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Sur un ton à la fois tendre et poignant, "Et comme une évidence… " présente un bout d’histoire de treize destins croisés qui se frôlent et se mélangent. Cet ouvrage vous invite à plonger dans des récits vibrants aux chutes inattendues, émouvantes et caustiques. À travers l’insolite des situations et la douceur des protagonistes, il met à nu un tourbillon d’expériences où s’entremêlent envie, résignation, lutte et bonheur…
À PROPOS DE L'AUTRICE
Christine Serignac donne vie aux récits qui lui sont confiés, alliant avec finesse fiction et empathie. Après la publication de son ouvrage Mes 30 gourmandises en 2022 chez Éditions Il est Midi, elle présente son deuxième recueil de nouvelles intitulé "Et comme une évidence..."
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Seitenzahl: 60
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Christine Serignac
Et comme une évidence…
Nouvelles à savourer dans l’ordre
© Lys Bleu Éditions – Christine Serignac
ISBN : 979-10-422-2634-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Louis, à Juliette
et à toutes les personnes bienveillantes
qui me motivent.
Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous.
Paul Éluard
Son sac à dos était enfin prêt. Depuis le temps qu’il le préparait ce voyage, un peu comme une initiation logiquement réfléchie, travaillée, assimilée.
Il ne lui manquait que de trouver les bonnes chaussures, confortables, montantes, mais pas trop, avec des petits crampons pour une parfaite adhérence en montée sur les cailloux pouvant devenir lisses sous la pluie… La pluie à cet instant précis tombait aussi dehors de façon drue et elle doublait d’intensité à chaque coup de tonnerre. Il était là, immobile à en ressentir la force, la fraîcheur malgré la fenêtre fermée et s’imaginant sous tente bivouaquant dans des endroits beaux, mais perdus.
Se perdre était le but de ce voyage, son Saint-Jacques à lui en somme. Son trajet était dans sa tête depuis de longs mois, les étapes, les lieux où il s’endormirait éreinté, mais empli de cette énergie positive qui fait aller de l’avant. Ce break, il en avait besoin d’abord par la pensée. La construction de cette échappée belle avait commencé, il y a six mois.
Malgré les tentatives de découragement de certains de ses proches mettant sur cette aventure une définition de pure folie, il avait tenu bon en rétorquant que mettre sa vie entre parenthèses quelques mois à 35 ans était un rêve accessible et que rien ne l’en empêcherait. Sa vie était depuis quelques mois déjà entre guillemets dans une existence où il se sentait immobile, sans projet. C’était comme un sentiment de désespoir qui l’envahissait. Il était hors de question pour lui de n’être alimenté que par des tuyaux symbolisant ce lien à la vie qu’il refusait. Il avait besoin d’espace d’air où sa cage thoracique pourrait enfin se soulever lentement, mais avec puissance comme toute la jeunesse qui le caractérisait.
Tout d’abord, il a mûrement réfléchi à la destination. Les Cévennes seraient son décor. À la manière de Stevenson, mais sans âne, il fera là-bas son périple, son chemin de croix avec quatorze étapes. Lui, il leur donnait à chacune une signification de reconstruction. À chaque étape, une pierre de posée comme un kern personnel et lourd de sens. Trouver un nouveau sens à sa vie, relier son corps à son esprit.
Il allait tout plaquer, demander une année sabbatique après un long arrêt maladie était une équation normale. D’ailleurs après avoir été plaqué par sa compagne, il vivait depuis quelques semaines dans une sorte d’hôtel familial, style pension de famille, pour se reconstruire. Loin de sa famille toxique qui lui reprochait d’être à l’origine de sa rupture avec Clémence, il n’avait plus la force d’expliquer que la sérénité qui se dégageait de son prénom n’était qu’une couverture qu’elle avait préféré partager avec un autre. Mais il ne lui en voulait pas, les vies prennent des directions opposées et sans amertume, la bienveillance avait remplacé la colère. Il n’était plus le même mentalement et physiquement, c’était ainsi.
L’achat du matériel s’est fait via internet, loin de toute grande ville, c’est le seul moyen que Pierre a trouvé pour constituer son barda. Faisant partie de cette génération qui n’a pas connu les douze mois de service militaire obligatoire, il s’imagine en Rangers sauvant le monde avec son sac à dos de compétition et tout ce qu’il contient : duvet, tente poids plume, nécessaire pour se nourrir, se laver et se changer. Bien sûr des haltes dans des gîtes sont calées, car dormir dans un bon lit et dîner en bonne compagnie d’autres randonneurs n’est pas exclu. Pierre n’a aucune intention de se couper du monde, loin s’en faut. Mais ce sentiment de liberté quand il pense à son départ le rend aérien, c’est comme s’il se trouvait sur un trampoline et qu’avec ses deux pieds, il donnait une impulsion pour s’élever toujours plus haut à chacune de ses pensées. Il aime s’identifier à une bulle suffisamment légère pour monter et suffisamment solide pour ne pas exploser en vol. Il ne veut plus être pris par cet état de dépression que la rupture assimilée à un accident de vie a provoqué.
Allongé dans son lit, les mains derrière la nuque, il attendait juste le feu vert pour caler la date de son départ. Il lui manquait deux à trois détails pour le finaliser. Sa voisine de chambre, Odette, petit bout de femme de 80 ans l’encourageait depuis le soir où le moral en berne, elle avait écouté ses malheurs, ses projets, assis tous les deux à la tisanerie. « Ici pas d’alcool, que du bio et du sain ! » Cela les faisait rire d’avoir créé ce slogan à un moment où un bon verre de vin, une cigarette et une nuit torride l’auraient bien rasséréné.
Elle est toute mignonne avec ses 1,50 mètre, elle est une petite bonne femme énergique. Ancienne fille de résistante, elle raconte avec passion à Pierre les récits narrés par son père en cette période trouble. Elle s’insurge contre les mauvaises manières des gens d’aujourd’hui et se montre maternante quand Pierre lui raconte sa vie. Elle, elle est là pour se reposer comme chaque année. C’est son lieu de villégiature. Un petit mois et elle repart à Paris où elle vit près de sa fille qui a repris sa boutique de fleurs. Cette année elle est venue seule, Jacques son époux a pris une autre direction il y a six mois, il vit maintenant Boulevard des allongés, et le comble est qu’il se trouve au Père-Lachaise. « Drôle, non ? » lui dit-elle. Elle n’est pas triste, ayant vécu des années de bonheur intense. Ce souvenir la nourrit et elle ne veut pas que le chagrin et la peine l’envahissent. C’est cette leçon de vie qu’Odette donne à Pierre. « Avec un prénom pareil, c’est construire qu’il faut que tu fasses ? Ne laisse aucun terrain en friche, il faut toujours y planter un sentiment positif. Les accidents de la vie doivent être des expériences et non des échecs », lui dit-elle. Et pour le faire sourire, elle lui explique qu’elle s’appelait Odette Lépine, ancienne fleuriste et que son mari lui a donné celui de Terreau.
Ce matin-là, il l’a entendu venir, le métal de sa canne sur le sol et son pas particulier lui sont arrivés à l’oreille avant le tambourinement de ses doigts frêles contre la porte. Elle vient comme un soutien, comme une béquille. Elle rentre, vient s’asseoir en silence sur le fauteuil de sa chambre. La pluie vient de s’arrêter. Comme un signe le soleil timide se montre au travers d’un arc-en-ciel. C’est un jour particulier.