudiante loin de chez moi ; retour à la case départ dans tous les sens du terme, seule avec ce petit boulot… Toi, heureusement, tu as ton mari et ta fille. Comment vont-ils, d’ailleurs ?

— Ils vont bien… Mais j’ai craqué ! Comme je te l’ai dit, j’ai eu envie de tout débrancher. Autant cela paraît simple de plaquer l’écran du PC portable, autant c’est bien plus difficile d’envoyer ton mec chez sa mère ! Mais c’était tellement compliqué entre ma p’tite Suzie et Éric… Entre l’une qui me réclamait toutes les cinq minutes et l’autre qui a besoin de la connexion H24 pour bosser avec ses collègues américains… Je les ai tous les deux envoyés chez les beaux-parents.

— Ah oui ! T’as tout balancé aussi, alors ! … Tu… Mais bon, t’as quand même le contrat de mariage qui t’assure leur retour au bercail… !

Quelle remarque de mauvais goût ! À force de ne plus fréquenter personne et de ruminer ma situation, je suis devenue complètement associable ! Telle une boutonneuse de la première heure, effervescente…

— Excuse-moi, ce n’est pas ce que je voulais dire, mais…

— T’inquiète ! J’ai compris et j’assume. Tu as raison. Mariée ne veut pas dire emprisonnée, pieds et poings liés dans la même geôle. Mais il faut dire que quand tu t’y retrouves seule, ce n’est pas l’extase non plus. Je comprends ta situation ; c’est vrai que je tourne aussi comme une lionne en cage entre la cuisine, la table du salon et la chambre. C’est pesant !

Ça y est, là, je deviens contagieuse ! Il faut que je change de sujet de conversation, sinon elle ne va plus jamais me rappeler…

— Bon, ben… et à part ça ? Comment ça va dans ton super boulot en haut des tours de La City ? Tu as repris, je suppose ?

— Eh bien, toujours la même chose : réunions et croche-pattes en tous genres… Ah, et puis, tiens ! J’y pense, on a accueilli un nouvel apprenti ! Ça faisait longtemps que je n’en avais plus eu, et ça ramène un peu de fraîcheur… Mais le pauvre, arriver dans ces conditions de pandémie et de couvre-feux… En plus, il est étranger ! Encore une chance qu’il ait pu arriver. Mais il ne va pas découvrir grand-chose du pays. C’est bête pour lui…

— Oui, c’est dommage… Et il fait quoi chez vous ? Tu es sa tutrice ? C’est toi-même qui l’as sélectionné ?

— Il fait des repérages pour savoir quels investissements seraient les plus rentables pour nos clients de la partie banque privée. Comme on a l’habitude de dire dans le monde de la finance : il ne faut jamais gâcher une bonne crise ! C’est à ce moment-là que les meilleures affaires se font, et le monde d’après se prépare… Il faut avoir les yeux rivés sur l’actualité et les marchés pour se positionner !

— Ça doit être cool comme sujet… À la fois techniquement et parce que tu es déjà un peu dans la vie d’après… Je l’envie un peu… Et il est agréable ? Il doit t’apporter un peu d’exotisme par procuration en cette période où nous sommes cantonnées au square du quartier !

— Oui ! Et ce qui ne gâche rien, c’est qu’il est plutôt beau gosse ! Ça me permet de jouer la cougar ! Ha ha ha ! … Les attributs de notre grand âge, que veux-tu ! Mais bon, pour le moment, je n’ai pu découvrir de lui que son visage en visio… Tu comprends mon agacement ? Peut-être qu’il ne fait qu’un mètre soixante et qu’il a déjà des poignées d’amour et un peu du bide ! Ha ha ha ! Je ne sais pas encore s’il surfe davantage sur Internet ou sur les vagues de Californie…

— Il est de quel pays, d’ailleurs ?

— Il est originaire de Polynésie, mais il a un accent américain, car il a vécu toute sa jeunesse avec sa mère à Oakland, justement, en Californie ! Tu vois le genre : le teint hâlé, cheveux ondulés jusque sur les épaules avec une jolie teinte dorée au soleil…

— Eh ben, dis donc… Je te rappelle que tu es tenue à la fois par tes obligations de réserve professionnelles et personnelles ! …

— C’est vrai, je me suis laissée un peu aller ! Bon, et toi, Annie ? Le boulot ?

— Ben, moi, comme je te disais : j’en ai marre de voir passer tous ces beaufs défiler pour acheter du PQ et des nouilles ! Et puis, j’ai mal aux poignets à force de passer les articles. Ce n’est pas vraiment un job pour moi. Parfois, j’aimerais stopper le défilé de ces gens sans âme qui, au choix, me matent ou m’ignorent, pour prendre le temps d’échanger ne serait-ce qu’avec l’un d’entre eux autre chose qu’un S.B.A.M. !

— Ben, écoute, pour te changer les idées, t’as qu’à passer chez moi. Comme nous sommes seules toutes les deux, on pourra boire des shoots et tu passeras la nuit chez moi, j’ai une chambre de libre ! Tu n’auras même pas besoin de monter les escaliers !

— Oh oui ! Cool ! On se dit quand, alors ? Ce week-end ?

— Ça me va… Disons samedi pour l’apéro ?

— OK ! Qu’est-ce que je ramène ?

— Juste de la farine, on fera une crêpe party !

— C’est noté, à samedi… Bises.

— Bises, plein de courage d’ici là !

C’était vraiment sympa de parler avec Lilly. Ce coup de fil est tombé à point nommé et m’a fait un bien fou !

La journée suivante fut, comme d’habitude, harassante… Et ce poignet qui me fait tellement mal ! D’ailleurs, je ne me rendais même plus compte que je grimaçais à chaque passage d’article. Quand, soudain, une personne s’adressa à moi :

— Cela ne va pas, madame ?

Incroyable ! Un client qui s’est rendu compte que j’avais mal et qui s’inquiète de moi ! Je ne les regardais même plus. En levant la tête, je vis un grand mec qui me souriait. Il portait un T-shirt ample dont les manches retombaient jusqu’aux avant-bras, une sorte de polo de joueur de foot américain. Pourquoi ai-je remarqué ce détail ? Certainement parce que je faisais une fixette sur les poignets ? Non, mais pas du tout ! C’était surtout parce que ses avant-bras étaient montés comme des cônes de glace, hyper musclés et veinés !

Ma libido de célibataire me jouait des tours hallucinants… voire hallucinogènes, devrais-je plutôt dire… Je n’attendais qu’une coulante de crème glacée en train de ruisseler dessus pour la lécher… Un rien me faisait partir au quart de tour…

Comme tous les beaufs de la supérette, il sentait la vanille d’un déodorant bon marché attrapé à la dernière minute sur la tête de gondole qui précédait mon tapis roulant, mais, dans un nouveau délire hallucinatoire, il me rappelait cet acteur australien sur lequel je fantasmais toute seule devant ma télé, mais qui faisait, quant à lui, la pub pour le dernier parfum Hugo Boss qui avait certainement une odeur plus classe…

— Oui ! lui répondis-je. Ça me fait un peu mal en ce moment ; le PQ, ça n’a pas l’air comme ça, mais par lots de douze, toute la journée, ça finit par faire sacrément mal !

— Ce soir, faites-vous un cataplasme avec de la farine de maïs, vous verrez, ça fait du bien ! Moi, j’en mets d’habitude sur mes poignets après avoir fait des nœuds toute la journée pour amarrer des bateaux au boat-club. C’est super efficace, je vous promets !

— J’essaierai, promis !

Voilà que je me positionne en soumise au bout de même pas trois phrases… Mais que m’arrive-t-il d’un coup ?

— Au revoir, madame, et ne confondez pas avec la fécule de maïs ; ça, c’est pour les crêpes ; prenez bien de la farine de maïs… Bon courage !

— Au revoir, monsieur !

Non, mais tu n’as pas plus de conversation que ça, ma vieille ? T’aurais pu rebondir sur les crêpes pour faire durer le plaisir… Je n’ai pensé qu’à cette histoire de nœuds. Béate comme une adolescente, je n’ai même pas pensé à lui demander ce qu’était un boat-club et ce qu’il y faisait ! La seule image qui me vint à l’esprit fut la chambre de torture d’un club sadomasochiste… Là encore… Ma libido, non assouvie depuis un an, et les romans érotiques de supermarché me faisaient dérailler…

Et puis, « Madame », me disait-il ! Mais quel âge a-t-il pour me parler comme ça ? Bon, c’est vrai qu’il paraît jeune, mais son timbre de voix caverneuse et ses grandes mains puissantes font de lui un homme plutôt mûr…

Le lendemain, comme j’avais posé un jour de congé, j’en ai profité pour faire quelques emplettes, histoire de me vider un peu la tête et de la bourrer de pensées positives. Il était temps de changer de garde-robe, celle qui n’avait pas changé depuis ma séparation, histoire de plaire à nouveau, à moi-même d’abord et, qui sait, à un expert en nouage de cordes à l’occasion… Hi, hi, hi ! J’ai craqué pour une jupe courte en cuir. Cela faisait des lustres que je n’en avais plus mise ; mon ex pensait que ce n’était plus nécessaire, car nous étions déjà en couple et qu’il me préférait nue dans le lit… Quel mufle ! … Alors, je me suis cantonnée aux jeans : toujours les mêmes, pas trop moulants, sans coupe particulière, juste de quoi emballer mes cannes… Mais ça ne l’empêchait pas, bien sûr, d’apprécier les jambes des autres filles et de m’en faire l’éloge par-dessus le marché ! … Histoire de bien me faire perdre confiance en moi et de s’assurer de mon éternelle fidélité !

Des éloges que me fit, en revanche, la vendeuse… Même si c’était commercial de sa part, je les recevais avec plaisir et j’entendais, dans mon for intérieur, le miroir de la cabine d’essayage me siffler de flatterie… Ça faisait du bien ! C’était peut-être mon ressentiment de frustrée, dorénavant mal baisée, mais je me trouvais super sexy en me caressant les hanches pour admirer mes courbes féminines dans cette jupe courte en cuir, souple comme une seconde peau ! Il n’y avait plus qu’à la faire valider ce soir par ma meilleure amie !

Un petit chemisier blanc pour le haut, déboutonné jusqu’à la naissance de mes seins, finit par me faire gonfler la poitrine pour faire bâiller le tissu entre les premiers boutons… En faire voir davantage, ma p’tite Annie… Et enfin, redresser la tête, pour viser un avenir un peu plus excitant…

En sortant de la boutique, je repensais au beau client de la veille, que j’imaginais me découvrir dans ma nouvelle tenue… Et, de fil en aiguille, la farine… La farine ? Zut, il fallait que je repasse en acheter pour la crêpe party avec Lilly et pour mes douleurs au poignet…

Il y avait du monde en cette fin de samedi après-midi dans l’hypermarché de ce gigantesque centre commercial. Dans la file d’attente de la caisse, l’odeur de sucre vanillé dégagée à travers même l’emballage, me projeta d’un coup dans ses bras ; des fourmis remontaient le long de ma colonne vertébrale et me propulsaient sur la pointe des pieds… Elles remontaient mes cervicales jusqu’à se disperser à travers mon cuir chevelu ; je me suis mise à lâcher un petit gémissement qui surprit la personne devant moi. Heureusement, il l’interpréta comme le résultat d’une douleur lorsque je lui montrai mes poignets rouges…

— Ça ne va pas, madame ? Vous avez mal aux poignets, c’est cela ? Puis-je vous conseiller du baume au camphre… C’est radical !

— Euh ! Non, merci. Je vais commencer par aller voir un bon médecin…

Je ne savais plus où me mettre ! Décidément, ce client me prenait la tête ! Il fallait vraiment que je reprenne le contrôle !

Une fois ma petite valise pour la nuit préparée, me voilà partie pour aller chez Lilly… J’étais super contente de la revoir… J’allais enfin pouvoir passer une soirée sympa et renouer avec la vraie vie…

— Salut, Annie ! … Oh là, mais tu as un joli bandage ! Ça ne va pas ?

— Si, si… C’est simplement le boulot ! … C’est le métier qui rentre… J’ai fait un bandage sur un cataplasme de farine de maïs et ça va déjà mieux ! Mais rassure-toi, il me reste de la farine pour tes crêpes ! C’est un tuyau d’un client… Plutôt mignon, d’ailleurs…

— Ben, toi qui me disais que tu ne voyais que des beaufs toute la journée ? …

— Ben, là, il y a eu une exception !

— Tiens, tiens ! OK ! … Alors moi, je vais vite préparer l’apéro et tu vas me raconter tout ça…

— Oh ! Tu sais, il n’y a rien à en dire… C’est juste un mec qui achetait sa bouteille de déodorant et que je risque certainement de ne plus revoir, mais il a déclenché en moi des émotions que je n’avais plus ressenties depuis longtemps… Une petite pilule de bonheur en quelque sorte…

— Ah oui ! Eh bien, pour en être sûre, je vais mettre un peu plus de rhum que d’habitude dans la pâte à crêpes ! Cela te fera un peu plus parler… Ha ha ha !

— Va pour le rhum dans les crêpes… Comme ça, je serai assurée que tu ne vas rien raconter à personne, parce que tu ne seras même plus capable de t’en souvenir ! Hi hi hi !

Et nous voilà à commencer à boire ; à boire et à s’empiffrer de crêpes au sucre et au chocolat ! Et plus je bois, plus ma mémoire se fait lacunaire… Tout ce que je sais, c’est qu’à un moment, on a fini par faire un jeu débile… Comme d’habitude avec Lilly…

— Il y a quatre places de crêpes sur la plancha, et nous ne sommes que deux ! Si l’on faisait un jeu de crêpes-pong au punch ? On se bande les yeux et l’on essaie de trouver où est la crêpe qui manque avec la spatule ?

— Et si l’on tombe à côté, sur une crêpe… On a le droit de la manger ?

— Oui, bien sûr ! Et en plus, en cadeau, t’as le droit à un shoot de punch pour la pousser !

— T’as quand même toujours pas grandi, ma pauvre Lilly !

— Que veux-tu ? Ma fille n’a pas encore l’âge de jouer avec moi et Éric n’a jamais voulu jouer à ce genre de jeu débile… Si je ne peux pas profiter d’une copine pour perdre quelques années, à qui vais-je le demander ?

C’est bien ma meilleure copine ! Le mariage, la maternité et les responsabilités ne l’ont finalement pas changée. C’est peut-être ça, la recette du bonheur : rester une adolescente inconsciente et ne rien céder au temps ni aux autres…

Me voilà les yeux bandés, à essayer de chercher la crêpe qui manque !

Raté ! Et me voilà punie… Du punch… Et ma crêpe à pousser avec un shoot de rhum bien tassé !

— Mais au fait, s’il n’y a qu’une seule crêpe qui manque sur les quatre, ça fait plus de chances de m’empiffrer que de te voir aussi prendre du poids ! Faudrait en embaucher un troisième pour que ce soit équitable… Parce que là, je n’en peux plus, j’ai besoin d’aide !

— Justement, je viens de recevoir un message de mon apprenti qui bossait encore chez lui ! Le pauvre, il n’a plus de week-end et personne pour couper un peu… Est-ce que ça te dérange si je l’invite ?

— Non, mais quand est-ce qu’il arrive ? Parce que j’ai l’impression que je vais passer toute la soirée les yeux bandés, moi, hi hi hi ! … J’étais déjà bien pompette !

— Il vaut mieux qu’il se radine rapidement, parce que bientôt on n’aura plus de punch avec ton efficacité du soir ! Douée comme tu es ! Ha ha ha !

— C’est clair ! Comme si j’y voyais quelque chose ! … Mais tu comprends qu’avec les yeux bandés, c’est quand même aussi un peu gênant de me présenter comme ça à lui…

— C’est sûr… Alors, dépêche-toi de trouver la crêpe manquante sur la plancha…

Un quart d’heure plus tard, la sonnette retentit…

— Ah ben, tiens, le voilà enfin ! … J’y vais…

— Euh, Lilly… Mon bandage ! … Tu me l’as tellement serré… Je n’arrive pas à l’enlever ! …

— Non, ben, attends, j’ai une idée… Tu auras le droit de voir Matthieuw quand tu auras trouvé la crêpe manquante… Un beau gosse comme lui, ça se mérite !

— Tu n’es pas marrante ! … C’est hyper gênant !

— Salut, Matthieuw ! Je suis contente que tu aies décidé de venir… Viens, entre, je vais te présenter une amie… Sois, en revanche, un peu indulgent. Tu sais, je fais dans le social quand je ne suis pas au bureau, elle n’est pas très douée au crêpe-pong. Ha ha ha !

— Alors, bonjour, Matthieuw… Euh, moi c’est Annie… Désolée, je ne suis pas dans une très bonne posture en ce moment…

— Aucun problème… Lilly m’a expliqué ; enchanté ! Mais il me semble que nous nous sommes déjà rencontrés…

Pour quelqu’un qui venait juste d’arriver dans le pays, sa technique d’approche n’était pas très crédible. Il était lourd et maladroit ; encore un prétentieux de la finance qui se croit tout permis avec la gent féminine et qui ne sait pas se tenir… Finalement, je vais garder les yeux bandés…

— Je ne pourrai vous le confirmer que lorsque j’aurai pu retirer mon bandage…

— Alors, je refais une tournée de crêpes ! … Sinon, comme c’est parti, on ne va jamais réussir à la libérer… !

En fait, je crois que je n’ai jamais trouvé la crêpe manquante et, à force de boire… C’est le trou noir… Je suis incapable de vous dire combien de tours je suis restée comme cela, à tenter vainement de tomber sur cette foutue crêpe manquante… !

À la fin, je me suis retrouvée à la vaisselle… Toujours les yeux bandés ! Et c’est à ce moment précis que ma mémoire est revenue. Elle a enregistré de manière indélébile ce merveilleux moment… Aussi surprenant que cela puisse paraître, eh oui, les mains dans la vaisselle… Vous allez comprendre pourquoi… Ah ! Les supers jeux de Lilly !

Matthieuw s’était mis à côté de moi pour essuyer la vaisselle… Lilly, elle, était tellement crevée qu’elle était apparemment montée se coucher, d’après ce qu’il m’a raconté…

Dans un sursaut de clairvoyance, j’ai demandé à Matthieuw de me retirer le bandeau… Mais au même moment, il m’attrapa le poignet et me dit :

— Mais vous vous êtes blessée ?

— Non, c’est juste mon boulot à la caisse du supermarché…

— Et vous avez bien mis de la farine de maïs, pas de la fécule, j’espère qu’elle est quant à elle dans la pâte à crêpes… Comme je vous l’avais conseillé !

Quelques synapses de mon cerveau ont d’un coup réussi à se reconnaître pour créer une connexion malgré la brume des vapeurs d’alcool dans laquelle elles étaient perdues depuis des heures… Cette odeur de vanille du déodorant bon marché qui trônait sur la gondole devant mon tapis de caisse, m’a poussée immédiatement à jouer à Colin-maillard en remontant le long de ses avant-bras musclés, en suivant le parcours de ses veines… C’était bien lui !

Il se laissait faire ; l’alcool a tendance à allonger le temps de réaction et les distances de freinage… Eh bien, là, croyez-moi que je n’ai jamais réussi à m’arrêter sur la route de ses veines sinueuses et glissantes. Le temps s’était dilaté… Et ce n’était pas l’eau savonneuse de la vaisselle qui provoqua le dérapage, mais bien mes mains moites, car la tension sexuelle était montée d’un cran… Mes mains étaient devenues incontrôlables ! Je lui lâchais sur un ton de fillette apeurée par cette situation :

— Ah ben ! … C’est vous ? …

D’un coup, je me suis mise à trembler comme une feuille… J’avais envie de voir son visage… Mais il m’empêcha d’atteindre le nœud de mon bandage…

— Je vais vous refaire un autre bandage autour de vos poignets, laissez-vous faire. ça va vous faire du bien !

Ses mains rassemblaient les miennes dans une infinie douceur et il attrapa le torchon frais de la cuisine pour me les ligoter dans le dos. C’est vrai qu’il est doué pour faire des nœuds rapidement celui-là ! …

J’étais en état de choc ! Mais que se passe-t-il ? Que fait-il ? J’étais incapable de réagir… Mon corps ne répondait plus… Mon psychisme venait bel et bien de se crasher sur lui !

Il était derrière moi et avec deux doigts qui se placèrent sous mon menton, il me fit basculer la tête en arrière afin de m’embrasser doucement… Timidement et de manière appliquée dans un premier temps ; il voulait visiblement faire bonne impression et me rassurer sur ses intentions… Mais très vite, le rythme s’accéléra… Coincée entre lui et le lavabo, il s’était appuyé dans le creux de mes reins et je sentais son sexe gonfler et se durcir à travers son pantalon… Le rhum continua de faire son effet dévastateur… Ma tête en arrière se mit à tourner et me voilà en train de perdre pied. Dans une étreinte brutale, il emporta ma taille dans le creux de son bras pour me serrer encore plus fort contre lui. Je sentais son bras chaud, musclé, aux innombrables fibres musculaires qui se tendaient sur la peau fine de mon ventre. Il remonta doucement pour découvrir ma poitrine sous mon chemisier. D’un coup d’un seul, il me souleva ! Mes pieds ne touchaient alors réellement plus terre. Il m’emmena sur la table du salon…

Me voilà posée sur le dos, la tête en arrière dans le vide au bord de la table. Je l’entendais se déshabiller. Le rhum avait définitivement inhibé ma frigidité, et réveillé ma libido endormie depuis un an. On a beau dire : si l’appétit vient en mangeant, la privation aiguise votre appétit…

C’est ainsi que j’ouvris instinctivement la bouche bien grande, et tirai la langue pour accueillir son membre qui se fraya un chemin en glissant dans les commissures de mes lèvres. Son attribut était à l’image de ses avant-bras : viril, ferme et parcouru par des veines caverneuses qui lui donnaient de la structure… Une vraie gourmandise ! Une barre de chocolat intense, imposante et aux sculptures profondes… Je refermai ma bouche pour le sucer avec délectation… Lilly avait disparu de mes radars de méfiance… Je me sentais m’abandonner progressivement en fermant les yeux de plaisir. Il se pencha alors sur moi… Ses mains attrapèrent mes hanches et il me fit basculer le bassin pour lui offrir un point de vue indécent sous ma jupe en cuir sur ma culotte trempée. Je laissai de temps en temps s’échapper un soupir d’un son nasal témoignant de mon plaisir comme lorsque j’appréciais une bouchée de crêpe au chocolat… L’odeur était restée tenace dans le salon… Comme un fait exprès, je sentis alors les effluves d’un carreau de chocolat qu’il avait fait fondre sur la plancha qui était restée chaude sur la table… Il me dit que le chocolat contenait également du beurre de karité, et qu’il était aussi connu pour ses vertus relaxantes… La bouche pleine de salive à sucer goulûment sa queue, je n’ai pas réussi à dire Non ! … Après avoir écarté ma culotte, la paume de sa main en appui sur mon clitoris et recouvrant mon sexe, il enfonça délicatement l’extrémité de son doigt beurré de chocolat fondu dans une zone que mon ex-petit copain n’avait jamais imaginé visiter. Toutes mes zones sensibles étaient sollicitées. Les premiers signes de jouissance apparurent et me firent gémir des cris de satisfaction intenses en reprenant mon souffle.

Puis il se releva pour me faire descendre de la table. Son sexe dans ma bouche me manquait déjà et je me tendais vers lui pour l’embrasser… Il se rapprocha alors de moi pour m’enlacer. Cela dura un long moment, le temps de me ressaisir et de me calmer. Je me sentais vulnérable, à sa merci. Bizarrement, mes poignets ainsi attachés ne me faisaient toujours pas souffrir… Je me sentais bien.

 

Il me donna un nouveau carreau de chocolat pour lancer le deuxième acte. Il me mit deux doigts pour me refaire mouiller. Ainsi réclamée, l’ivresse du rhum me fit le cadeau d’un brin de folie sur fond de confiance exagérée ! Il se servit de ses doigts et de l’hypersensibilité de la zone dans laquelle ils s’étaient insérés, pour me guider à travers la pièce. Toujours habillée, mais débraillée, j’avançais les mains dans le dos en profitant du point d’ancrage qu’était devenue sa main pour rouler du cul en mâchant effrontément mon morceau de chocolat. Je me sentais irrésistible… Enfin femme pour la première fois de ma vie ! Je ressentais pleinement le pouvoir d’être sexy et adorée ! À moi de mener la danse !

J’enfourchai alors l’accoudoir du canapé en cuir sur lequel il m’avait demandé de m’asseoir… Mais avec les mains attachées dans le dos, une fois l’euphorie liée à l’alcool évaporée, la réalité de mon ivresse se rappela brutalement à moi et je perdis alors bêtement l’équilibre… Et me voilà à plat ventre sur l’accoudoir… Il arriva à côté de moi et me remonta la jupe… Il prit ma culotte et la tira fort pour la transformer en string entre mes fesses. En créant un mouvement de va-et-vient ; il me fit balancer mes hanches. Ma culotte tendue était à la limite de craquer. Puis de l’autre main, il attrapa ma queue de cheval qu’il tira en arrière pour augmenter ma cambrure. Dans cette étreinte, je lâchais un nouveau gémissement sourd de plaisir. Je n’en pouvais plus et l’envie qu’il me pénètre augmentait sans cesse… À force de me secouer, il finit par lâcher prise et j’en ai profité pour le supplier de me baiser pour calmer mon excitation. D’une claque sur mes fesses, il se positionna derrière moi et après avoir tiré une dernière fois ma culotte, il reprit le contrôle en me pénétrant d’un coup bien profond. C’était trop bon ! En gémissant, j’utilisais un vieux reste d’abdominaux travaillés dans ma jeunesse pour parcourir sa queue d’avant en arrière sur toute sa longueur… Mais ça ne me suffisait encore pas… Je lui demandais de me baiser encore plus fort et il accéléra la cadence. Ça claquait fort… Sa queue allait et venait frénétiquement… Nous étions en pleine extase… Les calories des crêpes étaient complètement brûlées et juste avant que les crampes viennent gâcher l’instant, il me releva. Il s’installa dans le canapé et me prit par les hanches pour m’inviter à venir sur lui. Les mains toujours attachées dans le dos, je m’abandonnais alors sur son torse large et transpirant… Nous profitions de ce temps à nouveau calme pour reprendre nos esprits, au doux bercement de nos respirations synchrones. Délicatement, il me fit des petits bisous sur mon front. C’était hyper tendre. Nos mouvements de respiration se firent toujours plus lents. Il me pénétra lentement dans cette position d’Andromède pour achever de me faire l’amour. Ses mouvements lents et profonds finirent de me faire jouir. Que tu es bonne, me dit-il en me faisant le plaisir de retirer son préservatif et en me lâchant son sperme chaud sur mon ventre.

Nous restions là comme des larves affalées dans le fauteuil ; comblés par ce moment intense, unique, original et improbable.

 

Habilement, il se retira doucement pour prendre le chemin de la cuisine et terminer la vaisselle. Conscient également qu’il serait difficile de se justifier, il partit à l’aube en me laissant définitivement les yeux bandés.

Lilly descendit les escaliers vers 9 heures… Elle avait la gueule de bois… Toujours prête à faire la fête, elle n’a jamais tenu plus de deux tournées de shoots… Heureusement pour moi !

 

 

 

 

 

II

Le Mirador

 

 

 

Le dimanche fut tout cotonneux. J’avais décidé de rentrer à pied. Mes yeux étaient éblouis par la lumière du jour, entre la cuite de la veille et les yeux bandés toute la nuit. Et là, d’un coup, je me mis à douter… N’était-ce que le fruit de mon imagination ? Le rhum et ma libido inassouvie m’avaient-ils à ce point tourné la tête que j’avais tout imaginé en m’écroulant dans le fauteuil complètement bourrée, sans jamais avoir pu déjouer l’espièglerie de Lilly ? Je n’ai même pas pu voir son visage ! Son seul fantôme me suffisait-il à m’enivrer ?

C’était Lilly qui m’avait retiré le bandeau des yeux, mais je n’ai même pas voulu lui demander ce qui s’était passé cette nuit ! Certes un peu parce que j’étais gênée, mais surtout pour me persuader que mon rêve était en fait bien réalité ! J’avais peur de sa réponse…

Le lundi, je retrouvais le métronome de ma caisse enregistreuse dont le bip sonnait cette fois-ci le rythme de la mélancolie. En fait, rien de spécial ne pouvait m’arriver dans ma vie. Les stagiaires qui ressemblent à des dieux grecs, beaux, intelligents, un brin attentionnés et virils à la fois, c’était pour des filles comme Lilly. Elle-même surdiplômée, belle et intelligente. Elle avait fait de longues études sans accroc : prépa dans un grand lycée parisien, HEC, un MBA à l’université de Philadelphie aux États-Unis, le tout agrémenté de stages dans toutes les capitales de la finance : Londres, Francfort, New York… Je me demande même comment elle a pu devenir mon amie ? Encore un effet enchanteur du rhum… Nous nous étions retrouvées autour d’un bol de punch lors de l’anniversaire des dix-huit ans d’une fille que nous détestions toutes les deux d’ailleurs. Elle nous avait invitées uniquement pour avoir un sujet de railleries au sein de son groupe d’amies fidèles… Mais bon, il s’agissait d’une fille populaire du lycée que nous fréquentions sans être dans la même classe, et c’était l’une des dernières occasions pour mettre le grappin sur nos amours de jeunesse avant de se disperser un peu partout pour nos études supérieures. Nous avions des papillons dans le ventre et surtout un trac de folie que nous soulagions avec le punch. Nous avons passé toute la soirée à échanger nos avis sur l’évolution du bol de punch qui au fur et à mesure que la soirée avançait, était de moins en moins fruité, mais de plus en plus euphorisant ! La particularité de cet alcool est qu’il ne peut en aucun cas vous rendre mauvais ou violent ; il vous débride et vous ouvre aux autres. Ce breuvage est le catalyseur du bonheur… À un mètre de la source, ne rayonnent que des ondes positives et c’est dans cette zone que naissent les plus belles amitiés… Et c’est à cet endroit que moi et Lilly nous sommes liées pour la vie. Elle avait trouvé son mari ce soir-là en la personne du petit malin qui avait flairé le bon coup et qui rechargeait le bol… Quand je vous disais qu’à proximité de la source, il n’y avait que de belles rencontres…

Lorsqu’un soir, quelques années plus tard, Lilly m’avait également téléphoné et demandé de passer la voir avec une bouteille de rhum, elle me livra que ça ne se passait pas très bien avec son mari.

Ils avaient fait toutes leurs études ensemble, commencés tous deux à la Banque Internationale de Paris, et à ce moment-là il venait de recevoir une promotion pour prendre en charge une filiale aux États-Unis. Lilly, elle, voulait faire une pause et avoir un enfant.

 

« Pas maintenant ! lui avait-il répondu. On n’a pas fait autant de sacrifices et d’études pour gâcher notre lancement de carrière au moment le plus important ! »

Ils étaient dans un appartement en haut d’une tour qui faisait face à la BIP, complètement vitré avec vue sur les lumières de la ville. Ils avaient déjà tout ce qu’il fallait pour profiter de la vie. Pourquoi prendre de tels risques, déménager et devoir tout reprendre ? Elle enfonçait une porte ouverte en me rappelant qu’à la différence des mecs, nous les femmes nous pouvions tout mener de front à condition de travailler en équipe ; mais il n’était pas question qu’elle fasse un enfant toute seule !

Elle m’épatait ! Lilly savait ce qu’elle voulait et fédérait les autres autour de ses projets. J’en ai eu encore la démonstration ce soir-là. Après avoir bu les trois quarts de la bouteille de rhum que je lui avais apportée, elle me dit : « Viens avec moi ! … »

Nous sommes montées dans une chambre à l’étage où sur le lit king size travaillait son mari malgré l’heure tardive.

Le fameux Éric ! Celui qui avait su l’enivrer lors de la soirée de notre rencontre, malgré un taux élevé d’alcool dans le sang… Il faut dire que Lilly savait toujours discerner le beau du moche ! Éric était un beau mec… En appui sur un bras devant son PC portable et avec un verre de vin rouge dans l’autre main, il était entouré de feuilles raturées avec des chiffres et des équations qui se répondaient dans un indescriptible entrelacement. S’il n’était pas tiré d’une scène de ménage, le tableau aurait été des plus chic… Ils formaient un super couple. Lui ressemblait à ces acteurs de série américaine des années soixante : cheveux clairs parfaitement posés sur le crâne avec de la gomina pour maintenir une mèche de côté qui défiait les lois de la gravité. Sa chemise blanche fraîchement fripée de la journée sur son corps svelte lui donnait un air de « trader » attirant, dont toute femme normalement baisée en aurait fait son quatre heures…

Lilly était une habituée des boutiques « branchouilles » du centre-ville. Elle portait le tailleur cintré à même la peau sur son corps de déesse. Parfaitement proportionnée avec ce je ne sais quoi de pas normal, elle n’est pas biologique du tout : des épaules fines sur lesquelles dansaient ses longs cheveux châtains ; une poitrine discrète, mais bien présente au croisement de sa veste ; une taille de guêpe ; des hanches fines, mais des fesses pommelées bien rondes en haut de ses interminables jambes sur lesquelles flottait son pantalon soyeux… Ses jambes finissaient sur des chevilles extra fines qui se nichaient dans des baskets immaculées.

Je la voyais de profil, s’agiter et pointer Éric du doigt en lui faisant la leçon sur son devoir de mari. Il devait, selon elle, se muer dorénavant en reproducteur et en père… Lui, je le voyais de face, vacillant sur ses abdominaux fébriles, à la limite de s’écrouler sur le matelas sous les coups de boutoir des arguments assénés par Lilly. Mais il était en même temps rempli d’admiration par la détermination de son épouse. Ils se chamaillaient comme deux « traders », se disputeraient une action qui valait de l’or ! Cette quantité abondante d’énergie thermique qui chauffait l’ambiance faisait bouillir avec effervescence leur amour. Elle n’eut pas le temps de finir de le sermonner, qu’il se leva dans un ultime effort abdominal, et l’embrassa pour la faire taire. Puis en reprenant son souffle, il lui dit : « Je te ferai un enfant dès ce soir ! Installe-toi dans mon bureau… »