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Deux jeunes âmes, liées par une quête inextinguible de connaissance, s’aventurent dans un voyage qui les propulse bien au-delà des frontières de leur monde. L’un, courageux caravanier, arpente les immensités désertiques de l’Arabie, tandis que l’autre, prince héritier d’un royaume d’Afrique de l’Ouest, abandonne la sécurité de sa naissance pour embrasser l’inconnu. Bien que leurs chemins soient distincts, tous deux se retrouvent sur une voie parsemée de défis, où chaque épreuve forge leur caractère et les transforme profondément. Un voyage initiatique, où l’aventure devient l’école de la vie.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bamba Dieng considère l’écriture comme un moyen de donner vie à ses idées et de partager ses rêves. Cet ouvrage, né d’un défi personnel, prouve que la détermination peut rendre l’impossible possible.
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Seitenzahl: 275
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Bamba Dieng
Enfants de la lumière
Roman
© Lys Bleu Éditions – Bamba Dieng
ISBN : 979-10-422-7959-2
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Contempler les cieux est un perpétuel spectacle que seuls certains privilégiés ont la sagesse et surtout la patience d’y assister. Sur cette interminable scène se trouve des formes d’animations à perte de vue, parmi elles l’un des acteurs les plus élégants, le phénix. Déploie ses longues ailes au-dessus de toute autre forme de vie avec toute sa splendeur, sur cette supériorité ornée d’élégance qui dépasse l’entendement, nous allégeant partiellement des rayons du soleil. L’oiseau de feu brille d’une lumière pas moins aussi éternelle que son mythe, celle de renaître de ses cendres.
L’histoire de ce roi, dont la suprématie règne sans partage dans tous cieux et de tout temps, est d’une similitude indéniable à celle de Talla.
Né dans l’aristocratie du royaume wolof en Afrique subsaharienne, Talla Diop, digne héritier de son père, le roi Biran Mbari Diop. Ce jeune prince a vu le jour sur un royaume à l’environnement politique plus que malsain, le jeune Talla, aux idées révolutionnaires, était né en avance sur son temps.
Victime d’une existence agitée, l’enfant cadet de la reine Biram Sabelle Dieng a acquis une histoire digne d’être racontée.
Perché au sommet d’un arbre, sur une branche bien à l’étroit, au milieu de milliers de feuilles, une coquille se met à bouger sur un nid.
Le petit oiseau se dégage prêt à sortir, la naissance du futur roi des cieux est actée.
Braver la chaleur est le moins préoccupant de mes soucis, traverser le désert assis sur le dos de mes dromadaires vaguant entre villes et royaumes. De Médine à Damas en passant par Jérusalem, j’ai parcouru tout l’orient pour vendre des marchandises à des gens dont il faudrait des jours de voyage pour pouvoir ne serait-ce que voir les joyaux que j’ai à ma disposition. Entravé par des guerres de religion et des rois qui se prennent pour plus qu’ils ne le sont, je devrais changer de cap pour préserver ma caravane, mais surtout l’héritage que m’ont légué mes ancêtres. Mon choix se porte plus à l’ouest, j’ai entendu dire que le mouvement des Almoravides a fini d’islamiser toute la zone et mon cousin Souleymane m’a parlé d’un certain royaume wolof assez prospère appelé Waalo au sud des Berbères maures.
Le voyage sera certes long et rude, mais le chemin qui y mène est rempli de villes toutes plus prestigieuses les unes que les autres : Alexandrie, Caire, le vaste royaume du Ghana, sans oublier les maures du désert du Sahara. Ce voyage permettra-t-il aussi à mon fils qui n’a d’yeux que pour ces bouquins de vivre la vraie vie et contempler ces beaux paysages, comme les pyramides de Gizeh ou le Nil.
Walid Ibn Hachim est mon unique reflet, la prunelle de mes yeux. Sa maman a donné son dernier soupir pour lui permettre d’établir son tout premier, comme si le monde n’était guère assez vaste pour une mère et son nouveau-né. Entouré de nomade bédouin, ce jeune homme très vide surnommé « l’enfant du désert » n’avait que le lait de chameaux à téter, lui l’incarnation physique et masculine de la seule femme que je n’ai jamais aimée et qui n’a eu que les livres de sa mère et ses magnifiques petits yeux bruns comme héritage.
Le crépuscule à l’horizon, comme à l’accoutumée, le farba demanda à ces soldats d’effectuer la dernière ronde avant la tombée de la nuit. Sur le chemin du retour, il croisa le grand sorcier du roi et celui de tout le royaume courir à une allure sans précédent. À la fois surpris et terrifié, le général se demanda quelle pourrait bien être la cause de cette scène plus que rare, freinant juste devant les pieds de son cheval avec des coups d’essoufflements beaucoup plus bruyant que celle de la monture, le farba réagi.
— Mais quelle est la raison de cette réaction Diogay, on est attaqué par des ennemis ?
— Non, rassurez-vous !
— Alors que signifient ces singeries, vous vous moquez de moi ? D’un hurlement brusque et choquant.
— Non, loin de moi cette idée grand Farba !
Voulant lui faire part de la cause de cette scène, n’est en moins très sceptique à l’idée de le faire entourer de soldats curieux, Diogay respire un grand coup, puis se rapprochant de son ami et lui murmura :
— Pourrais-je vous voir seul en privée grand farba ?
— Suis-moi, nous allons à la maison, répondit Aly.
Arrivé à la maison, assis tout seul dans le jardin, le général de l’armée, comme à son habitude, d’une voix très calme et sérieuse, dit à son invité du soir :
— On est seul et personne ne viendra nous déranger ici, alors parle-moi, qu’as-tu ?
— J’étais dans les bois sacrés en train de faire mon travail et là, sans faire attention, je me suis endormi et là, j’ai vu un nouveau-né, non, je dirais même un ange.
À la fois agacé et surpris, Aly le coupa en lui tendant la main fermante, ne pouvant plus se tenir sur place, d’une voix tremblante, le sorcier reprend de plus belle.
— En fait, je ne savais pas exactement de quoi il s’agissait, mais il était là, dans le palais royal.
Rouge de colère, le farba n’en pouvait plus d’entendre ce fou fanfaronner devant lui.
— Assez ! Tu as fait tout ce scandale autour du royaume juste pour un vulgaire rêve.
— Non ce n’était pas un rêve, mais plutôt une révélation, ce sont les esprits qui me l’ont montré, votre grande sœur, la reine Biram Sabelle Dieng, enceinte d’ailleurs, va bientôt accoucher et, auparavant, j’avais dit au roi que ce sera un garçon et cet être ou cette chose que j’ai vue qui à l’image d’un nouveau-né ne peut être que celui de ta sœur.
— Écoute-moi très bien vieux dévergondé, la reine va bientôt accoucher, que son enfant soit spécial n’est pas l’information pour laquelle nous aurions besoin d’un voyant pour le savoir, tout le royaume ne parle que de ça. En plus, tu sais très bien que je me suis converti à l’islam et que ces genres de choses me sont formellement interdits, alors ne revient plus jamais m’importuner avec tes histoires.
— D’accord, puisque vous ne vouliez rien entendre, pourrais-je juste vous poser une question ?
— Laquelle ?
— Pour quelle raison pensez-vous que je suis venu, vous en parlez exclusivement à vous et non à la reine, encore moins au roi à qui j’ai fait allégeance ?
Sachant bien que la seule et unique chose à faire pour écourter cette conversation est d’écouter Diogay finir sa thèse, le général se voit obligé de lui poser cette question qui serait synonyme de départ pour ce vieux dont les lèvres pétillant d’impatience.
— Quelle est cette raison ?
Avec des signes de désintéressement total du discours qui lui sera tenu.
— Ce garçon a le signe des grands, il sera un très grand roi dont ces exploits et directives dépasseront de très loin les frontières de ce royaume et même bien au-delà. Son signe est tellement puissant que, même le plus novice des voyants peut le percevoir sans nul doute possible et, tous les deux, on sait mieux que quiconque que si cette information parvient à la linguère Marra, ton neveu ne verra jamais la lumière du jour.
Soudain, l’attitude du général changea, les yeux bien ouverts, se tenant debout en regardant l’horizon, le soleil couchant et le ciel aussi rouge que son manteau.
— Si ce que tu dis est vrai, tu as bien fait de venir m’en parler. La coépouse de ma sœur a des idées bien plus diaboliques que toutes tes formules de sorcelleries réunies et elle était déjà bien occupée à détruire la vie de mon neveu Bara qui est l’unique enfant de ma sœur pour que son fils soit le successeur de son idiot de mari qui, malheureusement, nous sert de roi.
*
* *
Sous cette rude chaleur d’été, j’aurais bien aimé m’asseoir sous un arbre bien rempli de feuilles qui me servirait de pare-soleil. Hélas, je suis obligé de trottiner dans cette grande ruelle qui mène à la mosquée, car on est vendredi et c’est bientôt l’heure de la prière de mi-journée. Moi qui suis juif semble bien plus impatient que les musulmans de l’arrivée de leur jour de fête, mais je suis un mendiant et après leur prière. La plupart de ces gens qui pensent que la vénération de Dieu se limite qu’à ce jour, vont sortir pour nous jeter quelques misérables dinars qu’ils exhibent pour que tout Alexandrie puisse s’apercevoir de leur générosité.
Au loin, j’aperçois des dromadaires qui portent des sacs si bien chargés que ces pauvres bêtes arrivent à peine à se tenir debout, mais l’état de ces montures m’importe peu, par contre, leur emplacement est un problème à régler à la hâte.
Debout dans mon habituel coin toujours humide, pile face à la grande porte de la mosquée où la plupart des hauts dignitaires croyants préfèrent emprunter pour témoigner de leur notoriété. Perdre cette place fera probablement chuter ma recette d’aujourd’hui et je n’accepterais jamais de mettre cette contre-performance sur le compte de ces vulgaires dromadaires.
Persévérant dans cette marée humaine, j’ai fini par accéder dans mon coin de prédilection. Sur place, un jeune homme qui chatouille à peine l’âge de la puberté avec une insouciance dont seuls les gamins ont le secret, en train d’attacher ses animaux. Vu son accoutrement et sa facilité d’accomplir sa tâche de l’instant, nul doute que ce jeune homme est un caravanier qui, par ses manies, veut protéger son trésor.
Connaissant l’arrogance et le manque de respect notoire de cette nouvelle génération qui se répand plus vite qu’une traînée de poudre ; sans attendre qu’il termine, j’ai décidé d’ouvrir le dialogue que je voyais déjà rempli de grossièretés et lui ai crié, d’une voix rude et autoritaire.
— Non, mais quelles sont ces manières ?
— Mais quoi donc !
Aussi surpris que pris au dépourvu, l’enfant répliqua.
— Que voulez-vous, cher monsieur, vous avez besoin d’aide ?
— Agréablement surpris par la réaction de ce jeune homme, j’avais très vite regretté la manière dont la conversation fut abordée, par contre, cela ne m’enlève en rien l’envie de le voir déguerpir de mon trône du vendredi.
— De quel droit oses-tu venir attacher tes bêtes sur ma place ?
— Je suis sincèrement navré, cher monsieur, vu l’état des lieux, j’étais loin d’imaginer qu’ils étaient réservés à une personne. Je voulais mettre la caravane en lieu sûr et vu qu’ici, c’était l’un des endroits le plus proche de la mosquée, je voulais la placer bien en vue comme sa personne n’osera venir s’y approcher sous le regard de tout ce beau monde.
— Et toi, pourquoi ne peux-tu pas l’amener plus loin et la garder ?
— Parce que je suis un musulman, cher monsieur, et je ne veux pas rater la prière du vendredi, répondit l’enfant.
J’étais là, debout face à ce beau petit garçon auteur d’un discours plus que convaincant, mais lui laisser cette place n’était même pas envisageable. Le chasser de cet endroit non plus, car, après tout, il n’est écrit nulle part que cet endroit m’appartient, alors il vaut mieux pour moi que je trouve un compromis.
— Bon voilà ce qu’on va faire, tu vas les attacher un peu plus en arrière et moi, je vais m’asseoir ici, comme sa personne ne pourra passer sans que je le voie et tu pourras partir prier tranquille.
Très content de ma réaction, il m’affiche un large sourire en me remerciant, il m’a dit qu’il s’appelait Walid ibn, je ne sais quoi encore, sûrement un nom d’Arabe et celui de son père, comme ils ont l’habitude de le faire ces Arabes fous.
Il enchaîne une dernière question en courant direction la mosquée.
— Et vous, gentil monsieur, c’est comment votre nom ?
Je lui ai répondu Rabby.
La nuit vient de régner sans partage en dictant sa loi dans un environnement humide, tout le royaume du Waalo semble être dans les bras de Morphée jusqu’au moment où des bruits de couloir viennent troubler mon sommeil. D’un sursaut brusque, je quittai mon lit pour mettre un visage sur ce coupable qui n’est qu’un sale perturbateur nocturne.
— Non, mais est-ce que, pour une fois, on pourrait dormir tranquille dans ce fichu palais qui ne l’est, que de nom ?
Sortie de ma chambre en hurlant ces propos, je croise le regard terrifié de ce déchet humain qui sert de servante à ma coépouse, la linguère Biram Sabelle.
— Comment oses-tu venir me déranger si tard la nuit ?
— Je suis sincèrement navrée, très chère Linguère, je ne voulais pas vous réveiller, mais c’est la linguère Sabelle qui est en train d’accoucher et il faut que je rapporte de l’eau chaude aux médecins sans tarder.
Je ne pouvais pas avoir plus comme pire nouvelle dans cette nuit décidément maudite, sauf si cette vermine de nouveau-née était un garçon, du coup, elle aurait deux garçons et moi un seul et une petite fille.
Bara, le fils aîné de cette vielle folle qui est le « Boumi » l’héritier présomptif du roi a dix ans, à part lui, le roi n’avait que deux autres enfants, Mor et Sabelle qui sont mes deux uniques descendants. Mon petit garçon a deux ans de moins que Bara et l’actuelle unique princesse de la famille à qui mon idiot de mari a donné comme nom celui de ma coépouse, à trois ans.
— Ferme là ! Qui t’a donné l’autorisation de me parler, tu sais si elle a un garçon ou une fille ?
— Mais elle n’a pas encore accouché, votre majesté.
D’une voix à la fois peureuse et désolée, la servante était là, debout devant moi, la tête basse, tenant une marmite d’eau chaude qui lui cuisinait les doigts.
— Laisse cette petite fille tranquille ! Et toi va emporter cette eau, les médecins t’attendent.
Intervenant, mon mari et roi de ce royaume :
— Biran ou étais-tu passé à mon réveil, tu avais disparu ?
— Je t’ai déjà dit mille fois d’arrêter de m’appeler par mon nom hors de ta chambre, comment veux-tu que les autres me respectent si ma propre épouse me tutoie.
S’approchant de moi avec sa grande taille, son allure et son charisme royaliste, il continue en me disant :
— C’est l’intendant du palais qui est venu me réveiller pour me dire que la linguère Sabelle était sur le point d’accoucher, sachant que tu ne lui serais d’aucune aide si ce n’est de perturber le travail des gens, j’ai donc décidé de te laisser dormir.
— Pourtant, le jour de mon accouchement, elle était là dans ma chambre et c’est toi qui l’as appelé ?
— Oui, car, dans ce domaine, elle est de loin meilleure que tous les autres médecins de ce royaume et toi-même, tu sais très bien que, sans son intervention, toi et ta petite fille ne seriez certainement plus de ce monde. C’est pour ça que, pour la remercier comme il se doit, j’ai donné son nom à ma petite princesse et, contrairement à toi qui as failli en mourir de chagrin, elle était tellement contente qu’elle t’a offert dix de ses plus beaux chevaux et quatre de ses plus affûtées servantes pour prendre soin de son homonyme.
Tout à coup gagnée par la contrariété, j’ai trouvé plus astucieux de mettre un terme à cet échange qui prend des tournures tout à fait déplorables.
— Ohm, je retourne me coucher, prévenez-moi quand elle aura accouché.
— Fais donc cela et surtout laisse les gens accomplir leurs tâches comme ils l’entendent.
Sur ce, je retourne dans ma chambre en demandant à mes serviteurs de bien veiller à ce que je sois la première à être tenue au courant de la naissance de l’enfant, essentiellement de son sexe, en croisant les doigts pour qu’elle soit une fille ou même au meilleur des cas un mort-né. De ce fait, je n’aurais qu’à faire usage de mes talents de comédienne, avoir l’air triste et verser quelques larmes auprès des gens et toute cette histoire sera oubliée d’ici peu.
*
* *
Depuis notre arrivée dans cette belle ville entre le lac Maréotis et l’île de Pharos, je ne fais que supplier mon père de nous laisser quelques jours de repos pour nous permettre de bien reposer les dromadaires et de mieux nous préparer pour la traversée du Sahara. Ce désert dont rien que le fait de prononcer son nom parvient à assécher nos lèvres. En vérité, les vraies raisons pour lesquelles je voudrais rester un peu plus longtemps dans cet endroit plein de vie sont qu’il est rempli d’histoire et surtout de sagesse que j’aimerais tant accumulées. L’autre raison est que, depuis mon arrivée à Alexandrie, je n’arrête pas de faire un rêve plus qu’intrigant.
Il faut absolument que je trouve quelqu’un qui pourrait me dire ce que signifie ce maudit rêve qui me réveille toutes les nuits. J’ai demandé aux habitants de cette ville où pourrais-je trouver la personne que je cherchais et qui acceptera notamment de faire ce que je veux pour le peu de pièces qui me sert d’économies.
D’après mes informations, il y a un vieil escogriffe vivant sous une tente derrière le grand marché, vu la manière dont les gens en parlaient, il ne doit pas être si prestigieux à cette tâche. Avec ce que j’ai à lui donner comme rémunération, je devrais me contenter de ce qu’il va me dire.
Première remarque à mon arrivée, il n’y a pas de queue, personne devant l’entrée d’une tente aussi sombre que macabre. Devant ce triste décor, je dois avouer que l’idée de rentrer chez moi m’a traversé l’esprit, cependant, j’en avais assez que ce triste rêve vienne perturber mes sommeils, alors j’ai foncé et suis entré dans la tente.
— « Salam » y a-t-il quelqu’un ?
Je suis entré sur la pointe des pieds en glissant doucement ces mots pour bien signaler ma présence.
— Oui, entrez, je vous prie.
À peine lâché le rideau, j’ai entendu le gars crier.
— Walid, c’est toi ?
De toute ma vie, je n’ai jamais été aussi terrifié par le simple fait d’entendre mon nom, combattant sans succès contre mon propre corps pour me calmer, même de loin un sourd pourrait entendre mes claquements de dents et mon cœur qui battait comme celui d’un chameau après une longue course dans le désert d’Arabie.
— Comment connaissez-vous mon nom ?
C’est seulement après avoir posé cette question que j’ai réalisé que j’étais sous la tente d’un présumé voyant et à l’instant, je me suis rendu compte à quel point ma question était inappropriée.
— Viens, assis toi et dis-moi, qu’est-ce qui t’amène ici ?
À force d’essayer, j’ai finalement réussi à me ressaisir.
Je m’assis à côté de lui, un homme assez élancé, vêtu d’une vieille djellaba blanche, toute sale, accompagnée d’un foulard qui lui recouvre la quasi-totalité de son visage, hormis ses yeux, comme le font si bien les Berbères arabes du désert.
— J’ai fait un rêve dont je voudrais connaître la signification.
— Ah d’accord, je vois, bon, tu te mets en face de moi, tu fermes les yeux et tu me racontes ton rêve.
En transformant ces propos en acte, j’ai par la suite commencé mon récit.
— Depuis mon arrivée à Alexandrie, il y a trois jours, je fais le même rêve toutes les nuits qui se passent comme suit :
Au début, je me trouve toujours marchant seul dans des buissons, et, là-bas au loin, j’aperçois un très grand arbre, et sous l’effet de la chaleur. Je me précipite sous cet arbre qui à mon sens a une taille qui dépasse l’ordinaire.
J’y trouve un gamin noir avec une élégance à la limite intimidante, assis sous les racines de l’arbre, rempli de fierté tel un roi sur son trône. Portant un pantalon bouffant accompagné d’un boubou tout blanc, j’ai surtout remarqué son manteau unique en son genre et si éblouissant que mes yeux ont eu beaucoup de mal à s’y accommoder.
À peine ai-je commencé à cerner l’environnement auquel j’étais immergé, aussitôt un petit oiseau surgi de nulle part et se place à équidistance entre moi et le petit noir. Ce minuscule petit oiseau, que je trouvais déjà assez bizarre, s’est mis à se métamorphoser et à grandir d’une manière plus que surprenante.
La volaille qui, jadis, était minuscule a désormais atteint la hauteur de l’arbre, ne pouvant plus tenir sur mes jambes, accroupies. Je me suis mis à hurler pour dire à ce jeune garçon que l’oiseau n’arrêtait pas de le dévisager qui, lui d’ailleurs, ne semblait pas du tout perturber par cette scène invraisemblable.
Il m’a fallu du temps pour comprendre que cette mutuelle fixation était en fait un dialogue et j’en ai eu la preuve quand, après la longue discussion télépathique, l’oiseau baissa sa tête et son aile droite, permettant à l’enfant de monter sur le dos de celui-ci. Bien assis sur sa monture, ce petit prince m’invite à faire de même.
En tant que témoin de l’apprivoisement de ce mastodonte, j’ai tout de suite su que décliner l’offre de ce garçon était un luxe que je ne pouvais me permettre, alors, je l’ai suivi. Vu que j’ai facilement le vertige, l’idée de voir cet oiseau voler me terrifiait à un point que c’est à chaque fois le moment où je sursautais de mon lit.
Ça faisait un bon bout de temps que j’ai terminé mon récit et toujours rien, je n’ai rien entendu de la part du gitan, alors, j’ai décidé d’ouvrir les yeux pour voir ce qui se passait.
À ma grande surprise, je l’ai vu ouvrir grand ses yeux, le regard terrifié, on dirait que le foulard qu’il portait, sortait du linge tellement sa sueur l’avait mouillé.
— Mais qu’est-ce qui vous arrive, monsieur, vous ne vous sentez pas bien ?
— Non ça va, je vais bien.
D’une voix aussi préoccupée qu’on dirait qu’il parlait la bouche pleine.
— Écoute mon fils, je vais te donner un bon conseil, oublie ce rêve, va du côté de ton père et aide-le à perpétuer le travail de tes ancêtres. Le métier de caravanier est un travail des plus noble.
D’autant plus terrifié que, quand il a cité mon nom, ma conscience commença à me poser des milliers de questions dont seul ce vieil homme en face de moi pourrait y répondre, mais plus que toute autre question, il y en avait une qui me taraudait le plus.
Pourquoi ce monsieur ne voulait pas me traduire mon rêve ?
Il n’en est pas capable ?
Je pense que le fait de savoir mon nom, mon travail et surtout avec qui je vivais juste en me regardant franchir le rideau devrait après tout être beaucoup plus difficile pour lui que le fait de traduire ce satané cauchemar.
— Pourquoi vous ne voulez pas me dire ce que signifie ce rêve ?
— Parce que toute vérité n’est pas bonne à dire.
— Ma religion m’enseigne de toujours dire la vérité.
— Mon garçon, il y a une grande différence entre toujours dire la vérité et exprimer toute vérité, en affichant un sourire presque insultant et là, j’ai commencé à m’agacer.
— Écoutez monsieur, avec tout le respect que je vous dois, je n’ai pas fait tout ce chemin en apportant toutes mes économies pour rentrer plus bête que je ne suis venu, alors je veux savoir ce que ce rêve signifie.
— Pourquoi vous les jeunes, vous vous acharnez toujours à poser des questions dont, une fois la réponse sue, vous auriez préféré ignorer ?
— Parce que la persévérance est la clé du savoir et je ne vous permets pas de me comparer à ces jeunes qui ont des graines de dattes à la place du cerveau. Depuis que j’ai su lire jusqu’à ce jour, je ne pourrai jamais vous dire le nombre d’ouvrages que j’ai lu.
— J’en ai plus que marre de cette insolence, vous vous croyez érudit juste parce que vous avez lu quelques livres. Et d’où vous tenez cette certitude que tout ce qui s’écrit dans un livre est la vérité ? Écoute-moi très bien, celui qui se croit sage ou érudit parce qu’il a lu des livres n’est pas plus brillant qu’un mouton qui se précipite devant son berger en pensant que c’est lui qui le guide.
Après ce discours qui m’a bien fait ravaler mon orgueil, je me suis rendu compte que le savoir n’était pas exactement ce que je m’imaginais et, comme si j’en avais guère assez entendu, le vieux poursuit son discours.
— Sachez bien ceci jeune homme ! Le savoir a un prix et ce rêve que tu as fait est beaucoup plus que le savoir, il s’agit de la sagesse. Ta sagesse qui, bien malencontreusement, demande énormément de sacrifice, car toute faveur est accompagnée de responsabilité, voilà pourquoi je ne voulais pas te traduire ton rêve.
— C’est vrai, je suis caravanier, mais j’ai toujours su que ce travail n’était pas ma destinée, assis sur le dos des dromadaires, je passais des jours les yeux rivés sur un ouvrage à la quête du savoir. Cela a toujours était mon fusil d’épaule alors que je ne sais pas quels sont les risques à prendre ou les sacrifices à faire, mais je les ferais et même si je devais en mourir. Je préfère mourir pour l’amour du savoir, ce qui d’ailleurs, je trouve, est beaucoup plus glorieux que de mourir sur le dos d’un chameau.
— Alors, nous allons faire ceci, tu vas rentrer chez toi jusqu’à demain, nous allons tous les deux y réfléchir et si, demain, tu reviens avec la ferme intention de connaître la signification de ce rêve, alors là, je te le dirai.
Triste à l’idée de devoir patienter encore une journée afin d’avoir une réponse, mais, vu qu’à mon départ, il a refusé l’argent que je voulais lui donner, j’ai fini par accepter et me leva pour rentrer chez moi. Avant de sortir, ce vieux fou répète mon nom et y ajoute.
— Walid ! Tout à l’heure, tu disais que « la persévérance est la clé de la réussite ».
— Oui ! Pourquoi ?
— Tu t’es trompé, c’est la patience qui est la clé de la réussite.
*
* *
Assis sur la terrasse du palais, contemplant le lever du jour sous les champs verdoyant à l’horizon, tout en ayant le privilège d’assister à ces douces symphonies si bien orchestrées par les femmes du royaume qui, comme à l’accoutumée, nous gratifient de ce spectacle journalier debout en train de piler le mil. En plein dans ce perpétuel rituel dont je ne me lasserais jamais, surgit ma linguère. La reine d’une beauté légendaire, l’adjugé de cette élégance aussi bien captivante qu’à la limite intimidante.
Tatouant ses gencives, précédé de son éclatant sourire qui vient de faire basculer au ridicule cette scène matinale qui jadis été pourtant si incroyable, le khôl qui dessine le contour de ces yeux dont une vague fixation est digne de tous les compliments de mon vocabulaire. Assorti à son pagne à peine plus noir que la prunelle de ses yeux, couplé de talisman couvert d’or et de pièce rare, le henné, tracé délicatement sur ces mains, fait chavirer mon regard vers le bas. Je contemple délicatement le talent et le savoir-faire des cordonniers de Cayor appelé Oudé, matérialisé par ses jolies babouches à peau de mouton.
La digne descendante de cette dynastie si prestigieuse, celle des Dieng au sang de garmi pure, ma reine Biram Sabelle Dieng, est venue m’apporter le petit déjeuner de ses propres mains comme à l’accoutumée.
— Bonjour, votre majesté, j’espère que vous avez bien dormi ? Le petit déjeuner est servi. D’une voix si douce et soumise que j’arrive à peine à l’entendre.
— Merci, ma reine, posez-la sur la table.
— Puis-je vous accompagner, mon roi ? Je n’aime pas l’idée de vous voir manger seul ?
— Je savais bien que te dire de te reposer après ton accouchement serait gâcher mes salives, car tu n’allais pas m’écouter.
— Ne dis pas ça mon amour, c’est juste que je vais beaucoup mieux et je n’aime pas voir les servantes cuisiner pour mon mari.
Celui qui serait surpris par cette réponse de la linguère ne le connaît pas, elle a le don de toujours me rendre davantage plus fier d’elle et surtout plus amoureux.
— Pour une fois dans ta vie, pourrais-tu penser à toi avant de penser aux autres ? Où est Talla ?
— Je l’ai déjà allaité, là, il dort.
— J’espère que tu ne l’as pas laissé seul dans la chambre ? Les mauvais esprits pourraient l’attaquer.
— Non, rassurez-vous, les servantes de chambre veillent sur lui et Aly a pris la décision de placer deux gardes à la porte, chose que d’ailleurs, je ne comprends toujours pas.
— Aly, malgré son charisme, son courage et surtout son intelligence, il a tout de même fini par se convertir à l’islam. Non, mais comment est-ce qu’un Garmi comme lui peut se prosterner cinq fois par jour pour quelque chose qu’il ne peut même pas voir et encore moins sentir ?
— Il faut juste avouer que la spiritualité et la foi ne sont pas ton domaine de prédilection alors, je te conseille de respecter son choix comme lui, il l’a fait pour toi.
— D’accord, je trouve que c’est légitime, pour répondre à ta question concernant les gardes, je crois bien que cela a quelque chose à voir avec Diogay, car il est venu me voir pour me parler de protéger le bébé contre les mauvais yeux et les djinns. Si tu veux mon avis, je pense qu’il en a fait part au Farba et tu connais ton frère, il prend son travail toujours un peu trop au sérieux.
— Ça doit être cela alors !
— Tu le connais, il a le sens de la responsabilité et il a raison.
— Allez, viens manger ton repas va refroidir !
— D’accord, mais seulement si tu me promets d’aller te reposer après le déjeuner.
*
* *
Aujourd’hui, nous sommes lundi et, comme à chaque fois, le marché est plein à craquer et il ne faut absolument pas que les gens de cette ville sachent que le vieux mendiant juif d’Alexandrie est en fait un voyant. De nos jours, la voyance n’est plus ce métier florissant qu’autrefois, j’ai toujours réussi à m’extirper de cette tente sans que personne ne me remarque. L’arrière du marché est un endroit si peu fréquenté que j’arrive constamment à entrer et à sortir de mon dortoir à l’abri des regards. Il me suffit de patienter quelques heures afin que cet endroit se vide un peu et je pourrais me rendre à la grande ruelle.
Quelques minutes plus tard, je remarque la silhouette d’un jeune garçon en pleine croissance qui me rappelle celle de Walid. Mon Dieu, j’avais complètement oublié ce gosse, hier soir, j’avais croisé son père devant la mosquée et je l’entendais dire qu’il allait quitter la ville ce soir direction Caire. J’avais pris la décision de me volatiliser le temps d’une demi-journée pour me débarrasser de ce sale petit arabe plus borné qu’un âne sourd.
— Salam, monsieur le gitan.
Je me suis dit que, si je restais bien silencieux, il allait finir par partir sans entrer vu que c’est un enfant bien éduqué, mais c’était échoué d’avance.
— Je sais que vous êtes là !
— Alors, entre ! Mais comment as-tu deviné que j’étais à l’intérieur ?
— Je le sais, c’est tout ! Vous n’êtes pas le seul à avoir des pouvoirs de perception.
Je n’arrivais pas à savoir pourquoi, mais je le trouvais bien plus détendu que la dernière fois, je me disais que c’était peut-être parce qu’il n’a pas fait de rêve la veille.
— Ah vient t’asseoir petit insolent.
— Vas-y, je t’écoute aujourd’hui, je n’ai pas de temps à perdre, mon père doit sûrement être en train de charger les dromadaires.