Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
"Entre la drogue et la prison, je suis né – Kikwansiel" est une plongée intense dans l’enfer d’une existence marquée dès ses racines par l’abandon et la dépendance. Kikwansiel grandit dans l’ombre de ses propres souffrances, né d’un père inconnu et d’une mère prisonnière de ses démons. Élevé par un grand-père aimant mais impuissant, il se trouve vite confronté à un monde brutal et sans pitié. Mais derrière chaque épreuve, chaque chute, un désir inexplicable de s’en sortir brûle en lui. Qui est-il vraiment ? Peut-on se réinventer quand tout semble destiné à nous détruire ? L’auteur dresse à travers son histoire le portrait saisissant d’un héros moderne, dont la quête de sens et d’identité résonne profondément avec les luttes de la jeunesse contemporaine.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Écrivain congolais, humaniste et philanthrope, Dieuleveut Butey Bulary est un passionné de culture et d’art. Il découvre son talent littéraire à la suite d’un choc profond provoqué par la disparition de ses frères et sœurs. L’écriture devient alors une thérapie quotidienne. PDG de Butey Sarl, il est l’auteur de "Le réfugié" et de "Fin du monde", parus respectivement en septembre 2018 et en mai 2020.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 161
Veröffentlichungsjahr: 2025
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Dieuleveut Butey Bulary
Entre la drogue et la prison,
je suis né
Kikwansiel
Roman
© Lys Bleu Éditions – Dieuleveut Butey Bulary
ISBN : 979-10-422-5685-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À
Albert Kisumbel Kafumba,
Florence Muika Kafumba,
Esther Ntumba Kafumba,
Desiderya Bedi Butey,
Marie Betsalel Butey,
Jean Mati Osango.
Une pensée
À tous ces enfants bâtards au monde,
À tous ces enfants issus de parents divorcés,
À tous ces enfants maltraités par leurs beaux-parents,
À toutes ces femmes mortes lors d’un accouchement.
Aucun enfant ne mérite une vie semblable
à celle d’une torture, notre engagement est de faire
de ce monde un lieu dans lequel tout enfant a droit
d’avoir la même chance de réussite dans la vie.
Alors que j’écrivais mon troisième ouvrage, une idée taraudait mon esprit : raconter la vie d’un enfant bâtard.
Être un bâtard, au-delà d’une simple banalité péjorative, est une souffrance, une humiliation, un rejet, un éloignement, mieux, une exclusion. Au regard de ce qui précède, trois questions m’ont traversé l’esprit : quelle est la responsabilité de l’enfant dans cette situation ? A-t-il voulu, de lui-même, acheter ou vendre son destin ? Si oui, à quel prix ?
Peu importe ce qu’on peut traverser dans la vie, il y a toujours une lueur d’espoir pour tous les vivants. Kikwansiel est une singularité que j’ai choisie pour parler de la pluralité des enfants délaissés et marginalisés dans la société, à travers le monde. Dans un tel contexte, l’arme la plus redoutable pour ces nombreux enfants, c’est le courage, pour espérer un avenir radieux.
En écrivant ce roman, j’ai également voulu que les enfants dits bâtards puissent s’identifier à leurs héros intérieurs, une figure de proue qui leur ressemble. Je ne souhaite pas que cette identification ait lieu seulement dans la bâtardise, mais aussi à travers le courage et surtout la fureur de vaincre.
Dieuleveut Butey Bulary
Je m’appelle Kikwansiel de Bisey et celui-ci est mon grand-père que j’aime beaucoup : Kikwansiel de Maniey. Comme vous pouvez le remarquer, nous portons le même nom. Eh oui, c’est parce que ma mère, Marie-Josée, voulait à tout prix que je sois l’homonyme de son père. Selon elle, dès ma naissance, je ressemblais beaucoup à mon grand-père. J’étais, comme on me le dit souvent, son portrait craché. C’était également une façon pour ma mère de témoigner de sa reconnaissance à son père.
J’ai passé toute mon enfance et mon adolescence chez mon grand-père. Il m’a élevé jusqu’à l’âge adulte.
Alors, laissez-moi vous raconter mon histoire.
Je suis né le 17 juillet 1992, dans un petit dispensaire de la mission Mateko, dans la province du Bandundu, en République Démocratique du Congo. Ma mère, Marie-Josée, en ce temps, ne m’avait vu qu’une seule fois. Oui, une seule fois : le jour de ma naissance.
À peine je prenais ma première bouffée d’oxygène, avant même que la douleur de l’enfantement s’estompe, j’ai été ravi des mains de ma génitrice. Elle et moi n’avons eu droit qu’à une seule étreinte, expression d’un amour inconditionnel entre un fils et une mère accro à la drogue, obligée de faire un détour au centre de désintoxication avant de regagner les murs austères de la prison.
Où se trouvait mon père, répondant au nom de Hubert Salaney, en ce moment-là ? J’en rigole amèrement quand je me questionne. Mon père ! Je ne le connaissais pas jusqu’à l’âge adulte. Il n’était même pas au courant de mon existence. Il s’était séparé de ma mère pendant la première semaine de grossesse, bien avant que celle-ci ne se rende compte de ma présence dans ses entrailles.
J’apprendrai plus tard que c’est la dépendance de ma mère à la drogue qui a eu raison de son amour avec mon père. Ce dernier n’en pouvait plus. Il était tout jeune et ambitieux. Mon père, Hubert Salaney, aspirait à de grandes choses. En effet, mes géniteurs s’étaient rencontrés à l’université, ma mère avait à peine 20 ans. À l’époque, elle était encore la fille unique de mon grand-père, Kikwansiel de Maniey, pour qui elle représentait tout ; ma grand-mère, Marie-Dorothée Walsiem, étant morte alors qu’elle la mettait au monde. Mon grand-père offrait à ma mère tout ce qu’elle voulait. Il la gâtait. Ce qui n’arrangea pas les choses. Fort malheureusement, dès l’âge adulte, ma mère s’était mise dans un groupe de filles de l’université qui étaient accros aux stupéfiants.
Un jour, dans une de ces soirées où les étoiles semblaient toutes s’être donné rendez-vous sur la voûte céleste, ces soirées où l’amour flottait dans les airs, mon géniteur qui profitait de la fraîcheur de l’air, assis dans le petit bar du coin de son université, fit la rencontre de ma mère. Cette dernière venait souvent y passer du temps avec ses copines, après leurs cours.
Le temps d’échanger un regard, un sourire alléchant… Cupidon leur décocha sa flèche et le coup de foudre s’ensuivit. Ils ont passé presque une année ensemble. Cependant, l’idylle n’a été que de courte durée, car la dépendance à la drogue de ma mère n’arrangeait pas les choses. Rapidement, leur relation fut rythmée par des disputes, des moments de froid, des réconciliations, puis des disputes…
Étudiant, mon pauvre géniteur voyait désormais sa vie de couple commencer à entacher sa vie estudiantine. Il était parfois contraint de laisser ses syllabus pour se rendre au poste de police, sinon à l’hôpital, voler au secours de ma mère, sa charmante dulcinée.
Fatigué de rivaliser avec la drogue, mon géniteur décida finalement de quitter ma mère. Pour mieux supporter cette douloureuse séparation, il accepta la proposition de ses parents, celle d’aller poursuivre ses études à l’étranger.
En ce moment-là, ma mère était à seulement une semaine de grossesse. Elle s’en rendra compte plus tard. Aussi, n’ayant plus de contact avec son amour perdu, se trouvant à des kilomètres, elle n’avait d’autres choix que d’assumer ses responsabilités.
Avant d’aller plus loin dans les péripéties de mon histoire, j’aimerais bien vous donner un aperçu de ma généalogie. Je vous parlerai de mon grand-père, Kikwansiel de Maniey, de mon arrière-grand-mère, Marie-Dorothée Walsiem, de ma mère, Marie-Josée Bulankete, ainsi que du fils de mon grand-père, Bowulé. C’est toute une histoire digne d’un mélodrame hollywoodien.
Mon arrière-grand-mère, la mère de mon grand-père, Kikwansiel de Maniey, était la cinquième femme de mon arrière-grand-père qui était le menuisier du village. Dans leurs us et coutumes, un homme peut avoir autant de femmes qu’il le souhaite, tant qu’il a les moyens de bien prendre soin d’elles. Mon grand-père, Kikwansiel de Maniey, était le fils cadet de tous les enfants de son père et fils unique de sa mère. Il avait une ribambelle de frères et sœurs nés de multiples lits.
Avec autant de femmes et d’enfants, mon arrière-grand-père n’a pas pu donner à sa cinquième femme et à son fils, mon grand-père, toute l’affection nécessaire. Ils se sentaient d’ailleurs négligés. Ce sentiment de rejet a eu un effet curieusement positif sur mon grand-père. Il s’était juré de tout donner à ses futurs enfants, afin que ceux-ci n’aient jamais à subir tout ce qu’il a vécu dans la maison de son père.
À la mort de mon arrière-grand-père, la situation s’aggrava davantage. Les quatre premières femmes et leurs enfants se disputèrent l’héritage. Mon arrière-grand-mère, Marie-Dorothée Walsiem, qui n’avait que 35 ans, et mon grand-père furent obligés d’immigrer à Mibulu, un village assez éloigné de leur terre natale, afin d’éviter tout problème avec les autres femmes et fils de mon arrière-grand-père.
Arrivés dans ce petit village situé à 400 kilomètres de leur village natal,Mibuluétait dorénavant leur terre d’accueil. C’est là que mon grand-père grandit. Il n’avait que 7 ans lorsqu’ils y débarquèrent, sa tendre mère et lui.
Cette dernière, malgré son jeune âge, refusa catégoriquement les demandes de tous les hommes de ce village, traumatisée par le calvaire vécu comme cinquième femme de mon arrière-grand-père. Négligence, mépris, insultes, injustice, honte… étaient son lot quotidien. Elle éleva donc seule son fils, mon grand-père.
À seize ans, mon grand-père voulait lui aussi devenir menuisier, comme son défunt papa, mais dans ce petit village, les activités rurales les plus pratiquées étaient la pêche, la chasse et l’élevage. Il était rare de voir des gens capables de transformer l’arbre en bois pour la construction des maisons ou en faire des meubles et autres outils. Les maisons y étaient fabriquées avec des bambous.
Ainsi, mon grand-père y a grandi, pratiquant la pêche et la chasse comme tout le monde. Pourtant, comme on le dit souvent, les chiens ne font pas des chats ou encore les fruits ne tombent jamais loin de l’arbre. À dix-sept ans, son talent de menuisier se manifesta.
Avec ses amis, il allait souvent couper des arbres dans la forêt qu’ils taillaient ensemble, une fois revenus au village. Il commença à fabriquer des ustensiles de cuisine en bois dont les femmes ont besoin pour la cuisson et d’autres objets pour la décoration.
Au fil du temps, sa créativité aidant, il gagna en dextérité et en expérience. Sa réputation fit le tour des villages environnants. Il devint une référence en la matière. Sa mère était si fière de lui.
Son âge étant avancé, mon grand-père se vit en mesure de se marier pour fonder, lui aussi, sa famille. Une tâche pas facile pour lui, vu son affection et son attachement à sa mère. De son côté, sa mère craignait que son fils unique et bien-aimé soit tombé entre les mains d’une mauvaise femme qui pourrait ruiner sa vie.
C’était malheureusement un passage obligé. Mon grand-père devait se marier et voler de ses propres ailes. Alors, sa mère, qui voulait que son fils ait une très bonne femme pour assurer sa vie, tenta de lui choisir une jolie fille, polie et assidue au ménage, répondant au nom de Josée Nima.
Mon grand-père était élégant, le tombeur de toutes les femmes. Ce choix de sa mère allait susciter une grande polémique et de la jalousie au sein des jeunes filles du village.
Ma grand-mère, Josée Nima, était une femme bien préparée pour épouser un homme comme mon grand-père. Avec trois ans d’écart d’âge entre elle et mon grand-père, ils formèrent ensemble un joli couple exemplaire et admirable.
Après les hostilités du mariage, mon grand-père dut quitter le toit parental, la maison qui l’avait vu grandir. Trop pris par son travail de menuisier, mon grand-père ne pouvait plus rendre visite à sa mère comme d’habitude. Il revit ses visites à la baisse, trois fois par semaine, puis deux fois, et ensuite une seule fois, chaque week-end.
Pendant ce temps, sa mère commençait à souffrir, petit à petit, de la solitude, car elle était trop attachée à son fils. De vieux souvenirs de son passé et de ses blessures intérieures lui traversèrent l’esprit. Ces pensées mélancoliques lui causèrent des maux d’estomac auxquels on ne pouvait remédier, vu le manque de produits et de matériels médicaux appropriés au village.
Dans ses douleurs, elle passait des nuits blanches en larmes, se lamentant, sans le révéler à son fils. Quand son fils arrivait le week-end, elle donnait l’impression d’avoir bonne mine, cachant l’état de son cœur rempli d’amertume. Nonobstant ses douleurs, sa seule joie était de voir son fils être heureux dans les bras de cette femme qu’elle lui avait choisie.
Quelque temps plus tard, ma grand-mère, l’épouse de mon grand-père, tomba enceinte. C’est cette grossesse qui donna naissance à ma mère. Très bonne nouvelle pour la mère de mon grand-père.
Quelques mois après, elle tomba sérieusement malade au point d’être clouée au lit, se faisant soigner par des médecins traditionnels, avec des médicaments fabriqués à base de plantes naturelles.
Pendant ce temps, mon grand-père était départagé entre suivre de près sa mère malade et sa femme enceinte, déjà à terme.
Un certain 4 avril, ma grand-mère accoucha d’une jolie fille, ma mère. Pourtant, cette naissance fut historique et tragique. Pendant sa grossesse, ma grand-mère souffrait d’une maladie inconnue. Les contractions de l’enfantement aussi étaient au rendez-vous. Cette douleur d’accouchement étant atroce, elle se fit emporter par l’hémorragie, juste après avoir donné naissance à ma mère. La nature ne lui avait pas permis de voir de ses propres yeux ni de toucher de ses mains cette mignonne fillette. C’était horrible pour mon grand-père de voir sa femme partir sous ses yeux.
Dévasté, ne sachant à quel saint se vouer, mon grand-père se retrouva entre se réjouir de la naissance de sa fille et s’enfoncer dans la tristesse causée par la mort inopinée de sa femme. Avec le poids de l’âge, quand sa mère convalescente apprit cette triste nouvelle, elle frôla une crise cardiaque.
Malgré la présence du nouveau-né, le sentiment de tristesse ne faisait que prendre le dessus au sein de la famille. Retour au bercail. N’ayant plus personne pour s’occuper de sa fille, moins encore pour le consoler en cette dure période de souffrance, mon grand-père regagna la maison de sa mère.
Il ramena avec lui sa fille, ma mère. Il la baptisa d’un double prénom, « Marie-Josée », en référence à sa femme brusquement disparue et à sa mère pour toute son affection.
Pour mon grand-père, ma mère représentait l’image de deux personnes importantes de sa vie, ce qui le rendait très pensif. Chaque fois qu’il se retrouvait seul, ses pensées allaient droit à sa regrettée épouse et, de l’autre côté, à sa mère, avec qui il a passé des moments difficiles de sa vie.
Ce fut dur pour lui de revivre avec sa fille dans la maison et le quartier de son enfance. Il avait du mal à s’adapter. Épris de l’absence de sa femme qu’il ne verra plus jamais, mon grand-père avait désormais la tête d’un déterré. Pendant une longue période, il resta sans force ni courage pouvant lui permettre de reprendre le chemin du travail.
Pour l’aider à faire bonne contenance, ses camarades d’enfance passaient de temps en temps prendre un verre de vin de palme avec lui. Pendant ce temps, sa mère s’était improvisée baby-sitter permanente de sa petite-fille. Elle était, en fait, devenue sa mère. Mais, comme leur coutume veut que le nouveau-né soit obligatoirement allaité au lait maternel, il y avait alors une dame qui venait aussi d’avoir un enfant. Cette dame passait de temps à autre chez mon arrière-grand-mère, pour allaiter Marie-Josée, ma mère.
Au fil des mois, ma mère commença à grandir. À une année, la môme marchait déjà et arrivait à prononcer certains mots. Sa grand-mère la transportait souvent au dos, enveloppée d’un tissu-pagne pour qu’elle ne tombe pas, et elles s’en allaient ensemble au champ.
Son fils, mon grand-père, commençait, lui aussi, à reprendre ses esprits, petit à petit. Avec le concours de ses collègues de service, il reprit son travail. Cette fois-ci, tous ensemble, ils se mirent à fabriquer de nouveaux articles en bois qu’ils allaient vendre dans des villages voisins, notamment à Idiofa, Kwilu, Kikwit, Bulungu, et ailleurs. Ils faisaient dorénavant de bonnes affaires et tout redevenait peu à peu normal dans sa vie.
Quant à sa mère, qui s’occupait régulièrement de sa fille, elle veillait à tous les détails. Sachant que ma mère, la petite fille d’une année et demie, aimait beaucoup manger de la viande fraîche, mon grand-père était obligé, malgré son travail habituel, de revoir son programme hebdomadaire pour consacrer deux jours à la chasse et la pêche, à la grande satisfaction de la petite carnivore, Marie-Josée.
Mon grand-père se battait les flancs pour nourrir sa mère et sa fille, les rendre heureuses après cet événement macabre. Sa mère aussi faisait de tout son mieux pour rendre son fils et sa petite-fille heureux, malgré l’absence de sa femme.
Mon grand-père pourrait-il se remarier ? Le doute se profile. Cette fois encore, sa mère pétoche. Elle craint que l’histoire se répète. Elle était dérangée et se demandait si c’était un mauvais sort, si c’était de la poisse que son fils et elle soient victimes d’amour. Son cœur était meurtri, malgré la bonne humeur qu’elle dégageait au quotidien.
De son côté, mon grand-père s’était fait le vœu de ne pas trahir sa défunte femme. Il avait juré de rester seul avec sa fille qui était, selon lui, l’incarnation de sa femme.
À l’âge de cinq ans, la pauvre orpheline de mère ne connaissait toujours pas sa vraie histoire. Elle appelait affectueusement sa grand-mère « maman », car elle n’a vu qu’elle, à ses côtés depuis sa naissance. Ni son père ni sa grand-mère n’ont su lui dévoiler tout ce qui s’était passé.
Elle était complètement ignorante. Il lui arrivait de prendre son propre père pour son grand frère, car tous les deux appelaient sa grand-mère « maman ». Toute l’affection maternelle lui avait été donnée par sa grand-mère.
Encore une nouvelle série dramatique. Cinq ans plus tard, le cancer attaquait à petit feu sa grand-mère. Ma mère avait alors dix ans et était déjà en mesure d’être au chevet de sa grand-mère qu’elle considérait comme sa mère biologique. Elle approvisionnait la maison en eau qu’elle allait puiser au puits, situé à 250 mètres de leur village. Elle savait déjà cuisiner. Bref, elle prenait soin de sa grand-mère comme une adulte.
Sa grand-mère était toute joyeuse de voir sa petite-fille prendre le relais du ménage, lui ramenant ainsi à manger et de l’eau à boire. Aussi, des soirées qu’elles passaient en vraies copines, autour du feu, en train de se taquiner mutuellement, discuter et se raconter des histoires à fous rires. Elles se faisaient des adieux sans le savoir.
Malgré le poids de la souffrance qui pesait sur son corps, les derniers instants passés avec sa petite-fille firent en sorte qu’elle quitta ce monde de vivants avec un sourire aux lèvres. Ce fut un certain mercredi, comme tout autre jour.
Mon grand-père quittait souvent la maison au lever du soleil, pendant que tout le village était calme. Il se rassurait premièrement qu’ils s’étaient suffisamment approvisionnés en eau et en nourriture à préparer pour la journée, lorsqu’il se rendrait au travail.
Avant de sortir de la maison, il préparait le petit-déjeuner pour lui, ma mère et sa mère. D’habitude, sa recette était composée de pains faits à base de farine de blé, accompagnés de bouillie de légumes. Le village n’était pas électrifié. Il les cuisait avec du bois, mais souvent, avec des tronçons d’arbres coupés dans la forêt.
Il s’assurait que les deux dormaient bien et leur faisait un bisou sur le front, en signe de protection et d’affection. Comme à l’accoutumée, ces mêmes rituels étaient accomplis ce mercredi-là, juste avant d’aller rejoindre ses coéquipiers dans leur atelier de menuiserie.
Ma mère se réveillait avant sa grand-mère pour faire le ménage. Ce jour-là, elle se réveilla, finit de faire la besogne, l’heure avançait et sa grand-mère ne se réveillait toujours pas. Elle alla lui jeter un coup d’œil. À première vue, elle semblait normale. Elle se dit au fond de son cœur : « Sûrement, grand-mère était trop fatiguée, après la longue journée d’hier. »