Enquêtes spirituelles - Yvan Bourquin - E-Book

Enquêtes spirituelles E-Book

Yvan Bourquin

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Beschreibung

Cinq amis se retrouvent liés par des moments de partage intenses, où se mêlent maladie, culpabilité et drames personnels. Ensemble, ils réinterprètent leur histoire, interrogent leur vécu et déconstruisent les images préconçues héritées de leur bagage religieux. Hétéro, homo ou trans, chacun exprime avec sincérité ses doutes et ses questionnements. À travers un dialogue authentique et profond, leurs divergences deviennent une richesse, offrant une réflexion sur l’identité, la foi et les liens humains.

À PROPOS DES AUTEURS

Captivée aussi bien par les questions spirituelles que par les relations de couple et de sexualité, Nicole Rochat, pasteure et sexologue, s’associe à Yvan Bourquin, théologien, spécialisé dans l’analyse des narrations. Tous deux sont sensibles aux défis que rencontrent les personnes homosensibles et transgenres. Ensemble, ils se lancent dans l’aventure d’un roman pour partager leurs découvertes et leurs prises de conscience existentielles.

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Veröffentlichungsjahr: 2025

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Enquêtes spirituelles

Des voix en quête de voies

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© Lys Bleu Éditions – Yvan Bourquin & Nicole Rochat

ISBN : 979-10-422-6233-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

Des mêmes auteurs

 

 

 

Nicole Rochat,

Homosensibilité et foi chrétienne

, Lyon : Olivétan, 2021

 

Daniel Marguerat et Yvan Bourquin,

Pour lire les récits bibliques : initiation à l’analyse narrative

, Paris : Cerf – Genève : Labor et Fides, 2009 (4

e

 éd.)

 

Yvan Bourquin,

Quel Dieu pour tant de souffrances ?

, Bière : Cabédita, 2013

 

Yvan Bourquin,

L’inattendu de Dieu

, Bière : Cabédita, 2015

 

 

 

 

 

Préface

 

 

 

Un sillon d’écriture trans-formatrice

 

Marcella Althaus-Reid, dans son livre Indecent Theology (Théologie Indécente), se désespère que les théologiens préfèrent céder aux exigences de ce qu’elle nomme « le marché théologique », c’est-à-dire les sujets qui font vendre, les titres consensuels ou peu clivants plutôt que de faire de la théologie en prise avec la vie des vraies personnes, à l’instar de celles que Jésus avait rencontrées sur sa route.

Ses pistes de réflexion théologiques courageuses, féministes et queers, datent déjà de l’année 2000. Pourtant, à mesure que je découvrais le sillon original pris par les deux auteurs, théologien·nes, progressistes et certainement inclusifs, je retrouvais l’élan libérateur auquel Marcella Althaus-Reid avait consacré sa courte vie de chercheuse. Un livre qui s’ancre dans le quotidien, notamment éco-spirituel, avec une attention prononcée pour la nature et sa beauté inégalable. Un livre qui adopte plusieurs tons et styles, allant des dialogues proches du jeu de théâtre aux actions policières, tout en passant par des étapes d’introspection spirituelle. Un livre qui évoque l’étreinte amoureuse, les effets d’emprise et les traumas. Un livre, enfin, qui fait une place à l’immanence sans y sacrifier ce qui devrait, selon Marcella, toujours avoir sa place dans de la littérature religieuse : les vraies situations des personnes discriminées dans nos sociétés. Et c’est toute la saveur de ce livre que de jouer avec les codes des genres, des prénoms et des situations pour nommer la multitude des témoins de la foi chrétienne, agnostique ou d’autres inspirations. Il me reste à espérer que d’autres s’inscrivent dans ce sillon francophone, novateur et innovant, d’écriture transformative, pour faire de la théologie, comme le disait Marcella, « tout en parlant des culottes des vendeuses de rue ». Écrire avec et pour les gens, sans oublier Dieu·e. Parler de Dieu·e, sans oublier la diversité des gen(re)s. Même 25 ans plus tard, il n’est jamais trop tard pour commencer une (douce) révolution : bonne quête et bonne transformation !

 

Dre Joan Charras-Sancho,

chercheuse-associée à l’Institut Lémanique de Théologie Pratique

 

 

 

 

 

 

Chapitre 1

Le marcheur

 

 

 

Heureusement que j’ai pris ma boussole avec moi…

Une boussole, c’est toujours utile, surtout quand on voyage dans une région peu connue. Derrière les sapins et les feuillus, des collines cachent l’horizon. Le paysage est magnifique. Les montagnes se découpent sur un ciel limpide. Le soleil est déjà haut dans le ciel ; sa chaleur me revigore. Que voilà un bol d’air bienfaisant ! Je me réjouissais de ce congé…

J’aurais pu m’équiper mieux et prévoir une vraie « marche à la boussole », avec cartes à l’appui, pour bien calculer les nombreuses déviations et reprendre ensuite le cap. Mais cela m’aurait obligé à une grande rigueur. En forêt, je préfère me laisser guider par les nombreux chemins qui se présentent. Parfois des sentiers dont on se demande où ils vont se terminer. Occasionnellement dans un marécage ! Quoi qu’il en soit, j’aime cette variété dans mon itinéraire, avec les choix à faire. Mais il est bon de pouvoir également m’assurer de la direction à suivre. Je vise le nord-ouest. C’est là que je retrouverai l’amie que je n’ai pas revue depuis six mois.

Je suis passé d’une région assez sèche à un espace plus verdoyant. L’herbe jaunie fait peu à peu place à des sous-bois rafraîchissants. Les ruisseaux se multiplient, bondissant en cascades. J’adore ! Toute la nature en bénéficie : la mousse répand une odeur d’humus. De temps à autre, un parfum de champignons vient stimuler mes papilles gustatives. Les hêtres s’élèvent haut dans le ciel ; leurs troncs centenaires me rappellent la fragilité de mon existence. Au loin, deux chevreuils bondissent élégamment. Mon regard est attiré par un scarabée qui traverse mon chemin. Je me sens soudain si grand et puissant alors que lui est si vulnérable. Je place une feuille d’érable devant ses petites pattes ; il y grimpe, confiant, et je l’aide à traverser le chemin, de peur qu’il ne se fasse écraser. La nature m’égaie par toute sa richesse, tout son éclat. J’apprécie le calme, loin de la ville. Seuls le ruisseau et les oiseaux agrémentent ma marche de leur mélodie apaisante. J’en avais besoin. Je me sens imprégné de la vraie vie.

Oui, la vie sensible, celle qui perçoit les échos venus d’ailleurs, d’on ne sait où.

Jusqu’à présent, la mienne est très différente. Envahie de multiples tâches à remplir, de soirées qui me laissent sur ma faim, de nuits où transparaissent des ressentis bizarres, parfois même inquiétants, de journées qui se ressemblent…

Pourtant, je ne peux pas me plaindre. Les soucis ne parasitent pas trop ma vie, je ne manque de rien sur le plan matériel, j’ai des amis que je revois fréquemment, ma santé ne pose aucun problème, tout va relativement bien. Quand je pense à ces deux collègues victimes d’un grave accident de voiture, à ma grand-mère dans sa solitude, et surtout à ma petite sœur qui a mis fin à sa vie…

Voilà. Je me suis arrêté sur un vieux banc en bois, un peu pourri. Je tremble en pensant à toutes ces tragédies. Qu’est-ce que la vie ? Pourquoi tient-elle à si peu de choses ? Il a suffi d’un instant d’égarement pour que ma sœur, dans son deuil affectif, ne trouve aucune autre issue que le geste fatal. Quelle désolation ! Tout ça n’a aucun sens !

Voilà pourquoi j’ai besoin, profondément, de me ressourcer dans la nature. La vie y abonde, dans toute sa diversité. D’un côté, c’est merveilleux ; mais de l’autre, pourquoi ce foisonnement, cette richesse, cette surabondance ? Je ne comprends pas comment le monde est fait. J’observe une fourmi qui transporte une autre fourmi, probablement blessée sur son dos ; cette autre fourmi a l’air tellement légère ! Si on pouvait se porter les uns les autres avec une telle aisance, l’existence serait probablement moins pesante.

Si j’ai bonne mémoire, c’est Malraux qui écrivait que la vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut une vie… Oui, rien ne vaut la vie de ma sœur trop tôt disparue.

Cela suffit ! J’essuie mes larmes, je ne veux absolument pas sombrer dans le désespoir. Je suis venu ici pour me détendre. Tiens, voici de la compagnie.

 

***

 

AGRICULTEUR : Dites donc, mon brave Monsieur, vous me paraissez bien soucieux !

FLORIAN : Excusez-moi, j’étais dans mes pensées…

AGR : Pas très joyeuses, me semble-t-il.

FLO : Non, c’est vrai.

AGR : Vous êtes de la région ?

FLO : Non, je suis en train de la découvrir, et je dois dire qu’elle me plaît beaucoup.

AGR : Comme je vous comprends ! Moi, j’y habite depuis mon enfance. C’est un cadeau du ciel.

FLO : Ah oui ! Tenez, puisque vous connaissez bien les lieux, est-ce que je chemine bien en direction du nord-ouest ?

AGR : Le nord-ouest ? Pas du tout, mon ami. Là, vous vous dirigez vers le sud-ouest.

FLO : Sûr ?

AGR : Aucun doute possible.

FLO : Mais ma boussole m’indique le nord-ouest.

AGR : Montrez-la-moi !

FLO : Regardez vous-même !

AGR : L’aiguille ne bouge plus. Elle est bloquée, votre boussole. Et heureusement pour vous !

FLO : Que voulez-vous dire ?

AGR : Si vous vous étiez dirigé vers le nord-ouest, vous seriez en train de gravir cette forte pente, là-bas.

FLO : Oui, et alors ?

AGR : Alors ? Vous ne pouvez pas savoir le danger qui se cache là-haut. C’est un endroit très pierreux. De nombreux touristes en ont fait l’expérience. Ils s’avancent péniblement jusqu’à la crête, sans se douter qu’il y a un dangereux surplomb. Premièrement, ils se découvrent subitement au-dessus du vide, sur ce terrain instable où il est très facile de glisser. Deuxièmement, cet endroit est infesté de vipères. Un faux mouvement est vite fait. Plusieurs l’ont payé de leur vie.

FLO : J’en ai froid dans le dos. Et ce n’est pas signalé ?

AGR : Pas besoin, tout le monde le sait dans la région.

FLO : Ah ! Ce n’est pourtant pas si évident ! Vous devriez au moins mettre des barrières ! Enfin, merci pour vos conseils !

AGR : Bonne fin de balade !

 

***

 

Moi qui pensais à la vie et à la mort, je ne m’imaginais pas un danger si proche. Et quel danger ! Quand j’y réfléchis, je réalise que j’ai pris des risques. Je me suis égaré sur mon chemin, mais peut-être aussi, qui sait, dans ma vie personnelle. Quels sont mes repères ? Mes valeurs ? Le sens à donner à ma vie ? L’amour, la mort, les questions spirituelles… Tout est bousculé.

Cette prise de conscience m’ébranle. Je ressens le besoin de m’arrêter quelques instants. J’ai le souffle court. Je sens l’angoisse monter en moi. Qu’est-ce qui m’attend ? De quoi ma vie sera-t-elle faite ?

Je m’assieds un moment sur un tronc d’arbre. J’ai besoin de reprendre mon souffle, de chercher un peu d’apaisement. J’ouvre mon sac à dos ; ma main tâtonne et s’arrête sur une forme arrondie, tendre. Ah oui ! J’avais pris une pêche. Et j’ai besoin d’un peu de café bien chaud. Et puis… pourquoi pas, téléphoner à cette amie que je vais revoir. D’ailleurs, je dois lui annoncer un léger retard dû à mon itinéraire modifié. Il faut que je l’évalue en consultant la carte. C’est un peu gênant de ne pas m’être aperçu que ma boussole me jouait un mauvais tour. Enfin, je lui dois peut-être la vie.

Je m’installe devant un sous-bois majestueux. Je me retrouve au fond de la vallée. La rivière s’est partagée en plusieurs bras et là, je contemple un entrelacs de ruisselets ; ils s’écoulent doucement, se rejoignent, puis se séparent à nouveau. De petits ponts en bois permettent de s’élever au-dessus de l’eau et d’admirer combien elle est translucide à cet endroit. On aperçoit des algues, des roseaux qui oscillent sous l’effet du courant. Un rougequeue vient se poser sur un piquet, tout près de moi, à la recherche d’une araignée ou d’un ver de terre. Son chant attire mon attention : deux, trois sifflements, puis ce son étonnant ressemblant au crissement d’un papier froissé. Comment peut-il faire un tel son avec son petit bec si mince ?

Soudain, je me souviens que je voulais téléphoner à Joss, avant qu’elle ne s’inquiète. La pêche était bien mûre, délicieusement sucrée, mais j’en ai les mains toutes collantes. Je m’accroupis et les plonge dans cette eau qui descend du glacier. Quelle merveille, quelle pureté ! Je ne peux m’empêcher de faire un petit creux avec mes mains et de les approcher de ma bouche. L’eau est si translucide, elle a un goût qui rappelle son parcours à travers les roches, de sauts en embuscades pour descendre des sommets. Je la savoure et j’en profite pour me rafraîchir le visage. Elle pénètre même un peu par mes narines. Je l’aspire avec délectation.

Comment raconter à Joss mon aventure, en plus de tout ce que j’ai à lui dire ? Par où faut-il commencer ? Lui laisser percevoir mon état d’âme ? Un peu délicat, je préfère ne pas engager une longue conversation au téléphone. Elle risquerait de mal comprendre. Il faut du temps pour s’expliquer, et surtout un échange en face à face. La vie, la mort, l’angoisse, l’amour, le sens à découvrir – à supposer qu’il y en ait un ! – autant de domaines intimes où je m’expose en dévoilant mon ressenti.

Je sais pouvoir faire confiance à Joss, qui est discrète. Son empathie m’a toujours frappé. Elle comprend les situations difficiles, embrouillées, peu communes, et cela sans porter de jugement. Je me souviens de son amie Clem, et de toutes les questions qu’elle se posait à propos de son identité de genre. Elle était prise dans un imbroglio invraisemblable. Eh bien ! Joss l’a toujours écoutée et conseillée avec beaucoup de tact, alors que moi, j’avais envie de lui dire qu’elle faisait fausse route, qu’elle cédait à une mode, qu’il fallait arrêter avec ces préoccupations débiles. J’admire vraiment l’attitude de Joss en la matière.

Et puis, je me demande bien pourquoi je suis moi-même dans le jugement. C’est incroyable ! Si je compare les problèmes de Clem aux miens, je dois avouer que je suis mal placé. Clem se posait des questions sur son genre, et moi sur le sens de ma vie. Elle était tentée par le suicide, tout comme je le suis. Si elle avait horreur de la mort, comme elle le prétendait, qu’en est-il de moi qui suis terrorisé en pensant au risque encouru tout à l’heure, et surtout au suicide de ma sœur ? Non, c’est vrai, qui suis-je pour juger les autres. Tiens ! cela me rappelle cette recommandation qui revenait constamment sur les lèvres de ma grand-mère : ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés.

En la matière, Joss est la personne idéale pour me comprendre. Une femme d’expérience, pleine de sagesse. Elle est bonne conseillère. Son activité de thérapeute lui va comme un gant. Une fine psychologue. Je la connais depuis plusieurs années. Et cela nous fait toujours du bien de nous retrouver, parfois tous les deux pour une marche, mais souvent aussi avec Clem et deux autres amis.

Je pensais être au clair sur moi-même. J’avais pour Joss des sentiments amicaux, mais cela ne dépassait pas ce stade ; je la trouvais plaisante, comme on dit, mais elle ne m’attirait pas. Pour quelle raison ? Je n’en sais rien. Mais les choses ont changé. Qu’est-ce qui produit en nous de l’attirance pour une personne ? Voilà un processus mystérieux, qui m’échappe en grande partie. De mon point de vue, on ne peut répondre qu’une chose : parce que c’est lui, parce que c’est elle.

Mon café m’a fait du bien, je vais appeler Joss sans tarder.

 

***

 

JOCELYNE : Oui, allô ?

FLORIAN : Ah ! Joss, cela me fait plaisir de t’entendre.

JOSS : C’est Flo ?

FLO : Exactement. Je t’appelle pour te dire que je suis en route et que je vais bien. Mais un problème technique m’a fait dévier de mon itinéraire, donc j’aurai du retard. Probablement plus de deux heures.

JOSS : Aucun souci ! Et c’est quoi, ton problème ?

FLO : Ma boussole était bloquée sur le nord-ouest alors que je cheminais tranquillement vers le sud-ouest.

JOSS : Ne sachant pas quel était ton itinéraire, j’ai de la peine à me représenter où tu te trouves maintenant.

FLO : Difficile à dire. En pleine forêt. Je viens de rencontrer un fermier qui m’a fait remarquer que ma boussole est bloquée.

JOSS : Parce que tu te diriges au moyen d’une boussole ? Mais c’est d’un autre âge, mon cher ! Aujourd’hui on utilise internet, avec des applications comme « Maps.me » ou un truc du genre.

FLO : Encore faut-il avoir du réseau. En pleine forêt, c’est loin d’être assuré.

JOSS : Je vois… Ça veut dire que tu n’arriveras chez moi qu’en fin d’après-midi ?

FLO : Oui, c’est ça.

JOSS : Du coup, je vais rappeler un client qui tenait à me voir vers 15 h.

FLO : Merci, c’est vraiment gentil de ta part !

JOSS : Je me réjouis de te revoir, Flo. Très heureuse de t’accueillir durant ces deux jours. Et pour ce soir, je te prépare des tagliatelles au saumon.

FLO : Ouah ! Amour, délice et orgue !

JOSS : Tu dis quoi ?

FLO : Tu ne connais pas l’expression ? Ce sont les trois mots français que l’on décline au masculin pour le singulier, mais au féminin pour le pluriel. Un orgue, mais de belles orgues.

JOSS : Un amour, de belles amours. C’est à cela que tu pensais ?

FLO : Quelle finesse ! Je ne pensais pas précisément à la mort… pardon, à l’amour.

JOSS : Le lapsus est révélateur : tu es tourmenté par la mort ?… de ta sœur ?

FLO : Euh oui, je dois l’avouer… De ton côté, tout va bien ? Je suppose, je te sens toujours en pleine forme, toujours aussi dési… je veux dire aussi décidée, comme pas deux.

JOSS : Je suis navrée, je vais devoir te quitter, quelqu’un sonne à la porte. Mais pour ton deuxième lapsus, ha ha ! je souhaiterais une clarification… Ciao !

FLO : Ciao, Joss !

 

***

 

Je ne le crois pas ! Deux lapsus en deux phrases, c’est du délire. Freud jubilerait. Passe encore pour l’amour et la mort. Joss a tout de suite senti ce qui me tourmente. Mais que ma langue fourche sur le mot « décidée », c’est le comble ! Je vois ce qui m’attend ce soir : « À propos, me trouves-tu toujours aussi désirable ? Ha, ha, ha. Cela dit, concernant ta sœur, tu peux me parler en toute amitié, en toute confiance, cela va te libérer ».

Alors je lui dis quoi ? La vérité ? Mais quelle vérité ? Que ma sœur s’est suicidée suite à la contrainte où elle s’est trouvée de devoir se prostituer ? Oui, elle l’a fait pour avoir une chance de survivre dans le milieu de la drogue où elle s’était fourvoyée. Je m’étais promis, pour respecter sa mémoire, de ne jamais le divulguer.

Maintenant, je me sens mis à nu. Contraint à la trahison. Mais ce n’est pas tout. J’ai le sentiment très fort que Joss a compris autre chose, qui m’échappe en partie, ou disons plutôt qui contient une face cachée… Pourquoi ce deuxième lapsus devant elle ? C’est tout de même curieux… Je suis là, en pleine nature, dans la joie de vivre ce moment fort, ce moment que j’attendais depuis deux mois, et au lieu d’en jouir, de retrouver la paix intérieure, je m’égare dans des tourments inutiles !

Voilà que je trébuche. Je ne l’avais pas vu, ce gros caillou. Il faut que je fasse attention : ne pas me laisser trop distraire, d’autant plus que le chemin, de plus en plus escarpé, se subdivise en deux ou trois tracés. Une multitude de racines, ainsi que des pierres parfois glissantes, viennent compliquer ma marche. J’ai l’impression d’arriver bientôt au col indiqué sur ma carte. La vue est superbe ! Les massifs alentour se détachent dans un ciel essentiellement bleu. Sans y penser, je dois me trouver à une altitude proche des 2000 m. Bon, un dernier effort ! L’air pur et vif m’aide à changer mes idées, à mieux percevoir la beauté du site. Les magnifiques nuages blancs qui passent m’offrent des moments de fraîcheur bienvenue. La vie est belle, et j’aime cette communion avec la nature. Mes forces reviennent. Je me sens comme poussé en avant.

Mais vers quelle destinée ? Dans un monde qui grouille de non-sens et ne livre jamais son secret, que puis-je attendre ? Me manque-t-il vraiment quelque chose pour mieux le déchiffrer ? Ah ! oui, je me souviens, ma grand-mère me l’a trop souvent répété : il faut croire, tout simplement, faire confiance à la vie, croire sans comprendre. Personnellement, des propos comme ceux-là m’irritent. Impossible d’adhérer à une croyance quelconque si elle me paraît défier la raison, si elle exige de moi le sacrifice de l’intelligence ! Nous sommes d’accord : tout ne s’explique pas, tout n’est pas forcément logique. Mais je suis certain que des phénomènes obéissent simplement à une autre logique. C’est bien cela : une autre logique. Malheureusement, je n’en ai pas la clé, et cela me perturbe.

ça alors ! Ce doit être une buse ou un milan… sa queue est légèrement concave, donc c’est un milan noir ! Il me survole en décrivant des cercles, et tout à coup il pique en direction d’un petit animal que je n’ai pas pu clairement identifier. Celui-ci l’a senti venir et s’est immédiatement réfugié dans son terrier. Au même instant, j’ai perçu à une certaine distance un sifflement très sonore, sans doutele cri d’alarme d’une marmotte…

Ainsi va le monde, plein de cruauté, marqué par les rapaces et leurs victimes. Le combat pour la survie. Chez les humains, c’est encore pire : on ne se bat pas pour survivre, mais pour assurer sa domination sur les autres. Bon ! me revoilà dans ma plainte face à ce monde que je trouve si souvent absurde. Décidément…

Est-ce de la bipolarité ? Ma souffrance côtoie ma joie, comme la mort côtoie la vie, et cela m’insupporte. Quel est donc le sens de mon existence ? Marcher en équilibre en face de ces deux réalités ? Comment les concilier ? Pour moi, c’est une question vitale. Je ne désire absolument pas sombrer dans une vision tragique. J’ai besoin de comprendre. De saisir l’enjeu de cette tragicomédie. Cela me fera du bien d’en parler avec Joss.

Elle me semble équilibrée, assez sûre d’elle. Sa profession l’aide beaucoup. Comme thérapeute, elle est contrainte de considérer les choses avec une certaine distance, sinon elle ne pourrait pas tenir le coup. Mais bien sûr, elle a aussi ses points sensibles. Notamment sur le plan affectif. Elle n’a pas été terrassée par ses échecs, mais les blessures demeurent et je sens bien, dans nos échanges, sa souffrance intérieure.

C’est d’ailleurs moi qui lui ai conseillé vivement, il y a deux ans, de quitter le gars qui exerçait une telle emprise sur elle. Incroyable : une psy qui se laisse embobiner par un type… oui, c’est bien cela, un type au visage d’ange, mais, avec elle, un vrai bourreau ! Elle était aveuglée par ce qu’elle croyait être de l’amour et elle s’est laissé faire. Elle ne réalisait pas qu’il lui manquait de respect, qu’il la faisait souffrir. Toujours, elle temporisait. Elle prenait sur elle. Jusqu’au jour où ses yeux se sont ouverts et où elle a compris sa manière de fonctionner. Soudain, c’était devenu clair pour elle : elle devait le quitter. Mais comment faire ? Elle lui était tellement attachée. Lorsqu’elle s’éloignait de lui, elle ressentait un vide immense, comme si on lui arrachait le cœur. Pourtant, elle savait que cet homme lui avait déjà volé son âme et qu’il était grand temps qu’elle se recentre sur elle-même et qu’elle tente de récupérer tout ce qu’il lui avait volé. Cela a été très dur. Elle a vécu des mois de désarroi profond avant de revenir peu à peu à la vie. Heureusement qu’elle a été bien entourée par ses amis. J’ai essayé moi-même d’être présent pour elle dans cette période de vide affectif énorme. Elle a fini par en sortir la tête haute, comme si tout à coup son être intérieur se réveillait avec la force d’un volcan.

Sans que j’en prenne conscience, j’ai passé le col, et le paysage qui s’offre à moi est sidérant : pas très loin, un massif qui doit culminer vers 3000 m, avec ses glaciers – ou ce qu’il en reste. De nos jours, c’est la fonte généralisée. Une pitié ! Plus loin, divers sommets moins élevés, dont la base est revêtue de sapins, et par endroits de clairières verdoyantes. C’est toute une vallée qui s’étend devant mes yeux admiratifs. Une merveille ! Les chocards semblent vouloir m’épater par leurs acrobaties aériennes ; ils plongent dans le vide avant de remonter en looping au gré des courants ascendants, frôlant les parois tachetées de quelques névés. J’aperçois, au loin, le village où je retrouverai Joss. C’est là qu’elle a loué un petit chalet, pour la deuxième année, je crois.

La descente me fait du bien. J’ai beaucoup transpiré à la montée, j’avais le souffle court ; maintenant, je me sens porté sur des ailes d’aigle. Les sommets enneigés, les zones rocheuses et leurs nombreux torrents, ces cascades ou même ces chutes impressionnantes, les forêts de conifères, les pâturages et leurs troupeaux. Par endroits, le soleil darde les sapins secs, répandant un parfum unique. J’aperçois des touffes bleutées et je m’émerveille devant un parterre de gentianes, auxquelles se mêlent des campanules. Je m’assieds pour admirer tant de beautés et je m’aperçois bien vite qu’un chardon transperce mon pantalon de ses épines ; j’aurais dû mieux regarder où je posais mes fesses ! Tous mes sens sont à l’affût, tant le spectacle est féérique et bienfaisant. Je reprends ma descente au travers de prés fleuris. Une sauterelle s’élève, déployant ses ailes rosées et, dans un vrombissement sonore, elle franchit plusieurs mètres avant de se laisser tomber en décrivant un arc de cercle. Ses consœurs rythment ma marche par des sons stridulants qui rappellent le son des crécelles. Les anémones des Alpes me font sourire devant leurs graines ressemblant à des plumeaux ébouriffés. J’admire le village et la magnifique vallée en contrebas – c’est comme si tout cela m’appartenait, entrait dans ma vie, faisait partie de moi. Je jouis intensément de cette harmonie et de cette communion avec la nature. Par moments, des dizaines de papillons bruns volettent au-dessus des flaques de mon sentier, cherchant de quoi se désaltérer. Pour ne pas perturber leur quiétude, je marche sur le bord du sentier, parmi les feuilles géantes des adénostyles, où les escargots se sont réfugiés pour savourer la fraîcheur de cette zone humide. L’après-midi se termine, le ciel est d’un bleu intense. Dans le haut du village se trouve le petit chalet de Joss. Quelques chèvres m’accueillent par leur bêlement plaintif. Je me rapproche en pressant le pas, savourant par avance le goût sublime des tagliatelles au saumon.

 

***

 

JOCELYNE : Flo, j’aimerais te raconter un événement assez extraordinaire que j’ai vécu il y a quelques jours, alors que je marchais sur les flancs de cette montagne. J’arrivais près de quelques fermes assez isolées. Dans les champs paissait tout un troupeau de vaches. Et subitement, j’ai vu une petite chose qui roulait dans l’herbe. Le fermier s’est alors précipité ; c’était un veau qui venait de naître. Il lui a donné les premiers soins, puis l’a pris dans ses bras pour l’amener à l’étable. J’ai demandé combien pesait ce nouveau-né. Le fermier estimait son poids à quarante kilos. Il avait l’intention de le nourrir au moyen d’un biberon. Le lait des vaches est malheureusement trop précieux pour lui : c’est en fait un fromager. Il confectionne, m’a-t-on dit, d’excellents fromages connus de toute la région. Mais il ne vend que des meules entières. Pas question de satisfaire la cliente de passage que je suis. Je ne me voyais pas continuer mon chemin avec une meule de trente-cinq kilos sur le dos ! Pourquoi est-ce que je te raconte cette expérience ? Un veau qui vient de naître, un vrai choc en roulant dans l’herbe, un veau avec tous ses besoins, mais c’est une vie nouvelle ! Une vie, Flo – c’est merveilleux !... Mais voilà que je manque à mes devoirs. Aimerais-tu encore des pâtes ou un peu de salade ?

FLORIAN : J’aime ce récit de naissance ! La vie surgit parfois à des moments tellement inattendus de notre existence !

Non merci, Joss ; ton repas était délicieux ! Et le vin : une merveille ! Je me suis régalé.

JOSS : Je connais tes préférences dans le domaine alimentaire.

FLO : Tu te doutes aussi de mes préférences dans d’autres domaines ?

JOSS : Qu’est-ce qui te le fait imaginer ?

FLO : Allez savoir…

JOSS : Voilà que tu joues au chat et à la souris. Dis-moi simplement à quels autres domaines tu penses.

FLO : Tu dois t’en douter.

JOSS : Honnêtement, il y a des aspects de ta personne qui me sont devenus familiers, suite à nos échanges de ces dernières années. Il y en a d’autres pour lesquels je dois me limiter à faire des suppositions.

FLO : Ce sont ces derniers qui m’intéressent beaucoup.

JOSS : De manière générale, ils oscillent du non au oui et du oui au non. Et je dois me satisfaire d’un « peut-être ».

FLO : Laisse-moi deviner. Mon attitude par rapport à la vie et à la mort ?

JOSS : Certainement. Mais là, même si les pistes se brouillent parfois, je vois relativement clair. Tu es en recherche, disons même en recherche de sens, ce qui est pour moi une évidence. Et cette évidence me rassure.

FLO : Ah ?

JOSS : Ce qui me rassure moins, en revanche, c’est la terreur que tu éprouves devant la mort. Celle-ci paraît te fasciner, et du même coup te repousser.

FLO : Tu en comprends les raisons, j’espère.

JOSS : Bien sûr, c’est une expérience courante. Mais toi, tu restes profondément marqué par le décès tragique de ta jeune sœur. Depuis qu’il est survenu, tu restes figé sur place, sans possibilité d’avancer. Le lapsus de tout à l’heure s’inscrit tout à fait dans cette sorte de panne où tu te trouves. Je te taquine sur les « belles amours », et tu zappes immédiatement sur la mort.

FLO : Je savais très bien que tu y reviendrais. Sais-tu pourquoi je ne parviens plus à m’en sortir ?

JOSS : Son suicide, tu le vis comme s’il y avait un arrière-plan inavouable. Mais je crains que ce soit pour toi comme un secret de famille, et qu’il empoisonne ta vie entière.

FLO : Excuse-moi, je reviens dans deux minutes.

(Que faire ? Je suis pris dans un problème de loyauté envers ma sœur. Je n’aimerais pas la critiquer, donner d’elle une image négative. C’était une personne merveilleuse, qui avait ses faiblesses et sa part d’ombre, et je conserve envers elle une profonde affection. Je me mets à sa place, elle ne mérite pas que sa réputation soit ternie. Elle est toujours ma sœur chérie. Mais comment faire ? Je sens que je ne vais pas bien, sa décision secrète et solitaire de mettre fin à ses jours laisse en moi une douleur qui est à vif. Probablement que, pour pouvoir aller mieux, j’aurais besoin de m’en ouvrir à quelqu’un. Joss me tend une perche, ne devrais-je pas la saisir ? Que choisir ? Il faut tout de même que je prenne soin de moi. Ma sœur n’aurait pas aimé que je me laisse sombrer par égard pour elle. Je vais tenter de décharger mon cœur auprès de Joss, je sais qu’elle saura garder pour elle ce que je vais lui confier.)

 

JOSS : Tu te sentiras délivré si tu en parles, si tu t’ouvres au lieu de te fermer comme une huître…

FLO : Tu as raison… Tu sais, ma sœur a malheureusement glissé peu à peu dans le milieu de la drogue, au point de ne plus pouvoir en sortir. Au départ, elle ne consommait que des drogues douces, elle jouait les intermédiaires pour répondre à ses ennuis financiers. Et puis elle s’est mise à consommer des drogues plus puissantes et l’état de ses finances s’est aggravé. Quelques mois plus tard, elle a eu un sursaut : il fallait absolument sortir de là. Elle… elle n’a vu… qu’une seule issue.

JOSS : Trouver un « ami » bienveillant qui lui accorderait son aide ?

FLO : Oui. C’est lui qui l’a contrainte à se prostituer…

JOSS : Et c’est dans cette détresse qu’elle s’est donné la mort ?

FLO : Oui.

JOSS : … Tu ne te sentais pas libre d’en parler ?

FLO : Je m’étais promis de ne jamais divulguer cela, pour ne pas salir sa mémoire.

JOSS : Dans sa situation de détresse extrême, je ne vois aucune raison d’ajouter la honte à la souffrance. Ta sœur a vécu une tragédie. C’est terrible pour elle, elle en a perdu la vie. Mais qui te dit que c’est le point final, le non-sens ultime ?

FLO : Que veux-tu dire ? Tu… Tu crois à un au-delà ?

JOSS : Je ne peux pas me prononcer sur l’au-delà, qui échappe totalement à notre compréhension. Mais simplement, ma vie a un sens beaucoup plus large que l’espace qui s’écoule entre ma naissance et ma mort. Quelqu’un l’a exprimé de manière frappante. C’est un auteur connu, Eric-Emmanuel Schmitt. Il a donné ce titre à l’un de ses livres : Pourquoi Beethoven est-il mort alors que tant de crétins vivent ? Avoue qu’il fallait oser…

FLO : Excuse-moi, mais je ne vois pas le rapport.

JOSS : Attends ! L’auteur n’est pas d’accord avec cette phrase, prononcée par une musicienne. Il pose alors une double question : premièrement, ces « crétins », ceux qui n’ont rien à faire de la musique et font n’importe quoi, croyez-vous vraiment qu’ils vivent ? Deuxièmement, croyez-vous vraiment que Beethoven est mort ?

FLO : Bien sûr que Beethoven « vit » par sa musique si belle, si remuante.

JOSS : Ta sœur n’était pas Beethoven, et nous non plus, mais chaque vie a une valeur qui dépasse largement ce que nous imaginons.

FLO : Joss, tu as raison. Tes paroles me font du bien, je t’en suis reconnaissant. Merci aussi de ne pas l’avoir jugée pour son parcours toujours plus risqué ni pour son geste désespéré qui a mis brusquement fin à sa vie. Quel privilège d’avoir une amie comme toi, en qui je peux avoir toute confiance ! Que d’émotions pour moi, d’évoquer tout cela ! Je crois que j’ai besoin de repos. Ce que tu m’as dit me fait réfléchir, m’ouvre à une vision plus large de la vie, c’est apaisant. J’aimerais pouvoir accéder à cette vision des choses. Ma grand-mère nous rappelait souvent ces paroles de Jésus : « Laisse les morts enterrer leurs morts. » Et ce souvenir me pousse à ne pas me ranger parmi les « crétins » qui sont des morts-vivants.

JOSS : Bonne nuit, Flo ! Et rêve plutôt d’amour que de mort !

 

 

 

 

 

Chapitre 2

La thérapeute

 

 

 

Il me semble avoir fait un grand pas avec Flo. Il est sur le point de passer de la tempête au calme, du non-sens à l’ouverture, de la honte à la lumière. Du moins, je l’espère. J’ai déjà fait cette expérience avec plusieurs des personnes que j’accompagne. Une sorte de conversion, mais j’évite un peu ce terme que les chrétiens se sont approprié. Un éveil, oui, mais c’est trop bouddhiste. Une sorte de renaissance, en somme. Une naissance spirituelle,si l’on préfère.

Je visualise cette expérience comme un passage à gué. Elle n’a rien d’anodin. Elle s’inscrit dans un processus plus global qui marque une étape vitale, essentielle. La conquête du sens.